Le Point d’Alençon, savoir-faire unique au monde, n’est détenu aujourd’hui que par une dizaine de spécialistes dont la plupart appartient à l’Atelier conservatoire national d’Alençon.

La dentelle est une pièce de textile ajourée exécutée à partir d’un ou plusieurs fils. Elle se distingue de la broderie qui correspond à l’ornementation d’un support préexistant.
Il existe au monde deux familles de dentelle à la main : la dentelle au fuseau et la dentelle à l’aiguille. La première qui est la plus répandue se développe dans des centres de production situés principalement en Europe, notamment dans plusieurs régions françaises – Auvergne, Normandie, Lorraine, Flandres,… –. La seconde, rare, est la dentelle à l’aiguille, dont le Point perfectionné dans la région d’Alençon correspond à la quintessence de cette technique. Le Point d’Alençon, savoir-faire unique au monde, n’est détenu aujourd’hui que par une dizaine de spécialistes dont la plupart appartient à l’Atelier conservatoire national d’Alençon.

Une technique d’exception
Uniquement réalisé à la main avec une aiguille et un seul fil, le Point d’Alençon, est constitué de l’assemblage invisible d’éléments de petite taille dont l’exécution nécessite la succession des dix étapes suivantes:

1- Dessin artistique : représentation à l’encre blanche de la dentelle terminée, puis dessin technique à l’encre rouge sur calque adapté aux représentations techniques à mettre en œuvre.

2 – Piquage : perforation régulière du parchemin en suivant le tracé du dessin technique.

3 – Trace : dessin de fils (armature de la dentelle) réalisé sur le parchemin piqué.

4 – Réseaux : mailles régulières et transparentes réalisées en arrière plan des points représentatifs des décors et de l’ornementation.

5 – Remplis : points spécifiques au décor réalisés de mailles plus ou moins espacées pour créer des ombres.

6 – Modes : ornementations variées réalisées sur la base de dessins de fils : cristaux de neige, râteaux, venise, O à nez, saint-esprit, mosaïque…

7 – Brode : points spécifiques au relief réalisés sur la trace.

8 – Levage : la dentelle est détachée du parchemin à l’aide d’une lame de rasoir.

9 – Éboutage : brisures de fils minutieusement retirées à l’arrière de la dentelle détachée du parchemin.

10 – Luchage ou affiquage : repassage à froid des « remplis » avec une patte de homard.

Un savoir-faire unique
Chacune de ces étapes de fabrication traduit, jusqu’au XXe siècle, une spécialisation du travail imaginée par une alençonnaise, Marthe La Perrière (1605-1677). Cette division historique du travail n’a pas nui à la transmission ni à l’enrichissement du Point d’Alençon. Aujourd’hui, chacune des dentellières d’Alençon s’est approprié la totalité de ce savoir-faire qui ne peut se transmettre que par apprentissage oral et gestuel. La maîtrise complète de la dentelle au Point d’Alençon nécessite sept à dix ans de formation.
La singularité de cette pratique réside également dans la durée exceptionnelle d’exécution. Il faut en effet une moyenne de sept heures pour réaliser un cm2 de ce précieux textile. Actuellement les dentellières de l’Atelier conservatoire assurent la conservation et la transmission de ce savoir. Outre leurs recherches historiques qui confortent la maîtrise technique, elles perpétuent une tradition de confrontation permanente à la création artistique.

Description des lieux et des installations
L’atelier a été aménagé en 1987 dans un cadre historique réhabilité au début des années quatre-vingt.
Il est installé au rez-de-chaussée de la « cour carrée de la Dentelle », réunissant les structures culturelles d’Alençon : le musée, la bibliothèque, le conservatoire de musique, un auditorium et les archives.

Nature de lieu
Bâtiment historique, ancien collège des Jésuites du XVIIe siècle, agrandi au XIXe siècle pour être consacré à l’éducation (lycée puis collège) avant sa réaffectation en espace dédié entièrement à la culture.

Mode d'apprentissage
Gestuel et oral

Milieu d'apprentissage
Professionnel au sein de l’atelier national du Point d’Alençon.

Durée de l'apprentissage
La maîtrise totale du savoir-faire dentellier nécessite un apprentissage d’une dizaine d’années. Les apprentis ont la possibilité au bout de deux années de passer - en candidat libre - un Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ainsi que d’obtenir au terme de cinq années un Brevet des métiers d’Art.

Description de l'apprentissage
L’apprentissage permet d’acquérir et de mettre en œuvre des compétences en termes de savoir-faire et de savoirs liés à la dentelle à l’aiguille (Point d’Alençon).

Description de la transmission
La transmission se fait uniquement par apprentissage.

Lieu de transmission
Exclusivement à l’Atelier national du Point d’Alençon.

Dès le XVIe siècle, la pratique de travaux d’aiguille existe à Alençon et dans sa région. En 1665, l’instauration de manufactures royales de dentelle en France favorise l’essor de cette activité qui fait travailler et vivre plusieurs milliers d’ouvrières sur le territoire alençonnais. Cette impulsion politique oriente très tôt le Point d’Alençon vers une production de prestige principalement à destination des cours royales européennes.
Sa finesse et sa sophistication progressives lui permettent d’atteindre l’excellence dans la seconde moitié du XIXe siècle. Elle est reconnue comme "Dentelle des reines et reine des dentelles" lors de l’exposition universelle de Londres en 1851. Pourtant son succès décline fortement en raison des évolutions de la mode et de l’émergence d’une production de dentelle mécanique. Paradoxalement, le Point d’Alençon doit sans doute sa pérennité à l’impossibilité de retranscrire mécaniquement la finesse et la qualité de cette production manuelle.
Le maintien d’une production, certes limitée, est encouragé par plusieurs initiatives publiques et privées tout au long du XXe siècle. Elles ont permis d’assurer la transmission du Point d’Alençon dont le savoir-faire n’est aujourd’hui détenu que par les dentellières de l’Atelier conservatoire national.

L'Atelier conservatoire national de la Dentelle d'Alençon a été créé en 1976 à l’initiative du Président de la République afin de perpétuer ce savoir-faire spécifique. Il est rattaché à l’administration générale du Mobilier national et des Manufactures. Ses membres sont aujourd'hui les seules à maîtriser ce savoir-faire et l'ensemble de la chaîne technique.

Aujourd’hui, si ce patrimoine est bien vivant, il est conforté par la conjugaison d’initiatives conduites tant par l’État que par la ville d’Alençon. Ainsi la création de l’Atelier conservatoire a permis l’épanouissement d’une communauté active de dentellières impliquées dans la transmission fidèle de la technique tout en s’ouvrant à la création contemporaine.

Actions de valorisation
La prise en compte du savoir-faire dentellier alençonnaise en tant que patrimoine est ancienne. Elle se manifeste d’une part dès le début du XXe siècle par la volonté d’assurer la pérennisation du savoir-faire par la création de dispositif d’apprentissage et de formation mais également par la prise en compte de ce potentiel culturel avec notamment la constitution d’une importante collection muséale de plusieurs centaines de pièces de dentelle à l’aiguille dont l’enrichissement se poursuit. La collection du Musée des Beaux-arts et de la Dentelle illustre le rôle du Point d’Alençon à travers ses 350 ans d’existence. Ce musée qui bénéficie du statut légal de Musée France s’inscrit comme un lieu de référence incontournable. Le musée est aujourd’hui un acteur incontournable pour la conservation et culturel.
La ville d’Alençon, elle-même, inscrit la dentelle comme une identité forte qu’elle manifeste dans la signature de lieux structurants l’espace urbain. Des réalisations audiovisuelles, la protection de la marque "dentelle d’Alençon"..., figurent parmi les réalisations récentes confortant cette identité du territoire.

Diffusion
Plusieurs ouvrages ont été édités au cours de ces dernières années : catalogues d’expositions, ouvrages documentaires et de fiction. Plusieurs films documentaires et de promotion de la dentelle ont également été réalisés.

Actions touristiques
La dentelle au Point d’Alençon est l’un des points forts de l’image touristique d’Alençon et de sa région et l’un des principaux vecteurs de promotion de la cité. La collectivité en fait le thème central dans sa candidature au label Ville et Pays d’Art et d’Histoire. Une gamme de produits dérivés de la dentelle véhicule l’excellence de ce savoir-faire.

Ouvrages de référence

- BOULARD Félix, 1924. La dentelle d’Alençon, ses origines, ses développements techniques et industriels, artistiques et historiques, imp. Alençonnaise, Alençon.

- DELESQUE-DEPALLE Brigitte, 1994. La dentelle à l’aiguille, éditions Créer, Nonette.

- DESPIERRES Gérasime, 1886. Histoire du Point d'Alençon, Alençon, réédition en 1988 par l’association La Dentelle au Point d’Alençon, Alençon.

- MILLION Gérard, 2001. La dentelle d’Alençon (XVIIe-XXe siècles) Recueil de textes, Service éducatif des Archives Départementales de l’Orne, éditions Conseil général de l’Orne, Alençon.

- Catalogue d’exposition La dentelle d’Alençon… un Point c’est tout ! Alençon, musée des Beaux-arts et de la Dentelle, 2008.

Articles

- BOULARD Félix. "La dentelle et Marguerite d’Angoulême", in Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, 1918, Alençon.

- BOULARD Félix. "Nouvelles méthodes applicables à l’industrie dentellière alençonnaise", in Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, 1925, Alençon.

- DARGAUD Marius. "La dentelle d’Alençon à la cour de Russie", in Le mois à Caen et en Basse-Normandie, avril 1967.

- DUVAL Louis. "Le Point d’Alençon avant Colbert", in Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, 1883, Alençon.

- DUVAL Louis. "Le Point d’Alençon après Colbert ", in Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, 1883, Alençon.

- LE VAVASSEUR Gustave. "Origine du Point d’Alençon", in Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, Alençon.

- ODOLANT-DESNOS Joseph. "De la fabrication du Point d’Alençon", in Journal d’Alençon, 10 juillet 1842.

- PESSEY-LUX Aude et RAUDE Solène. "Le Point d’Alençon : techniques et problèmes historiques", actes du colloque Dentelles 2001, 2004, Le Puy-en-Velay.

Roman

- MONTUPET Janine, 1984. La dentellière d’Alençon, éditions Robert Laffont, rééd. 2004, Paris.

Ouvrages généraux

- BRUGGEMAN Martine, 1997. L’Europe de la Dentelle, éditions Stichting, Kunstbock, Bruges.

- BURY-PALISSER Fanny, 1892. Histoire de la Dentelle, éditions Firmin Didot, Paris.

- KRAATZ Anne, 1984. Modes en dentelles XVIe-XXe siècles, catalogue d’exposition, éditions du musée des Beaux-Arts et de la Dentelle de Calais.

L’action des pouvoirs publics a permis, notamment au travers de la création de l’Atelier national, d’assurer, tout au long du XXe siècle, la transmission du savoir-faire dentellier. Il s’agirait à l’avenir de mieux coordonner les différents acteurs afin d’assurer la pérennité du savoir-faire en :

- Assurant le devenir d’une production de haute technicité au sein de l’Atelier national par le maintien et le renouvellement de l’effectif des dentellières,

- Confrontant le plus souvent cette production de haute technicité à la création contemporaine afin de projeter au mieux le savoir-faire dentellier dans l’avenir et de perpétuer son attractivité sous des formes renouvelées.

- Élargissant l’assise des détenteurs d’un savoir-faire dentellier en créant un pôle de formation s’adressant à un public amateur ou issu de milieux professionnels voisins, en liaison étroite avec les dentelliers de l’Atelier national.

Personne(s) rencontrée(s)

- Brigitte Lefebvre, dentellière, chef de l'Atelier conservatoire national du Point d'Alençon

Localisation (région, département, municipalité)

Basse-Normandie, Orne, Alençon

Adresse : Ilôt Charles Aveline, Cour carrée de la Dentelle
Ville : Alençon
Code postal : 61000

Téléphone : 02 33 26 33 60
Fax : 02 33 26 13 62
Adresse de courriel : brigitte.lefebvre@culture.gouv.fr

Dates et lieu(x) de l’enquête : Alençon, novembre 2008
Date de la fiche d’inventaire : Janvier 2009
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Pierre Schmit, directeur du Centre régional de culture ethnologique et technique de Basse-Normandie (Crécet) / Aude Pessey-Lux, Conservateur du Musée des Beaux arts et de la Dentelle d’Alençon.
Nom du rédacteur de la fiche : Pierre Schmit

Photographies
Légendes et crédits photographiques de la fiche :
1- Les dentellières d'Alençon: la communauté. 20/05/09 cliché Sébastien Collet , service communication de la ville d'Alençon. (libre de droits)
2- (ancien n°5) Une technique d'exception: réalisation d'un picot pour un point d'ornementation. 20/05/09 cliché Sébastien Collet , service communication de la ville d'Alençon. (libre de droits)
3- (ancien n°8) Un volant moderne (1998-2006): technique de l'assemblage. Avril 2009 cliché Gilles Kervella (libre de droits)

N° d'inventaire Ministère Culture : 2008_67717_INV_PCI_FRANCE_00036
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2wj

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dentelle_d'Alencon

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