Type de danse à deux, pratiquée massivement lors des bals, accompagnée par la musique instrumentale désignée par le même nom.

Type de danse à deux, pratiquée massivement lors des bals, accompagnée par la musique instrumentale désignée par le même nom. Cette musique est jouée par un duo d’accordéon chromatique et clarinette. La "courente" est alternée avec un autre type de danse, le balèt, plus rare et considéré comme plus difficile et fatigant tant pour les danseurs que pour les musiciens. Ces danses se caractérisent par l’alternance de deux séquences de pas opposées.
La courente enchaîne trois figures successives: "progression", "face-à-face" et "rotation". Durant la première phase, qui s'étale sur les huit premiers temps de la danse, les couples avancent sur la piste de danse côte à côte, à petits pas mesurés, en un parcours circulaire. Dans la phase suivante, le couple se réunit face à face et chacun des partenaires exécute un pas sauté et alterné, pied droit, pied gauche. La dernière figure est une rotation du couple côte à côte, sur un pied, autour d'un axe vertical virtuel les séparant. Après la troisième figure, les couples reprennent la première phase, de progression en cercle.

La "progression" : "Le couple est debout, côte à côte, chacun tenant son partenaire en lui passant un bras dans le dos tandis que l'autre main tient celle du cavalier ou de la cavalière un peu en avant des corps. La "progression" se fait à petits pas mesurés, à raison d'un pas par temps sur une distance réduite équivalente au quart ou au tiers de la circonférence de la piste de danse."1

Le "face-à-face" : "Après que l'homme ait ramené sa partenaire devant lui à l'extrême fin de la phase précédente de "progression", le couple se trouve maintenant face-à-face. Se tenant par les mains, bras tendus mais bas, ils exécutent simultanément un pas qui est une succession rapide et alternée d'appuis sur la jambe gauche puis droite."2

La "rotation" : "La phase précédemment décrite se termine sur une prise d'élan qui va lancer le couple dans un mouvement de rotation. Les partenaires se situent côte à côte tout en regardant dans une direction opposée. Chacun pose une main sur la hanche de son partenaire tandis que l'autre main maintient le coude du bras de son complice pareillement occupé. La rotation du couple se fait autour d'un axe vertical virtuel séparant l'homme et la femme. Un pas d'élan est pris sur le dernier temps de la carrure musicale précédente avec la jambe extérieure au sens de la rotation. Celle-ci s'effectue sur l'appui de la jambe intérieure des deux danseurs, dont les pieds, en sens opposés, sont joints au plus près. Durant la rotation à proprement parler (le pied d'appui sur lequel on tourne est soit posé à plat, soit sur la pointe, soit encore sur le talon selon les danseurs et la vitesse à laquelle ils entendent virer) l'autre jambe est fléchie de manière à lever le talon vers l'arrière. On observe également une très légère flexion de la jambe d'appui. Lorsqu'une rotation a été effectuée sur un temps musical (noire pointée) la jambe extérieure prend à son tour appui pour permettre au pied intérieur de tourner sur lui-même et recommencer le mouvement alterné. Quoi qu'il en soit, le pied intérieur est toujours posé sur le temps fort."3

1 D'HULSTER Frédéric, 1992. Le Curent’e Balet du Val Vermenagna, mémoire de maîtrise de musicologie. Sous la direction de Michel Derlange, université de Nice, faculté des lettres et sciences humaines : 95.

2 D'HULSTER 1992 : 96.

D'HULSTER 1992 : 97.

Plusieurs générations de jeunes de Tende ont appris à danser avec le groupe folklorique du comité des fêtes du Vieux Tende qui existe depuis 1966. Le comité des fêtes du Vieux Tende a comme but de pratiquer et transmettre les danses traditionnelles. Alors qu’en Italie plusieurs groupes folkloriques sont centrés sur la pratique des courente et balèt, le groupe de Tende est le seul voué à ces danses en France. Les anciens membres du groupe apprennent aux plus jeunes. Les enfants sont encouragés à danser courente et balèt par les familles et ils peuvent apprendre les pas de ces danses dès l’école maternelle ou primaire. Les institutrices habillent les enfants avec les costumes traditionnels et leur apprennent les bases de ces danses. Les membres du groupe folklorique sont également sollicités pour intervenir dans
des formations dans les écoles. Même s’il n’y a pas de contextes spécifiques pour l’apprentissage, les membres plus anciens du groupe s’investissent dans l’enseignement aux plus jeunes dans plusieurs occasions, à la fois les fêtes du village et dans la vallée ou à l’occasion des cours organisés dans les salles de la mairie.

Milieu d'apprentissage : Familier et villageois.

Description de la transmission :
La transmission se fait par la pratique à l’occasion des fêtes organisées par plusieurs associations (comité des fêtes, comité du Vieux-Tende, confréries de pénitents ou de métier, groupe folklorique). Les typologies de ces rencontres sont très variées : spectacles, fêtes confrériques, de classe d’âge, corporatives, etc. Les danseurs plus chevronnés (entre 65 et 75 ans) sont renommés et considérés comme les porteurs d’un style particulier opposé au style plus improvisé des danseurs plus jeunes4.
La transmission de ces pratiques est encouragée par le comité des fêtes du Vieux-Tende qui a pour but de pratiquer et transmettre les danses traditionnelles. Alors qu’en Italie plusieurs groupes folkloriques sont centrés sur la pratique des courente et balèt, le groupe de Tende est le seul voué à ces danses en France.

Lieu de transmission :
Espaces publics.

4 ISNART Cyril, 2009. Le chant des origines. Musique et frontière dans les Alpes, Ethnologie française, 3 : 483-493.

D’origine française ou italienne, la courente est une danse connue déjà au XVIIIe siècle. L’appellation "all’ italiana" est considérée comme une preuve de l’origine italienne des courentes "savantes", caractérisées par un tempo très rapide. La version française, plus récente, se distinguerait de la danse italienne par une allure plus modérée. L’extension géographique de la courente populaire s’étend à toute l'Italie du nord-ouest (du littoral ligure au Val d'Aoste). La courente se rencontre également dans les régions alpines de France historiquement marquées par des relations politiques, économiques et culturelles étroites avec le nord-ouest de l’Italie5.

5 D'HULSTER Frédéric, 1992. Le Curent’e Balet du Val Vermenagna, mémoire de maîtrise de musicologie. Sous la direction de Michel Derlange, université de Nice, faculté des lettres et sciences humaines.

Si courente et balèt sont aujourd’hui considérées comme les danses typiques des fêtes de Tende, elles ont en effet été intégrées récemment (depuis une
trentaine d’années) dans les pratiques festives tendasques. Comme les chants, elles proviennent de l’autre côté du col de Tende. Selon les enquêtes plus récentes, ces pratiques chorégraphiques auraient été importées dans l’apparat festif tendasque par la migration de proximité, des premières générations de Piémontais de Vernante ou de Limone à Tende6.
Comme c’est le cas pour des autres expressions culturelles de cette région, les danses incarnent l’expression d’une culture transfrontalière.

6 ISNART Cyril, 2009. Le chant des origines. Musique et frontière dans les Alpes, Ethnologie française, 3 : 483-493.

La participation des Piémontais aux fêtes de Tende et des Tendasques aux fêtes des villages voisins en Italie est un élément important de l’actualisation de cette pratique. Les danses et les chants piémontais (de Vernante ou de Limone) sont valorisés comme un modèle car ils sont considérés comme étant mieux conservés, plus proches de la façon de danser rapide apprise par les anciens dans leur enfance. Le discours savant présente d’ailleurs le Piémont comme un réservoir d’authenticité: "dans quelques vallées du Piémont, pauvres, isolées et peu pénétrées où l’on parle le provençal alpin, s’est conservé dans les fêtes patronales un véritable trésor d’antiques rituels de fertilité."7 Courente et balèt s’actualisent alors comme pratiques transfrontalières, produit des échanges et des réseaux généalogiques transfrontaliers issus des micro-mouvements migratoires du début du XXe siècle8.

7 MOURGUES Marcelle, 1985. La danse provençale. Ses origines ses symboles, Éditions Marcel Petit CPM, Raphèle-Lès –Arles. : 157.

ISNART Cyril, 2009. Le chant des origines. Musique et frontière dans les Alpes, Ethnologie française, 3 : 483-493.

- D'HULSTER Frédéric, 1992. Le Curent’e Balet du Val Vermenagna, mémoire de maîtrise de musicologie. Sous la direction de Michel Derlange, université
de Nice, faculté des lettres et sciences humaines.

- ISNART Cyril, 2009. Le chant des origines. Musique et frontière dans les Alpes, Ethnologie française, 3 : 483-493.

- ISNART Cyril. Chanter malgré la frontière. Apprentissage, affect et localité dans les pratiques vocales du col de Tende, Contribution pour le bilan de l’enquête collective "Histoire orale de la Roya et histoire orale de la frontière" (Maison des sciences de l’homme de Nice, 2006-2008), non publiée à ce jour.

- MOURGUES Marcelle, 1985. La danse provençale. Ses origines ses symboles, Éditions Marcel Petit CPM, Raphèle-Lès-Arles.

- PERON Sylvio 2007. Courente e balèt. Il semitoun in val Vermenagna, Ecomuseo della segale, SIAE CD 014-1 et 014-2.

- Vievola. Choeurs et danses du col de Tende, 16 mm, noir et blanc, 31 mn. Réalisé par J. D Lajoux et B. Lortat-Jacob, CNRS Audiovisuel, 1974.

Personne(s) rencontrée(s)

Umberto Landra
Paul Lanteri
Marie (dite Mariucha) et Jean-Pierre Operto,

Localisation (région, département, municipalité)

Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alpes-Maritimes, Tende.

Indexation : 1485 (Danse) , 1462 (Danse traditionnelle) 1475 (Type de danse sociale et
populaire)

Dates et lieu(x) de l’enquête : 4, 5 et 6 juillet 2009
Date de la fiche d’inventaire : 28 juillet 2009.
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Cyril Isnart et Chiara Bortolotto
Nom du rédacteur de la fiche : Chiara Bortolotto

Supports audio
Entretien avec Mme et M Operto 1' 13''
Entretien avec Paul Lanteri, Stefano Bertaina et Sergio Vallauri 2' 7''
Supports vidéo
Courente. Fête de Vievola, 2009 1' 35''
Photographies
une
Commentaires
La fiché a été commenté par téléphone par Lucie Orsini et Paul Lanteri.

N° d'inventaire Ministère Culture : 2009_67717_INV_PCI_FRANCE_00043
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2w7

L’histoire mouvementée de ce territoire explique la superposition des identités française et italienne. En 1388, la vallée de la Roya entre dans la Maison de Savoie, à l’exception de Tende qui sera acquise seulement en 1581. La Roya fait partie du comté de Nice, dépendant du duché de Savoie, jusqu’en 1860, à l’exception d’une parenthèse d’annexion à la France (1792-1814). En 1860 le comté de Nice revient à la France, à l’exception de Tende et de La Brigue qui resteront territoires piémontais jusqu’en 1947. Néanmoins les échanges commerciaux, les transhumances et les migrations saisonnières entre Tende et la région niçoise demeurent importants.

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Courent

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