Si le kan ha diskan constitue une forme particulièrement originale du chant alterné, et un symbole fort de la culture bretonne, la pratique du chant à répondre correspond à une zone géographique beaucoup plus étendue (une grande partie de la Bretagne méridionale et centrale), à des usages plus variés, et dans beaucoup de secteurs, à une pratique plus massive et plus largement transmise. Dans le chant à répondre, un ou plusieurs meneurs mène(nt) le chant, et l’ensemble de l’assistance répète chaque phrase musicale à l’unisson, sans tuilage. La pratique du chant à répondre est utilisée pour les chants de marche, les chants à danser (pour les répertoires de ronde essentiellement), les chants de table, et dans certaines zones pour la quasi‐totalité du répertoire chanté.

Chant à répondre.

- traditions et expressions orales.

Dans la société rurale traditionnelle, dans les zones de chant à répondre, la pratique concernait peu ou prou tout le monde, toute la population, non seulement les chanteurs confirmés habitués à mener le chant, mais aussi l’ensemble des gens qui sont amenés à répondre le chant, que ce soit dans le cadre familial, de village, ou de fêtes.
Aujourd’hui, la pratique continue d’exister au sein de certaines familles, mais elle est aussi relayée par le mouvement de renouveau de la musique bretonne qui organise stages, collectes, veillées chantées, fest‐noz, concours, randonnées chantées, etc. Grâce à toutes ces actions, le chant à répondre est aujourd’hui porté à différents degrés par des milliers d’individus qui participent à ce mouvement associatif.

Dans le cadre du renouveau des traditions orales, et notamment depuis les années 1970, le chant à répondre est pratiqué dans l’ensemble de la Bretagne historique (Bretagne administrative et Loire‐Atlantique), notamment dans les fest‐noz, concours, veillées, repas, randonnées chantées, fêtes de chant marin... Sa pratique est toutefois plus forte et plus enracinée dans les secteurs d’origine de la pratique : Loire‐Atlantique, Morbihan, Côtes-d’Armor gallèses (les deux tiers orientaux du département), ainsi que la point sud‐ouest de l’Ille‐et‐Vilaine, le nord Finistère et certains secteurs de la côte sud du Finistère. L’épicentre de la pratique est nettement ce qu’on appelle le pays vannetais, qui recouvre une grande partie du Morbihan : densité de pratique plus forte, transmission plus longue et application de la pratique à la quasi‐totalité du répertoire chanté.

La pratique du chant à répondre tel qu’il se pratique en Bretagne (hors kan ha diskan) s’est également maintenue, à différents degrés de vitalité, sous une forme équivalente mais avec des nuances d’usage, dans plusieurs régions francophone, notamment en Haute‐Normandie (pays de Caux), en Poitou, au Québec.

Dans le chant à répondre, un ou plusieurs meneurs mènent un chant, et la totalité de l’assistance présente (qu’on appellera ici le chœur), et non pas des personnes désignées à l’avance, y "répond", ou plus exactement le "répète", le tout à l’unisson1. Chaque couplet est découpé en deux ou trois phrases musicales qui sont à chaque fois répétées par le chœur.
De nombreux chants utilisent des structures simples, faciles à répéter, mais il en existe aussi un nombre important qui utilisent des structures plus complexes, avec par exemple une partie centrale chantée en solo par le meneur et non répétée. Dans ce cas, la partie centrale sera souvent repris en début de couplet suivant et sera alors d’autant plus facilement répété par l’assistance qu’il aura déjà été entendu une fois. La plupart de ces chants sont des chants "en laisse", c’est‐à‐dire construits sur une série de couplets courts d’un ou deux vers et combinés à un refrain ou à des ritournelles, voire des onomatopées insérées, enchâssées dans les couplets, et bien souvent sans rapport avec ces derniers. Ce système rend très facile la mémorisation des chants, favorise la réponse, y compris par des répondeurs qui découvrent la chanson pour la première fois, ainsi que la mémorisation (de nombreux informateurs affirment avoir retenu des chansons souvent après une seule audition, ou deux ou trois).

Exemple de structure simple :

Meneur(s) : À la cour du palais (bis)

Chœur : À la cour du palais (bis)

Meneur(s) : L’y a‐t‐une flamande, lala
L’y a‐t‐une flamande.

Chœur : L’y a‐t‐une flamande, lala
L’y a‐t‐une flamande.

Exemple de structure plus longue :

Meneur(s) : À la cour du palais (bis)

Chœur : À la cour du palais (bis)

Meneur(s) : Oh fleur de lilas, lala
L’y a‐t‐une flamande, la
Oh fleur de lilas, lala
L’y a‐t‐une flamande

Chœur : Oh fleur de lilas, lala
L’y a‐t‐une flamande, la
Oh fleur de lilas, lala
L’y a‐t‐une flamande

Exemple de structure en trois parties :

Couplet n°1 :

Meneur(s) : J’ai descendu dans ma cave
Par un escalier d’argent (bis)

Chœur : J’ai descendu dans ma cave
Par un escalier d’argent (bis)

Men. solo : J’ai rencontré la vignolette
Qui fleurissait rang à rang

Meneur(s) : Bergère allons doux et doux,
Ma mie allons doucement

Chœur : Bergère allons doux et doux,
Ma mie allons doucement

Couplet n°2 :

Meneur(s) : J’ai rencontré la vignolette
Qui fleurissait rang à rang (bis)

Chœur : J’ai rencontré la vignolette
Qui fleurissait rang à rang (bis)

Men. solo : Je tire mon couteau de ma poche
J’en coupis trois brins du long

Meneur(s) : Bergère allons doux et doux,
Ma mie allons doucement

Chœur : Bergère allons doux et doux,
Ma mie allons doucement

Dans les zones où la pratique du chant à répondre est la plus forte, on trouve également des chansons dites "strophiques", c’est‐à‐dire construites sur des couplets de plusieurs vers, généralement sans refrain, et dont la structure est plus longue et plus difficile à répéter pour des répondeurs non habitués (souvent quatre vers différents dans la seconde partie).

Exemple de chansons strophiques "à répondre" :

Meneur(s) : Rossignolet du bois joli,
Rossignolet sauvage

Chœur : Rossignolet du bois joli,
Rossignolet sauvage

Meneur(s) : Voudrais‐tu porter une lettre
À ma tant jolie maîtresse
Elle est là‐bas tout endormie
Le long de ces petits bois jolis

Chœur : Voudrais‐tu porter une lettre
À ma tant jolie maîtresse
Elle est là‐bas tout endormie
Le long de ces petits bois jolis

Certaines parties déjà longues à répéter sont même parfois doublées par le meneur :

Meneur(s) : L’autre matin je me suis levée
Au chant de l’alouette

Chœur : L’autre matin je me suis levée
Au chant de l’alouette

Meneur(s) : Dans mon chemin rencontre
Trois jeunes courtisans
Trois jeunes courtisans
Qui parlaient de leurs blondes
À la rigueur du temps
Qui parlaient de leurs blondes
À la rigueur du temps

Choeur : Dans mon chemin rencontre
Trois jeunes courtisans
Trois jeunes courtisans
Qui parlaient de leurs blondes
À la rigueur du temps
Qui parlaient de leurs blondes
À la rigueur du temps

Le chant à répondre utilise aussi massivement, surtout dans la partie francophone de la Bretagne, le répertoire des chansons "à décompter" ou "à la dizaine". Il s’agit d’un couplet unique dans lequel on "décompte un élément", le plus souvent de dix à un, mais dans certains secteurs dans le sens ascendant, de un à dix. Cela permet de répéter dix fois le même couplet en changeant simplement un chiffre. Ce système est très utilisé dans le chant à la marche et dans le chant à danser. Outre l’économie de moyen que cela représente en terme de mémorisation de texte, ce système a aussi l’avantage de faciliter la réponse du chœur, et probablement aussi d’installer par la répétition une forme de mouvement régulier, lancinant, dans lequel se crée un état favorable à la pratique de la ronde chantée ou de la marche sur une longue durée. Il existe des milliers de versions de ces chansons "à dizaine", avec une très grande richesse de variations mélodiques. Voici quelques exemples :

À dix heures sur ces landes
Que le rossignol y chante

Rossignol‐e du bois joli
Que l’on est si gai
Quand on s’y marie

À neuf heures….

Y a core dix filles à la Madeleine
Aimons les filles qui sont belles

Mais les filles qui sont belles ne peuvent pas dormir
Leurs aimants vont les voir à toute heure de la nuit

Le chant à répondre est pratiqué aujourd’hui en Bretagne dans plusieurs contextes. On le trouve tout d’abord dans le cadre du fest‐noz où il sert à soutenir les répertoires de danses de fonds anciens, (danses en rond du pays vannetais bretonnant et gallo, du pays de Loudéac, du pays de Redon et du pays paludier notamment). Il est porté par de très nombreux groupes ou duos de chanteurs a capella : le site de Tamm Kreiz permet de recenser sous la rubrique "chant" 1500 personnes qui ont l’habitude, à des degrés divers, de chanter dans le cadre du fest‐noz, tous genres confondus. Si l’on exclut les chanteurs de kan ha diskan et les chanteurs qui ne s’expriment que dans un groupe, il reste encore plusieurs centaines de personnes de cette liste qui pratiquent le chant à répondre en fest‐noz, à différents degrés de fréquence. Dans ce contexte moderne du fest‐noz, le chant est quasiment toujours mené par un chanteur ou une chanteuse unique, et répondu, soit par un seul répondeur, soit par un groupe de répondeurs constitué de deux à 5 ou 6 personnes, parfois jusqu’à une dizaine. Tous se situent alors sur scène, au micro, alors que les danseurs dansent devant eux, le plus généralement en rondes, dans la salle. Ces groupes de chanteurs sont quasiment toujours constitués de personnes du même sexe (uniquement des hommes, ou uniquement des femmes). Si cette pratique de scène est aujourd’hui la plus visible, la pratique plus traditionnelle continue d’exister également : il n’y a alors aucune distinction entre chanteurs et danseurs. Tous les danseurs de la ronde constituent le chœur, et un ou quelques meneurs mènent le chant, tout en faisant partie de la ronde également. Tout le monde est donc à la fois chanteur et danseur, et lorsque l’ambiance s’y prête, la danse peut durer beaucoup plus longtemps que quand elle est menée sur scène, avec plusieurs chants qui s’enchaînent, des meneurs qui se relaient, le tout sans interruption de la danse. Les hommes et les femmes chantent dans ce cas tous ensemble, et à généralement l’unisson.
Cette pratique plus traditionnelle se rencontre fréquemment en fin de fest‐noz, lorsque le nombre de danseurs a diminué : les chanteurs descendent alors de scène pour finir "dans la ronde". Elle existe de façon plus systématique dans le cadre de certaines fêtes qui souhaitent remettre cette pratique de chant dans la ronde à l’honneur, ou dans la pratique de certains groupes de chanteurs qui, même dans le cadre du fest‐noz, préfèrent chanter dans la ronde.
Dans la pratique moderne, le chant à répondre est parfois adapté dans des groupes de festnoz, souvent avec un seul chanteur, les réponses étant remplacées par des interventions d’instruments. Des groupes de chanteurs a capella peuvent également se produire sur scène pour du concert en intégrant du chant à répondre, mais c’est beaucoup plus rare. Enfin on peut retrouver une pratique du chant à répondre sur scène dans le cadre de concours, notamment lors de grandes finales de concours comme le Kan ar Bobl ou la Bogue d’Or.
Dans ce cas, on peut trouver des ensembles de chanteurs qui vont assurer à la fois le chant et les réponses, mais beaucoup plus souvent, un chanteur ou une chanteuse seul(e) se présente sur scène et demande à la salle de répondre.

Dans le contexte des randonnées chantées qui sont organisées régulièrement en Bretagne, et notamment en Haute‐Bretagne (voir la fiche d’inventaire consacrée à ce sujet en 2013), il peut arriver que le répertoire soit sonné par des instruments, mais dans la grande majorité des cas, la marche est exclusivement soutenue par du chant à répondre : quelques meneurs se relaient pour mener les chants et l’ensemble des gens présents sont invités à répondre, le tout en marchant. Les repas et surtout les veillées chantées, souvent organisées dans des cafés ou dans de petites salles (voir la fiche consacrée aux veillées chantées en 2013) sont un lieu d’expression privilégié pour la pratique d’autres répertoires de chants à répondre. C’est notamment là que trouvent à s’exprimer le riche répertoire de ce qu’on peut appeler les "mélodies à répondre". On entend par le terme de "mélodie" des chants non cadencés, qui ne sont pas faits pour soutenir un mouvement rythmé comme la marche ou la danse, et dont les mélodies sont beaucoup plus lentes, plus libres, avec parfois des rythmes impairs et de nombreux points d’orgue et autres notes tenues, souvent favorables à la mise en valeur de styles et de chanteurs et de chanteuses remarquables. Certains chanteurs désignaient d’ailleurs ce type de chants par le terme "Chants de haute voix". Ce répertoire de mélodies est dans biens des régions chanté plutôt en soliste, y compris dans des régions qui connaissent le chant à répondre pour la marche et pour la danse. C’est surtout dans l’épicentre de la zone que nous avons définie, le pays "vannetais", que l’on rencontre cette pratique des mélodies à répondre. Dans le contexte de ces veillées, ces mélodies à répondre sont pratiquées par toutes sortes de chanteurs, que ce soient des chanteurs "porteurs de tradition" qui ont appris par imprégnation familiale, des chanteurs de la génération intermédiaire des "collecteurs‐chanteurs" dont certains sont devenus des chanteurs confirmés et reconnus, ou encore des élèves de stages et d’ateliers de chants.

Enfin, le vaste domaine du "chant de marin" donne lieu à de nombreux rassemblements et fêtes en Bretagne chaque année. Le chant à répondre y tient une bonne place, notamment en ce qui concerne le répertoire des chants de travail où la pratique du chant "à répéter" côtoie d’autres formes de chant alterné (le meneur énonce une phrase A et le chœur répond une phrase B). Il peut s’exprimer parfois dans le cadre de reconstitutions de manœuvres réelles, mais il est plus souvent pratiqué en veillées, dans les cafés, ou dans des formules "groupe de chants de marins" qui se produisent notamment en concerts.

1 Dans certains cas très minoritaires, et notamment dans certains chants de manœuvre utilisés autrefois par les marins, ou dans certains chants de Noël, le meneur chante une phrase A et le chœur répond une phrase B.

Dans la société rurale traditionnelle, le chant à répondre se transmettait par imprégnation, dans le cadre de la pratique familiale et de village, très souvent quotidienne, et dans le cadre des fêtes plus large (noces notamment, fêtes de fin de corvées collective, pardons, fêtes patronales, etc.). Avec la modernisation des campagnes, l’évolution rapide de la société et l’intrusion massive des médias dans la vie quotidienne tout au long du XXe siècle, le chant à répondre, comme l’ensemble des traditions orales, a perdu la plupart de ses contextes d’expression : les veillées où le chant tenait une bonne place ont été remplacées par les soirées "télé", les danses de tradition anciennes et menées au chant ont été peu à peu délaissées par les nouvelles générations, on a cessé de marcher en cortège et en chantant le jour des noces, et les chansons lors du repas de noce ont massivement été remplacées par des jeux et animations diverses, ou remplacées par des chansons plus modernes et non répondues.
La transmission de la pratique reposant essentiellement sur l’imprégnation, la disparition des occasions de pratique a donc gravement mis en danger la transmission du chant à répondre au cours du XXe siècle. Le renaissance du fest‐noz dans les années 1950, et surtout son expansion dans les années 1970 ont donné de nouvelles occasions de s’exprimer aux rares chanteurs qui souhaitaient pratiquer le chant à répondre pour la danse. Cette nouvelle possibilité offerte aux chanteurs, ainsi que le vaste mouvement de collectage qui se développe à la même période permet à de nombreux jeunes chanteurs de se réapproprier dans les années 1970 et 1980 la pratique du chant à répondre pour la danse. Des stages ponctuels de transmission commencent alors à être organisés. Les années 1990 voient se développer une forte demande pour l’apprentissage des chants traditionnels, et des ateliers de chant plus réguliers vont peu à peu se mettre en place un peu partout en Haute‐Bretagne (on compte depuis le milieu des années 1990 et selon les années entre 15 et 30 groupes différents). Ces ateliers sont le plus souvent organisés dans le cadre d’associations, souvent impliquées dans le travail de collecte sur le terrain, mais on voit depuis quelques années des ateliers de chant traditionnels s’ouvrir également dans les conservatoires. La plupart des animateurs de ces ateliers de chant ont eux‐même effectué un important travail de collectage sur le terrain, pour recueillir du répertoire, rencontrer les porteurs de tradition et s’imprégner de leur style. Ils complètent souvent leur matériaux avec les archives sonores conservées à Dastum. On voit aujourd’hui émerger une nouvelle génération de transmetteurs qui n’ont pas eu l’occasion de participer au travail de collecte, mais qui reste très sensible à la connaissance des archives sonores et à la rencontre des porteurs de tradition quand c’est possible.
Dans ces ateliers de chant, le chant à répondre est omniprésent. C’est d’abord une façon évidente de transmettre le chant, même lorsqu’il n’est pas à répondre. C’est ensuite la forme normale d’une grande partie du répertoire qui est transmis dans ces ateliers : le chant à danser et le chant à la marche. Ces ateliers sont des lieux d’apprentissage de répertoire, mais aussi dans une certaine mesure et de façon variable de technique vocale, de style, de savoir‐faire pour mener la danse, etc.
Au‐delà de ces lieux d’apprentissage formels, la transmission réelle passe par la pratique, et par la fréquentation des porteurs de tradition de l’ancienne génération. On peut dire que les occasions de pratiquer le chant à répondre, même si elles ne sont plus quotidiennes comme elles l’étaient dans la société rurale traditionnelle, sont redevenus relativement fréquentes en Bretagne. Le fest‐noz tout d’abord a redonné les premières occasions, les randonnées chantées ensuite, qui permettent à beaucoup plus de gens de participer, et notamment de répondre, et enfin les veillées chantées dans les cafés où tout le monde peut participer à égalité. Tous ces contextes de pratique, et surtout leur fréquence et leur régularité, sont fondamentaux pour une véritable transmission, pour qu’un certain savoir-faire de chanteur se développe, mais aussi pour que les chanteurs aient l’occasion de se
construire et de s’approprier véritablement un répertoire, et non plus seulement de se l’approprier. Au‐delà de la pratique, ces contextes de veillées, auxquels on peut ajouter les concours comme le Kan ar Bobl et la Bogue d’Or, permettent aux chanteurs de la nouvelle génération d’être en contact régulier avec les porteurs de tradition qui ont encore appris dans le cadre de l’ancienne société rurale traditionnelle.
Si les occasions de pratique à elles seules permettent aux chanteurs "apprenants" de devenir peu à peu des chanteurs "confirmés", cette fréquentation régulière de l’ancienne génération permet d’augmenter considérablement la qualité de la transmission. Elle recrée une certaine imprégnation, favorise la transmission des nuances, des styles, du savoir‐faire, d’un certain "savoir‐être" aussi vis‐à‐vis de son répertoire, elle ancre la pratique des chanteurs actuels dans une chaîne de transmission plus forte et plus cohérente.

On peut considérer le chant à répondre tel qu’il se pratique en Bretagne comme appartenant à la famille plus grande du chant alterné, dont on retrouve différentes formes à la fois dans les traditions liturgiques qui s’enracinent dans l’antiquité, et dans les traditions populaires chantées de nombreux peuples dans le monde. Le chant alterné apparaît ainsi comme une forme essentielle et universelle de chant collectif. Si les recherches et les publications nous manquent, qui pourraient nous permettre de retracer en détail l’historique de la pratique du chant à répondre en remontant jusqu’aux origines, du moins les recherches effectuées par Jean‐Michel Guilcher sur la danse nous permettent‐elles de savoir de façon certaine que la pratique est clairement attestée au moins dès le 12ème siècle comme soutien habituel de la danse (la carole). Dans son introduction à l’ouvrage "Rondes, branles, caroles. Le chant dans la danse"2, il estime même comme hautement probable que son existence remonte beaucoup plus loin : "À la danse en rond chantée, nul ne peut donner un âge. On ne voit pas qu’il puisse être question d’autre chose que d’elle dans les textes, échelonnés du VIe au Xe siècle, où nous trouvons les plus anciennes mentions de danse de notre histoire. […] Quant aux chants repris en chœur en dansant (cantica, cantilenae, chori), les auteurs ecclésiastiques les mentionnent à tout instant dans la condamnation qu’ils portent contre l’indéracinable chorea où ils voient une survivance du paganisme".
Dès le milieu du XIXe siècle, les premières collectes de chansons effectuées par les folkloristes, notamment à partir de l’enquête Ampère‐Fortoul lancée en 1952, permettent d’en savoir plus, et même si les recherche portent plus sur la collecte de chansons que sur l’étude des façons de chanter, de nombreuses notes éparses données au bas des chansons recueillies nous font savoir qu’elles étaient bien "répondues". Par la suite, les collectes enregistrées dans la deuxième moitié du XXe siècle, et surtout à partir des années 1970 jusqu’à aujourd’hui, établissent clairement que la pratique du chant à répondre est encore extrêmement vivace, bien qu’en cours de déclin. Nombreuses les communes en effet où les occasions de pratique semblent avoir disparu, mais où il suffit de "souffler sur les braises", c’est‐à‐dire de redonner des occasions de pratique pour que le répertoire resurgisse, et avec lui l’habitude de chanter "à répondre".

2 GUILCHER (Jean‐Michel), 2003. Rondes, branles, caroles. Le chant dans la danse, édition CRBC / Atelier de la Danse Populaire, Brest.

Comme décrit plus haut, on peut estimer que la pratique du chant à répondre se porte bien en Bretagne. Si bien sûr, les occasions quotidiennes de pratique qui existaient dans la société rurale traditionnelle ont à peu près disparu, de nombreux porteurs de tradition qui ont appris dans le contexte ancien et par imprégnation sont encore capables de transmettre, et de nouveaux contextes de pratiques recréés dans le cadre du revivalisme sont désormais bien ancrés dans la vie culturelle en Bretagne, depuis plus de 50 ans en ce qui concerne le fest‐noz. De nouvelles pratiques existent donc et sont portées par des milliers de personnes. On peut néanmoins s’interroger sur l’avenir à long terme de la pratique, comme pour tous les éléments de la tradition orale : la pratique saura‐t‐elle se transmettre longtemps encore lorsque les derniers "porteurs de tradition" auront disparu ? Les contextes de pratique qui ont été recréés sont‐ils viables à long terme ? Ne s’apparentent‐ils pas parfois un peu trop à une simple "consommation de loisir" ? Les nouveaux contextes de pratique sont‐ils suffisamment ancrés dans la société moderne ? Retrouvent‐ils une fonction véritable ? De la réponse à ces questions dépend sans doute l’avenir de la pratique.

Les différents aspects concernant la mise en valeur et les mesures de sauvegarde ont déjà été évoqués plus haut. Tout d’abord, un travail considérable de collectage, d’archivage (archives sonores notamment), de mise à disposition publique et de diffusion par l’édition de disques et de livre a déjà été réalisé. Ce sont ainsi plusieurs milliers d’enregistrements de chants à répondre qui sont sauvés de l’oubli et mis à disposition du public, notamment par l’intermédiaire de la base de données Dastum. Ce sont aussi plusieurs dizaines de publications d’ouvrages et de CDs consacrés pour tout ou partie au sujet qui ont été publiés (non seulement des disques de collectage, mais aussi de nombreux disques de groupe actuels de chanteurs). Notons que la collecte continue toujours et qu’il existe encore en Bretagne, et notamment en pays vannetais, de nombreux porteurs de tradition qui ont appris par imprégnation dans leur famille, qui bien souvent ne pratiquent plus, mais qui conservent intacts leur répertoire et leur savoir‐faire. Par ailleurs, les concours, notamment celui du Kan ar Bobl et celui de la Bogue d’Or, ont largement contribué dès le milieu des années 1970 à relancer la pratique du chant à répondre, à la revaloriser. De même, le renouveau et la revitalisation des différents contextes de pratique (fest‐noz d’abord, puis randonnées chantées, repas chantés, et veillées chantées) ont permis à de nombreux chanteurs, de la nouvelle génération comme de l’ancienne, de trouver ou de retrouver des occasions fréquentes et régulières de pratiquer. Enfin depuis le début des années 1990, les stages, les cours et ateliers de chant régulier se sont multipliés et permettent chaque année à plusieurs centaines de personnes d’apprendre le répertoire et la pratique. Le principal enjeu pour l’avenir est certainement, d’une part de réussir à maintenir un réseau serré de lieux de pratique régulière et le plus possible ancrés dans la réalité sociale, et d’autre part de réussir à continuer de sensibiliser et d’intéresser les nouvelles générations qui arrivent.

L'association Dastum, rédactrice de cette fiche d'inventaire, a rassemblé depuis sa création en 1972 un nombre important d'interviews, d'entretiens, de témoignages ainsi que d'enregistrements de chanteurs, de concours, de festou‐noz... Certains de ces témoignages ont donné lieu à des articles publiés dans la revue Musique bretonne. La rédaction de la fiche est basée sur la rencontre régulière avec plusieurs centaines d'acteurs de la pratique (chanteurs de tradition, chanteurs de la jeune génération, organisateurs de fest‐noz, de randonnées chantées, de veillées chantées, public), ainsi que sur l'observation et l'implication directe à tous les stades de cette pratique (collecte, pratique et transmission, recherches et enquêtes, publications, organisation d'événements). Les guides de la musique bretonne L'association Dastum a édité trois guides sur la musique bretonne en 1990, 1993 et 2000, comportant dix‐sept rubriques et recensant les acteurs de la musique bretonne : musiciens et chanteurs, groupes musicaux, bagadoù et cercles celtiques, associations, festivals et concours.... Tous ces guides comportent trois rubriques recensant pour la première les sonneurs, musiciens et chanteurs, pour la seconde les associations et structures impliquées dans des actions de formation, d'animation et de promotion de la musique et culture bretonne, et enfin les fêtes, festivals et concours organisés en Bretagne avec les contacts des personnes ressources et organisateurs.

Tous ces travaux d'inventaire, tout comme la rédaction de la fiche ici présente, ont été conduits en relation étroite avec les personnes intéressées.

- MOELO Serge, 1990. Guide de la musique bretonne, DRAC‐DRJS‐Dastum‐SKV, 199 p.

- DASTUM, 1993 (2e édition, revue et augmentée). Guide de la musique bretonne, Dastum‐Skol Uhel ar Vro:Institut culturel de Bretagne, 286 p.

- DASTUM, 2000 (3e édition, revue et augmentée). Guide de la musique bretonne, Dastum, 446 p.

Ces guides soulignent tous au passage combien la dynamique actuelle de la musique bretonne repose en grande partie sur l'immense travail bénévole du mouvement associatif en Bretagne. Ils montrent également l'étendue et la diversité des champs investis par le mouvement associatif : collecte, animation, promotion, diffusion de l'information, enseignement, transmission,...

Ouvrages :

‐ BÉCAM Didier ; BERTHOU-BÉCAM Laurence, 2010. L’enquête Fortoul (1852-1876). Chansons populaires de Haute et Basse-Bretagne, éd. CTHS / Dastum,.

‐ GUILCHER Jean-Michel, 2003. Rondes, branles, caroles. Le chant dans la danse, édition CRBC / Atelier de la Danse Populaire, Brest.

‐ GUILCHER Jean-Michel, 1997 (1963). La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne, Coop Breizh / Chasse-Marée / ArMen.

‐ GUILCHER Yvon, 1986. Le livre des chansons à danser, coll. La recherche en danse, éd. ADP.

‐ POULAIN Albert, 2011. Carnets de route – Chansons traditionnelles de Haute‐Bretagne, édition Dastum / PUR / L’Epille / GCBPV.

‐ RADIOVÈS Louisette, 1995. Traditions et chansons de Haute-Bretagne. Le répertoire de Saint- Congard et ses environs. 1962-1970, vol.1, édition Edisud / CNRS.

Articles :

‐ AUNEAU Jean‐Louis. "Randonnées chantées. La tradition en marche", in Musique Bretonne, n°181, novembre 2003 : 9.

‐ MOREL Vincent. "Veillées en Bretagne. Des espaces d‘expression et de convivialité", in Musique bretonne, n°213, mars 2009 :  32‐36.

‐ ChHANTREAU Katell. "Bovel chante encore ! Entre les 10 ans de la Fête du Chant et les 24 heures du chant", in Musique Bretonne, n°189, mars 2005 :  26‐27.

Disques :

Les voix du monde. Une anthologie des expressions vocales. Un livre‐disque (3 CD), 108 exemples musicaux (durée totale : 3h 30’ 17’’) ; livre de 190 pages bilingue français‐anglais. Publié par l’UMR 9957 du CNRS ("Laboratoire d’ethnomusicologie") avec le concours de la Société française d’ethnomusicologie (SFE). Coordination : Hugo Zemp, avec la collaboration de 25 ethnomusicologues. Le Chant du monde, Collection CNRS‐Musée de l’Homme, CMX 3741010.12, 1996.

Le chant à répondre occupe une place prépondérante dans de très nombreuses éditions sonores publiées par Dastum et son réseau de pôles associées, et consacrées généralement aux sources, et parfois à des réinterprétations de répertoire. Parmi ces nombreuses éditions, voici une sélection non exhaustive de documents où le chant à répondre occupe une place prépondérante :

‐ Cahier Dastum n°2 – Pays de Lorient-Hennebont, édition Dastum, 1974 [disque 33 tours].

‐ Cahier Dastum n°3 – Pays Pagan, édition Dastum, 1975 [disque 33 tours].

‐ Cahier Dastum n°4 – Pays de Mûr-Loudéac, édition Dastum, 1976 [disque 33 tours].

‐ Cahier Dastum n°6 – Chants traditionnels du Bas-Pays (Questembert-Muzillac), édition Dastum, 1982 [disque 33 tours].

‐ Cahier Dastum n°7 – Chants traditionnels de Noal Pondi, édition Dastum, 1983 [disque 33 tours]

‐ Cahier Dastum n°8 – Chants et traditions du Pays d’Oust et de Vilaine, 1984 [disque 33 tours]

André Drumel – Chanteur du pays de Pontivy, édition Dastum / L’Epille, coll. Grands Interprètes de Bretagne, vol.6, 2014 [CD]

Chants dans la Ronde recueillis en Haute-Bretagne, coll. Aux sources du patrimoine oral, Hosrs-série n°1, 2006 [CD].

Chants traditionnels – Répertoire des environs de Saint-Congard, édition GCBPV, [CD].

Chansons traditionnelles recueillies à Molac, Larré, Le Cours et Pluherlin (Haute-Bretagne), coll. Aux sources du patrimoine oral, vol.4, 1999 [cassette].

Chansons traditionnelles recueillies à Plédran et Saint-Carreuc,vol.5, édition L’Épille / La Bouèze, coll. Aux sources du patrimoine oral, 2000 [cassette]

Chansons traditionnelles recueillies dans le canton d’Allaire I (Allaire, Saint-Jacut, Saint-Gorgon…), édition L’Épille, coll. Aux sources du patrimoine oral, vol.6, 2002 [cassette].

Chansons traditionnelles recueillies à Rieux / Saint-Jean-la-Poterie, édition L’Épille, coll. Aux sources du patrimoine oral, vol.7 [CD].

Chansons traditionnelles recueillies à Plénée-Jugon, Sévignac, Rouillac, édition L’Epille, coll. Aux sources du patrimoine oral, vol.9 [CD].

Assembiées du pei d’Piermé, édition cmp1979 [cassette]

Assembiées du pei d’Piermé, édition Éveil à la musique au pays, 1985 [cassette].

Veillées à Saint‐Carreuc chez Jacqueline. Chanteurs et conteurs du pays de Saint‐Brieuc, édition De Ouip en Ouap, 2009 [Triple CD‐livret]

Albert Poulain – Y a rien de plus charmant, édition Dastum, coll. Tradition Vivante de Bretagne, vol.12, 1998, CD.

Veillées en pays de Saint‐Brieuc. Chanteurs du pays de Saint‐Brieuc, édition De Ouip en ouap, 2013 [Cd‐livret]

Veillées chez Léone à Bovel. Conteurs et chanteurs de Haute‐Bretagne, édition L’Epille, 2005 [Double‐CD‐livret]

Et d’dans ! Chants à danser du pays de Guérande et de Brière, édition Association Les Veuzous de la Presqu’île [CD]

Filaj e languidig – Veillée à Languidic, édition Dastum, coll. Tradition vivante de Bretagne [CD]

Ur Wezh e oa – Veillées en Bretagne, édition Dastum, coll. Tradition vivante de Bretagne, vol.6, .

Chansons à danser en presqu’île guérandaise,, édition Dastum, coll. Tradition Vivante de Bretagne, vol.11, 2001 [CD].

Chants et veuze en presqu’île guérandaise, édition Dastum, coll. Tradition vivante de Bretagne, vol.3, 1994 [CD].

Pays Pagan – Un allig c’hoaz – Chants et dans round, édition Dastum, coll. La Bretagne des Pays, vol.1 [CD]

Bogue d’Or – Chants traditionnels, disque 33 tours, édition GCBV, 1977 (enregistrements des finales de la Bogue 1975 et 1976).

Bogue d’Or ‐ Mémoire de notre peuple, CD, édition GCBPV, 1996 (enregistrements effectués lors des finales de la Bogue entre 1975 et 1995, CD publié à l’occasion du 20ème anniversaire).

Bogue d’or – Morceaux choisis 1991/1992, cassette audio, édition GCBPV, 1993.

Bogue d’Or – Redon – Enregistré en public en 1978-1979, cassette audio, édition GCBPV, 1979.

Bogue d’Or 1989, édition Dastum, coll. Chanteurs et musiciens de Bretagne n°3, cassette audio-livret, 1990.

Bogue d’Or 1990,  édition Dastum, coll. Chanteurs et musiciens de Bretagne n°7, cassette audio-livret, 1991.

Parmi les représentants du renouveau des traditions orales, musicales et chantées de Bretagne, un certains nombre de groupes se consacrent uniquement au chant à répondre a capella. Leur répertoire porte souvent majoritairement sur le chant à danser, mais les autres domaines (chants de marche et mélodies à répondre) sont aussi représentés. Voici une liste non exhaustive d’éditions sonores produites par ces groupes de chanteurs :

‐ DAVID ET HUGEL. Mélodies et chants traditionnels, édition Farouell / La Bouèze, 198-, [cassette]

‐ DAVID ET HUGEL. Chants vannetais gallo, "Ceci est l’aventure", édition Alain Pennec, 1999 [CD]

‐ BOURDIN ; MARCHAND ; DAUTEL. Chants à danser de Haute-Bretagne, édition Dastum, 1986 [cassette]

‐ BOURDIN ; MARCHAND ; DAUTEL. Chants à répondre de Haute-Bretagne, édition Le Chasse-Marée, 1988 [CD].

‐ BROU ; HAMON ; QUIMBERT. Trois p’tits oiseaux, édition Coop-Breizh, 1999 [CD].

‐ BROU ; HAMON ; QUIMBERT. Garçon sans souci, édition Coop-Breizh, 2002 [CD].

‐ BROU ; HAMON ; QUIMBERT. La nuit comme le jour, 2009. [CD]

‐ Les chanteurs du pays de Vilaine, Danses en rond, danses en chêne, TVB production, 1997 [CD]

‐ MANGLO. Manglo sort de son lit, 2002 [CD].

‐ Manglo (Moïo), 2014 [CD].

‐ LES TRAINES MEURIENNES. Chants à danser du pays d’Oust, 1996 [CD]

‐ LES TRAINES MEURIENNES. Depuis l’temps quça traine, 2011 [CD].

Rondes du pays de Loudéac, édition Dastum et Cercle celtique de Loudéac, 1986 [cassette].

Reflets du 25è anniversaire des chantous d’Loudia, édition Cercle celtique de Loudéac, 1992 [cassette].

Les chantous de Loudia, d’hier à aujourd’hui, 2004 [CD].

‐ LES MANGEOUSES D'OREILLES. Plaignons les coureurs de nuit, édition Dastum, 1996 [CD].

A veg de veg, paysage sonore en pays vannetais, 2004 et 2006 [2 coffret de 3 CDs].

Chants à la marche. En Loire Atlantique, édition Dastum 44, 2003 [CD].

Les chantous de Poliac – Balades entre Oust et Arz, autoproduction, 2008 [double‐CD, 52 titres].

Localisation (région, département, municipalité):

Bretagne

Date de la fiche d’inventaire: 2014

N° d'inventaire Ministère Culture : 2014_67717_INV_PCI_FRANCE_00337
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk29d

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chant_a_repondre

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