La fabrication d'un instrument ancien à clavier fait appel à de nombreux savoir-faire en ébénisterie, en mécanique ou en menuiserie.

La fabrication d'un instrument ancien à clavier fait appel à de nombreux savoir-faire en ébénisterie, en mécanique ou en menuiserie. Christopher Clarke est spécialisé dans les instruments dits "expressifs" du XVIIIe et début du XIXe siècle (piano-fortes et clavicordes), l’avant-période de l’industrialisation de la facture instrumentale. Aujourd’hui une vingtaine d'ateliers de facteurs et de restaurateurs spécialisés dans ces types d'instruments à claviers existent encore dans le monde ; une bonne partie d’entre eux utilise des matières modernes primant le travail mécanique. Christopher Clarke travaille le plus fidèlement possible dans le respect des règles de l’époque. Il est l’un des seuls au monde à fabriquer des clavicordes et des piano-fortes dans le respect absolu de leurs modèles d'époque. Pour la bonne sonorité d’un instrument, il applique rigoureusement les techniques et les matériaux d’autrefois. Il est capable d’analyser et de maîtriser le son, de l’accorder, de l’harmoniser et de le régler.

Pour la restauration d’un instrument, Christopher Clarke remplace et répare des pièces défectueuses par greffage par exemple en utilisant les mêmes matériaux et outils de l’époque. Il ne cautionne pas les consolidations qui sont étrangères à la conception initiale de l'instrument.

La fabrication d'une copie de piano-forte nécessite entre 1500 et 2500 heures de travail. Christopher Clarke commence par choisir le bois scié en planches auprès de ses fournisseurs principalement locaux. Ce bois est ensuite vieilli sous couvert à l’extérieur pendant plusieurs années afin de le libérer de ses tensions internes. Les saisons passent… le bois devient de plus en plus sec.

Christopher Clarke insiste sur l’importance dans le choix des qualités du bois ; selon lui, c’est la matière qui commande l’homme dans la facture instrumentale. Il établit une liste détaillée des composants de son instrument. Puis il choisit le bois en fonction de son rôle à jouer. Il étudie pour cela les qualités du bois sur la partie adéquate de l’instrument ; la matière de chaque pièce est ainsi définie et déterminée.
Vient ensuite l’étape du débitage. Les bois sont débités et dégrossis en éléments tels que fonds de pianos, couvercles ou placages aux dimensions plus épaisses que les dimensions finies puisqu’ils se libèrent progressivement de leurs tensions internes. Une marge est ainsi nécessaire… Ils sont ensuite rabotés à l’aide des machines. Une salle de chauffage adaptée à la vie future de l’instrument permet aux pièces en bois constitutives de l’instrument de sécher pendant plusieurs mois. Le bois brut séché à l’air et débité en planches est ramené à une humidité de l'air de 35% environ ; l’instrument se trouvera dans les conditions optimales d'humidité d’un appartement privé.
Puis c’est la mise en œuvre des éléments de l’instrument. Christopher Clarke commence par les jointures des planches en bois afin de les assembler entre-elles pour en faire des couvercles, des fonds, des tables d’harmonie, des claviers, etc. Elles sont jointes avec exactitude à la varlope puis
collées à chaud avec une colle à la gélatine. L’ensemble des éléments est ensuite raboté à la main. L’étape de la charpente de l’instrument est essentielle parce qu’elle va supporter plusieurs tonnes de tension (un piano viennois par exemple nécessite une charpente importante montée par un système d’assemblage en queues d'arondes, mortaises, tenons). Dans un piano viennois, cette charpente est construite sur un fond (un peu à la manière d'un bateau). Elle porte ensuite divers éléments:

- Le sommier de cheville est une pièce maîtresse réalisée en début de construction avec un décor de finition en placages de bois précieux. Il assure la tenue de l’accord de l’instrument et supporte plusieurs tonnes de tension provenant de la traction des cordes. Sa texture permet à la fois un serrage ferme et une rotation aisée puisque les chevilles qui tendent les cordes y sont enfoncées dans un trou à petit diamètre. La capacité du bois à retenir la tension de la corde assure la longévité de l'accord du piano. Par contre si le bois n'assure plus cet effet, la cheville tournera dans le bois, baissant la tension de la corde et détruisant ainsi l'accord de la note.

- La table d’harmonie, collée sur la surface supérieure de la charpente, assure l'audibilité du son. Elle est formée par assemblage de fines planches d'épicéa ou de sapin débitées sur quartier c’est-à-dire radialement par rapport au tronc de l'arbre. Ces planches sont collées les unes-aux-autres pour former une surface large. C’est la table d’harmonie qui traduit les vibrations des cordes à l'air. Ses caractéristiques influencent la qualité et le timbre de l'instrument. Sur cette table est collé le chevalet. Cette pièce en bois à la forme courbée transmet l'énergie de la vibration des cordes à la table d'harmonie et assure au même moment leurs bonnes longueurs de vibrations. Les pointes en laiton plantées au-dessus du chevalet déterminent plus précisément les longueurs vibrantes des cordes. Les positions de ces cordes sont ainsi déterminées avec grande précision. Les avant-trous sont percés à l'aide de la perceuse à arc et les pointes sont chassées dans les trous. En-dessous de la table sont collées les barres en épicéa qui permettent de maintenir la charge verticale des cordes sur le chevalet et d'aider la propagation des vibrations à travers la table.

- Le sommier d'accroche s'étend sur toute la longueur de la partie courbe de la charpente. Il est muni de pointes sur lesquelles sont attachées les arrières des cordes grâce aux bouclettes torsadées dans leurs extrémités. Ensuite vient l’étape de l’habillage de la caisse. Les éclisses, planches de bois simples, éventuellement cintrées ou en lamellé-collées, sont préalablement plaquées en bois précieux formant le décor du meuble de l'instrument. Les placages utilisés sont débités par sciage; les plus petits sont souvent débités à la scie à ruban dans l'atelier alors que les plus grands sont confiés aux spécialistes du travail à la scie au bois montant. Le choix des essences, des dessins, des assemblages est déterminant dans l'aspect de l'objet. Il faut travailler à la fois dans le respect rigoureux du style de l'instrument de l'époque mais aussi s'accorder une liberté de choix parmi les dessins proposés par chaque feuille de placage ; il est important ici de faire jouer la vivacité de son esprit. L'instrument sera-t-il utilisé sur scène ? Si tel est le cas, les motifs seront alors lisibles à distance ou au contraire uniformes pour la mise en valeur des formes du meuble. Si l'instrument est destiné à une utilisation plus intime, les décors peuvent être alors en marqueterie très détaillée. Le choix est généralement établi en concertation avec le client en fonction de ses goûts.
Une fois assemblés, les placages sont collés à la colle chaude aux éclisses dans des châssis ou dans une presse à plaquer. Les éléments de couvercle en bois massif avec les alèzes sont plaqués de la même manière.
Après un séchage complet sous presses, les éclisses sont soigneusement raclées et poncées. Les parties intérieures sont vernies. Puis ces éclisses sont collées en place autour de la charpente de la caisse et les éventuels raccords sont mis en place. Les imperfections dans le placage sont réparées avec les inserts dans la même matière ; si ces imperfections sont mineures, elles sont alors remplies à la gomme laque. Les chants sont plaqués et nettoyés. Le tout est poncé avec un papier à grain 400. Le meuble de l’instrument de musique apparaît enfin. Vient ensuite la mise en cordes de l'instrument. Les cordes en fer, en laiton jaune et rouge, les cordes filées pour les notes graves (une spire de fil en cuivre entoure une âme en fer ou en laiton afin de le lester) sont utilisées pour les piano-fortes. Les cordes sont enroulées sur les chevilles. Elles sont attachées aux pointes d'accroches par des bouclettes qui passent par le sillet (petit chevalet se trouvant sur le sommier d'accroche) et le chevalet de la table d'harmonie. Les cordes restent sur l’instrument pendant plusieurs mois pour s’adapter au bois et développer des harmoniques intéressantes.

Christopher Clarke s’attarde sur les finitions de l’instrument par le ponçage et le vernissage. Après le dernier passage du papier en verre très fin, les pores du bois sont remplies avec de la poudre de pierre ponce, de la brique ancienne pilée, des encollages de gélatines, etc. Une finition protectrice est ensuite déposée sur la surface du bois. Ainsi, l’instrument est protégé des agressions extérieures. Cette couche protectrice peut être de la cire (le "ciré-rempli"), de la gomme laque appliquée au tampon (le "vernis au tampon") ou au pinceau, de l'huile siccative appliquée au tampon ou des vernis gras au pinceau. Chaque style d'instrument et chaque époque demande des finitions spécifiques.

- La mécanique de l’instrument. Le clavier est composé primitivement de planches d’épicéa ou de tilleul collées les unes à côté des autres et montées sur un châssis. Les touches vont basculer sur un bloc de balance et seront guidées à l’avant ou à l'arrière grâce aux pointes de guidage. Leurs dimensions sont marquées sur le panneau ; celui-ci est ensuite cloué provisoirement sur le châssis. Les trous des pointes de balance et de guidage sont percés à la fois dans les touches et dans le châssis. Certains de ces trous présents dans les touches recevront des mortaises; celles-ci étant réalisées dans le panneau. L'habillage du clavier est ensuite collé. Les pianos du XVIIIe siècle nécessitent souvent des garnitures en ébène puisque les marches sont noires. Au XVIIe siècle, les garnitures sont en buis, ivoire ou os (les plaques d’os ou d’ivoire proviennent du tabletier). Les plaquettes ébauchées en ivoire ou en os sont préalablement trempées à l’eau afin de les ramollir pour les travailler ensuite à l’aide du rabot. Elles sont taillées à l’équerre avec exactitude à la largeur voulue. Elles sont collées à la colle chaude avec des cales sur le panneau du clavier (d'abord les têtes, ensuite les queues). Le tout est raboté et poncé avec un papier à l'eau. Le clavier est ensuite découpé par le sciage des touches. Chaque touche est nettoyée à la vastringue, au ciseau et à la lime. Les bords des plaquettes des têtes sont arrondis à la lime puis poncés. Chaque garniture est ensuite polie. Le châssis est garni de ses pointes et les touches sont soigneusement ajustées. Les blocs de dièse en poirier brulé plaqués en os ou en ébène sont collés sur le clavier.

- Les pièces de la mécanique sont élaborées dans des bois appropriés (poirier, sorbier, érable, tilleul, etc.); le profil est établi avec des rabots, des gouges et des racloirs. Ces bois sont ensuite saucissonnés, puis rabotés, éventuellement percés dans des gabarits spéciaux. Les têtes de marteaux sont fabriquées et garnies avec de la peau de chamois ou de daim.

- Les finitions musicales permettent de bien accorder l’instrument et de s’assurer de son bon fonctionnement par une longue série de réglages. Vient ensuite la première harmonisation du son. C'est l'aboutissement musical de l'instrument. Le processus qui lui a précédé n'était que le support. L'harmonisation sert à égaliser les notes entre-elles dans des proportions musicalement cohérentes et agréables. Elle permet de trouver une sonorité à la fois nerveuse, dynamique, excitante mais aussi apaisante. Il s’agit de faire ressortir les qualités exceptionnelles enfouies dans l'instrument et de lui minimiser les défauts. La peau des marteaux est piquée avec les aiguilles afin de contrôler son élasticité et sa mollesse. L’instrument est rodé : il change énormément lors des premières heures de sa vie. Il a besoin d’une année entière pour se libérer entièrement. Il est important de laisser installer la souplesse de l’instrument qui dépend également des gestes du musicien. Dans les semaines qui suivent la première mise en jeu de l’instrument, il est nécessaire de procéder à plusieurs réglages, accords, harmonisations avec le musicien concerné. L’instrument peut alors enfin quitter l'atelier.

- Les bois

Les bois utilisés par Christopher Clarke proviennent principalement des régions françaises (chêne, tilleul, sorbier, poirier, sapin, épicéa, érable, noyer, merisier, etc.). Le sapin et l’épicéa par exemple proviennent du Haut-Jura, le chêne, le noyer et les autres essences viennent de la Bourgogne. Des essences exotiques telles que l’acajou de Honduras ou de Saint-Domingue sont disponibles parfois à Lyon ou à Paris dans les anciens stocks de certains marchands spécialisés. Certains matériaux se raréfient. Christopher Clarke a trouvé certaines essences en Grande-Bretagne parce qu’il n’en existe plus aujourd’hui en France. Le bois de cèdre de Virginie provenant des États-Unis est connu pour son élasticité. Il était utilisé pendant un siècle et demi pour la réalisation des tiges de marteaux des pianos anglais et français. Il est aujourd’hui en voie de disparition parce qu’il a été longtemps surexploité industriellement pour la fabrication de crayons à papier.

- L’approvisionnement

Christopher Clarke a des difficultés à s’approvisionner en palissandre de Rio, en acajou de Cuba ou en ivoire. Ces matériaux sont réglementés par la convention de Washington. Certaines restaurations de pianos anciens demandées par les musées nécessitent pourtant l’utilisation de matériaux d’origines tels que l’ivoire pour les claviers par exemple. L’utilisation de 20 grammes d’ivoire de récupération abattu depuis plus de 200 ans devrait selon lui être l'objet d’assouplissements administratifs et douaniers. Les musées lui fournissent parfois des stocks d’ivoires saisis par les douanes pour la réalisation de ces claviers.

- Les marteaux de pianos

Christopher Clarke utilise de la peau de chamois, reconnu pour sa douceur et son élasticité permettant de taper dessus sans la tasser. Ces peaux de chamois sont réalisées par tannage à l’huile, un procédé artisanal qui nécessite la préparation initiale de la peau imprégnée d’huile de poisson puis battue et empilée. Six semaines sont nécessaires pour obtenir le résultat final. En France, les peaux de chamois ne sont plus réalisées selon ce même procédé artisanal. Elles sont faites industriellement et prêtes en quelques jours. Elles ont perdu de leur élasticité et sont facilement écrasables. Une peau inélastique rend impossible la réalisation d'un beau son quelque soit la qualité des pièces confectionnées. Christopher Clarke s’approvisionne aujourd’hui auprès de l’une des dernières entreprises artisanales en Autriche. Pour les feutres de pianos romantiques, il s’adresse également auprès de l’une des dernières entreprises artisanales de feutres en Italie. Ces feutres utilisés des les années 1830 et 1840 étaient doux et élastiques. Aujourd’hui ils sont remplacés en grande quantité par les feutres industriels aux propriétés moins élastiques et traités avec des produits chimiques.

Christopher Clarke possède un outillage éparpillé de-ci-delà dans son atelier dont la superficie est de 400m². Pour le travail manuel du bois à l'établi, on trouve des dizaines de rabots de différentes formes et dimensions, mais aussi des ciseaux, couteaux, gouges, scies, règles de différentes mesures (en pieds et en pouces viennois par exemple pour les copies des instruments viennois), équerres, varlopes, etc. Pour le travail du métal, ce sont les laminoirs, enclumes, marteaux, limes, pinces, alésoirs, etc. Pour le travail des parties instrumentales, ce sont les clés d'accord et toutes sortes d'outillages de fabrication et de réglage. Christopher Clarke est attaché à certains outils :

- Les rabots fétiches par exemple proviennent de l’Écosse. Ils ont plus de 150 ans d’âge. Ils sont formés d’une lame de métal inclinée et ajustée dans un corps en fer assemblé aux queues d'arondes refermant du bois de palissandre de Rio. Le tranchant dépasse très légèrement. Le rabot est tenu fermement à une ou deux mains dans des mouvements rectilignes successifs jusqu’à l’obtention du résultat souhaité. Il permet d’aplanir et de diminuer la surface du bois. On obtient ainsi des copeaux. Plus ce rabot est épais et lourd et plus le rabotage peut être précis.

- La varlope est un rabot en bois de forme allongée munie d’une poignée. Elle permet d’affleurer les surfaces des planches en bois destinées à être collées ensemble. Une fois ces surfaces mises les unes contre les autres, un joint légèrement creux apparaît. La colle est ensuite appliquée aux surfaces joignables. Puis les planches sont serrées à l'aide d’un serre-joint. Une fois les planches assemblées, elles sont rabotées avec un rabot à finition ce qui rend le joint invisible. La maîtrise de cet outil nécessite plusieurs années de pratique.

- La perceuse à arc utilisée dans l’Égypte Antique permet de réaliser des trous très précis pour le passage des pointes qui guident les cordes du piano. La bobine fixée sur l’axe de l'outil est entourée par le boyau de l’arc et tourne en rotation lors du mouvement de va-et-vient de cet arc ; la mèche fixée au bas de l'axe perce le trou souhaité.

Christopher Clarke possède un grand nombre d'appareillages et de machines: un châssis à plaquer, une grande presse à plaquer fabriquée à partir d'un mécanisme de pressoir à vin et de plaques de blindage datant de la Seconde Guerre Mondiale, des tours des années 1920 pour la fabrication des pièces en bois et en métal, le cabinet "Sorbonne" provenant du Faubourg Saint-Antoine à Paris pour le chauffage des cales et des pièces précédents le collage. Le banc de tréfilage réalise les cordes des pianos et les pointes des chevalets. Elle réduit la section d’un fil en métal par traction mécanique. Ce fil est au départ épais de 3mm. Il peut être tréfilé jusqu’à 1 millimètre de diamètre ou moins. Celui-ci passe ensuite dans une filière qui lui impose une déformation par réduction de section (ou écrouissage). La filière est abondamment lubrifiée pour assurer un bon état de surface du fil métallique et un refroidissement mais aussi pour contrer l'échauffement provoqué par l'écrouissage du métal. On trouve également une ancienne machine à filer les cordes provenant des établissements Gaveau. Elle avait été fabriquée par les établissements Léon Pinet spécialisés dans les fournitures de pianos. Les cordes sont torsadées avec du cuivre pour les notes graves du piano ; elles sont lestées afin de faire vibrer lentement le son. Le moteur, la variation de vitesse, la pédale permet de tourner l'âme entre les croches pour l’entourer de fil de cuivre.
La machine à garnir les marteaux a été fabriquée par Christopher Clarke. Il s’est inspiré du modèle d'une machine présente au Musée de la Musique à Paris. Au XVIIIe siècle jusqu’au début du XIXe siècle, les marteaux étaient recouverts de peaux de chamois. Ces peaux étaient remplacées par des feutres à partir des années 1830. Ces feutres sont difficiles à poser à la main sur les marteaux parce qu’elles sont sous-tension. Elles cassent facilement la fine lame de bois constitutive du noyau de la tête des marteaux d’où l'invention d’une machine aux bras articulés permettant d’ajuster la garniture à la tête du marteau.

Christopher Clarke est l’un des seuls au monde à fabriquer à haut niveau des instruments anciens à claviers de la période du XVIIIe siècle et du début XIXe siècle (clavicordes et piano-fortes).

Christopher Clarke s’est installé à Cluny en 1986. C’est Pascal Cranga, délégué SEMA départemental de la Saône et Loire, facteur et restaurateur d’instruments de musiques qui l’a incité à s’installer dans la commune de Donzy puis de Cluny. Une grange a été aménagée en atelier par le village pour l’accueillir. Christopher Clarke a donc loué cet atelier de 400 m² pendant 15 années avant de le racheter.
C’est à partir des années 1970 que son talent s’est confirmé dans le monde entier.

Christopher Clarke a appris à travailler le bois à 24 ans. Il a le souci de transmettre et de partager sa passion pour susciter l’envie aux jeunes d’exercer son métier. Il évoque l’intelligence de la main nécessaire pour maîtriser le savoir-faire, le travail du bois et l’utilisation des outils adéquats. Il obtient le titre de Maître d’Art en 2006 lui permettant d’accueillir Matthieu, son élève. Après avoir bénéficié d’un stage et d’une bourse SEMA, Matthieu entame sa troisième année de perfectionnement auprès de Christopher Clarke. Il acquiert un maximum de compétences dans le métier parce qu’il souhaite reprendre l’activité de son maître. Dans son atelier situé à l’étage, il construit avec précision une copie d’un clavicorde de 1772 de Friederici qui se trouve au Musée de la Musique. Ce clavicorde est entièrement plaqué de bois de ronce de noyer au couvercle rehaussé de filets en bois de rose et en palissandre. Il souhaite maîtriser l’ensemble des disciplines de la facture instrumentale telle que la mécanique, l’ébénisterie, le vernissage, l’harmonisation, etc. Il est conscient que la haute qualité de Christopher Clarke est de maîtriser toutes ces catégories de métiers. Matthieu s’est d’ailleurs découvert un talent dans le vernissage ; son maître n’hésite pas à lui confier en toute confiance le vernissage des pièces qu’il confectionne.

La facture des instruments à clavier s’est toujours développée dans les grands lieux citadins. À la fin du XVIIIe et au début du XIXe, elle était tout particulièrement organisée à Londres, à Vienne et à Paris. Ces instruments étaient des objets luxueux convoités par les nouvelles classes bourgeoises. Les facteurs exerçaient leurs savoir-faire seuls ou dans de petits ateliers de dix ouvriers. À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, les artisans ont commencé à travailler sous un même toit puis à se regrouper en manufactures avec plusieurs dizaines ou même plusieurs centaines d'ouvriers.
Le facteur de pianos par exemple a longtemps résisté à l’arrivée des machines pour le travail mécanique de la menuiserie. Puis l’utilisation des machines à grande échelle a commencé aux États-Unis avant de se répandre en Europe pendant la deuxième moitié du XIXe siècle. Les procédés industriels ont changé la nature des instruments de musique avec la possibilité par exemple de fabriquer industriellement des pièces métalliques ou en bois. C’est ainsi que les petits ateliers de facteurs ont disparus au profit d’une industrie prépondérante. Les usines produisaient des instruments de toutes les qualités à grande échelle et à moindre coût puisqu’elles réalisaient des dizaines de milliers de pianos par an. Par cette mécanisation, il s’agissait de rendre accessible ces instruments aux classes populaires.
À la fin du XIXe siècle, un engouement pour les instruments du passé a laissé entendre que la musique ancienne écrite depuis plus de 100 ans était desservie par les pianos actuels fabriqués de surcroît industriellement. Certains facteurs français et anglais réalisent alors en petites séries des restaurations et des copies de clavecins et parfois des pianos anciens de 1800 pour satisfaire l’intérêt particulier des personnes à la quête d’un renouveau. Certaines usines entament la fabrication de clavecins par des moyens industriels durant la première moitié du XXe siècle souhaitant faire valoir la continuité de leurs productions à grande échelle. Vers les années 1950, des pionniers fabriquent à la main de véritables copies d’instruments anciens notamment de clavecins. L’intérêt de jouer de la musique ancienne sur de vieux instruments est grandissant avec une explosion dans les années 60. Puis c’est l’apogée dans les années 80.
De nos jours, le pianoforte a toujours été en retrait par rapport au clavecin parce que son répertoire se jouait avec succès sur les pianos modernes. Les mauvaises restaurations et copies de pianos anciens ne donnaient pas une bonne image de l’instrument (sachant que les restaurer étaient plus difficile que pour un clavecin). Les musiciens voulaient redonner de l’engouement pour ces instruments dans les années 70 : la musique écrite pour des pianos anciens se jouait finalement sur des pianos d'époque ou sur des copies.

Dès son plus jeune âge, Christopher Clarke adorait bricoler. Il se voyait devenir ingénieur mais les cours de mathématiques ne lui convenaient pas. Durant son année de rattrapage, il a suivi un stage dans une entreprise d’ingénierie mécanique à Édimbourg. Il a appris tout comme les apprentis de cette entreprise à travailler avec précision et exactitude. Puis il a obtenu une licence en sciences humaines à l’Université d’Édimbourg. Parallèlement à ses études, il suivait des cours du soir en orfèvrerie et bijouterie lui permettant ainsi de parfaire les détails les plus minutieux (une expérience qu’il utilise encore aujourd’hui). Puis il décide de devenir conservateur de musées. Il est embauché par le musée municipal à Sunderland, au nord de l’Angleterre. Il est attiré par les collections des instruments de musique et obtient une bourse pour étudier au Musée de Nuremberg en Allemagne pendant 5 mois. Il y découvre pleinement sa passion pour la facture instrumentale. À son retour en Grande-Bretagne, il est embauché par l'Université d’Édimbourg à temps partiel, en tant que conservateur adjoint du Russell Collection of Harpsichords and Clavichords. Il travaille ensuite à temps plein dans l'atelier et au musée Adlam Burnett au sud de l’Angleterre. Pendant 4 ans, il acquiert ainsi les bases du métier et apprend à travailler le bois et à utiliser les outils adéquats. Il s’est vu confier plusieurs instruments provenant des collections nationales. Il a alors 31 ans. Avec deux amis, il s’installe à Paris en 1978. Ils ouvrent un atelier de facture instrumentale dans le faubourg St-Antoine "Les Tempéraments Inégaux". Puis avec le temps, ils décident de poursuivre leur parcours en solitaire. Aujourd’hui, les références de Christopher Clarke sont nombreuses : les CNSMD de Paris et de Lyon, la Finchcocks Collection, Pierre Goy, Christopher Hogwood, l'Institut de Musique Ancienne de Saintes, Yoshiko Kojima, le Musée de la Comédie Française, le Musée de la Musique à Paris, le Musée d'Unterlinden à Colmar, la Russell Collection of Harpsichords & Clavichords à Edimbourg, le Victoria & Albert Museum, le Vleeshuis Museum à Anvers, le Musée Historique de Lausanne, Andreas Staier, Jos van Immerseel, etc.

- Réseau de professionnels

Christopher Clarke est inscrit sur l’Annuaire Officiel des Métiers d’Art de France (www.annuairemetiersdart.com) et sur l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel du Ministère de la Culture. Il a obtenu plusieurs distinctions :

- Prix Départemental de la SEMA, Yonne, 1985

- 2ème Prix Régional de la SEMA, Bourgogne, 1986

- Maître Artisan en 1991

- Lauréat, prix Bettencourt "Pour l'Intelligence de la Main", 2000

- Nommé Maître d'Art, Ministère de la Culture, 2006

- Centre de ressources de l’Institut National des Métiers d’Art (INMA)
23, avenue Daumesnil – 75012 Paris. Tél. : 01 55 78 85 85. info@eurosema.com

Christopher Clarke constate l’absence de formations appropriées sur les techniques manuelles du bois. Il est difficile de comprendre selon lui la matière et de perpétuer le savoir-faire sans acquérir les notions gestuelles et l’utilisation des outils adéquats.
Selon lui les matériaux disparaissent progressivement :

- La colle de peau lapin et la colle de poisson étaient utilisées pour assembler le bois. Aujourd’hui les fabricants français ont disparu et les pièces sont collées avec des colles de provenances étrangères qui n’ont pas la même efficacité et ne permettent pas d’obtenir le rendu final d’origine. Certaines de ces colles existent néanmoins en grande quantité dans l’industrie pharmaceutique. Elles ne peuvent pas être fournies en faible quantité. Pourtant la quantité de colle utilisée par les artisans d’art est dérisoire par rapport à cette industrie (soit 1 kilo par an pour la colle de poisson par Christopher Clarke) ; les fournisseurs ne sont donc pas intéressés par cette demande. Le phénomène de la vache folle a par ailleurs conduit à des restrictions au niveau de la gélatine utilisée pour les colles plus courantes; beaucoup d'entre elles ne sont plus commercialisées.

- Les cuirs traditionnels disparaissent. Les savoir-faire ancestraux des tanneurs sont remplacés par les procédés industriels. Les tanneries artisanales ont drastiquement cessé leurs activités compte tenu des règlementations sanitaires ou des rachats et rationalisations d’entreprises par les industriels. On trouvait plus de 300 tanneries en Allemagne dans les années 70 ; aujourd’hui, il n’en reste pas moins d’une vingtaine. En France avec la disparition des ganteries, les mégissiers et chamoiseurs ont pour la plupart cessé leurs productions.

Selon lui pour le respect éthique de la restauration et pour la réussite musicale de la copie d’un instrument, il est important d’appréhender les matériaux et les outils d’origines. Cependant, il est difficile aujourd’hui de trouver les métaux nécessaires à la facture instrumentale. Par exemple, les vis en métal à têtes fendues utilisés pour assembler le bois ne sont plus fabriquées et sont remplacés aujourd'hui par des vis cruciformes qu’il faudrait selon Christopher Clarke dénicher dans les anciens stocks des arrières boutiques de quincailleries. Les rabots ou autres outils à la main que l’on trouve actuellement sur le marché ne sont pas toujours appropriés au métier de la facture instrumentale selon lui parce qu’ils sont la plupart du temps fabriqués à la chaîne par des fabricants qui ne savent pas à quels fins ils seront utilisés.

Personne(s) rencontrée(s)

- Christopher Clarke, facteur d'instruments anciens à claviers

Localisation (région, département, municipalité)

Bourgogne, Saône et Loire, Donzy-Le-National

Adresse : L'Epinet - 71250
Ville : Donzy-Le-National
Code postal : 71 250

Téléphone : 03 85 59 60 88
Adresse de courriel : christopher.clarke@wanadoo.fr

Dates et lieu(x) de l’enquête : 10 novembre 2009, Donzy-Le-National, Bourgogne
Date de la fiche d’inventaire : 02 décembre 2009
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Lamia Gabriel
Nom du rédacteur de la fiche : Lamia Gabriel
Nom du photographe : Lamia Gabriel

N° d'inventaire Ministère Culture :  2009_67717_INV_PCI_FRANCE_00062
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2rb

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Christopher_Clarke_(Maitre_d'art)

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