La diversité des étapes, du plant de vigne aux modes de consommation, se fonde sur un processus d’élaboration qui s’articule autour de trois piliers : la distillation charentaise, par la production d’un vin de base ; l’assemblage, par l’élevage des eaux-de-vie ; la mise en cohérence du contenu, par l'adaptation du design au mode de consommation de chaque cognac.

L’élaboration du cognac, eau-de-vie de vin distillée deux fois en alambic charentais, est un processus patient et collectif, qui s’est construit par la transmission des savoir-faire depuis le XVIIe siècle.
La diversité des étapes, du plant de vigne aux modes de consommation, se fonde sur un processus d’élaboration qui s’articule autour de trois piliers : la distillation charentaise, par la production d’un vin de base ; l’assemblage, par l’élevage des eaux-de-vie ; la mise en cohérence du contenu, par l'adaptation du design au mode de consommation de chaque cognac.

L’empirisme et la transmission orale, perpétués de génération en génération et appuyés sur des traditions viticoles et un négoce structuré in situ dès l’origine, sont les fondements identitaires de la communauté. Cette tradition s’appuie sur une alliance entre des savoir-faire viti-vinicoles locaux et une culture marchande apportée depuis le XVIe siècle par les négociants étrangers (hollandais, anglo-saxons, norvégiens...), qui a toujours été fondée sur une logique d’échanges et de complémentarités. Cette création conjointe a façonné une communauté multiculturelle.
Chaque savoir-faire participe, selon des méthodes et une temporalité qui lui sont propres, de la même recherche : pérenniser le profil organoleptique de chaque cognac, en assurant le bon équilibre entre respect de la tradition et renouvellement par la révélation du potentiel aromatique du vignoble. Son élaboration est ainsi ressentie comme une œuvre collective.

La communauté du cognac est composée d’une diversité de praticiens qui interagissent les uns avec les autres de manière durable, ainsi que de tous ceux (amateurs, familles...) qui, en France comme à l’étranger, partagent la culture du cognac. Comme le montre le schéma ci-dessous, les différents praticiens et amateurs se répartissent, sans hiérarchie entre eux, en fonction de leur rôle et de l’apport de leur savoir-faire sur la transformation du vin en eau-de-vie de cognac. Ses membres (hors amateurs de cognac) forment une communauté totale de 60 000 personnes, qui en vivent de manière directe ou indirecte.
La communauté s’est naturellement et historiquement organisée en quatre cercles concentriques et systémiques afin d’apporter collectivement une réponse à un objectif partagé : produire et partager avec le consommateur l’eau-de-vie de vin la plus qualitative possible.

Le premier cercle, noyau de la communauté, englobe l’ensemble des savoir-faire en lien direct avec la matière première : le vin. Il s’étend de la conduite du vignoble par les viticulteurs à l’assemblage des lots d’eaux-de-vie par les maîtres de chai, en incluant le savoir-faire de la distillation charentaise. Il représente en 2018, selon les données du Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC), 4280 exploitants agricoles (dont 3518 viticulteurs bouilleurs de cru et 762 viticulteurs livreurs de vin), ainsi que 117 distillateurs de profession, distillant leur propre production ainsi que celles d’autres viticulteurs de l’aire d’appellation. 271 maisons de cognac, de type familial ou appartenant à de grands groupes, travaillent en partenariat, souvent depuis plusieurs générations, avec des lignées privilégiées de viticulteurs (conseils, échanges de bonnes pratiques, définition de la méthode de distillation …). Les maisons de cognac prennent le relai sur l’aval du processus : vieillissement et assemblage des lots d’eau-de-vie.
Un deuxième cercle inclut les savoir-faire associés, qui travaillent en interaction constante avec les praticiens du premier. Ses membres ont été intégrés au fil du temps, de l’évolution des pratiques, de leur installation sur le territoire et de leur rôle dans le processus d’élaboration. Certains participent à l’enrichissement aromatique des eaux-de-vie et à la bonne exécution des savoir-faire (pépiniéristes, œnologues, courtiers, agronomes, dinandiers, tonneliers, constructeurs de machines agricoles…). D’autres concourent à la mise en valeur du cognac par l’élaboration de vins de liqueurs obtenus par assemblage de cognac et de jus de raisin frais venant de la même propriété (Pineau des Charentes), par des liqueurs à dominante de cognac et par la mixologie. D’autres encore renforcent la singularité de chaque cognac par le packaging (verriers, décorateurs sur verre, fabricants d’écrins et de coffrets, bouchonniers, designers...). Les deux premiers cercles représentent 17 000 praticiens.


Les praticiens du troisième cercle (BNIC, fédérations et syndicats professionnels, tels que l’Union générale des viticulteurs du bassin de Cognac et le Syndicat des Maisons de cognac, collectivités territoriales, structures d’enseignement, d’œno/spiritourisme, de protection juridique, de communication...) interviennent pour faciliter la diffusion et le maintien de la vitalité de cette tradition par la mise en œuvre d’actions communes.

Le mode de fonctionnement repose sur un système décisionnel paritaire qui se caractérise par une très grande liberté dans l’exécution des savoir-faire et une validation collective des enjeux. Ainsi, le Cahier des charges de l’appellation d’origine contrôlée « Cognac », destiné à préserver la diversité des pratiques dans le respect de la tradition organoleptique, et auquel tous les membres de la communauté se réfèrent systématiquement, est le fruit des négociations entre toutes les parties. Il est considéré comme un dispositif régulateur créé par et pour la communauté : « c'est la constitution de notre petit pays » [2e réunion de grande communauté, atelier « La maîtrise de la protection de l’appellation », 30 octobre 2018, témoignage d’un viticulteur].
Le quatrième et dernier cercle est composé des habitants du territoire et des amateurs de cognac, sensibles aux différentes étapes (découverte in situ des savoir-faire, réalisation de films par les communautés, création de cocktails …) et qui partagent la culture du cognac. Cette dernière a été appropriée intellectuellement par certaines communautés. Par exemple, pour la communauté afro-américaine, le cognac est un moyen de se démarquer des communautés WASPs, traditionnellement consommatrices de whisky. Le cognac est devenu une source d’inspiration pour les artistes issus de ces communautés, comme les rappeurs, qui ont réalisé des créations musicales incluant de nombreuses mentions de ce spiritueux.
La communauté est pleinement consciente de l’importance de conserver cette multiplicité de praticiens, dans les biens, dans les crus, dans la mise-en œuvre des savoir-faire et dans l’accompagnement des nouveaux modes de consommation, afin de maintenir la vitalité du processus d’élaboration.

Les praticiens ayant travaillé collectivement à la définition de leur savoir-faire, selon le principe d’une personne égale une voix, les citations qui accompagnent les différentes rubriques sont anonymisées. Ce souhait est exprimé en ces termes par un des membres : « [nous sommes] une alliance de femmes et d’hommes aux compétences différentes qui poursuivent tous un même objectif : sublimer les qualités intrinsèques d’une matière première singulière » [1re réunion de grande communauté, atelier « La parité viticulture / négoce », 16 avril 2018, témoignage d’un cadre d’une maison de cognac].

 

Lieu(x) de la pratique en France

Le vignoble du cognac, qui représente 78 800 ha, est situé à la limite septentrionale du Sud-Ouest de la France (Nouvelle-Aquitaine), à proximité de la façade Atlantique, sur les départements de la Charente, de la Charente-Maritime et de quelques communes de Dordogne et des Deux-Sèvres. Il est traversé par le fleuve Charente, qui a favorisé l’exportation des eaux-de-vie et permis l’installation sur le territoire des négociants d’origine étrangère dès le XVIIe siècle.


À la suite de la crise du phylloxéra et à la demande du Département de la Charente, les contours des crus ont été officiellement définis, en s’appuyant sur l’étude menée par Henri Coquand à partir de 1858. En étudiant la géologie du bassin de Cognac, le scientifique a confirmé les découpages définis au préalable par les négociants et a établi un classement des sols en fonction de la typicité des eaux-de-vie qu’ils pouvaient produire. Ce travail a servi de base à la délimitation des six crus établie par décret en 1909. Ils sont structurés de manière concentrique autour de Cognac (Grande Champagne, Petite Champagne, Borderies, Fins Bois, Bons Bois et Bois ordinaires).
Le vignoble est revendiqué comme non délocalisable, avec une protection de l'actuelle aire d'appellation datant de 1938. Tous les savoir-faire nécessaires à l’élaboration du cognac sont localisés sur le territoire, formant un bassin autour de la ville de Cognac, qualifié de « territoire de compétences » [2e réunion de grande communauté, atelier « Le savoir-faire de l’habillage du produit », 30 octobre 2018, témoignage de la salariée d’une fédération professionnelle].

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

La communauté se sent membre des cultures viti-vinicoles françaises et internationales, dont elle partage un certain nombre de pratiques et avec lesquelles elle s’implique pour les protéger. Le vignoble du cognac s’investit depuis 2011 dans le Comité national des interprofessions des vins (CNIV) à appellation d’origine et à indication géographique.
En France, une seconde appellation d’origine contrôlée d’eau-de-vie de vin est celle de l’armagnac, élaborée dans les départements du Gers, des Landes et du Lot-et-Garonne. Les processus sont toutefois différents. Pour l’armagnac, le cépage dominant est le Baco 22 A, qui se conduit différemment de l’Ugni blanc, cépage majoritaire du cognac. L’armagnac est majoritairement distillé en alambic à colonne, dit de premier jet, par des distillateurs ambulants, allant d’exploitation en exploitation, alors que le cognac est distillé dans un alambic à repasse, par des distillateurs de profession ou des bouilleurs de cru.
À l’étranger, on peut mentionner, parmi les eaux-de-vie de vin, le brandy (Inde, Brésil...), l’aguardiente (Espagne, Portugal...), le pisco (Chili, Pérou), l’arak (Liban, Syrie, Jordanie, Israël), le raki (Turquie, Grèce, Albanie), le rakija (dans les Balkans), le divin (Albanie). Elles sont toutefois élaborées avec des cépages, des modes de production et des méthodes de commercialisation différents de ceux du cognac.

Le cognac est une production non délocalisable, remontant au XVIIe siècle. La première maison de cognac a été fondée en 1643. Il s’appuie sur la conduite d’un vignoble en blanc avec un cépage majoritaire, l’Ugni blanc, sur un sol à dominante argilo-calcaire.
Les eaux-de-vie obtenues selon le principe de la distillation charentaise (double distillation) sont vieillies a minima deux ans en fût de chêne sur l’aire d’appellation, dans des chais aux hygrométries variables et maîtrisées (secs ou humides), en fonction du potentiel d’évolution aromatique de chaque lot. Ces différents lots sont ensuite assemblés, en s’appuyant sur la singularité de chacun, afin de maintenir le profil organoleptique traditionnel, ou « signature » d’un cognac, qui peut remonter au XVIIIe siècle. La mise en bouteille, qui arrête le vieillissement au contact du verre, tout en conservant de manière pérenne les caractéristiques de l’eau-de-vie, permet de perpétuer le profil organoleptique spécifique de chaque cognac. Au sein de chaque maison, il n’y a pas un mais des cognacs, qui se déclinent selon des gammes. La composition organoleptique diffère selon les choix d’assemblage.
La pratique repose sur plusieurs facteurs identitaires : la prise en compte de l’apport du travail des générations précédentes, l’anticipation de l’avenir afin de pérenniser la signature propre à chaque cognac, une approche sensorielle où chacun apporte ses spécificités pour contribuer à la richesse et à la complexité aromatique des cognacs, le respect de la temporalité des autres savoir-faire et la maîtrise du temps pour répondre aux demandes des marchés : « c’est cette culture mêlant raffinement, expertise technique et maîtrise du temps que nous nous efforçons de transmettre aux nouvelles générations » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les pratiques d’assemblage et de dégustation », 16 avril 2018, témoignage d’un maître de chai].

Une tradition viticole spécifique

En 2019, le vignoble du cognac représente 10 % de la surface viticole française. L'emprise forte de la vigne sur le paysage, qualifiée d’« océan de vigne », signe la volonté de la communauté de le préserver d'un développement urbain trop important : « ce n’est pas rien d’hériter d’une tradition familiale qui en 2020 atteindra les 400 ans d’exploitation » [entretien complémentaire d’un viticulteur, 9 juillet 2019].
La production repose sur une tradition viticole spécifique et séculaire, fondée sur un sol à dominante argilo-calcaire non homogène, un cépage majoritaire et des pratiques culturales adaptées à une production de vin de base pour la distillation des eaux-de-vie de cognac.

L’Ugni blanc, planté à sa limite nord de culture, avec ses caractéristiques morphologiques (grosses grappes, baies rondes et charnues, pellicules épaisses…), donne un vin légèrement aromatique de titre alcoométrique moyen (entre 8 et 10 % d’alcool) avec une forte acidité. Il est accompagné de quelques cépages locaux, utilisés depuis le XVIIe siècle, aux propriétés organoleptiques approchantes : le Montils, la Folle Blanche, le Colombard et le Folignan.
La diversité des sols est utilisée pour apporter la complémentarité aromatique nécessaire aux eaux-de-vie de cognac. La cartographie du potentiel par type de sol a été définie par la pratique de la dégustation. Elle a permis aux négociants de définir leurs zones d’approvisionnement et de construire des partenariats durables avec les familles de viticulteurs.

1. Les spécificités du vignoble pour l’élaboration des eaux-de-vie de cognac

L’élaboration du cognac nécessite une multiplicité de savoir-faire, complémentaires et interdépendants. Cette multiplicité, alliée à une proximité spatiale, permet de répondre de manière ciblée et rapide aux demandes, tout en préservant la diversité des techniques qui assurent la qualité des cognacs.

− La pépinière viticole
Le savoir-faire du pépiniériste viticole consiste à produire un plant de vigne résistant au phylloxéra, parasite toujours présent dans le vignoble, et présentant les garanties sanitaires nécessaires. À partir de matériels végétaux différents, il assemble un porte-greffe (partie racinaire) et un greffon (cépage) : « le plant de vigne est un individu que l’on doit créer en assemblant des fragments de végétaux » [2e réunion de grande communauté, atelier « La pépinière viticole et le vignoble du cognac pour demain », 30 octobre 2018, témoignage d’un pépiniériste].
    
Une spécificité majeure de la pépinière viticole du bassin de Cognac est de travailler à partir d’un greffon d’Ugni blanc, cépage dont les caractéristiques morphologiques induisent un taux de réussite moyen de 50 %. L’opération du greffage est délicate, car sa moelle, plus grosse que celle d’autres cépages, présente des risques d’écrasement et rend la soudure délicate. Le pépiniériste doit également maîtriser, lors de la conduite de la vigne-mère à greffons, l’accroissement du diamètre du bois, afin d’être au diamètre adéquat pour le porte-greffe. Ainsi, sur 31 variétés de porte-greffes inscrites en France, seules 8 sont utilisées pour l’élaboration du cognac.
La production de ces plants de vignes spécifiques répond aux caractéristiques attendues des vins pour l’élaboration du vin de base nécessaire à la distillation des eaux-de-vie de cognac et aux spécificités argilo-calcaires des sols [cf. annexe I]. Ce savoir-faire se fonde également sur l’anticipation du nombre de plants, afin d’assurer le renouvellement du vignoble et sur une relation de confiance du pépiniériste avec le viticulteur : « nous sommes responsables tous les ans d’un cycle de production d’un plant de vigne de 18 mois avant de passer le relai » [2e réunion de grande communauté, atelier « La pépinière viticole et le vignoble du cognac pour demain », 30 octobre 2018, témoignage d’un pépiniériste].

− La conduite de la vigne
Les viticulteurs, traditionnellement propriétaires du vignoble, adaptent chaque année leurs pratiques afin d’atteindre les caractéristiques attendues (teneur forte en acidité et degré d’alcool modéré).
Pour atteindre cet objectif, les différents praticiens s’accordent sur une densité de plantation entre 2.200 et 3.300 pieds par hectare, permettant le développement d’un nombre important de grappes par pied et veillent à la conservation du capital de pieds productifs par parcelle. La végétation doit être suffisamment haute (environ 1,40 mètres) et son développement maîtrisé afin d’amener le raisin à maturité tout en conservant son taux d’acidité. L’obtention de ce vin de distillation requiert un rendement important, fondement de la typologie qualitative du vin, et une attention particulière portée à la pérennité du vignoble, car le pied de vigne est très sollicité.

La localisation des parcelles du viticulteur sur différents types de sol, spécificité du vignoble, impose une adaptation des techniques, du matériel et du calendrier propres à chaque exploitation. Le savoir-faire de la conduite de la vigne nécessite de bien connaître chaque parcelle. Il se transmet grâce aux savoir-faire locaux et familiaux, complétés depuis une quinzaine d’années par une connaissance formelle des enjeux viticoles : « c’est le viticulteur qui connaît ses terres, son terroir, son ensoleillement » [2e réunion de grande communauté, atelier « Les fondamentaux dans la conduite du vignoble du cognac », 30 octobre 2018, témoignage d’un viticulteur].

− La vinification charentaise
La vinification est une suite d’opérations œnologiques, qui permettent de révéler l’intensité des arômes du terroir dans les eaux-de-vie par une transformation rapide des moûts de raisin en vin de distillation (sans sulfitage ni ajout de sucre) et d’en assurer sa conservation : « l’aromatique du vin, avant distillation, est nécessaire à une eau-de-vie de qualité » [2e réunion de grande communauté, atelier « Les particularités de la vinification charentaise », 30 octobre 2018, témoignage d’un œnologue].
La méthode charentaise de vinification peut être qualifiée de « naturelle ». Elle repose sur un bon état sanitaire de la vendange et un développement optimal du potentiel aromatique des grappes de raisin. Les baies mûres prennent une couleur dorée. Elles doivent conserver une certaine acidité, mais être dépourvues du caractère végétal. Ce savoir-faire traditionnellement pratiqué au sein de chaque exploitation s’appuie, dans la prise de décision, sur le contrôle de maturité réalisé, à l’échelle du vignoble, par la Station viticole du BNIC.

En cours de fermentation, un relevé quotidien de la densité et des températures du vin permet de suivre l’évolution de la transformation et de pouvoir réagir à toute anomalie (échauffement excessif, vitesse trop rapide ou au contraire fermentation peu dynamique). En fin de fermentation, le vin est analysé pour vérifier l’absence de sucres résiduels et le plein des cuves doit être effectué afin d’éviter tout contact avec l’oxygène et permettre sa conservation naturelle : « le travail de vinification va être de conserver ces caractéristiques du raisin tout au long du processus » [2e réunion de grande communauté, atelier « Qualification des arômes des cognacs et des gammes du produit », témoignage d’un maître de chai].

− La distillation charentaise
Le procédé de la double-distillation (deux chauffes successives) permet de concentrer les arômes de la matière première par l’extraction et la sélection des substances volatiles présentes dans les vins. L’utilisation de l’alambic charentais, dont toutes les pièces en contact du vin et du distillat doivent être en cuivre, permet d’exprimer la typicité de l’eau-de-vie de cognac et d’en apporter la finesse : « la méthode charentaise, c’est l’outil et la technique. La distillation charentaise implique un alambic particulier, avec des formes bien précises et une technique fine de distillation » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les procédés de la double-distillation à repasse », 16 avril 2018, témoignage d’un bouilleur de cru].
Le processus de distillation se décompose en deux cycles de chauffe selon la spécificité charentaise. Il impose le feu nu (flamme en direct sur le fond de la chaudière), qui permet au distillateur d’atteindre la qualité la plus pure possible d’eau-de-vie. La première chauffe transforme le vin en brouillis et la bonne chauffe transforme le brouillis en eau-de-vie. Chaque cycle de chauffe dure de 11 à 13 heures pour 24 heures de distillation.

Lors de la bonne chauffe, l’alambic est rempli à environ 80 % (la capacité de charge est de 25 hl pour une capacité totale de 30 hl). Ce niveau de remplissage permet aux vapeurs d’alcool de travailler en contact direct avec le cuivre afin d’éliminer les corps gras non souhaités. Le distillateur écarte les têtes, premiers litres aux arômes très concentrés, récupère le cœur de la bonne chauffe qui constitue l’eau-de-vie pure et limpide, puis coule les secondes et enfin les queues qui sont des distillats de moindre qualité, au goût plus lourd. Cette pratique de la coupe requiert un savoir-faire technique et sensoriel acquis par l’expérience : « j’analyse gustativement la nature de mes vins, pour réaliser ou non un assemblage pour la distillation, j’écoute mon alambic et je sais alors que je dois réduire l’intensité de la flamme, je vérifie par la dégustation olfactive le moment de la coupe » [entretien préliminaire d’un bouilleur de cru, 12 février 2017].
À la sortie de l’alambic, l’eau-de-vie est un liquide limpide et incolore, dont la composition est d’environ 72 % d’alcool de vin (lui apportant sa structure), 27 % d’eau et 1 % de substances volatiles variées, précurseurs aromatiques, qui lui confèrent sa typicité propre.
La diversité des méthodes (distillation avec ou sans lie, coupe de bonne chauffe à un degré plus ou moins bas autour de 60 % d’alcool, gestion des températures de coulage...) et les approches particulières de chaque praticien (assemblage ou non des vins, choix du moment de la coupe, mode de chauffe) participent de la tradition patrimoniale de haute qualité. La distillation de grands volumes homogènes, apportés par les distillateurs de profession, complète la typicité des lots d’eaux-de-vie distillées par chaque bouilleur de cru. Le savoir-faire de l’un est complémentaire de celui de l’autre et participe de la diversité aromatique des cognacs.

− Le vieillissement sous-bois
Le vieillissement en fût de chêne est au cœur de la structuration et de l’enrichissement aromatique progressifs des eaux-de-vie, sous l’effet de mécanismes physico-chimiques complexes. La roue des arômes du cognac (compilation et synthèse de 5000 notes de dégustations établie par des dégustateurs du monde entier à l’initiative du BNIC) illustre cette évolution gustative et sensorielle. Le vieillissement apporte aux eaux-de-vie anciennes des notes telles que les fruits confits ou les épices : « la décision de poursuivre ou de stopper le vieillissement d’un lot, de jouer sur les paramètres d’élevage dépend des caractéristiques aromatiques recherchées » [2e réunion de grande communauté, atelier « Vieillissement : typologie des chais et des savoir-faire », 30 octobre 2018, témoignage d’un maître de chai].

La finalité du logement en fût de chêne est d’accompagner individuellement chaque lot d’eau-de-vie, pour lui permettre de développer de nouvelles notes aromatiques singulières, par un jeu de combinaisons toujours renouvelées mettant en œuvre l’oxygène contenu dans l’air et les composés du bois : « il n’y a pas de règle, la spécificité de notre pratique est d’être en capacité de gérer la diversité » [entretien complémentaire d’un maître de chai, 24 juillet 2019].
           

Le choix des paramètres de stockage (type de chai, taux d’humidité, variation de température, nature et rotation du type de logement sous-bois) est effectué sur la base de la dégustation, en fonction de ce que chaque lot d’eaux-de-vie apportera à la continuité d’une gamme de cognacs. Pour anticiper le devenir aromatique d’une eau-de-vie, le maître de chai et son équipe s’appuient sur la mémoire de la multiplicité et de la diversité des lots dégustés (millésimes, méthodes de distillation, terroirs…) afin d’avoir les clefs d’interprétation de son mode d’élevage : « il s’agit d’appliquer ce que l’on a déjà vécu. Toute l’alchimie est d’arriver à marier l’ensemble de ces paramètres » [2e réunion de grande communauté, atelier « Vieillissement : typologie des chais et des savoir-faire », 30 octobre 2018, témoignage d’un maître de chai].

− L’assemblage
L’assemblage consiste à marier la diversité des contributions aromatiques, apportée par les différentes étapes d’élaboration, par une compréhension sensorielle de l’évolution de chaque lot d’eau-de-vie, pour permettre de créer l’unité d’un cognac : « nous sommes à la fois compositeur et chef d’orchestre d’une partition dont les notes sont les arômes » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les pratiques d’assemblage et de dégustation », 16 avril 2018, témoignage d’un maître de chai].
    
Cette étape est dirigée par le maître de chai, qui coordonne l’ensemble du processus d’élaboration par la pratique de l’assemblage. Cette tradition est au cœur même de l’identité du cognac. Elle s’appuie sur la mise en valeur des qualités évolutives de chaque lot, de leurs complémentarités (cru, année, logement sous-bois) et du suivi de la qualité du stock.
L’approche sensorielle est le fil conducteur de cette pratique, composée de senteurs, de perceptions de l’intensité aromatique et de persistances olfactives : « l’eau-de-vie est comme un organisme vivant, ses qualités évoluent tout au long de son élevage et chaque lot est différent. Il faut toujours adapter son savoir-faire » [2e réunion de grande communauté, atelier « Qualification des arômes des cognacs et des différentes gammes du produit », 30 octobre 2018, témoignage d’un maître de chai]. Ce savoir-faire central est de plus en plus pratiqué collectivement par un comité de dégustation. Il nécessite de puiser dans les archives sensorielles du maître de chai et de son équipe, qui ont assimilé la signature propre à chaque maison.


2. L’implication d’artisanats complémentaires au service d’une œuvre collective

L’approche territorialisée du processus d’élaboration du cognac, où chacun a conscience des enjeux particuliers des différents savoir-faire, participe de cette approche systémique où chaque membre a besoin de l’apport de l’autre, tout en favorisant un développement commun des compétences.

− La fabrication de l’alambic
Le chaudronnier-dinandier façonne, principalement à la main, les différentes pièces en contact avec le vin et le distillat (chaudière, chapiteau, col de cygne, serpentin, porte-alcoomètre) à partir de feuilles de cuivre chauffées, matière indispensable à la finesse du distillat : « le cuivre de la chaudière fixe et élimine les acides gras. C’est un catalyseur indispensable à l’obtention des eaux-de-vie de cognac » [1re réunion de grande communauté, atelier « L’alambic charentais », 16 avril 2018, témoignage d’un chaudronnier].
Les formes, tailles et volumes de l’alambic, définis par le retour d’expérience des bouilleurs de cru charentais du XVIIIe siècle, font aujourd’hui de lui l’outil internationalement reconnu de la distillation à repasse. Ils restent inchangés car ils permettent des réactions spécifiques adaptées aux caractéristiques des eaux-de-vie de cognac.


La fabrication de l’alambic charentais respecte ainsi des proportions précises. Le fond de la chaudière (entre 12 et 14 mm d’épaisseur) est travaillé en fonction de la spécificité du mode de chauffe de la distillation charentaise afin d’amortir les risques de coup de feu (apparition de notes de brûlé indésirables). La mise en forme de la partie supérieure de la chaudière permet une première sélection des composés aromatiques en triant les composés les plus lourds présents dans le vin. Une attention particulière est portée aux proportions entre le volume du chapiteau et celui de la chaudière, ainsi qu’à sa forme et sa hauteur. En effet, la surface en contact avec les vapeurs (partie interne) et l’air (partie externe) varie en fonction de la forme et nuance le processus de rectification. Enfin, les tuyaux qui composent le serpentin, caractéristiques de l’alambic charentais permettant la condensation des vapeurs et le refroidissement du distillat, sont travaillés pour former des spires dont le diamètre décroît sur la longueur totale du serpentin (environ 75 m).

− La tonnellerie charentaise
Les tonneliers charentais fabriquent et réparent différents contenants exclusivement en chêne, afin de loger les eaux-de-vie de cognac et d’en soutenir l’équilibre aromatique. La rotation des fûts à plusieurs stades du vieillissement, spécificité locale, permet d’atteindre les combinaisons voulues (entre l’eau-de-vie et le chêne) par l’extraction des tanins et des arômes : « c’est au contact avec le chêne que l’eau-de-vie s’arrondit, se charge en tanins et en arômes, qu’elle se personnalise et acquiert ses caractères » [1re réunion de grande communauté, atelier « L’expertise du logement sous-bois », 16 avril 2018, témoignage d’un tonnelier].
Bien que la totalité des eaux-de-vie de cognac passe a minima 24 mois en fût de chêne, aucun type de contenant n’est imposé. Chaque éleveur d’eau-de-vie utilise les caractéristiques du contenant (zone d’approvisionnement, essence botanique, type de grain, durée de maturation, choix et maîtrise de la gamme de chauffe) en fonction de la typicité qu’il souhaite donner à son eau-de-vie.
Les maisons de cognac, qui en sont les plus importants utilisateurs, travaillent avec plusieurs tonneliers, car chacune a une technique de vieillissement nécessitant des fûts particuliers. Chaque praticien possède une technique qui lui est propre et dont la singularité est respectée.


Le tonnelier est invité chaque année par le maître de chai pour une dégustation collective afin d’améliorer ses pratiques et d’optimiser le bousinage (chauffe du fût dont la maîtrise permet d’obtenir l’intensité et le profil aromatique particuliers correspondant à l’eau-de-vie) : « le binôme tonnelier - maître de chai permet de trouver la cohérence des arômes et la pérennité du style des cognacs » [entretien complémentaire d’un maître de chai, 24 juillet 2019].

− L’habillage du produit
L’habillage du produit désigne l’ensemble des savoir-faire (verrerie, bouchonnage, décoration sur verre, packaging ...) qui sont mobilisés pour créer les contenants du cognac une fois que celui-ci est jugé apte, par le maître de chai et son équipe, à pouvoir être commercialisé. Il nécessite une réelle sensibilité au produit, une implication dans les différentes étapes de sa réalisation, ainsi qu’une présence constante dans les réseaux de sociabilité.
Ces savoir-faire sont concentrés sur l’aire d’appellation, avec une proximité permettant de faciliter le processus d’élaboration, en répondant précisément et rapidement aux demandes des producteurs et des maisons de cognac.
De même que chaque cognac se reconnaît par son style gustatif, chaque marque de cognac possède ses formes spécifiques et son style décoratif propre. Ces derniers jouent très souvent entre la tradition, pour permettre de garder des points de repère, et ré-interrogation des codes, dans un processus constant de réinvention des formes patrimoniales. La création d’une bouteille est souvent vécue par les créateurs comme un défi posé par les producteurs, qui permet de pousser plus loin la haute qualité. Chaque bouteille est contrôlée manuellement pour s’assurer qu’elle ne présente aucun défaut.

On distingue trois types de flaconnage, selon le degré de vieillissement du cognac : les bouteilles pour les VS (Very Special, correspondant à 2 ans minimum de vieillissement) et les VSOP (Very Superior Old Pale correspondant à 4 ans minimum de vieillissement), les carafes pour les XO (Extra Old correspondant à 10 ans minimum de vieillissement) et enfin les flacons pour les créations particulières. Le choix du flaconnage s’appuie sur le travail du verre extra-blanc, réalisé à partir du sable d’Arcachon et de calcaire local. Sa haute transparence est due à une plus faible quantité d'oxyde de fer et à une absence de coloration. Cette composition, développée par la verrerie cognaçaise, permet de révéler la couleur des cognacs, qui s’intensifie progressivement, évoluant du jaune pâle à des teintes jaune d’or, puis ambrées et acajou pour les plus vieilles eaux-de-vie.
Le bouchon, réalisé à partir de liège, doit être porteur d’une esthétique spécifique : la tête, portant la couleur et l'emblème de chaque maison, permet de l’identifier. Il doit également être de très bonne qualité technique, car sa résistance est un élément essentiel pour assurer la bonne conservation des qualités aromatiques des cognacs après ouverture. Grâce à la liberté de création donnée par les maisons, les bouchons font l’objet d’innovations constantes dans leur conception et leur création.
La décoration est caractérisée par une volonté de répondre de la manière la plus fine possible à la typicité des cognacs. Une des spécificités de la décoration des bouteilles est de mélanger à part égale les techniques de décor sur verre (sérigraphie, décoration manuelle pour les endroits difficilement accessibles) et d’étiquetage (graphisme, collage). Les entreprises de décoration étant installées sur le bassin de Cognac, elles offrent la possibilité de mettre en place facilement les projets issus de la rencontre entre les créateurs et leurs clients. Les vendeurs directs et les petites maisons bénéficient du même suivi que les entreprises de plus grande taille.

Le respect du temps : un allié « indispensable » et « incontournable »

Le respect du temps a été inscrit par la communauté comme la troisième de ses valeurs identitaires (cf. annexe 2). Il est un « mal nécessaire », porteur d’une dyade caractéristique des valeurs de la communauté : omniprésent, il est à la fois ce qui se perd, fige, et un moyen, par le stockage, d’anticiper le futur en s’appuyant sur le passé.
L’importance accordée au temps est symbolisée par la désignation de la qualité d’un cognac (VS, VSOP, XO…) où la communauté privilégie la notion de compte d’âge fixée sur l’eau-de-vie la plus jeune. En 1946, la communauté du cognac a été la première appellation à formaliser ses mentions de vieillissement et continue de les faire évoluer. En 2018, la durée minimum de vieillissement du XO a été allongée de 4 à 10 ans.
La maîtrise et le respect du temps sont omniprésents dans tous les savoir-faire du cognac. Il faut 18 mois aux pépiniéristes pour fournir aux viticulteurs un pied de vigne ; 2 ans pour que le viticulteur ait sa première récolte après sa plantation ; 6 mois pour installer un alambic charentais au sein d’une distillerie ; 150 ans avant que les chênes ne soient sélectionnés par un tonnelier charentais, entre 18 et 36 mois pour que les merrains sèchent et soient travaillés pour devenir des fûts ; 2 ans minimum de vieillissement après la distillation pour qu’une eau-de-vie puisse être reconnue comme un cognac, plusieurs mois pour que le courtier trouve le lot d’eau-de-vie qui vieillit chez le bouilleur de cru qui complètera à la perfection l’assemblage du maître de chai ; 6 mois pour le calage des eaux-de-vie (période d'acclimatation des différents lots permettant d’en assurer l’harmonie) avant leur mise en bouteille et un an pour que son packaging incarne la signature propre de chaque cognac.
Le « temps perdu » est symbolisé par la « part des anges », lorsqu’environ 2 % des eaux-de-vie s’évaporent chaque année durant le processus de vieillissement. Le temps figé est incarné par la désignation de la qualité d’un cognac par compte d’âge (VS, VSOP, XO…) fixé sur l’eau-de-vie la plus jeune.
Il est également incarné par la perpétuation de la prise de risque du stockage (4 789 412 hl d’alcool pur en cours de vieillissement en juillet 2019), afin de maintenir la qualité des cognacs. Il est pratiqué, au sein des chais de vieillissement, par les bouilleurs de cru (faisant vieillir leur propre production), les marchands en gros (faisant vieillir la production d’autrui), les négociants (procédant au vieillissement et à l’assemblage) et dans des chais collectifs, qui fonctionnent selon un principe de « magasin général » assurant le vieillissement pour différents praticiens.
Le temps figé des stocks est pourtant, dans un apparent paradoxe, un temps dynamique, car il symbolise une prise de risque nécessaire afin de maintenir la qualité des cognacs, face aux évolutions économiques mondiales. L’anticipation repose ainsi sur le travail de plusieurs générations.

Des modes de consommation diversifiés

La grande richesse des notes aromatiques apportées par chaque lot-de-vie au moment de l’assemblage permet la création d’une multiplicité de gammes de cognac correspondant à des modes de consommations très divers. Le cognac peut ainsi être consommé pur, avec de l’eau, en cocktail, en accord avec des mets, en apéritif ou en digestif. Le maître de chai, par le contact direct qu’il entretient avec les prescripteurs de chaque communauté consommatrice (barman, caviste, chef …), assemble les différentes gammes dans le respect de la diversité des cultures et de l’exigence d’une qualité constante. La grande majorité de la production (70 % des ventes, principalement en Europe du Nord et aux États-Unis) porte sur des VS ou des VSOP, d’un coût raisonnable.

Les différentes communautés d’amateurs développent leur propre rapport au cognac. Comme mentionné déjà (cf. rubrique I.3), aux États-Unis, le cognac a permis de célébrer une culture marginalisée, la communauté afro-américaine ayant fait du cognac un marqueur d’une identité fondée sur le rap et au préalable le jazz. En Asie, le cognac est un symbole de reconnaissance et de réussite sociale dans les milieux d’affaires, la majorité des ventes étant consacrée aux XO. En Russie, les consommateurs étant très attachés aux aspects historiques et patrimoniaux du cognac, le boivent pur afin de ne pas dénaturer son identité.


Patrimoine bâti

Les diverses étapes de l’élaboration et du négoce des eaux-de-vie de cognac (réception des vins, distillation, vieillissement, expédition, parcs à merrain, usine de bouchons, mise en bouteille…) sont marquées sur le territoire de l’aire d’appellation cognac par un patrimoine bâti caractéristique. Le patrimoine bâti se traduit en milieu urbain (Cognac et Jarnac) par de grands ensembles immobiliers, appartenant aux maisons de négoce, qui sont comparables à des quartiers au sein des villes et un habitat rural semi-dispersé, composé de grandes fermes à cours fermées qui sont situées à proximité des exploitations viticoles. Elles se composent de chais, bureaux, logements autour d’une vaste cour. Ces bâtiments destinés à l’élaboration du cognac connaissent des adaptations régulières afin de répondre aux normes sanitaires (HACCP), environnementales (le vignoble est engagé dans une démarche de Haute Valeur environnementale) et de sécurité (lutte contre les feux d’alcool, sites classés SEVESO). De grandes cuves, en inox ou en fibre, sont installées à l’extérieur à proximité immédiate du chai et de la distillerie. Le maillage de ces petites distilleries au sein des exploitations viticoles rompt avec l’organisation traditionnelle des distilleries agricoles, dont l’architecture s’harmonise avec la maison d’habitation.
L'architecture des distilleries est appropriée à la culture patrimoniale de la haute qualité du produit notamment par la qualité des matériaux, de leur mise en œuvre et du traitement ornemental. Certaines grandes maisons de cognac ont ainsi fait appel à des architectes de renom, tels Eugène Demongeat et Marcel Oudin.

Objets, outils, matériaux supports


Quatre outils sont nécessaires à l’élaboration et à la consommation des eaux-de-vie de cognac : le matériel végétal, l’alambic charentais, le logement sous-bois des eaux-de-vie et les verres de dégustation.

Le matériel végétal

Le plant greffé-soudé, mode de défense biologique contre le phylloxéra, composé d’un porte-greffe d’origine américaine (partie racine et support du greffon) et d’un greffon (bouture de six variétés de vignes locales), est le matériel de base nécessaire à la conduite d’un vignoble dédié à la distillation des eaux-de-vie de cognac.
Les plants de vigne sont réalisés selon le principe de la multiplication végétative. Leur état sanitaire et leurs aptitudes viticoles et œnologiques sont contrôlés par les scientifiques de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). Les souches-mères sont conservées au Grau-du-Roi (Gard), dans des conditions sanitaires optimales.
À la recherche constante du cépage le plus adapté, la particularité du pépiniériste du bassin de Cognac est de faire appel fréquemment à la Station viticole du BNIC (centre de pré multiplication officiel) et au Conservatoire du vignoble charentais, qui effectuent des recherches sur les cépages anciens et les cépages du futur. Ils possèdent une collection reconnue par l’INRA et l’Institut français de la vigne et du vin.

L’alambic charentais

L’alambic charentais, outil de la distillation à repasse, est composé de trois éléments principaux : la chaudière, le chapiteau et le serpentin. Sa capacité de charge peut varier de 9 à 125 hl, en fonction de la taille de l’exploitation et du statut du distillateur (bouilleur de cru ou distillateur de profession). L’appareil pour la distillation charentaise nécessite que les pièces en contact avec le vin ou l’eau-de-vie soient en cuivre et qu’il puisse être conduit à l’aide de différents combustibles (bois, gaz) selon le principe spécifique du feu nu. Le choix de la qualité du cuivre se fait en fonction de sa pureté (composition réduite en phosphore) et de sa bonne soudabilité (résistance aux charges d’eau-de-vie continues pendant la campagne de distillation).
L’alambic charentais, dont la capacité totale est de 30 hectolitres pour un volume de charge limité à 25 hl, a été rendu obligatoire pour la bonne chauffe (seconde chauffe permettant la transformation du brouillis en eau-de-vie) car la surface de contact entre le cuivre et l’eau-de-vie favorise la finesse du distillat, permettant au distillateur d’apporter le plus haut niveau de raffinement à ses eaux-de-vie.
L’installation d’un alambic sur une exploitation est un investissement important marquant le passage du statut de viticulteur à celui de bouilleur de cru : « c’est une valorisation de notre travail » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les procédés de la double-distillation à repasse », 16 avril 2018, témoignage d’un bouilleur de cru]. Il marque la pérennité du savoir-faire au sein de la famille : « le petit fils hérite le plus souvent d’un alambic mis en place par le grand père ou l’arrière-grand-père » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les procédés de la double-distillation à repasse », 16 avril 2018, témoignage d’un bouilleur de cru].

Les logements d’eaux-de-vie

Les fûts charentais (contenant de 350 à 400 l utilisés lors du vieillissement sous-bois) et les tonneaux (grand contenant pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines d’hl utilisé pour le calage des eaux-de-vie) sont exclusivement fabriqués à partir de chêne de deux essences (chêne sessile et chêne pédonculé) ayant poussé pendant plus de 150 ans dans les forêts domaniales françaises. Une attention particulière est portée pendant l’approvisionnement à la texture, la qualité et la finesse du grain (épaisseur des cernes d’accroissement du bois) : « on est sur 80 % de gros grain et 20 % de grain fin » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les particularités de la tonnellerie charentaise », 16 avril 2018, témoignage d’un tonnelier].
Une spécificité de la tonnellerie charentaise est de pratiquer un séchage naturel des merrains (bois débités sous forme de planches), entre 18 et 36 mois, au sein du vignoble du cognac, en raison des conditions climatiques (climat océanique avec une forte pluviométrie) permettant d’affiner ses caractéristiques organoleptiques.
Le choix du type de grain a été codifié par les maîtres de chai par la pratique de la dégustation et se fonde sur l’apport attendu du chêne dans la structuration de l’eau-de-vie en fonction de la méthode de distillation. Le « gros grain », apportant plus de tanins, est majoritairement utilisé pour des eaux-de-vie distillées avec lies (minuscules particules solides en suspension dans les vins à la fin de la vinification), alors que le « grain fin », contenant plus de composés aromatiques, s’harmonise davantage avec une eau-de-vie distillée sans lie : « le chêne est la deuxième matière première du cognac après le raisin ; tout est dans la manière d’utiliser le bois » [1re réunion de grande communauté, atelier « L’expertise du logement sous-bois », 16 avril 2018, témoignage d’un stockeur d’eau-de-vie].

Les verres de dégustation


En 2009, le BNIC a rassemblé des experts pour déterminer la forme la plus adéquate. Le choix s’est porté sur le verre tulipe blanc, à pied court et d’une contenance de 6 à 9 cl, car il permet d’étaler l’arrivée des arômes lors de la dégustation : « sa forme de chapiteau à l’envers lui permet de trier les arômes » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les pratiques d’assemblage et de dégustation », 16 avril 2018, témoignage d’un ambassadeur d’une maison de cognac]. Il est l’outil de travail du maître de chai et de son équipe de dégustation.
En revanche, une grande liberté est laissée aux consommateurs dans l’utilisation des verres de dégustation. Les formes les plus répandues sont le verre tulipe, le verre à cocktail ainsi que, plus épisodiquement, le verre ballon et le verre à pipe.

Les membres de la communauté éprouvent la nécessité de renouveler constamment leur savoir-faire : « c’est un métier où l’on reste toujours des apprentis. Il y a beaucoup de facteurs différents d’une année sur l’autre qui nécessitent une adaptation du savoir-faire » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les procédés de la double-distillation à repasse », 16 avril 2018, témoignage d’un bouilleur de cru]. L’acquisition des techniques est considérée comme une « école de patience, il y a un témoin à passer, selon une temporalité spécifique » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les pratiques d’assemblage et de dégustation », 16 avril 2018, témoignage d’un maître de chai].

La transmission, fondée sur la sensibilité de chacun au cognac, se fait encore largement de manière informelle sur l'aire d'appellation, à destination des membres de la communauté comme des personnes venues de l'extérieur. Cependant, ces dernières années, une mutation s'est opérée, et un besoin grandissant de transmission formelle est apparu.
Le coût actuel des successions fait que l’exploitation viticole est de plus en plus reprise par un seul enfant, alors qu’autrefois toute la famille en assurait la pérennité. La reprise, par un enfant qui a le plus souvent suivi un parcours de formation en dehors du secteur du cognac, en montre également l’attachement : « le cognac s’est imposé à nous. On veut en vivre bien sûr, mais nous le faisons aussi parce que cela fait partie de nous » [atelier complémentaire « Les autres manières d’utiliser le cognac », 12 juillet 2019, témoignage d’une viticultrice].

La transmission informelle


Les modes de transmission informelle reposent sur le développement d’une sensibilité personnelle aux caractéristiques organoleptiques des eaux-de-vie de cognac, transmise par le partage d’expérience de chaque génération, de praticien à successeur.
L’organisation spécifique des savoir-faire se traduit également par de nombreuses interactions entre les différents praticiens et une transmission s’appuyant sur la pérennité des logiques d’approvisionnement entre les différents partenaires. Le maître de chai conseille ses livreurs sur l’ensemble des étapes d’élaboration et accompagne les différents savoir-faire associés en apportant les caractéristiques organoleptiques attendues.


La transmission informelle au sein des familles continue à jouer un rôle important : « la transmission orale c’est la connaissance fine des parcelles, le respect des choix de plantation des générations précédentes. Les anciens jouent un rôle important : accueillir les plus jeunes, les promener dans les vignes, leur parler du métier, leur faire aimer la nature » [2e réunion de grande communauté, atelier « Les fondamentaux dans la conduite du vignoble du cognac », 30 octobre 2018, témoignage d’un viticulteur].
Plusieurs années d’expérience et d’apprentissage sont nécessaires pour maîtriser les savoir-faire, qui demandent d'acquérir des facultés sensorielles particulières, par l'observation directe des techniques : « pour l'alambic, on est d’abord derrière, puis le distillateur nous fait passer devant et nous dit : tu touches les manettes. Et petit à petit, on est de plus en plus autonome. À un moment donné, on te dit : maintenant, tu y vas, je reviens juste pour la coupe, je reviens juste pour la charge. On gagne son autonomie petit à petit » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les procédés de la double-distillation à repasse », 16 avril 2018, témoignage d’un distillateur professionnel].
Pour devenir maître de chai, dix ans de transmission sont considérés comme nécessaires par la profession. Le savoir-faire de la dégustation se transmet principalement par compagnonnage au sein de chaque maison, dont il garantit la pérennité. Le maître de chai délivre son savoir-faire à son « compagnon apprenti » in situ, en salle de dégustation, lieu exclusif de formation et de transmission. Le compagnonnage permet ainsi de garder et de transmettre le style des maisons : « le compagnonnage n'est pas qu'une transmission de techniques, c’est aussi une sensibilité qui est totalement liée au style de la maison » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les pratiques d’assemblage et de dégustation », 16 avril 2018, témoignage d’un ambassadeur d’une maison de cognac].


La transmission formelle


L’évolution constante des savoir-faire a induit une professionnalisation progressive dans les différents domaines. Désormais, même si la transmission informelle reste capitale, l’enseignement formel est un complément nécessaire.
Pour le savoir-faire de la tonnellerie par exemple, la formation initiale est de deux ans minimum, mais le perfectionnement se fait essentiellement par apprentissage. Les tonneliers changent fréquemment d’entreprises afin de mieux maîtriser et affiner leurs techniques. Si la plupart des tonneliers actuels se sont formés directement au sein des ateliers ou dans des entreprises familiales, de jeunes tonneliers formés au Centre de formation et d’apprentissage (15 à 20 praticiens par an) arrivent désormais sur le marché du travail.


Le packaging fait l’objet d’une formation, la FSPackCognac, créée en 2002, en partenariat avec Atlanpack, fédération d'industriels du packaging de la façade atlantique. Cet accord, fondé sur un partenariat école/entreprises, permet de nombreux échanges avec les industriels, sous forme de développements packaging, contrôle qualité, design et prototypage, stages, visites… Cette formation permet d’exercer les métiers de concepteur volumiste en bureau d'études, qualiticien en packaging, graphiste, designer pack, prototypiste…
Le site universitaire de Segonzac accueille une formation de Master 2 Droit, gestion et commerce des spiritueux, délivré par la faculté de droit et des sciences sociales de l'université de Poitiers. Les étudiants ont aussi la possibilité d'obtenir durant leur année de formation le Master 2 Commerce international des spiritueux (université de Poitiers). Chaque année, une vingtaine d’étudiants sont formés, dont environ deux tiers travaillent dans la filière vins et spiritueux.


Les praticiens ont également recours au système de parrainage pour l’emploi, qui est un moyen de perpétuer les modalités de transmission informelle dans des cadres formels. Un professionnel en activité ou retraité partage son expérience avec un(e) jeune ayant suivi un cursus différent afin de faciliter son accès à l’emploi : « on recrute des jeunes avec des formations de plombier chauffagiste que l’on forme pendant 3 ou 4 ans au métier de chaudronnier-dinandier. Ils ont déjà une familiarité avec la soudure cuivre et assimilent bien de ce fait les techniques de fabrication des alambics » [1re réunion de grande communauté, atelier « L’alambic charentais », 16 avril 2018, témoignage d’un chaudronnier]. Les fabricants d’alambic charentais font aussi appel, depuis quelques années, au réseau des Compagnons du devoir : « nous recherchons cet aspect passionné des savoir-faire manuels » [1re réunion de grande communauté, atelier « L’alambic charentais », 16 avril 2018, témoignage d’un chaudronnier].

De nombreux cursus sont proposés sur l’aire d’appellation Cognac par les lycées agricoles (Renaudin, L’Oisellerie, Georges Desclaudes) et par les Maisons familiales rurales (MFR) (Institut rural d'éducation et d'orientation des Charentes (IREO) de Richemont…). Des formations diplômantes sur différents savoir-faire sont délivrées sur le territoire : le Centre international des spiritueux (CIDS) et l’IREO. Une formation, mise en place par l’Organisation économique du cognac (ORECO), via des modules de perfectionnement, est consacrée à la transmission de l’approche sensorielle.

Jusqu’en 2019, il n’existait aucune formation de pépiniériste. Une formation de responsable technique de la pépinière viticole a été publiée au Journal officiel du 4 janvier 2019 dans le cadre d’une Certification professionnelle de titre III, inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et instaurée par l’IREO de Richemont et le Conservatoire du vignoble charentais. C’est une troisième année après un BTS, une année de spécialisation en pépinière viticole après un bac pro. L’IREO de Richemont délivre aussi des formations courtes de 3 jours au greffage pour les saisonniers employés par les pépinières. Le syndicat des bouilleurs de profession a instauré en 2018, avec Pôle Emploi, une formation de distillateur, en plus de modules de formation continue sur des points précis (réglementation et sécurité).

En France, sur les trois écoles préparant au diplôme de CAP Tonnellerie, l’une est située à Cognac. Une convention a été signée entre le groupement des tonneliers et la Chambre des métiers et de l’artisanat pour favoriser la formation des tonneliers des Charentes et plus globalement, entamer une réflexion sur les questions de la formation. L’école de tonnellerie de Cognac vient d’ouvrir une formation complémentaire pour les grands contenants.

L’élaboration des eaux-de-vie de cognac est l’aboutissement d’une construction internationale multiséculaire, une histoire de rencontres humaines, culturelles, selon le principe du don et du contre-don. Les commerçants hollandais ont fait don de l’alambic et le viticulteur y a répondu en allant au-delà d’une simple réponse à la demande : il a volontairement transformé en profondeur tous ses modes de fonctionnement. Les échanges commerciaux ont provoqué des rencontres avec l’autre qui ont produit une série d’opportunités, saisies, intégrées et travaillées. Cette histoire est celle d’une fidélité jamais démentie entre un négociant et un viticulteur en quête constante d’adaptation de ses savoir-faire pour répondre à l’attente de l’autre, mais aussi pour donner le meilleur de lui-même. La notion de famille est sous-jacente à cette histoire partagée. Ainsi, elle sert aujourd’hui à définir les représentants du BNIC, où siègent à parité les familles du négoce et de la viticulture.


Les pratiques de la distillation ont été initiées par les Flamands au XVIe siècle. Après la guerre de Cent Ans, ils reprennent la voie maritime vers les côtes atlantiques pacifiées, entraînant les Hollandais dans leur sillage. Ils savaient que dès les XIIe et XIIIe siècles, leurs ancêtres avaient pris ce chemin et initié les vignobles en Aunis. Le port de La Rochelle en avait tiré profit ainsi que les campagnes qui se plantèrent de Chenère et Chauché, cépages qui firent la renommée du vin de La Rochelle. Ce vignoble médiéval est le point de départ de la tradition viticole marchande de la région, apte à fournir un approvisionnement régulier, de qualité et des facilités de transport. D’Aunis, vignobles et savoir-faire se diffusent progressivement sur un territoire beaucoup plus vaste dans la Saintonge et le Cognaçais.


Après la guerre de Cent Ans, les Flamands s’installent de nouveau à La Rochelle et deviennent les premiers faiseurs d’eau-de-vie. La première mention de production d’eau-de-vie régionale remonte à 1529. La pratique de la distillation s’y développe rapidement à une époque où elle est encore largement ancrée dans le domaine de la médecine et de l’alchimie. Les premiers « faiseurs d’eau-de-vie » distillent dans des chaudières qui n’ont ni la forme ni le volume nécessaires à la production de spiritueux de qualité. Leur principal problème est d’éliminer les flegmes (premiers et derniers litres de distillation), qui donnent des goûts détestables aux distillats. Les Hollandais, qui prennent le relais des Flamands au XVIIe siècle, permettent le développement de la distillation et compensent ces inconvénients en parfumant les eaux-de-vie avec diverses essences, rose, jasmin, genièvre… Mais la nécessité se fait sentir de trouver une solution à ce défaut initial. Un long processus d’appropriation et d’améliorations des pratiques s’engage, pour fournir une eau-de-vie « bonne et marchande ». Deux siècles d’évolutions successives seront nécessaires pour maîtriser la distillation dite charentaise, adaptée aux caractéristiques particulières des vins et aux attentes spécifiques. Elle est le fruit de l’empirisme, de la transmission et des soins d’au moins une dizaine de générations qui participent à cet effort. L’essentiel est acquis à la fin du XVIIIe siècle. L’arrivée des Anglais, dans les années 1710-1720, engage les viticulteurs sur le chemin de la production de qualité et fait de la ville de Cognac le lieu de référence des eaux-de-vie régionales.


Cognac s’impose pour diverses raisons. La ville où est né François Ier bénéficie d’avantages fiscaux, qui en font une zone franche. Elle a une tradition marchande avec le commerce du sel, une bourgeoisie dotée des savoir-faire en ce domaine. Elle est traversée par le fleuve Charente, qui permet une exportation relativement aisée des eaux-de-vie. Son avant-port est établi à Tonnay-Charente, près de Rochefort. La gabarre, bateau à fond plat, est le moyen de transport sur le fleuve. L’homonymie entre le produit et la ville se fait alors. Les meilleures eaux-de-vie, celles qu’on achète sur le marché, sont désormais des cognacs. Par extension, toutes les eaux-de-vie de Saintonge et d’Angoumois sont nommées ainsi. Sur ces bases, les familles de négociants anglaises ou irlandaises envoient leurs cadets sur la place de Cognac. Ils y font leurs premières armes en lien avec leurs familles restées à Londres ou installées à Bordeaux. Cognac devient à cette époque une place reconnue du réseau international des vins et spiritueux. Des dynasties s’installent et se créent, qui font de l’aire d’appellation une des places fortes du commerce mondial des spiritueux.


Les Anglo-Saxons sollicitent, pour répondre à la demande de leur clientèle, les viticulteurs locaux pour qu’ils leur fournissent des eaux-de-vie vieilles et de qualité. Cette demande révolutionne les pratiques des viticulteurs après la longue dépression économique du XVIIe siècle et l’hiver de 1709 qui a ruiné les vignes. On les replante en abandonnant les vieux cépages au profit de la Folle Blanche, adaptée aux vins de distillation. Mais la grande innovation est l’apprentissage du vieillissement des eaux-de-vie. Il faut apprendre à choisir le chêne, à le débiter, à ne garder des arômes du bois que ce qui est nécessaire, être en mesure de réaliser fûts et barriques selon les attentes... Le savoir-faire de la tonnellerie est inclus dans le processus d’élaboration et le tonnelier s’affirme comme un artisan hautement apprécié et respecté.
La filière se complexifie et une répartition précise des tâches se met en place : les uns produisent, les autres vendent, le savoir des uns entre en complémentarité avec celui des autres. Le lien naturel entre la famille des viticulteurs et celle des négociants devient le courtier, qui parcourt les campagnes en quête des eaux-de-vie recherchées par les négociants commanditaires.
À la fin du XVIIIe siècle, les principes fondamentaux sont posés. La réussite du cognac, dans un monde de plus en plus ouvert, provoque de nombreuses contrefaçons. Le juriste entre comme un élément nécessaire de la filière. En même temps, tous les savoir-faire évoluent naturellement au rythme de la révolution industrielle et d’une prospérité positive sur le long terme.
L’une des évolutions importantes du XIXe siècle est l’apparition de la vente en bouteilles, en remplacement de la vente en barriques. Le verrier, l’imprimeur, le bouchonnier s’agrègent au monde du cognac quand les premières ventes en bouteilles apparaissent vers la moitié du siècle. Avec l’aide des autorités locales, une première verrerie s’installe à Cognac en 1854. Elle est suivie par bien d’autres, dont celle de Saint-Martin de Cognac. Claude Boucher, jeune verrier originaire de Blanzy (Saône-et-Loire), en prend la direction. Avant la fin du siècle, il met au point la première machine à fabriquer mécaniquement les bouteilles.


On porte aussi une attention particulière aux terroirs jusque-là définis par le nez des négociants anglo-saxons qui, dès la fin du XVIIIe siècle, avaient établi une cartographie des terroirs. En 1858, le Département de la Charente décide de financer une étude qu’il confie à Henri Coquand. Il en ressort une approche scientifique des différents terroirs, ou crus, de la région, qui va permettre la classification des crus de l’aire de production, mais ne fait que confirmer ce que le nez des marchands anglais avait établi. Le nez a précédé la science et n’a pas été contredit par elle. Il est toujours fondamental dans cette chaîne de savoirs où l’homme ne peut pas être remplacé par la machine.

Eau-de-vie née pour l’exportation et demeurée dans ce créneau, le cognac voit ses ventes fluctuer en lien avec les facilités exportatrices. Les guerres, notamment napoléoniennes, le blocus continental, le protectionnisme sont durement ressentis et contestés. L’homme politique devient un relais important dans la préservation des traditions et l’anticipation de l’avenir. Napoléon III signe en 1860 le traité de libre-échange, dit traité Cobden.


L’immense richesse née de sa signature est anéantie par le phylloxéra. Il apparaît dès 1872 et détruit largement le vignoble. Mais cette histoire tragique est aussi celle d’une résilience collective hautement significative. Toutes les forces vives de la région se liguent pour sauver la tradition et préparer l’avenir. La première constatation est qu’il faut abandonner le plant direct parce qu’il ne résiste pas à la maladie. Une mission d’étude est organisée en 1887 sous la direction de Viala et on en ramène la constatation que la vigne américaine n’est pas sensible au phylloxéra mais impropre à produire les vins souhaités. Il faut donc s’engager sur la voie du soudé-greffé unissant un système racinaire d’origine américaine et des cépages locaux sélectionnés pour leur capacité à produire les eaux-de-vie souhaitées. Après de multiples essais, une solution est trouvée par deux chercheurs, Millardet et Lafont. La replantation peut alors recommencer sur de nouvelles bases techniques et culturales guidées par un comité de la viticulture créé par les négociants puis confié à la Station viticole, organisme technique au service de la viticulture, créé en 1892, dirigé par Louis Ravaz. L’homme clé de cette évolution contrainte est le pépiniériste. Ce nouveau savoir-faire apparu sous la nécessité devient indispensable dans la chaîne des savoir-faire.
La crise entraîne aussi un risque majeur de fraudes et usurpations. En premier lieu, le nom cognac est protégé pour éviter qu’il ne devienne générique, par un délibéré de la cour de Douai en 1900. En 1909, les crus sont délimités officiellement et l’AOC est créée. Depuis 1946, les responsabilités d’organisation et de protection juridique et commerciale de la filière sont confiées au BNIC.

La recherche de haute qualité amène la communauté à faire constamment évoluer ses savoir-faire dans le respect de l’environnement. Le vignoble est collectivement engagé dans une démarche de Haute Valeur environnementale, un enjeu primordial pour l’interprofession.
Les évolutions peuvent être le fruit de recherches internes, mais aussi d’emprunts à l’extérieur, dans la continuité des relations toujours entretenues avec les autres cultures viti-vinicoles. Ces relations amènent d’ailleurs souvent les autres cultures à s’emparer à leur tour des évolutions mises en œuvre dans l’aire d’appellation, pour les adapter à leurs propres pratiques. Par exemple, l’alambic charentais est exporté dans le monde entier sous le nom de charentais pot still et utilisé pour d’autres spiritueux, comme la tequila ou le pisco.

L’automatisation des tâches

L'automatisation a permis de soulager la pénibilité de certaines tâches, et d'améliorer dans certains cas la productivité. Considérée comme une aide à la décision et une meilleure gestion du processus, elle ne doit cependant jamais être réalisée au détriment de l'expertise du praticien : « on risque petit à petit de perdre de l’intérêt, de perdre l’excellence, et de standardiser notre production » [1re réunion de grande communauté, atelier « Les procédés de la double-distillation à repasse », 16 avril 2018, témoignage d’un distillateur de profession].
Le changement des modes d’énergie
Dans la distillation, alors que le principe du feu nu est resté le même, l’alimentation de la chaudière est passée du bois au charbon, puis au fioul pour fonctionner aujourd’hui au gaz à plus de 90 %, quelques distillateurs utilisant encore le bois de chauffe. Ce changement énergétique a engendré des mutations, non pas dans les modes de distillation, mais dans la manière de les vivre. La présence constante du distillateur, qui devait alimenter l’alambic en bois ou en charbon, étant moins nécessaire, les modes d’occupation de l’espace s’en sont trouvés modifiés, avec un transfert du foyer familial hors des locaux de la distillation, alors qu’autrefois, pendant les cinq mois que durait la distillation, la vie de la famille se déroulait principalement à cet endroit.

L’adaptation et l’anticipation aux changements climatiques

La communauté travaille sur un matériau vivant et fragile. À ce titre, elle est très sensibilisée aux changements climatiques, qui vont avoir une influence profonde sur le vignoble, au point de probablement amener à des évolutions importantes sur la matière première unique de l'Ugni Blanc. Elle est très attachée à la recherche de nouvelles variétés résistantes aux maladies anciennes ou nouvelles, à l'adaptation de l'état sanitaire face aux évolutions du climat. Elle a mis en place des organismes de recherche, tel le Conservatoire du vignoble charentais, qui évalue et expérimente à partir d’une collection de 200 cépages et dont les membres interviennent comme experts en conseil ou dans les expérimentations.

Vitalité

Les savoir-faire connaissent une réelle vitalité, ce qui se traduit par une prospérité économique, après la crise des années 1990, qui a fortement réduit l’activité et entraîné de nombreux licenciements et un risque de perte de savoir-faire. En 2018, 205,9 millions de bouteilles ont été vendues dans le monde, dont 50 % de VS, 39 % de VSOP, 11 % de cognacs de plus ancienne qualité.
L’état des installations est également en plein essor. Ainsi, le nombre des alambics a connu un besoin de renouvellement important et nécessite deux ans d’attente avant son installation.
Les savoir-faire sont attractifs : les jeunes issus des familles installées sur place reviennent, s’intéressent aux différents métiers, reprennent les exploitations depuis la crise de la fin des années 1990, ou suivent les formations mises en place dans différents domaines comme la tonnellerie ou la distillation.
La vitalité des savoir-faire a également connu une nouvelle impulsion grâce à de nouvelles pratiques liées à la prise de conscience de l’importance du respect de l’environnement et de la biodiversité, qui amène un retour aux traditions viticoles. La réintroduction d’espèces qu’on avait eu tendance à faire disparaître de la vigne, comme les chauves-souris, permet d’assurer un bon équilibre sanitaire.
En dépit de cette vitalité, le souvenir des crises passées reste prégnant et la communauté reste animée d’un souci constant de recherche de solutions innovantes pour que ses savoir-faire perdurent : « rien n’est jamais acquis, tout peut être remis en cause. Nous cherchons constamment la meilleure solution possible pour parvenir aux objectifs fixés par la communauté » [atelier complémentaire « Vitalité / menace », janvier 2020, témoignage d’un membre salarié du BNIC].


Menaces et risques


En dépit de la vitalité des pratiques, les savoir-faire subissent des menaces importantes, dues à différents facteurs :
− le nombre de jeunes qui reprennent les savoir-faire ne suffit pas à compenser le nombre de départs. En 1984, on dénombrait 18 000 exploitations viticoles ; aujourd’hui, il en reste à peu près 4000. Cette diminution des praticiens et la spécialisation croissante des tâches risquent d’entraîner une standardisation qui, couplée à une éventuelle robotisation (notamment avec l’apparition de l’automate de distillation), menace directement la place des savoirs sensoriels notamment de la dégustation pendant la distillation.
− un risque de disparition des caractéristiques de l’Ugni blanc pour le vin de distillation, dû aux évolutions climatiques. Les changements climatiques ont raccourci le cycle de la vigne de 21 jours, entraînant un cycle végétatif plus court et des vendanges plus rapides, avec un degré d’acidité moins élevé.
− un risque de disparition des chênes indispensables au vieillissement. Il faut 150 ans pour produire un chêne, et il faut que les producteurs, les tonneliers, les maîtres de chai, puissent être certains de leur qualité et de leur traçabilité, afin de produire les eaux-de-vie les plus aromatiques possibles.
− un manque de formations adaptées risque de faire perdre les savoir-faire et disparaître des installations indispensables. Ainsi, en 2018, on dénombrait 5 fabricants artisanaux ou semi-artisanaux, contre une vingtaine dans les années 1970. Beaucoup d’alambics ayant été réalisés à la même époque, il risque d’y avoir pénurie s’il n’y a pas plus d’artisans.
− l’image globale du cognac risque de prendre le pas sur la qualité du produit. La méconnaissance de la diversité des producteurs et des maisons de cognac peut entraîner une ignorance de l’hétérogénéité de la diversité des gammes et des arômes. Cette perte peut engendrer une diminution importante de la diversité des origines d'eau-de-vie, garantes de la qualité des cognacs, et donc une perte de la culture patrimoniale de haute qualité.
− la contrefaçon représente un risque important. Corollaire du risque d’uniformisation, elle peut menacer à terme toute la systémie des savoir-faire, non délocalisables, et tous orientés vers la plus haute qualité possible.

De façon générale, la montée de l’individualisme constitue la grande menace sous-jacente qui occupe tous les esprits : « avec le renforcement de l'individualisme en cours dans notre société actuelle, on risque d’aller à l'encontre du collectif, qui est la grande force de nos savoir-faire du cognac » [atelier complémentaire « Vitalité / menace », janvier 2020, témoignage d’un viticulteur].

Modes de sauvegarde et de valorisation 


Différents modes de sauvegarde ont déjà été mis en place pour tenter de prévenir ces menaces :
− une recherche pour préserver les qualités traditionnelles des cépages. Afin de contrecarrer l’augmentation de la teneur en alcool, les différents organismes comme la Station viticole recherchent des cépages moins riches en sucre et plus riches en acides. Des cépages plus résistants aux maladies, élaborés à base de cépages historiques, sont également étudiés, afin de diminuer au maximum les produits phytosanitaires. Une conservation patrimoniale et scientifique des différents cépages locaux a été initiée en 1998 à Cherves-Richemont par les élus, les professionnels et l’IREO de Richemont. Le Conservatoire du vignoble charentais qui recense aujourd’hui une collection ampélographique de plus de 200 accessions (type de cépage) locaux, est mis à disposition des praticiens, dans le cadre d’expérimentations sur différentes productions régionales.
− un suivi de l’implantation des chênes grâce à un partenariat fort et étroit entre l’interprofession et l’ONF, afin de garantir le maintien constant de la qualité.
− des formations qui sensibilisent à l’aspect manuel des savoir-faire. Dans le savoir-faire de la distillation, les maisons de cognac, l’IREO de Richemont et les formations internes mettent l’accent sur l’importance sensorielle et humaine, afin de permettre aux praticiens d’utiliser les automatismes à bon escient.
− pour permettre une meilleure connaissance de la diversité des savoir-faire et des cognacs, une offre œno/spiritourisme se développe sur l’ensemble du territoire de l’aire d’appellation cognac, depuis les années 1990, par une approche plurielle et complémentaire : circuits de visite organisés par les maisons de cognac, découverte des exploitations viticoles des producteurs de cognac et pineau des Charentes, exposition de collections privées (écomusée de Migron, musée de l’Alambic de Saint-Romain-de-Benêt). La destination touristique cognac bénéficie du label « Vignoble et découverte ». Des événements ponctuels sont également organisés par les collectivités territoriales comme les « balades romanes et gourmandes » (balade contée du village accompagné d’une visite chez un producteur de cognac et pineau des Charentes), une cinéscénie sur l’histoire du cognac à Bourg-Charente, ou l’intégration des savoir-faire du cognac dans l’application touristique de géocaching Terra-Aventura, coordonné par le Pays de Saintonge romane.
− pour lutter contre la contrefaçon, des douaniers sont formés par le BNIC, qui accompagne ces derniers dans les pays exportateurs. Le BNIC accompagne également les pays exportateurs, comme la Chine, dans des transferts de compétence et la mise en place d’appellations d’origine, comme c’est le cas par exemple avec le poivre de Sichuan.
− pour lutter contre les risques liés à l’individualisme, la mise en place de la démarche d’insertion des savoir-faire à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel a permis de valoriser l’importance d’une action collective et participative pour faire reconnaître, aussi bien auprès de la communauté que de l’extérieur, l’importance de toute la chaîne des pratiques.

Actions de valorisation à signaler: 

La fête du Cognac, tous les ans au port de Cognac, a été créée par de jeunes viticulteurs des deux Charentes en 1998, désireux de mettre en place un événement fédérateur et convivial autour du cognac et de leur métier. Elle met en valeur les saveurs du terroir, en accompagnant la découverte du cognac et de ses modes de consommation par un festival musical et une découverte de la gastronomie locale. Elle a été très rapidement appropriée par toute la communauté et connaît un succès grandissant, aussi bien auprès de la communauté, qu’auprès de la population des environs.

Modes de reconnaissance publique: 

La prise en compte des savoir-faire du cognac, comme bien culturel et mode de reconnaissance du processus d’élaboration, se construit progressivement sur le territoire de l’aire d’appellation depuis les années 2000. Différents modes de reconnaissance publique sont mis en place, de manière concomitante, par les acteurs publics et privés.
Le musée des Arts du cognac (Musée de France) est installé sur les bords de la Charente, dans les locaux d’une ancienne maison de négoce à Cognac en 2004. Il apporte un éclairage historique sur toute la chaîne des savoir-faire et sur l’évolution des outils à travers les siècles. La Maison de la vigne et des saveurs, à Archiac, permet par une scénographie interactive de découvrir le vignoble de la Haute-Saintonge et ses senteurs. Enfin, le label Ville d’art et d’histoire obtenu en 2012 par Cognac reconnaît auprès de la population cognaçaise l’empreinte architecturale de la culture du cognac sur sa ville homonyme.
Parmi les acteurs culturels, le Groupe d’études et de recherches historiques (GREH) de la Charente saintongeaise, fondé en 1978, insuffle un renouveau des études régionales en Cognaçais. Les objectifs sont de promouvoir une conception renouvelée de l’histoire, de militer pour une meilleure connaissance du territoire, de croiser les savoirs et d’intégrer la population. Conférences, colloques et publication d’une revue annuelle ont été les principaux supports de développement depuis la fondation. Ils ont suivi quelques axes majeurs : la redécouverte des étapes de la mise en place des crus, l’étude des patrimoines liés à la production viticole (maisons charentaises, bâtiments d’exploitation agricole, châteaux et demeures, anciens chais, etc.), l’approche sociologique, l’analyse historique globale, l’approche géo-économique, l’étude des paysages.
Les acteurs privés s’impliquent aussi dans une démarche de patrimonialisation des savoir-faire par la constitution d’un important réseau émargeant au dispositif « Entreprise du Patrimoine vivant ». Cette reconnaissance participe pleinement de la mise en valeur de cette tradition patrimoniale comme fondement des savoir-faire du cognac. Il est possible de lister sept entreprises inscrites sur le territoire : trois maisons de cognac (petite, moyenne et grande), une tonnellerie, un fabricant de coffret bois, un bouchonnier, un décorateur sur verre (en cours de montage du dossier).
La création de l’association « Les savoir-faire du cognac », en février 2016, à l’initiative des collectivités territoriales et de l’interprofession du cognac, participe de ce mouvement global. Son positionnement comme passeur de culture lui permet de réunir la diversité de la communauté en s’appuyant sur la méthodologie proposée par le patrimoine culturel immatériel.

Les mesures de sauvegarde envisagées ont pour objectif principal de poursuivre la dynamique territoriale de co-construction déjà entamée.
Elles s’orientent selon cinq axes :

Fédérer
− poursuivre la dynamique des réunions de grande communauté (cf. partie IV.4) par de nouvelles réunions participatives à fréquence régulière ;
− mettre en place une « grande collecte » relative aux savoir-faire, aux objets et aux représentations…

Partager

− organiser des temps d’échanges avec les autres cultures viti-vinicoles et de spiritueux (Géorgie, Pérou, Espagne…) sur leurs enjeux patrimoniaux (colloques nationaux ou internationaux, réunions et partages d’expériences) ;
− mettre en place un réseau d’animateurs en patrimoine culturel immatériel sur le territoire pour coordonner les actions de sauvegarde.


Sensibiliser

− mettre en place une plate-forme internet immersive (inclusion d’une sonothèque) sur les savoir-faire du cognac à destination de la communauté et de toute personne souhaitant découvrir le processus d’élaboration ;
− mettre en place une politique culturelle autour d’expositions itinérantes présentant les valeurs de la communauté et du patrimoine culturel immatériel.

Transmettre

− poursuivre le travail de médiation culturelle pour sensibiliser la communauté aux valeurs du patrimoine culturel immatériel ;
− susciter l’intérêt des nouvelles générations aux savoir-faire et favoriser un renouvellement des métiers ;
− mettre en place un centre d’interprétation archivistique sur les savoir-faire du cognac et mettre en place un séminaire sur les usages et la valorisation des archives du cognac


Développer

− faire de l’insertion à l’inventaire un outil de développement local au service des actions de valorisation territoriale des collectivités (sensibilisation au patrimoine culturel immatériel via l’oenotourisme, apport aux mesures de formation…).

Récits liés à la pratique et à la tradition
La communauté ne reconnaît pas de récits liés à sa tradition.

Inventaires réalisés liés à la pratique
Inventaire du patrimoine industriel de Poitou-Charentes. − Réalisé par l’Inventaire général du patrimoine culturel de la Région Poitou-Charentes en 2007-2009, il comporte des dossiers de description du patrimoine lié aux savoir-faire du cognac (cf. partie « Sitographie sommaire »).
Inventaire participatif réalisé par la communauté. − La communauté du cognac a entamé à partir d’avril 2017 une démarche d'identification des fondements de sa culture. À la suite d’une première réunion de consultation, de 300 membres de la communauté en avril 2017, un travail d’inventaire local des pratiques représentatives du cognac a été réalisé (cf. schéma méthodologique infra). En 2018-2019, des fiches d'inventaire décrivant les différents aspects de ces savoir-faire ont été réalisées selon une méthode 100 % participative, où l’expression de chaque praticien a été prise en compte. Les praticiens ont été impliqués dans toutes les étapes du projet (définition du périmètre, identification et collecte du contenu, relecture des fiches, hiérarchisation des éléments de la fiche chapeau) selon une méthode similaire pour la réalisation de chaque fiche. Au total, 3060 heures ont été consacrées au projet par 1000 membres de la communauté afin d’apporter le contenu et faire vivre cet inventaire partagé.


L’identification préalable des pratiques

Un travail d’identification des pratiques liées au cognac a été réalisé (29 novembre 2016 et 23 février 2017), afin d’établir un inventaire exhaustif des pratiques représentatives et spécifiques du processus d’élaboration. En petits groupes de travail, 38 professionnels (filière cognac, représentants de savoir-faire associés et élus du territoire) ont d’abord défini ce qu’ils entendaient par le patrimoine culturel immatériel du cognac. Dans un second temps, ils ont regroupé les différents points afin d’obtenir des thématiques représentatives de la richesse et de la profondeur de ces savoir-faire. 48 points d’intérêts ont ainsi été identifiés comme nécessitant une insertion à l’inventaire des pratiques liés au cognac, selon les critères suivants : placer l’être humain au cœur du processus d’élaboration, transmettre le patrimoine de génération en génération et tenir compte de ce que les évolutions contribuent pleinement à une meilleure maîtrise des savoir-faire.

Le travail d’inventaire

Sous la direction d’un comité de praticiens composé de 17 membres élus par les fédérations professionnelles (représentatifs de la diversité de la communauté du cognac) pour s’assurer de la justesse du contenu, 22 thématiques ont été soumises à l’ensemble des membres de la communauté.
Ces thématiques ont fait l'objet de deux séances d’ateliers, ouverts à tous les membres de la communauté (« réunions de grande communauté »). Elles ont été encadrées par des spécialistes du patrimoine culturel immatériel ou du patrimoine (universités de Pau et d'Aix-Marseille, association Bretagne Culture Diversité, membres d’ONG accréditées par l’Unesco, rédacteurs de dossiers de candidature à l’Unesco, directeurs d’institutions culturelles...), garants de la neutralité des échanges. Ils ont recueilli la parole de plus de 500 praticiens, accompagnés de rapporteurs, issus de la communauté, qui ont rendu compte aux autres groupes des résultats obtenus à la fin de chaque réunion.
Cette parole a ensuite été retranscrite, puis a servi à la rédaction des fiches d'inventaire finales. À la suite de recoupements thématiques, le contenu de certains ateliers a été fusionné. Dans d'autres cas, des ateliers spécifiques ont été mis en place avec les membres de la communauté concernée, afin de décider avec eux de la pertinence d'une fiche spécifique. C'est le cas de la thématique des autres utilisations du cognac, dont les participants (Comité national du Pineau des Charentes, Grand-Marnier, etc.) n'ont pas souhaité qu'il y ait une fiche séparée, considérant qu'ils s'inscrivent pleinement dans les autres processus déjà détaillés et participent de la culture du cognac.


Le travail de rédaction des fiches d’inventaire

Les fiches d’inventaire ont été rédigées à partir de la retranscription des ateliers. Leur contenu a ensuite été recoupé avec des informations recueillies in situ auprès des praticiens, lors d’observations directes pendant la réalisation des différentes étapes d’élaboration, et lors des temps rythmant la sociabilité de la communauté (réunions de viticulteurs, fêtes…). Chaque fiche a été révisée en dernière étape par un professionnel ou plusieurs professionnels de la filière. Elle a ensuite été validée par les membres du comité scientifique. Le comité scientifique est constitué des membres des deux familles, reconnus par la communauté pour leur expertise.
Tout ce travail d’inventaire sera mis en ligne sur une plate-forme internet dédiée, au cours du premier trimestre 2020, afin de servir à la transmission des savoir-faire au sein de la communauté, mais aussi de développer la curiosité du grand public.


La hiérarchisation des valeurs identitaires

Cependant, conscients que ces réunions étaient surtout destinées à recueillir des données de type factuel, et afin de contribuer directement à la structuration de la fiche soumise au ministère de la Culture, la communauté a souhaité hiérarchiser ses valeurs.
C'est ainsi qu'une réunion entièrement participative, avec vote électronique direct et en temps réel, a été mise en place le 21 octobre 2019. Elle a rassemblé plus de 200 personnes. La communauté a ainsi hiérarchisé par vote les valeurs apparues lors des ateliers de grande communauté, afin de permettre aux rédacteurs d'établir une fiche qui reflète au mieux les savoir-faire et valeurs sous-tendus.


Bibliographie sommaire

Belot Claude, « Livreurs de vin et bouilleurs de cru du pays de Cognac », Norois, n° 86, 1975, p. 243-257.
Bernard Gilles, Le Cognac, une eau-de-vie prestigieuse, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2008.
Bernard Gilles, Le Cognac. À la conquête du monde, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2011.
Bessière Céline, De génération en génération dans les entreprises viticoles de Cognac, Paris, Raisons d’Agir éditions, 2010.
Calabrese Salvatore, Cognac, a Liquid History, Londres, Cassell & C°, 2001.
Caumeil Michel, « Le Cognac », Pour la Science, n° 74, décembre 1983.
Coste Michel, Cognac. Les clefs de la fortune, Cognac, Librairie du château, 2001.
Coussié Jean-Vincent, Le Cognac et les aléas de l’histoire, Jonzac, Université francophone de Jonzac, 1990.
Coussié Jean-Vincent, Le Cognac. Un produit régional, un marché mondial, Cognac, Atelier graphique cognaçais, 2011.
Cullen Louis-M., Le Choix de Cognac. L’établissement des négociants irlandais en eau-de-vie au XVIIIe siècle, Paris, Le Croît Vif, 2006.
Delamain Robert, Histoire du Cognac, Cognac, Éditions de la Salamandre, 1935.
Dion Roger, Histoire de la vigne et du vin en France, Paris, Flammarion, 1977.
Enjalbert Henri, « Aux origines du Cognac », Annales du GREH, n° 5, 1983, p. 5-12.
Faith Nicholas, Cognac, Londres, Mitchell Beazley, 2004.
Faith Nicholas et Guillard Michel, Encyclopédie du Cognac, Vignes, Alambics et chais, Montigny-le-Bretonneux, Inventaire des territoires, 2016.
Fondation Xavier-Bernard, L’Agriculture en Charente-Maritime au XXe siècle, La Crèche, Geste éditions, 2016.
Fondation Xavier-Bernard, L’Agriculture en Charente au XXe siècle, La Crèche, Geste éditions, 2011.
Jarrard Kyle, Cognac. La saga d’un esprit, Paris, Le Croît Vif, 2007.
Jouannet Gérard, « L’affirmation progressive des rapports homonymiques entre un produit et une ville », Annales du GREH, n° 5, 1983, p. 13-39.
Julien-Labruyère François, Cognac Story : du chai au verre, Paris, Le Croît Vif, 2008.
Julien-Labruyère François, Paysans charentais, La Rochelle, Rupella, 1982.
Lampre Caroline, Le Cognac par ses étiquettes, Paris, Herscher, 2002.
Lemoine Véronique, Les Arômes du Cognac, Bordeaux, Féret, 2009.
Mitenbuler Reid, « La longue histoire d’amour entre cognac et noirs américains », blog slate.fr, 21 décembre 2013 [ http://www.slate.fr/story/80949/longue-histoire-amour-cognac-francais-noirs-americains ].
Parvulesco Constantin, Saveurs du terroir : le cognac, Paris, Flammarion, 2002.
Pinard Jacques, « Demeures des bouilleurs de cru du vignoble de Cognac », Annales du GREH, n° 5, 1983, p. 72-76.
Ray Cyril, Cognac, Londres, Peter Davies, 1973.
Ravaz Louis, Le Pays du Cognac, Angoulême, Coquemard, 1900.
Rey Daniel et Jamin Geneviève, Maîtres de chai du Cognac, Cellar Masters of Cognac, Cognac, Éditions d’Autils, 2018.
Saunier Isabelle, « Le Cognac de son élaboration à sa commercialisation », thèse de pharmacie, Université de Bordeaux 2, 1997.
Sepulchre Bruno, Le Livre du cognac, Paris, Hubschmid et Bouret, 1983.
Taransaud Jean, Le Livre de la tonnellerie, Paris, La Roue à livres diffusion, 1976.
Vivier Alphonse et Ravaz Louis, Le Pays de Cognac, Angoulême, L. Coquemard, 1900.


Filmographie sommaire

Non renseigné


Sitographie sommaire

De nombreux sites internet, créés par les maisons de cognac, les entreprises spécialisées dans les savoir-faire associés ou des blogueurs présentent de manière attrayante et documentée les savoir-faire du cognac. Dans un souci d’équité, la communauté a préféré faire uniquement figurer dans cette rubrique un choix très restreint de sites émanant d'institutions ayant reçu une approbation unanime.
● Patrimoine industriel de Poitou-Charentes (Inventaire général de Poitou-Charentes)
http://dossiers.inventaire.poitou-charentes.fr/le-patrimoine-industriel/index.html
● Bureau National et Interprofessionnel du Cognac
Des pages consacrées aux différents métiers du cognac (enfonceur de piquets, vendangeur, distillateur, maître de chai…) ont été réalisées en 2018.
https://www.cognac.fr/decouvrir/savoir-faire/


Les quelque 800 praticiens rencontrés et contributeurs de la fiche sont énumérés en annexe 5 de la présente fiche. Les personnes n’ont pas souhaité que les coordonnées figurent dans la fiche, mais elles sont disponibles sur demande, et après obtention de l’accord des personnes concernées, auprès de l’association Les savoir-faire du cognac.

Comité de praticiens

Sous la présidence de Jean-Bernard de Larquier, viticulteur et bouilleur de cru, co-président de l’association « Les savoir-faire du cognac » :
• François Bodin, pépiniériste, président du Syndicat des pépiniéristes viticoles de la région de Cognac
• Pascale Croc, viticultrice et bouilleure de cru
• Stéphane Denis, viticulteur et bouilleur de cru
• Thierry Doreau, tonnelier, président de la Fédération des tonneliers de Charente
• Amaury Firino-Martell, viticulteur et bouilleur de cru
• Eric Forget, maître de chai de la Maison Hine
• Olivier Fourcade, viticulteur et bouilleur de cru
• Benjamin Galais, directeur technique de la maison Ferrand
• Stéphanie Léger-Estourneau, directrice juridique de la maison Rémy-Martin
• Eve Morales-Réchou, distillatrice de profession
• Marie-Christine Moyet-Migaud, viticultrice et bouilleure de cru
• Olivier Paultes, directeur des distilleries de la maison Hennessy
• Philippe Tizon, représentant des chaudronniers
• Christophe Valtaud, maître de chai de la maison Martell
• Christophe Véral, viticulteur et bouilleur de cru, chef de la famille viticole à l’Interprofession du cognac, président de l'Union générale des viticulteurs pour l’AOC Cognac



Soutiens et consentements reçus
Les soutiens à l’insertion à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France ont été obtenus lors des réunions de grande communauté (16 avril 2017 au musée des Arts du cognac et 30 octobre 2018 au Centre des congrès de Jonzac), lors de la réunion de hiérarchisation des valeurs identitaires (21 octobre 2019 au Centre culturel de Cherves-Richemont), auprès des contributeurs aux fiches d’inventaire.
Le projet d’insertion à l’inventaire a également reçu le soutien du Syndicat national des pépiniéristes (réunion du 30 octobre 2019), du Syndicat des Maisons de cognac (réunion du 14 octobre 2019). Dans un futur proche, il obtiendra l’implication officielle du Syndicat des bouilleurs de profession.


Rédacteur(s) de la fiche

• Anne-Laure Jouannet, géographe, coordinatrice de l’association Les savoir-faire du cognac, lessavoirfaireducognac@gmail.com
• Gérard Jouannet, historien, administrateur de l’association Les savoir-faire du cognac, jouannetgerard@free.fr

 Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré

• Sylvie Grenet, conseiller scientifique, sylvie_grenet@yahoo.fr
• Jean-Bernard de Larquier, viticulteur et bouilleur de cru, co-président de l’association Les savoir-faire du cognac, président du comité des praticiens, fine.goule@wanadoo.fr
• Luc Lurton, directeur de la Station viticole du BNIC, llurton@bnic.fr
• Chloé Rosati, chercheure associée à l’Université de Nice, chloe.rosati@gmail.com
• Catherine Virassamy, consultante, catherinevirassami@gmail.com

Lieux(x) et date/période de l’enquête
2019, sur l’aire d’appellation Cognac

Données d’enregistrement
Date de remise de la fiche : 7 février 2020
Année d’inclusion à l’inventaire: 2020
N° Ministère de la Culture : 2020_67717_INV_PCI_FRANCE_00466
Identifiant ARKH : <uri>ark:/67717/nvhdhrrvswvk252</uri>


Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cognac_(eau-de-vie)

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