Les papiers faits main reposent sur un ensemble complexe de connaissances, savoir-faire et pratiques.
Grâce à son expertise, le papetier ou la papetière crée un support sur-mesure pour une utilisation et une demande spécifique : écriture, dessin, peinture, impression, édition, reliure, restauration, décoration...
Le papier est un matériau d’origine végétale. Il procède du travail et de la dispersion de fibres de cellulose dans de l’eau au moyen de diverses techniques, puis de leur regroupement grâce à l'élimination de l'eau par filtration, pressage et séchage.
Les papiers faits main reposent sur un ensemble complexe de connaissances, savoir-faire et pratiques. On peut identifier trois grandes étapes du processus de fabrication : la transformation des matières premières en pâte à papier, la formation de la feuille et le séchage. La succession des opérations est commune à tous les papiers mais permet de multiples variations selon la nature des fibres, les procédés employés et le résultat visé.
Grâce à son expertise, le papetier ou la papetière crée un support sur-mesure pour une utilisation et une demande spécifique : écriture, dessin, peinture, impression, édition, reliure, restauration, décoration...
Répondant à des critères qualitatifs notamment de reproductibilité, ces papiers sont issus d'un atelier de production, structure économique : la sauvegarde des savoir-faire est indissociable de la viabilité économique.
Originellement le papier occidental était fabriqué dans un moulin fournissant l'énergie nécessaire à la production de la pâte. Aujourd'hui l'atelier peut être implanté dans ou hors d'un moulin.
Les papetier(e)s maîtrisent l'ensemble des connaissances et de la chaîne des savoir-faire nécessaires à chaque étape de production. Certain(e)s sont propriétaires de leur unité de production, c'est-à-dire d'un moulin à papier ou d'un atelier ; d'autres exercent leur activité pour le(la) propriétaire ou gérant(e) du moulin ou de l'atelier de production. L'activité recouvre donc des situations et des statuts très divers. À la fin de l'année 2024, 19 moulins ou ateliers sont en activité sur l'ensemble du territoire national (pour la plupart, une seule personne est chargée de la production, et jusqu'à quatre pour les plus importants). Actuellement il n'existe pas de syndicat professionnel ou de fédération des fabricant(e)s de papier fait main (voir « mesures de sauvegarde envisagées »).
Les papetières et papetiers s'appuient sur quelques fournisseurs qui interviennent en amont de la fabrication du papier et surtout, en aval, sur divers utilisateurs et utilisatrices, professionnel(le)s ou particulier(e)s, avec lesquel(le)s ils et elles travaillent en étroite collaboration, permettant d'enrichir les pratiques par l'expérimentation afin de développer des projets spécifiques.
– Les relieurs et relieuses, ainsi que les conservateurs-restaurateurs et conservatrices restauratrices qui exercent au sein d'institutions muséales ou d'ateliers privés, pour la restauration d’œuvres d'art graphique et de documents anciens ;
– Les éditeurs et éditrices, notamment d'art, et les imprimeurs et imprimeuses ;
– Les artistes plasticien(ne)s, et les artisan(e)s d'art, partenaires indispensables des papetier(e)s produisant des papiers d'artistes. Il est à noter que certain(e)s artistes créent leur propre papier (voir « personnes/organismes impliqués dans la transmission » et « mesures de sauvegarde et de valorisation »).
– Les étudiant(e)s et enseignant(e)s en écoles d'art où il existe des modules dédiés (Beaux arts, Estienne, Duperré...), qui ont besoin de papier mais aussi de comprendre et de se former ;
– Les designers, les architectes et les décorateurs et décoratrices ;
– Les professionnel(le)s de la communication ;
– Les administrations, et tout autre client(e) professionnel(le) ou particulier(e) pour des « travaux de ville » (articles de correspondance, etc.) et des commandes spéciales ;
– Les visiteurs et visiteuses ou les touristes lors de l'accueil sur site (vente directe).
– Les fournisseurs et fournisseuses des diverses matières premières. Pour les chiffons (chanvre, lin et coton), si les hôpitaux et restaurants ont longtemps été une source d'approvisionnement, aujourd'hui les papetier(e)s reçoivent de nombreux dons de linge de particuliers ; les fibres vierges peuvent provenir de déchets végétaux, de cultures ou de cueillettes ; les linters sont issus de l'industrie.
– Les formaires qui créent les formes à papier (un cadre en bois avec tamis) nécessaires à la formation de la feuille. Il n'y a plus actuellement de formaire professionnel en activité en France 1.
– Les fabricant(e)s de cylindre hollandais, dont il n'existe plus non plus de représentant(e) en France 2, et ceux d'autres outillages (cuves, presses...), ainsi que les artisan(e)s disposant du savoir-faire nécessaire à l'entretien de l'ensemble des équipements et outils (dont les quelques piles à maillets encore en fonction, roues, arbres à cames...).
– Les fabricant(e)s de feutres.
– Les producteurs et productrices de gélatine ainsi que les fabricant(e)s de résines synthétiques et de colorants.
Notamment historien(ne)s et historien(ne)s de l'art, ils et elles développent des recherches historiques et techniques au sein de laboratoires spécialisés d'universités ou d'institutions muséales, tels que le Centre de recherches sur la conservation (CRC)3.
Outre les recherches théoriques, ces scientifiques qui peuvent être conservateurs-restaurateurs ou conservatrices-restauratrices, relieurs ou relieuses, et certain(e)s papetier(e)s, également chercheurs ou chercheuses, développent ensemble des expérimentations pratiques. De même, des projets de recherche-création associent papetier(e)s et artistes. Ces collaborations, qui contribuent à la production et à la transmission des connaissances et des savoir-faire, dessinent les contours d'une communauté d'expertise.
Il existe plusieurs associations scientifiques et professionnelles autour du papier :
– L'Association française pour l'histoire et l'étude du papier et des papeteries (AFHEPP), créée en 2005, et l'Association internationale des historien(ne)s du papier (IPH), réunissent des chercheurs et chercheuses, historien(ne)s et historien(ne)s de l'art, du livre, de l'imprimerie ou des techniques, des conservateurs-restaurateurs et conservatrices
restauratrices, archivistes, bibliothécaires, éditeurs et éditrices, libraires, artistes et artisan(e)s.
– La Fédération française des conservateurs-restaurateurs réunit notamment des spécialistes du papier.
Outre les personnels scientifiques, les professionnel(le)s des musées, dont certains sont adossés à une fabrique de papier (voir « mesures de sauvegarde »), incluent notamment les médiateurs et médiatrices qui travaillent en lien avec le public.
1. Avec le départ de la dernière formaire (Mme Claudine Latron). Il existe en des formaires professionnels actifs en Suisse, aux Etats-Unis et au Canada, et des pratiques amateurs ou comme activité secondaire (associée à une papeterie artisanale) notamment en Allemagne, Russie et Suède.
2. L'atelier Soteras à Capellades en Catalogne (Espagne) serait l'un des derniers en Europe.
3. Le CRC est une unité d'appui et de recherche associant le CNRS, le Muséum national d’Histoire naturelle et le ministère de la Culture : https://crc.mnhn.fr/fr
Les 19 moulins et ateliers en activité au moment de la rédaction de cette fiche (2024) sont situés dans les localités suivantes (par ordre alphabétique) :Ambert (Puy-de-Dôme), Moulin Richard de Bas.
– Brousses (Aude), Moulin de Brousses.
– Chahaignes (Sarthe), la Petite Fabrique de Papier.
– Couze-et-Saint-Front (Dordogne), Moulin de la Rouzique et Moulin de Larroque. – Faÿ-lès-Nemours (Seine-et-Marne), atelier Papier Partage.
– Fontaine-de-Vaucluse (Vaucluse), Vallis Clausa.
– Gorges (Loire Atlantique), Moulin du Liveau.
– Margaux-Cantenac (Gironde), Manufacture Ruscombe.
– Marsac-en-Livradois (Puy-de-Dôme), les Papiers de la Grange.
– Pont-de-Barret (Drôme), atelier Papier Lavande.
– Poitiers (Vienne), atelier Zoezephyyr.
– Puymoyen (Charente), Moulin du Verger.
– Saint-Clément (Corrèze), les Papiers du Moulin.
– Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne), Moulin du Got.
– Saint-Philippe (île de La Réunion), atelier Végétalitec.
– Saint-Sauveur (Finistère), Moulin de Kereon.
– Sainte-Suzanne-et-Chammes (Mayenne), le Moulin à Papier.
– Salasc (Hérault), l’Atelier papetier.
L'activité de fabrication de papier à la main a concerné l'ensemble du territoire français. Toutefois elle s'est particulièrement développée à certaines époques dans des régions réunissant des conditions naturelles favorables, en particulier hydrographiques (présence de cours d’eau en abondance et d'une eau claire pour préparer la pâte) et pour des raisons historiques (proximité d'un centre intellectuel et administratif à l'origine d'une forte demande en papier) : l'Auvergne, la Dordogne, le Limousin, Troyes et les alentours de Lyon et de Paris.
On trouve des pratiques de papiers faits main dans la plupart des régions du monde. Toutefois, on peut identifier de grands foyers historiques, en fonction des techniques utilisées.
Papiers occidentaux : partout en Europe et notamment en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne... ; ainsi que sur les continents sud et nord-américain (Canada, États-Unis...).
Papiers asiatiques : en Chine, au Japon, en Corée (ainsi qu'au Népal, en Inde, au Tibet...). Le monde arabe et islamique (Proche et Moyen-Orient, Maghreb, Asie centrale) a été un important foyer historique de production, avec le développement de procédés à la fois divers et spécifiques, aujourd'hui disparus.
D'autres foyers plus ponctuels existent, comme à Madagascar.
Voir « Historique ».
1. L’atelier Végétalitec est implanté à l’île de La Réunion.
Une production de papier répond à un besoin d'utilisation spécifique : c'est l'usage souhaité pour un papier qui définit les qualités dont celui-ci doit disposer. Si certain(e)s papetier(e)s ont un catalogue, tous et toutes peuvent également fabriquer sur-mesure. Dans ce cas, la première étape de la fabrication consiste à un échange entre l'utilisateur ou utilisatrice qui est le commanditaire et le(la) papetier(e). Cette discussion initiale est fondamentale puisqu'elle conditionne d'une part la matière première sélectionnée par le(la) papetier(e), d'autre part, certains des gestes qu'il ou elle effectuera au cours du processus de fabrication. Il est fréquent qu'un(e) papetier(e) procède à plusieurs tentatives et expérimentations avant d'obtenir le papier qui correspond exactement à l'usage souhaité par son(sa) client(e). L'infinité d'usages et de projets explique que les pratiques et les papiers soient d'une grande diversité, d'autant qu'en l'absence de formations, chaque papetier(e) développe ses propres savoir-faire.
Chaque demande présente ainsi des difficultés que le(la) papetier(e) doit pouvoir résoudre : le choix de la qualité des matière premières ; la façon de les travailler pour donner aux feuilles des caractéristiques spécifiques comme la résistance mécanique, l’élasticité, le bouffant (la main), l’épair 1, le format, le grammage, l’encollage.
Parmi les variables que peut ajuster le(la) papetier(e), la principale est le grammage, c'est-à-dire le poids du papier pour 1m2. Ce dernier dépend de trois facteurs :
- la concentration c'est-à-dire la quantité de fibres dispersées dans l'eau de la cuve à ouvrer, - la hauteur de la couverte 2 de la forme,
- le geste qu'il effectue au moment où il plonge la forme dans l'eau (profondeur et rapidité).
A partir de 20 g /m2 le grammage du papier fait à la main s’adapte à toutes les demandes.
Composée de multiples étapes, la fabrication du papier s’étend d’un à plusieurs mois selon la quantité de feuilles à produire. Le(la) papetier(e) doit donc gérer les différents stades d'avancements des papiers en cours de production dans les espaces de l'atelier, tout en tenant compte des conditions météorologiques qui impactent la fabrication.
Les papetier(e)s choisissent la matière première selon l'aspect et les qualités souhaités pour le papier.
Après la disparition du métier de chiffonnier, les papetier(e)s se sont approvisionné en chiffons notamment auprès des hôpitaux et des restaurants, aujourd'hui grâce aux dons des particulier(e)s : de nombreuses familles leur confient le linge de corps et de maison des aïeux, relevant de la sphère intime, afin de donner une seconde vie à ce dernier.
Seuls les chiffons issus de fibres végétales (lin, chanvre, coton) sont utilisables. Les textiles partiellement ou totalement synthétiques sont impropres à la fabrication du papier. Les chiffons sont triés : les corps étrangers, boutons, épingles sont ôtés et les ourlets sont défaits pour faciliter le délissage par la pile à maillets et/ou cylindre hollandais afin de produire une pâte homogène.
Après le tri, les chiffons sont découpés en petits morceaux, le plus souvent à l'aide d’un « dérompoir » : banc sur lequel est fixée une lame de faux appelée « daillot ». Le(la) papetier(e) tranche le tissu en morceaux d'environ dix ou quinze centimètres. Plus les lanières sont petites, plus le défilage est rapide.
Traditionnellement, ces lanières textiles étaient mises à fermenter pendant plusieurs semaines dans un « pourrissoir » pour être battues dans les piles à maillet. La fermentation s’apparente à un rouissage. C’est le moyen utilisé pour affaiblir les fibres tissées, afin de les transformer en pâte à papier, sous l’action des maillets, dans un temps raisonnable.
Le pourrissage du chiffon n'est pas indispensable dans le cas d'un triturage par le cylindre hollandais.
Le terme employé pour qualifier les papiers fabriqués à partir de tissu est papier chiffon.
Cette pratique extrême orientale apporte une approche différente du papier traditionnel occidental.
Toutes les plantes contiennent de la cellulose. Cependant certaines disposent de fibres plus adaptées que d’autre à la fabrication du papier comme la ramie, l’iris ou le bananier. C’est également le cas de nombreux arbustes comme le kozo (murier à papier), le mitsumata ou le gampi qui sont les fibres utilisées principalement pour les papiers japonais.
Pour les fibres vierges, le pourrissage est remplacé par une action de cuisson dans un bain alcalin. Elles sont ensuite rincées à l'eau avant d’être travaillées soit au maillet soit au cylindre hollandais. Pour le travail des branches, un étuvage préalable est nécessaire afin de les éplucher et de ne conserver que la ou les couches internes (le liber) en grattant au couteau les écorces externes. Les différentes couches de fibres ont des couleurs et caractéristiques différentes.
Cette utilisation arrive avec l’industrialisation de la fabrication du papier. De grands groupes industriels se spécialisent dans la fabrication de la pâte à papier. Les fibres proviennent de plantes comme le coton, le lin et divers bois résineux ou feuillus. Le linters de coton est fabriqué à partir de résidus de coton inutilisables dans l’industrie textile. Les fibres sont cuites et peuvent selon les cas subir d’autres traitement comme le blanchiment. Elles sont ensuite compactées et séchées sous forme de grosses feuilles. Le(la) papetier(e) devra travailler cette matière à la pile à maillet ou au cylindre hollandais. Les papiers fabriqués avec les linters sont parfois appelés improprement papier chiffon bien qu’ils ne contiennent pas de tissus.
Cette pratique ancienne était autrefois réservée à la fabrication de carton. Des morceaux de papier sont mis à tremper dans de l’eau, qui seront ensuite travaillés dans le cylindre hollandais.
Pour certains papiers fantaisie, des éléments décoratifs (pétales de fleur, paillettes, feuilles mortes) peuvent être ajoutés à la pâte à papier. Ces éléments ne sont pas structurants.
Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour cette étape.
Il s’agit d’un simple maillet de bois actionné à la main. Cette méthode est utilisée pour battre de petites quantités de fibres vierges cuites.
C’est la technique la plus ancienne utilisée en Occident. Une série de trois à quatre maillets, actionnés par un arbre à cames relié à la roue du moulin, vient frapper alternativement la pâte (constituée traditionnellement de chiffons fermentés) dans un creux de pile. Selon la puissance du bief, un moulin peut être équipé de plusieurs creux de piles disposant ainsi de batteries de maillets. Les chiffons sont battus avec un peu d’eau renouvelée régulièrement. Cette action a pour effet de nettoyer les chiffons, blanchissant naturellement les fibres.
Le battage sépare les fibres sans les couper. Cela a pour effet de créer les liaisons hydrogènes nécessaires à l’association des fibres entre elles lors de la formation, du couchage, du pressage et du séchage des feuilles. La dispersion des fibres permet de multiplier les liaisons fibre/eau qui vont ensuite se retransformer en liaison fibre/fibre lors de l’évacuation de l’eau. Plus le battage a été poussé, plus le papier acquerra de tenue, en combinant les liaisons mécaniques (dues à la longueur des fibres conservées) et les liaisons hydrogènes conséquence de la dispersion. C’est la combinaison de ces paramètres qui va donner au papier ses qualités de résistance au pli, à la déchirure, à la déformation, et son élasticité. Une pile peut produire 8 kg de pâte en 24 h et fonctionner 24h/24.
Inventé au XVIIe siècle, il a été adopté par la majorité des papetier(e)s car il augmente les rendements en produisant rapidement une pâte homogène. Il s’agit d'une cuve en fonte ovale (en forme d’hippodrome) dans laquelle tourne un cylindre muni de lames : c'est le passage des lanières textiles entre le cylindre et la platine qui permet de déchiqueter les tissus. Grâce à sa puissance, le cylindre permet de s’affranchir du pourrissage.
Le travail se déroule en deux temps : l’opération de défilage, consistant à broyer les chiffons, suivie du raffinage de la pâte, dont la durée (d’une à quelques heures) dépend du résultat souhaité. Le (la) papetier(e) peut ajuster la hauteur du cylindre et réduire son écart avec la platine pour obtenir des
fibres plus courtes.
Le défilage produit la destruction du tissage et du fil sans obligatoirement avoir une action sur la fibre elle-même.
Le raffinage a pour but de transformer la structure de la fibre (fibrillation) et de modifier sa longueur afin d’augmenter la quantité de liaisons fibre/eau, que l’on retrouvera dans le papier sec en liaisons fibre/fibre. Les papetier(e)s parlent d’engraissement de la pâte. Cela ralenti l’égouttage et donne des papiers nerveux.
Le travail de la fibre est beaucoup plus rapide puisque, outre l’économie de temps réalisée en évitant le pourrissage, un cylindre peut produire 50 kg de pâte en une heure. Ce temps est variable en fonction du papier désiré. En évitant le pourrissage, l’usage du cylindre assure au (à la) papetier(e) une meilleure maîtrise de sa matière première (trop fermentée, la pâte est inutilisable) et de son temps (une pâte fermentée arrivée à maturité doit être transformée sans délais).
L’encollage du papier consiste à le rendre plus ou moins imperméable et favoriser ainsi l’écriture à l’encre en réduisant l’effet buvard. Il peut se pratiquer de deux façons. L’encollage traditionnel à la gélatine s’effectue après la formation de la feuille (et sera donc décrit après cette étape).
Apparue au début du XIXe siècle dans la papeterie industrielle, la pratique d’un encollage dans la masse a largement été adoptée pour la fabrication des papiers faits main, car elle permet de gagner beaucoup de temps. Aujourd’hui cet encollage se pratique avec des polymères acryliques. Le (La) papetier(e) verse le polymère dans le cylindre en action de façon à le répartir de façon homogène.
Une fois le raffinage terminé, le (la) papetier(e) peut éventuellement ajouter plusieurs éléments à la pâte afin de modifier l’aspect de son papier, tels que des pigments ou teintures pour obtenir un papier coloré, des inclusions de toutes nature comme des pétales de fleur, ou des paillettes pour fabriquer des papiers fantaisies. Ces éléments ne sont pas structurants.
Cette technique inspirée des pratiques extrêmes orientales du travail des fibres vierges consiste à introduire un agent de mucilage pour favoriser la formation des feuilles dont les fibres sont très longues. Ce produit visqueux peut être à base de racines d’hibiscus par exemple ou bien synthétique. Ces éléments ne sont pas structurants.
La pâte est transférée dans une cuve à ouvrer. Elle y est dispersée dans une certaine quantité d'eau (qui varie selon le grammage souhaité) et remuée jusqu’à obtenir une suspension homogène. Plus la concentration est forte, plus le papier sera lourd. L'eau doit avoir un pH neutre pour assurer une meilleure qualité de conservation des feuilles.
L'étape de formation de la feuille était traditionnellement réalisée par un « ouvreur ». Avant le XXe siècle, cette fonction n’était pas dévolue aux femmes qui étaient cantonnées au tri des chiffons et à l’étendage des feuilles. Il s’agit d’une étape délicate qui demande de nombreuses années d’apprentissage. Le puisage des feuilles s’effectue à l’aide de formes de différents formats en fonction des besoins.
Elle est composée d’un châssis rectangulaire au sein duquel sont ajustés des pontuseaux. L’ensemble est en bois. Les pontuseaux soutiennent le plan filtrant. Ils servent à drainer en favorisant l’écoulement de l’eau. Le plan filtrant est métallique. Il peut être soit vergé - constitué de fils de laiton parallèles (vergeures) reliés ensemble par des chainettes-, soit vélin - constitué d’une toile de bronze ou laiton. Un filigrane (fil métallique) peut y être cousu. Un cadre en bois nommé couverte est ajusté en emboîtement sur le châssis pour donner le format des feuilles.
Il existe trois sortes de filigranes.
- Les filigranes clairs (papier vergé et vélin) : un fil métallique formant des lettres ou des motifs est cousu sur le plan filtrant. Son épaisseur diminue la densité du papier à cet endroit. La marque apparaît en clair dans la feuille vue par transparence.
- Les filigranes noirs ou sombres (papier vélin) : un gaufrage de la toile métallique créée un vide dans lequel s’accumule la pâte. La marque apparaît en sombre dans la feuille.
- Les filigranes ombrés (papiers vélins) : un gaufrage de la toile métallique en bas-relief produit des zones claires et des zones foncées dans la feuille vue par transparence.
Le châssis est similaire à celui de la forme occidentale. Le plan filtrant, le plus souvent vergé, est constitué de vergeures végétales (graminées, bambou...). Contrairement à la forme occidentale, il est amovible et maintenu en place sur le châssis par une couverte articulée à ce dernier sur le long côté.
Le (la) papetier(e) plonge la forme dans la cuve pour recueillir une quantité de pâte. Il ou elle exerce un léger branlement pour organiser les fibres. Entre la formation des différentes feuilles, le (la) papetier(e) brasse la pâte pour éviter que celle-ci ne se dépose au fond de la cuve.
Lorsque le matelas fibreux est organisé, le (la) papetier(e) dépose la forme sur le bord de la cuve pour laisser l’égouttage se faire. Il ou elle recharge régulièrement la cuve avec de la pâte concentrée pour compenser les prélèvements effectués lors du puisage des feuilles et ainsi conserver un grammage constant.
Pour les pâtes contenant un agent de mucilage, l’égouttage à travers le plan filtrant est très difficile. Le (la) papetier(e) puise la pâte à plusieurs reprises dans la cuve en rejetant à chaque fois l’excèdent de pâte contenue dans la forme. Ces puisages successifs permettent d'obtenir progressivement le grammage désiré.
Une fois égouttée, la forme est retournée et déposée sur un feutre de laine ou synthétique placé sur un plateau en bois. Une légère pression permet de dépouiller la forme déposant la feuille de papier humide sur le feutre. Traditionnellement, cette opération était réalisée par un « coucheur ». Si les postes étaient distincts à l'époque moderne, ces étapes successives sont aujourd'hui le plus souvent réalisées par la même personne puisque la plupart des moulins et ateliers ne compte qu'un(e) papetier(e).
Intercaler un feutre humide entre les feuilles permet de les séparer les unes des autres et de poursuivre leur égouttage. Le feutre de laine, matière animale, ne va pas s’associer avec les feuilles de papier. Le grain du feutre détermine le grain de surface du papier fini.
Le couchage du papier extrême oriental se fait en détachant le plan filtrant de la forme pour appliquer la feuille sur la pile de feuilles en cours de production. Les feuilles sont couchées les unes sur les autres sans intercalaire.
L'étape du pressage concerne tous les types de papier. La porse, constituée de feuilles et de feutres, est passée sous une presse. Traditionnellement, la presse à cabestan était utilisée. Cette presse nécessitait l’intervention de plusieurs ouvrier(e)s. Aujourd'hui le pressage se fait le plus souvent à l’aide d’une presse hydraulique, car celle-ci permet de réduire les efforts et de travailler seul(e). En éliminant l'eau de la feuille, la presse favorise les liaisons entre les fibres, ce qui augmente la résistance mécanique de la feuille. En fonction de la pâte à papier, de la taille des feuilles formées et des feutres utilisés, le papier contient entre 55 et 65% d'eau après la pressée. Moins le papier contient d'eau à l'issue de cette étape, plus son séchage sera rapide.
Le « leveur » ou la « leveuse » sépare ensuite les feutres des feuilles (levage ou découchage). Selon les pratiques, les feuilles de papier peuvent être mises à sécher directement ou bien empilées de nouveau les unes sur les autres sans feutre et subir un nouveau pressage afin d’éliminer davantage d’eau et de réduire le grain laissé par le feutre. Il s'agit de la « porse blanche ». L'opération est très délicate puisque les feuilles, même si elles sont suffisamment solides pour être manipulées, restent humides et donc fragiles. La durée du pressage peut varier selon l'atelier et la matière.
À l'issue de ces pressages, les feuilles sont disposées soit sur un plateau nommé drapan (qui peut peser jusqu'à 35 kg) soit à cheval sur de larges barres de bois. L’ensemble est amené au séchoir, le plus souvent situé à l'étage du moulin.
À l'aide du ferlet ou frelet, un outil en forme de T, les feuilles sont hissées sur les cordages du séchoir. Le séchage se fait à l'air libre, ce qui permet à la feuille de trouver sa stabilité sans contrainte. La durée de séchage est conditionnée par les conditions météorologiques : parfois quelques heures en été, environs trois à cinq jours en hiver.
Plusieurs méthodes sont pratiquées. Les feuilles peuvent être disposées une à une soit à cheval sur des cordes, soit suspendues avec des pinces. Une autre méthode consiste à les sécher en « page », nom donné aux paquets de feuilles issues de la porse blanche. Si la page est disposée à cheval sur les cordes, cela risque de laisser des traces de plis sur les feuilles. Les séchages longs sont favorisés : ils garantissent une feuille plus stable aux variations hygrométriques. La majorité des séchoirs sont équipés de volets verticaux appelés « interlats » ou « claies » qui permettent de gérer la ventilation.
Le séchage à l’air libre demande beaucoup de place et est tributaire des conditions climatiques. C’est pourquoi de nombreux papetier(e)s préfèrent sécher leurs feuilles dans des chambres chauffées. Les feuilles peuvent également être séchées sous poids entre des buvards constamment renouvelés.
Cette technique d’origine extrême orientale est utilisée pour sécher des papiers légers ou obtenir des feuilles plates. Les feuilles sont appliquées individuellement sur un support plan jusqu’à ce qu’elles soient sèches. On peut utiliser différents supports comme les planches de bois, plaques de plâtre ou inox ou vlieseline © (feutres synthétiques).
Il s’agit de l’encollage traditionnel pratiqué jusqu’à la fin du XIXe siècle. Cette technique longue et délicate est encore pratiquée par quelques un(e)s. Elle est parfois remplacée par le collage dans la masse décrit plus haut (2 – La préparation de la pâte à papier).
L’encollage à la gélatine se pratique après le séchage des feuilles. Le colleur immerge un paquet de feuilles dans un bain de gélatine chauffée et tannée à l’alun. Il faut ensuite procéder de nouveau à un pressage et un séchage. Certaines gélatines sont sélectionnées pour leur neutralité.
Afin de les mettre à plat et d’atténuer le grain du papier, les feuilles peuvent être mises à plat sous presse ou sous poids entre des ais (planches de bois) pour une durée plus ou moins longue.
Les feuilles peuvent également être passées au laminoir qui aplatit et lisse le papier. Elles passent dans des plaques entre les cylindres de la calandre selon la texture désirée. Cet outil n'était pas utilisé à l'époque moderne : ce sont des ouvrières, appelées « lisseuses », qui polissaient les feuilles une à une à l'aide d'une pierre de silex. La feuille s'en trouve adoucie et ainsi plus adaptée à l'écriture.
Les feuilles sont ensuite triées pour éliminer les imperfections.
Elles sont alors prêtes à la commercialisation. Elles peuvent être recoupées ou transformées pour faire des carnets par exemple.
La plupart des papetier(e)s gardent les feuilles entières pour conserver les « barbes », qui sont les bords naturellement irréguliers et caractéristiques du papier fait main, car celles-ci sont très appréciés de la clientèle.
1. Qualité structurelle de la feuille observée par transparence.
2. Cadre en bois placé sur la forme permettant de contrôler la quantité de pâte.
Le français.
La plupart du vocabulaire technique a été collecté dans les régions au XVIIIe siècle pour l’Encyclopédie, par De Lalande, Desmarest et Goussier.
Des termes spécifiques subsistent dans certaines régions, tels que pétassou pour les chiffons découpés mis à pourrir avant d'être transformés en pâte à papier, notamment en Dordogne, ou peilles (et autrefois peillaros ou peillaéré pour les chiffonniers), notamment dans le Limousin.
Originellement en Europe et dans le monde occidental, le papier était toujours fabriqué dans un moulin qui permettait de fournir l'énergie hydraulique nécessaire 1. D'anciens moulins à papier ayant cessé leur activité subsistent sur l'ensemble du territoire ; nombre d’entre eux sont en ruine et/ou ont été transformés en moulin à farine par la suite, parmi d'autres usages, ce qui rend difficile leur identification. Certains ont été aménagés en gîtes.
La roue du moulin à papier tourne grâce à la force de l’eau générée soit par le courant (roue à aubes), soit par une chute d’eau (roue à augets). Il existe également des roues horizontales (turbines). Les rivières sont souvent détournées et aménagées : une retenue permet de conduire une partie de l’eau dans un bief généralement creusé dans le sol et qui achemine l’eau jusqu’au moulin. Sur ce bief, une vanne de décharge permet de gérer le niveau de l’eau en amont. Juste avant la roue, une vanne ouvrière permet sa mise en marche ou son arrêt. En aval du moulin, un canal de fuite est aménagé afin de restituer l’eau à la rivière 2.
Les bâtiments, souvent sur deux niveaux, sont de taille très variable, d'un ou plusieurs tenants. Ils comprennent les espaces nécessaires au stockage des matières premières, à la pile à maillets ou cylindre hollandais actionnés par la roue, et aux autres équipements (cuves, presses...).
S'il est difficile d'établir une architecture type d’un moulin à papier, une de ses particularités est l’existence d’un séchoir ou étendoir à fenêtres à claire voie. Cette pièce aérée occupe généralement tout l’étage du moulin, où des cordes sont déroulées sur plusieurs niveaux pour accueillir les feuilles de papiers mises à sécher. Les volets, verticaux ou horizontaux (claies) permettent de ventiler en fonction des courants d’air afin d'optimiser le séchage.
L’implantation d’un moulin est conditionnée par le fait que la fermentation des matières premières ne doit subir aucune interruption de l’activité, sous peine de perdre la matière première déjà fermentée ou bien de ne pas pouvoir relancer une fermentation à cause de températures trop basses. C'est pourquoi le moulin doit être installé sur un cours d’eau à débit suffisant toute l’année, afin de s’assurer que la période d’étiage n’interrompra pas la production.
La base de tous les types de papier est la cellulose, c'est-à-dire la matière organique contenue dans la membrane des fibres végétales. On peut distinguer les papiers faits main en fonction des fibres utilisées pour fabriquer la pâte, qui déterminent donc les techniques :
- morceaux de vieux draps de lin, chanvre, coton pour le papier chiffon ;
- végétaux fibreux, pour les papiers issus de fibres vierges notamment le lin et le chanvre, et selon les pratiques développées par les papetier(e)s contributeurs et contributrices de cette fiche, parmi une multitude de possibilités, la paille de blé, de lavande, de moutarde, d'orge ou de riz, les feuilles de mimosas ou d'olivier, les pieds de haricots ou de tomates, les rafles de raisins, les fougères, l'ortie, la ramie, l'iris, la prêle, la bagasse de canne à sucre, le bananier, le vacoa, la jacinthe, la renouée du Japon, l'alfa, l'abaca, les résineux... ; le mûrier à papier (broussonetia papyrifera), le gampi ou le mitsumata, autres fibres asiatiques, pour le papier japonais ;
- linters (coton, lin, divers bois résineux ou feuillus) ;
- crottin d'herbivores non ruminants tels que les chevaux ou les éléphants ;
- papier pour le papier recyclé.
Ces matériaux peuvent être mélangés en fonction du résultat souhaité. On y ajoute : – des imperméabilisants - colles animales (gélatine), végétales (résines) ou synthétiques ; – éventuellement, des pigments.
Plus que les bâtiments, c'est surtout l'outillage qui caractérise la pratique. Plusieurs machines sont utilisées pour fabriquer le papier à la main. (Celles-ci excluent la machine à forme ronde – qui permet de former la feuille à la machine : le papier fait main doit être formé à la cuve.)
Parmi ces machines et outils mentionnés dans la « Description détaillée de la pratique », pour la transformation des matières premières :
- Le dérompoir est un banc sur lequel est fixé une lame de faux (« daillot ») permettant de trancher le tissu en lanières.
- La pile à maillets désigne un ensemble de maillets en bois ferré qui battent les fibres et l'eau, dans une cuve en bois ou en pierre, pour fabriquer la pâte à papier. Celle-ci est actionnée par un arbre à cames, qui tourne grâce à la roue du moulin. Il y avait généralement entre 4 et 6 piles à maillet par moulin, à raison de trois maillets par cuve.
- Le cylindre hollandais ou pile hollandaise est un cylindre déchiqueteur, inventé par les Hollandais(es), qui tourne rapidement sur une platine en entraînant les fibres de façon à les couper et à les raffiner - contrairement aux maillets qui les écrasent.
- Parmi les différentes cuves, le pourrissoir est un bac où les chiffons découpés étaient placés avec de l'eau pendant plusieurs jours : cette étape n'est plus nécessaire depuis l'utilisation cylindre hollandais mais certain(e)s papetier(e)s pratiquent encore le pourrissage, de façon expérimentale ou régulière (notamment ceux qui utilisent encore la pile à maillets). Dans la cuve à ouvrer, la pâte à papier est mélangée avec de l'eau, en fonction du grammage souhaité, et puisée pour former la feuille.
Pour la création de la feuille, le séchage et les finitions :
- La forme « est l'outil qui sert à fabriquer une feuille de papier à la main. Plongée dans la cuve d'eau et de pâte à papier, elle permet de recueillir à sa surface la pâte humide qui deviendra feuille. Une « forme occidentale » est composée d'un châssis en bois, sur lequel est fixé un plan filtrant métallique, et d'une couverte amovible, dont les dimensions intérieures déterminent la dimension de la feuille. Elle peut relever des formes vergées, lorsque le plan métallique est composé de vergeures, fines tiges de laitons assemblées entre elles, ou des formes vélins, lorsque le plan filtrant est un fin tissage de fils métalliques » 3. La forme peut également être d’inspiration extrême orientale avec un plan filtrant souple et amovible.
- Les « feutres » ou intercalaires sont des morceaux de tissu sur lesquels on couche les feuilles après le levage. Originellement en feutre de laine, aujourd'hui souvent synthétiques, ils servent d'intermédiaire entre chaque feuille de papier avant le pressage.
- Les presses, à bras ou hydrauliques, permettent d'extraire l'eau des feuilles (une presse était également utilisée après l'opération d'encollage).
- Le ferlet ou frelet est l'outil en forme de « T » utilisé pour porter les feuilles humides et les étendre « à cheval » sur les cordes du séchoir. Mais les feuilles peuvent, alternativement, être suspendues et fixées par des pinces. Pour le séchage avec contrainte, plusieurs supports peuvent être utilisés : panneaux ou plaques, vitres, murs...
- La cuve de gélatine.
- Le laminoir ou calandre pour lisser et aplatir la feuille.
- Des planches nommées plateaux destinées au milieu humide et d’autres au milieu sec.
L'approvisionnement en matériaux et produits peut s'avérer difficile, de même que l'entretien des machines, pour lesquelles il n'est pas toujours possible de trouver des pièces de rechange.
Pour la fabrication du papier de fibres vierges et de type extrême oriental, une partie de l'outillage est sensiblement différente : un couteau pour le grattage des écorces, un cuiseur pour l'étuvage et la cuisson des fibres, un battoir à main en bois, des panneaux de bois pour le séchage des feuilles, et une brosse.
1. Le moulin à papier constitue un élément distinctif des premières fabriques manufacturières européennes du XIIIe et XIVesiècles par rapport à la production artisanale commune à l’Extrême-Orient et au monde des Terres d’Islam.
2. patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/IA29005702 - consulté le 4 novembre 2024
3. Extrait de la fiche sur l'art du formaire, inventaire du patrimoine culturel immatériel en France : https://www.pci-lab.fr/fiche-d-inventaire/fiche/451-lart-du-formaire-ou-la-fabrication-artisanale-des-formes-occidentales-des-papetiers - consulté le 4 novembre 2024
Pour une description technique des formes à papier, on se référera à « Formes et formaires : Protocole de description des formes papetières occidentales (XVIIIe-XXesiècles) » et « Répertoire des formaires exerçant en France (XVIe-XIXe siècles) », sous la direction de Claire BUSTARRET, CahierS n° 3 – AFHEPP, Angoulême, 2021. 176 pages.
Du fait des éléments immobiliers et mobiliers associés/nécessaires à la fabrication du papier à la main, la question de la « transmission » se pose à la fois en termes de patrimoines matériel – celle d'un bâtiment, moulin ou atelier, avec son outillage spécifique – et immatériel - celle des savoir faire et d'un métier.
Il n'existe ni n'a jamais existé en France de formation initiale pour apprendre le métier de papetier(e) - tandis qu'il y a des centres de formation en papeterie industrielle (dont certains enseignements peuvent être utiles à la pratique artisanale). La transmission des connaissances et des savoir-faire se fait donc « sur le tas », en interne au sein de l'atelier.
Lorsque l'activité était florissante, l'apprentissage était organisé à l’intérieur des moulins, et une sorte de compagnonnage permettait aux jeunes de se former chez différents artisans afin d'acquérir le tour de main – bien que les papetiers n'aient jamais fait partie du mouvement compagnonnique. L’apprentissage commençait dès l'âge de 7 ans, par les tâches les plus simples et pénibles, comme le tri des chiffons, puis abordait chaque étape avant de se concentrer sur l'une d'elles : en effet il existait un métier pour chaque étape alors qu'aujourd'hui le (la) papetier(e) les réalise toutes.
La maîtrise de la fabrication du papier nécessite plusieurs années de pratique et d'expérience. Car il s'agit non seulement d'apprendre les différents gestes mais aussi de comprendre, ressentir et maîtriser les multiples paramètres qui entrent en jeu pour obtenir le résultat voulu. L’expertise et l'habilité du (de la) papetier(e) consistent à adapter les gestes et les matériaux afin d’obtenir une qualité constante, tout au long d’un processus qui peut durer plusieurs semaines et durant lesquelles les conditions climatiques et de production changent. On dit qu'il faut de 7 à 10 ans pour maîtriser le métier de papetier(e).
Quelques papetier(e)s s'insèrent dans une longue tradition familiale : le Moulin de Brousses appartient à la famille Chaïla-Durand, qui gère également la production, depuis 1820 ; le propriétaire actuel est donc le septième papetier de sa famille. Depuis sa relance en 1942 par Marius Péraudeau, l'activité du Moulin Richard de Bas a été maintenue par trois générations successives (le moulin a changé de propriétaire en 2023).
Toutefois, la plupart des papetier(e)s en activité ont rencontré fortuitement le monde du papier et s'y sont engagés sans avoir de connaissances. Ils se sont alors formés auprès de papetier(e)s et ont « bricolé » pendant plusieurs années : pour maîtriser la fabrication, il faut mener des recherches (lectures, expérimentations...) en permanence, du fait de l'absence de formation et surtout pour répondre à des demandes spécifiques voire inédites, qui exigent parfois des mois de tâtonnements.
Plusieurs papetier(e)s proviennent ainsi du monde de l'art, de l'édition ou de la valorisation patrimoniale. Au Moulin de la Rouzique dont la production avait cessé en 1983, c'est l'ancienne gestionnaire de l'économusée qui a relancé la production en 2017 après s'est formée à partir des archives de la SAPPAC (Association de Sauvegarde des Anciennes Papeteries et du Patrimoine Archéologique de Couze-et-Saint-Front). La fondatrice de l'atelier Papier Partage s'est aussi intéressée au papier par le prisme de la valorisation patrimoniale et de la médiation culturelle ; les fondateurs de l'atelier Végétalitec sont tous deux issus des Beaux-Arts ; le repreneur de la manufacture Ruscombe a travaillé dans le domaine du façonnage et de la reprographie. Certaines reconversions sont plus radicales : la créatrice de l'atelier Papier Lavande vient par exemple de la physique appliquée.
En l'absence de système formel de formation, et du fait du mode d'apprentissage en atelier, tous les papetier(e)s sont impliqués, à des degrés divers, dans la transmission de leurs connaissances et savoir-faire. Au moment de la rédaction de cette fiche, plusieurs moulins ou ateliers accueillent une) papetier(e) en formation. L'investissement en temps nécessaire à l'accueil de stagiaires ne permet toutefois pas de répondre aux nombreuses demandes 1.
Le dispositif Maîtres d’art – Élèves 2 a été créé en 1994 par le ministère de la Culture afin de contribuer à la pérennisation des savoir-faire rares pour lesquels il n’existe pas ou plus de formation, en soutenant la transmission. Décerné à vie, le titre de Maître d’art distingue des artisan(e)s pour la singularité de leur savoir-faire, leur parcours exceptionnel et leur implication dans le renouvellement des métiers d’art. Pendant trois ans, chaque Maître d’art transmet son savoir-faire à l’élève avec lequel il a été sélectionné.
Jacques Bréjoux a été nommé Maître d'art en 2015 - le seul dans le domaine de la fabrication du papier. Ses recherches visent en particulier à reconstituer les savoirs oubliés pour façonner des fac similés de papiers anciens ; pour cela il a reconstitué au Moulin du Verger la totalité des processus de fabrication antérieurs à la révolution industrielle. Il intervient depuis 1980 dans des formations, notamment à l'Institut national du patrimoine et dans plusieurs écoles (Beaux-Arts d'Angoulême, écoles nationales d'arts appliqués de Limoges, Aubusson, etc.). En outre, le Moulin du Verger organise ponctuellement des stages spécialisés associant théorie et pratique, destinés à des enseignant(e)s et professionnel(le)s de la restauration depuis 2007. Il reçoit depuis 2015 des élèves stagiaires de l'Institut national du patrimoine, de l'école Estienne...
Ce dispositif n'est cependant pas suffisant car, outre qu'il ne permet la formation que d'un(e) seul(e) élève, le temps d'apprentissage nécessaire est bien supérieur à trois années.
D’autres moulins et ateliers accueillent régulièrement des étudiant(e)s en écoles d'art (Beaux-arts, Estienne, Duperré, Louis Lumière, École Supérieure d’Arts Plastiques de Monaco, etc.), tels que le Moulin de Brousses (stages de 15 jours à deux mois) ou le Moulin Richard de Bas.
Il existe en effet quelques modules de fabrication du papier à la main dans des écoles d'arts et des Beaux-Arts. Plusieurs papetier(e)s se sont eux-mêmes formé(e)s auprès d'artistes qui produisent leur papier, tels Aïdée Bernard, ou Jean-Michel Letellier et Miki Nakamura qui accueillent dans leur atelier de nombreux(ses) étudiant(e)s en écoles d'art et divers publics. Jean-Michel Letellier et Miki Nakamura ont également monté un centre de formation professionnelle, certifié Qualiopi, pour les artistes souhaitant s'initier aux techniques créatives à la fabrication du papier.
Par ailleurs, la septième édition (2025) de l'Académie des savoir-faire initiée par la Fondation Hermès est dédiée au papier 3, avec la participation du Moulin de Brousses. Associant théorique, pratique et création, elle s'adresse à une vingtaine d'artisan(e)s, designers et ingénieur(e)s.
Dans le cadre d'un dispositif d'accompagnement au retour à l'emploi et du développement local de papier à partir du vacoa, une plante présente en abondance sur le territoire de Saint-Philippe (île de La Réunion), l'atelier Végétalitec a mis en œuvre des formations professionnalisantes à partir de 2021 (21 personnes formées, dont certaines en cours d'installation d'un atelier collectif). À la suite de cette initiative, Végétalitec porte un projet de centre de formation.
La manufacture de Ruscombe organise régulièrement des stages sur le collage et la gélatine à destination d'animateurs et d'animatrices socio-culturel(le)s.
Par ailleurs, la plupart des moulins et ateliers proposent des ateliers de découverte permettant de s'initier à la fabrication du papier (voir « Valorisation et mesures de sauvegarde existantes »).
1. Dans le cadre d'une embauche uniquement, il est possible de bénéficier du dispositif (France Travail) d'action de formation préalable au recrutement (AFPR), qui permet de financer 400 heures de formation préalables.
2. maitredart.fr/maitre-art/jacques-brejoux - consulté le 4 novembre 2024.
3. fondationdentreprisehermes.org/fr/projet/skills-academy-2025-papier - consulté le 4 novembre 2024.
L’écriture inclusive n’a pas été appliquée à cette section dans la mesure où le papier était fabriqué par des hommes aux époques évoquées.
La technique de fabrication du papier a été codifiée en l'an 105 par Cai-Lun (ou Tsai-Lun), un eunuque chinois de l'Office, des armes et des outils. Si le papier existait en Chine depuis au moins trois siècles, c'est à partir de cette date qu'il se substitue progressivement aux deux supports d'écriture en circulation : le bambou, qui est plus lourd, et la soie, très onéreuse. Au VIIe siècle, la bibliothèque du second Empereur de la dynastie Tang comporte 200 000 volumes, quand celle du pape, au Vatican, n'en comprend qu'une centaine.
Les échanges commerciaux entre l'Extrême-Orient et le Moyen-Orient, par la Route de la Soie, font connaître différents usages du papier aux populations musulmanes : emballages de denrées précieuses, listes de marchandises, inventaires, contrats... Malgré l'attrait des dirigeants perses pour cette invention, cette région du monde importe des papiers asiatiques à partir du Ve siècle et jusqu'à la fin du VIIIe siècle. L'année 751 marque un tournant dans l'histoire du papier : au cours de la bataille de Talas, les Musulmans prennent la ville de Samarcande (Ouzbékistan), ce qui leur donne accès à des ateliers de fabrication chinois, en état de marche et avec des ouvriers formés aux techniques papetières.
Au tournant des VIIIe et IXe siècles, plusieurs ateliers sont créés dans l'ensemble du monde musulman, soit en Asie Mineure (Bagdad en 794), en Afrique du Nord (400 moulins à papier à Fez au XIIe siècle) puis en Sicile et dans la péninsule ibérique. De Sicile, le papier gagne toute l’Italie au XIIIe siècle. La production se différencie de celle des papiers extrême-orientaux sur trois points : la mécanisation du maillet, l’utilisation de textiles (chiffons de lin et de chanvre) comme matière première, et enfin l’application d’un amidon de surface pour imperméabiliser les feuilles. Cet encollage est requis pour l’utilisation du calame.
Compte tenu des conflits religieux qui opposent les mondes chrétiens et arabes à l'époque médiévale, toute invention en provenance de la péninsule moyen-orientale est rejetée par les monarchies catholiques. Un édit interdisant l'usage du papier venu du monde arabe pour les actes publics est publié en 1221 par Frédéric II (1194-1250), Empereur du Saint-Empire germanique. La réticence des Français à employer le papier s'explique aussi par la fragilité de ce matériau : conçu dans des pays moins humides, il semble de prime abord peu adapté aux conditions climatiques des pays du Nord. L'essor d'une production papetière italienne, vers 1280, rend moralement possible la diffusion du papier en France, d'autant que la technique italienne paraît plus performante.
Au XIIe et au XIIIe siècles en Espagne et surtout en Italie, les papetiers apportent divers perfectionnements aux techniques des Arabes : l’introduction de la pile à maillets avec arbre à came et l’utilisation de l’énergie hydraulique, les formes en fils de métal dites vergées, l’encollage à la gélatine (plus rapide que l’amidonnage), la technique de séchage à cheval sur des cordes à l’air libre. Les Italiens inventent également le filigrane à la fin du XIIIe siècle.
Le papier filigrané permet de connaître le lieu de fabrication de la feuille et de différencier le papier italien du papier arabe qui en est exempt. Cette marque laissée dans le papier pouvait représenter une figure, des lettres ou des chiffres. Elle pouvait indiquer les lieux, les dates de fabrication des papiers ou bien les noms des papetiers, les propriétaires des moulins. Les filigranes sont une source immense d’information pour l’historien.
Jusqu'à la fin de l'époque médiévale, c'est le parchemin qui est utilisé en France. Ce matériau est long et coûteux à fabriquer puisqu'une seule double page nécessite la peau d'une chèvre ou d'un mouton. Le texte rédigé sur parchemin peut en outre être falsifié : il suffit de gratter la peau pour effacer ce qui y est inscrit. Au contraire, le papier s'impose comme le matériau idéal.
Les Italiens deviennent les fournisseurs et fournisseuses de toute l’Europe. Les marchands lombards vendent leurs papiers dans les grandes foires et particulièrement celle de Champagne. Les Français s’insurgent contre ce quasi-monopole et en 1356 Jean Le Bon accorde des privilèges qui vont permettre le développement des moulins de Troyes en Champagne (1348) et Essonne (1355). Puis progressivement la papeterie se répand à travers toute la France.
L'essor de la production papetière française et le développement de l'imprimerie par Gutenberg ainsi que de la taille douce au milieu du XVe siècle sont indissociables : l'imprimerie n'aurait pas pu se diffuser sans le papier, dont le prix de revient est beaucoup plus réduit que celui des parchemins, par ailleurs peu adaptés au passage de la presse ; réciproquement, la production de papier serait restée limitée sans l'augmentation des besoins en support d’impression économique générée par l'imprimerie. Le nombre de livres imprimés entre 1450 et 1500 est plus élevé que le nombre de livres issus des ateliers de copistes en un millénaire. Le procédé de reproductibilité certifie par ailleurs une retranscription exacte des textes, sans erreurs. Si les premiers papiers, pour des raisons d'acceptabilité sociale, imitent le parchemin, la production s'émancipe rapidement : la légèreté du papier est recherchée.
Au-delà d'une demande croissante liée à l'essor de l'imprimerie, le développement de la production papetière est rendu possible par les évolutions vestimentaires, qui suscitent un afflux de matières premières. En effet, au XIIIe siècle, les tenues en laine cèdent la place au lin (en particulier des chemises et linges de corps). Ce sont ces textiles qui, une fois usés et convertis en chiffons, constituent la principale matière première dans la production de papier.
L'Auvergne fut l'une des premières régions de production (dès le XIVe siècle) par le nombre de moulins à papier, du fait de ses reliefs caractéristiques et des facilités de transport par voie fluviale. Au XVe et au XVIIe siècles, l'activité s'étend à d'autres régions, en particulier dans le Sud-Ouest de la France.
À l'époque moderne, au fur et à mesure que l'imprimerie se développe au-delà du monde universitaire, les centres papetiers augmentent leur production. Ils sont toutefois dépendants des approvisionnements en chiffons. Les chiffonniers collectent les textiles usés en faisant du porte-à porte, puis ils les trient par couleur et par état d'usure avant d'en ôter les boutons, épingles et corps étrangers et de les vendre aux papetiers. Aux vêtements en lin et en chanvre peuvent s'ajouter des filets de pêche, des voiles de bateaux, divers cordages... La teneur des chiffons détermine la qualité du papier.
Au XVIe siècle la France s’est non seulement affranchie du monopole italien mais vend son papier à la plupart de ses voisins (Espagne, Angleterre, Allemagne). Pour les pays du nord de l’Europe, Anvers est devenu un centre commercial important qui s’approvisionne notamment à Troyes et dans les Vosges.
En 1567, les Pays-Bas entrent en rébellion contre l’Espagne. Les relations commerciales avec la France sont gravement perturbées. Les marchands papetiers quittent Anvers et vont s’installer à Amsterdam. Les nouveaux centres papetiers suivent la vallée du Rhin : Allemagne, Bâle, Strasbourg, les Vosges. La papeterie troyenne décline.
En 1610 la guerre de Trente ans se propage d’est en ouest et détruit les papeteries installées sur les rivières en dehors des villes fortifiées. Les marchands hollandais cherchent de nouveaux fournisseurs et se tournent vers les rivages atlantiques où ils ont déjà établi des contacts commerciaux. Deux centres font fortune : le Périgord dont les produits descendent vers Bordeaux et l’Angoumois qui envoie les siens vers La Rochelle pour être redistribués par les négociants hollandais. Ainsi, le Moulin du Verger (Puymoyen) entré en activité en 1539, a été racheté en 1635 par le marchand hollandais Dericq Janssen (1620-1674). Les circuits commerciaux dépassent le cadre national. Le Sud-Ouest de la France devient l'un des plus grands centres de production de papier occidental en Europe.
Les Normands et les Bretons alimentent l’Angleterre. En Provence, Béarn et Bigorre, il y a des moulins qui approvisionnent les États du Levant ou l’Espagne. À l’intérieur du territoire français, Essonnes et Troyes ayant perdu leur privilège, ce sont l’Auvergne, le Limousin 1 et les moulins des vallées de la Saône et du Rhône qui prospèrent et distribuent leurs produits.
En 1672, Louis XIV envahit la Hollande qui développe sa propre industrie papetière et devient une concurrence redoutable pour les fabricants français. Au milieu du XVIIIe siècle, les papetiers hollandais vendent très largement leur papier d’écriture non seulement en France mais aussi à l’administration française.
Au XVIIe siècle, les Hollandais mettent au point les inventions suivantes : le cylindre hollandais, la technique de l’échange de l’ordre des feuilles dans les porses et l’introduction de la smaltine2 pour l’azurage des papiers au lieu du bleu de Prusse.
Les Français réagissent et copient les Hollandais en adoptant leurs techniques, particulièrement dans les papeteries qui s’installent autour de Paris, au Marais (Seine-et-Marne), à Courtalain (Eure-et-Loire), Corbeil (Essone), Buges et Langlée près de Montargis (Loiret). C’est le début du déclin de la papeterie auvergnate, car cette région tarde à adopter ces innovations.
En 1752, les Anglais Whatman et Baskerville mettent au point la forme vélin. Les papiers créés avec cette dernière sont réputés pour avoir un plus bel aspect vu en transparence (épair) que ceux produits à la forme vergeure, dont le rendu est moins lisse. Le papier vélin ne se répand en France que vers 1815. Au XIXe siècle les papiers anglais, devenus très à la mode, sont copiés partout en Europe jusqu’au milieu du XXe siècle.
1. Les grandes éditions du siècle des Lumières et notamment l'impression de l'Encyclopédie soutiendront la production des moulins d'Auvergne et du Limousin.
2. Pigment minéralisé.
Le XIXe siècle marque un tournant dans l'histoire du papier. L‘apparition de la machine à papier bouleverse les pratiques. Le français Louis Nicolas Robert (1761-1828) invente en 1798 la première machine à papier en continu, qui produit des bandes de plusieurs mètres de long. L’anglais John Dickinson (1782-1869) commercialise la machine à forme ronde en 1809. Pendant la première moitié du XIXe siècle, les Français importent des machines anglaises et font venir des ouvriers spécialisés pour les mettre en activité et les réparer.
L’accroissement de la production de papier que la machine provoque, entraîne une pénurie de chiffons. Les usines doivent alors trouver une nouvelle matière première peu chère et abondante pour alimenter les machines. C’est le bois qui remplira toutes les conditions.
En 1844, Friedrich Gottlob Keller (1816-1895) dépose un brevet pour extraire la cellulose du bois. Peu après, Heinrich Voelter (1817-1887) développe en Allemagne une machine qui râpe et trie les copeaux de bois jusqu'à obtention d'une pâte lisse, appelée « pâte mécanique ». Cette dernière est ensuite traitée chimiquement à la soude, pour en extraire la lignine qui altère la conservation du papier, puis au chlore, pour assurer le blanchiment de la feuille. Bien plus élevés que ceux des papiers chiffons, les rendements de cette industrie naissante répondent aux besoins accrus de papier qui accompagnent l'essor de la presse quotidienne et la généralisation de l'école obligatoire.
De tout temps les moulins à papier ont appartenu à des financiers, des investisseurs qui laissaient le moulin en fermage aux papetiers. Ces propriétaires ont tenté parfois avec succès de suivre l’évolution technologique et d’adapter l’outil de travail à la situation économique. De nombreux moulins se sont équipés de machines. Certains se sont associés, ou ont été rachetés pour former des groupes puissants, parfois familiaux. Cela demandait des investissements importants et la capacité géographique de s’agrandir. Incapable de concurrencer la machine, la production de papier fait main s’est effondrée. Nombreux ont été ceux qui ont adapté leur pratique à une production de carton. Seule une marginale production de papier pour artistes et édition de luxe a perduré surtout en Angleterre. Alors qu’avant le XIXe siècle le poste financier le plus important était le coût de la matière première, c’est dorénavant le coût de la main d’œuvre et du retour sur investissement qui donne son prix au papier fait main.
Après la Seconde Guerre mondiale, un retour vers les traditions a favorisé la réouverture timide de quelques papeteries à la main qui se sont naturellement développées dans le domaine du luxe, puisque le domaine de la consommation courante ne leur était plus accessible. En effet, la force du papier fait main réside dans sa capacité infinie d’adaptation et sa capacité de production de petites quantités de feuilles. Aujourd’hui les machines à papier sont si gigantesques qu’une simple mise en route consomme une énergie et une quantité telle de matière première qu’il est impossible de faire de petites productions. Paradoxalement, les machines extrêmement performantes ne produisent que peu de sortes de papiers et l’offre pour le client se raréfie. C’est certainement un point important que les papetier(e)s actuel(le)s ont compris en proposant une grande variété de choix à une clientèle soucieuse d’originalité, de beauté et de savoir-faire.
Chaque papetier(e)s poursuit ses propres expérimentations, certain(e)s pour reconstituer des savoir-faire oubliés, en lien notamment avec les travaux de restauration, d'autres pour répondre à des commandes souvent inédites.
À côté du papier issu de chiffons de la tradition moderne européenne, émergent des papiers inspirés des traditions étrangères comme le papier japonais ou chinois. De vieilles techniques revisitées comme le papier recyclé sont remises au goût du jour. En papier fait main, toutes les expérimentations sont possibles. Le papier « ensemencé » qui mélange des graines dans la pâte à papier en vue d’une future germination en est un exemple. Les artistes l’ont perçu et certain(e)s fabriquent eux même leur papier. Les réseaux sociaux diffusent à foison les images et tutoriels consommés par les adeptes du DIY1.
À côté de la production papetière, de très nombreux moulins ont développé une activité touristique qui peut rapporter davantage que la vente de papier. Nombreux sont ceux qui proposent des stages de formation. Ces stages peuvent s’adresser à un public large : stages de découverte avec des enfants ou débutant(e)s jusqu’à des stages professionnels, pour un public d’expert(e)s (voir « Mise en valeur et mesures de sauvegarde existantes »).
La visibilité qu’offre internet permet aux petites structures que sont les fabriques de papier à la main de se faire connaître, de diffuser leurs informations et de proposer une vente en ligne.
1. Initiales correspondant à l'acronyme de « Do It Yourself », c'est-à-dire, en français « à faire soi-même ».
Le nombre de moulins en activité en France a drastiquement diminué. Par exemple, le village de Couze-et-Saint-Front en Dordogne, qui comptait 13 moulins au milieu du XIXe siècle, n'en comprend plus que deux en activité ; Brousses dans l'Aude a accueilli jusqu'à sept moulins, dont un seul est resté en fonction aujourd'hui. De même, il y avait une dizaine de moulins dans la vallée de Laga (Ambert) au début du XXe siècle ; il n'en restait plus que quatre ou cinq après la seconde Guerre Mondiale dont un seul fonctionne aujourd'hui. Autour de Saint-Léonard-de-Noblat, capitale régionale de la production papetière en Limousin, on a dénombré jusqu'à 24 moulins, dont un dernier est actif aujourd'hui.
Si l'activité dans son ensemble est confrontée à d'importants défis, les papetier(e)s connaissent aujourd'hui des situations très contrastées, avec des professionnel(le)s en cessation quand d'autres peinent à répondre aux commandes.
Des collaborations se développent notamment dans les secteurs de l'art et du luxe, à la recherche de savoir-faire d'exception ancrés dans une tradition. Par exemple, du papier pâle vergé 100 g a été commandé à la manufacture de Ruscombe en vue de la réouverture au public de l'hôtel de la Marine (Paris) en 2021. Il orne les murs de certains escaliers et boudoirs de l'édifice. La manufacture de Ruscombe a également collaboré avec de grand(e)s accordéonistes, qui avaient besoin d'un grammage spécifique pour restaurer leur instrument.
Le contexte de préoccupations environnementales ouvre des perspectives favorables au redéploiement du papier fait main. Par exemple, le jeune « festival écologique de photographie Picture for nature », à Cusset en Auvergne, entend promouvoir des impressions écologiques de tirages photos - avec comme support le papier Washi produit par l'Atelier papetier à Salasc 1. Le papier permet en outre de revaloriser des déchets, notamment ceux des industries textiles, agroalimentaires ou maraîchères. Certaines entreprises se tournent ainsi vers des supports originaux en papier fait main pour valoriser leurs déchets et communiquer sur leur activité.
De même, à l'omniprésence du numérique répond a contrario un engouement pour le papier, en particulier fait main.
Malgré des conditions d'exercice peu attractives, l'activité suscite l'intérêt notamment des jeunes générations, avec plusieurs reprises et installations, et de nombreuses demandes de formation qui restent en partie insatisfaites.
Enfin, il existe une très forte demande pour apprendre à fabriquer le papier comme « hobby » et loisir créatif, témoignant de la curiosité et de l'envie du public pour découvrir la pratique.
En développant diverses activités touristiques et de loisir en plus de la production de papier, certains moulins sont ainsi des acteurs économiques de leur territoire.
Du fait des éléments matériels, immobiliers et mobiliers, nécessaires à la fabrication du papier à la main, réussir à faire vivre à la fois un métier avec ses savoir-faire, et un lieu avec ses contraintes spécifiques, constitue un défi permanent.
Le métier de papetier(e) est une passion, une vocation et un mode de vie. Il implique de passer de longues heures dans le froid et l'humidité. À la pénibilité du travail s'ajoutent souvent l'insécurité financière et un relatif isolement liés aux statuts et modalités d'exercice de la profession aujourd'hui. Au-delà des collaborations et des liens d'amitié qui existent entre certain(e)s papetier(e)s, ceux-ci et celles-ci travaillent essentiellement seul(e)s.
Supplanté par le papier industriel, le papier fait main reste peu connu en France. Ainsi pour un public non sensibilisé à reconnaître et apprécier sa qualité, la différence avec le papier industriel peut ne pas paraître évidente. Du fait de cette méconnaissance de la complexité des processus, des savoir-faire et du temps de travail nécessaires pour produire du papier fait main, le prix de vente de ce dernier peut être une source d'incompréhension. Pour cette raison, il est essentiel de sensibiliser, éduquer et former non seulement le grand public mais aussi les professionnel(le)s et les utilisateurs et utilisatrices (voir « Mesures de sauvegarde et de valorisation »).
Avec un marché restreint, essentiellement de niche, le modèle économique peut être difficile à trouver pour certain(e)s papetier(e)s, et l'équilibre de l'activité reste souvent fragile. Pour celles et ceux qui s'installent, plusieurs années sont souvent nécessaires avant que l'activité devienne viable. Il s'agit de petites unités de production qui n'ont pas les capacités de répondre à des commandes importantes dans un temps limité, comme cela arrive par exemple dans le secteur du luxe.
La question de la transmission des savoir-faire constitue l'une des principales difficultés. Alors qu'il n'existe pas de structure sur laquelle s'appuyer, former des stagiaires et des apprenti(e)s représente un investissement très conséquent compte-tenu de la durée nécessaire à l'apprentissage, que les papetier(e)s ne peuvent pas toujours assumer. En outre, accueillir des personnes supplémentaires au sein de l'atelier implique de disposer de l'outillage et du matériel nécessaires, ou d'investir. Enfin, il existe un problème d'échelle entre des besoins réels et un marché limité qui peut constituer un frein à la création d'une formation dédiée.
Cette situation pose la question de la reconnaissance du métier : outre l'absence de formation, il n'existe pas de dispositif de soutien public spécifique, ni de structures publiques ou parapubliques qui donnent de la visibilité à l’activité de fabrication de papier à la main, et permettent aux professionnel(le)s d'échanger.
L'usage des cours d'eau par les moulins est régi par les droits d'eau18. Ceux-ci sont soumis à de nouvelles réglementations environnementales telles que l'obligation d'aménager des passes à poissons pour assurer la continuité écologique, qui représente des coûts d'investissement très lourds pour les moulins concernés.
Conséquence du changement climatique, le débit d'eau peut être insuffisant pour faire fonctionner la roue des moulins et fournir l'énergie nécessaire... Ce fut par exemple le cas à l'été 2023 pour le Moulin Richard de Bas à Ambert, alimenté par le ruisseau du val de Laga. Il faut s’attendre à ce que cette situation se répète dans les prochaines années.
1. picturefornature.fr/origine-du-projet/ - consulté le 4 novembre 2024
Des recherches pratiques associant papetier(e)s et chercheurs et chercheuses, telles que les collaborations entre le Moulin du Verger et l'atelier du Louvre, permettent d'expérimenter, et de reconstituer certains processus de fabrication de papiers historiques. Un groupe de recherche autour de la recréation des procédés de fabrication du papier bleu s’est formé sous le nom de « Blue Paper Research Consortium » 1 : basé au Moulin du Verger, il réunit des papetier(e)s, teinturier(e)s, conservateur-restaurateurs et conservatrices-restauratrices, historien(ne)s autour de questions de recherche communes.
L'Association française pour l'histoire et l’étude du papier et des papeteries (AFHEPP) organise régulièrement des manifestations telles que des ateliers, formations, conférences et colloques. Outre ses nombreuses publications, elle porte un projet de base de données sur les filigranes.
Certain(e)s papetier(e)s et plasticien(ne)s qui travaillent (avec) le papier développent régulièrement ensemble des projets de recherche, d'expérimentation et de création. Ces collaborations peuvent prendre la forme de résidences, comme au Moulin de Brousses, ou au Moulin du Got qui accueille chaque année depuis 2016 un(e) artiste 2.
Quelques artistes papier fabriquent eux-mêmes leur propre papier, qui devient en soi mode d'expression, geste artistique et œuvre, tels que Jean-Michel Letellier et Miki Nakamura (papier de fibres de murier), Aïdée Bernard ou Marie-Sophie Koulischer (papier de plantes diverses).
La plupart des moulins et ateliers sont ouverts au public, régulièrement ou ponctuellement pour des visites de découverte. Celles-ci sont essentielles pour sensibiliser le public à la valeur du papier fait main, en lui permettant de comprendre la complexité des processus et des savoir-faire, à la différence du papier industriel, contribuant ainsi à promouvoir la pratique. Certains proposent des ateliers et stages d'initiation, ainsi que des activités spécifiques à destination des scolaires et du jeune public. Si elles ne constituent pas une réponse aux problématiques essentielles de transmission des savoir-faire et de viabilité économique, ces activités pédagogiques, touristiques et de loisirs, représentent néanmoins une part importante de l'activité de certains moulins.
- Le Moulin du Got présente la mémoire de cinq cents ans d'activités papetières en Limousin. Il produit chaque année une exposition, ainsi qu'un programme de visites, stages et ateliers, d'initiation ou perfectionnement, pour adultes ou jeune public.
- Le Moulin Richard de Bas accueille un musée historique du papier (inauguré en 1943 en présence de Georges-Henri Rivière, Directeur du Musée national des Arts et traditions populaires). Il organise des visites et des stages d’initiation à la fabrication du papier (réseau Entreprises et découvertes : voir « Modes de reconnaissance publique »).
- Le moulin à papier de Brousses est ouvert 363 jours par an pour des visites et des ateliers (réseau Entreprises et découvertes : voir « Modes de reconnaissance publique »).
- Vallis Clausa offre diverses activités au sein d'un groupement culturel et artisanal. - Le Moulin de Kereon organise en saison des conférences, rencontres, ateliers et stages.
- Le moulin à papier de la Rouzique est un économusée, la mission de l'équipe est de faire découvrir l'histoire du site et de la fabrication du papier ainsi que les gestes et outils liés à ce savoir faire. Cette découverte se fait par le biais de visites guidées, de démonstrations et d'ateliers. À l'étage du moulin, un espace d'exposition est dédié aux filigranes, dont certains datent du XVIe.
- L'atelier Papier Lavande répond à de nombreuses demandes d'animations à l'extérieur, dans des structures diverses : musées, bibliothèques, communautés de communes, écoles.
En outre, la plupart des moulins et ateliers papetiers participent à certaines des manifestations nationales ou européennes suivantes (dans l'ordre de leur apparition calendaire), sous la forme de portes ouvertes, visites, démonstrations, initiations... :
- Journées européennes des métiers d'art (début avril 3)
- Journées européennes des moulins et du patrimoine meulier (troisième week-end de mai 4)
- Journées du patrimoine de pays et des moulins (troisième week-end de juin 5)
- Journées européennes du patrimoine (troisième week-end de septembre 6). … ainsi qu'à des événements locaux ou régionaux.
Les Papiers Ruscombe à Margaux, par exemple, accueillent les visiteurs lors du « printemps des Châteaux » (avril) et de Margaux Saveurs (octobre), avec des ateliers à destination du jeune public.
D’autres sites proposent des animations autour du papier fait main, tels que la Papeterie de Vaux à Payzac (Dordogne), une ancienne fabrique de papier de paille : créations de papier pour artistes à partir de diverses fibres vierges (paille, orties, herbes de la pampa, champignon…) ou chiffon
L’Atelier-musée de l’Imprimerie (Malesherbes, Loiret), consacré à une histoire technique et culturelle de l’imprimerie, propose régulièrement des ateliers de fabrication de papier de diverses durées et thématiques à destination de différents publics (scolaires, familles, étudiant(e)s en arts graphiques, artistes...). Lors des Journées européennes des métiers d’art 2024, une exposition temporaire sur les artistes « papier » a été inaugurée.
- Le musée du Papier à Angoulême, structure municipale ouverte en 1988, conserve et valorise à travers ses collections la mémoire de la production papetière dont l'Angoumois constitue l'un des centres historiques en France. Il expose également de nombreux artistes contemporain(e)s qui travaillent le papier.
- Le musée des papetiers Canson et Montgolfier, à Annonay (Ardèche), retrace l’histoire de la fabrication artisanale du papier.
Les papetier(e)s participent à de très nombreux salons, d'envergure variable, de métiers d'art, d'artisanat d'art, du livre, d'éditions d'art, de calligraphie... parmi lesquels le Salon du patrimoine culturel à Paris, le Salon des livres et métiers d'art à Montreuil-Bellay, les salons Art & Papiers à Vézénobres ou Page(s) à Paris, etc. Des conférences, démonstrations, ainsi que des initiations à la fabrication du papier y sont proposées.
En 2024, le Getty a organisé une exposition temporaire de renommée internationale sur le papier bleu : « Drawing on Blue »25. Outre les dessins de la collection du J. Paul Getty Museum ont été exposés des papiers bleus recrées selon des procédés historiques au Moulin du Verger, par le Blue Paper Research Consortium. Un catalogue d’exposition a été publié.
En 2022, l'exposition « Histoires de papiers »26 est présentée au Louvre Abu Dhabi, avec la participation du Moulin de Brousses.
En 2011, le Musée du Louvre accueillait l’exposition « Le papier à l’œuvre ».
Plusieurs moulins ouverts au public accueillent régulièrement des expositions d'artistes papier ou des expositions autour du papier.
Les revues Art et métier du livre des éditions Faton, et Ateliers d’art publiée par Ateliers d’art de France, proposent des articles liés au papier fait main.
La Fédération française des associations de sauvegarde des moulins (FFAM), réseau d'associations locales et régionales ainsi que de particulier(e)s, co-organisatrice des Journées du patrimoine de pays et des moulins, met en valeur plusieurs moulins à papier sur son site et dans sa revue Moulins de France27.
La Fédération des Moulins de France (FDMF), co-organisatrice des Journées européennes des moulins et du Forum des moulins producteurs, met en valeur plusieurs moulins à papier sur son site internet et dans sa revue Le Monde des Moulins28.
Ces deux fédérations se déploient en délégations régionales.
Premier regroupement de papetiers européens, le projet de la Route du Filigrane, aujourd'hui interrompu, a permis trois rassemblements successifs en Espagne, Finlande et Allemagne.
Cette distinction a été décernée en 2009 à Jacques Bréjoux pour son travail au Moulin du Verger (voir « personnes/organismes impliqués dans la transmission »).
Entreprises du patrimoine vivant
Le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) 7 est une marque de reconnaissance de l’État qui distingue des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. Deux entreprises du secteur sont actuellement distinguées : le Moulin de Larroque (2011) et le Moulin Richard de Bas (2020).
Le Moulin Richard de Bas et le Moulin de Brousses 8 font partie du réseau national « Entreprises et découvertes » 9 qui réunit des entreprises ouvertes aux visites de savoir-faire. À ce titre, les deux moulins sont labellisés « France savoir-faire d’excellence ».
Le Moulin de la Rouzique est membre de la Route des métiers d'art de Dordogne. Le Moulin de Brousses est membre de la Route des métiers d'art d'Occitanie.
Saint-Léonard-de-Noblat est labellisé « Ville et Métiers d'Art » notamment grâce à la présence du Moulin du Got sur son territoire.
Quatre moulins à papier en activité sont classés au titre des Monuments historiques : le Moulin Richard de Bas (1983), le Moulin de La Rouzique (1989), le Moulin du Verger (1991) et le Moulin de Larroque (2013).
1. www.bluepaperresearch.org/
2. moulindugot.com/residence-artistes - consulté le 4 novembre 2024
3. journeesdesmetiersdart.fr - consulté le 4 novembre 2024
4. journees-europeennes-des-moulins.org - consulté le 4 novembre 2024
5. patrimoinedepays-moulins.org - consulté le 4 novembre 2024
6. journeesdupatrimoine.culture.gouv.fr- consulté le 4 novembre 2024
7. institut-savoirfaire.fr/epv
8. Le Moulin de Brousses est également labellisé « Qualité Tourisme ».
9. entrepriseetdecouverte.fr
Au cours des ateliers organisés en vue de cet inventaire a émergé l'idée de créer un regroupement des fabricant(e)s de papier à la main, qu'ils ou elles soient installé(e)s de longue date ou récemment (sous la forme d'une fédération, association, corporation, syndicat...), afin de favoriser les échanges et de répondre au besoin d'organiser et de structurer une action collective. Cette entité pourrait, par exemple, faire le lien avec les organismes publics et privés (aides administratives et financières...), apporter un soutien aux papetier(e)s (conseil technique, outillage...), plaider et œuvrer pour la création d'une formation et d'un diplôme reconnus, porter des projets communs, comme l'organisation ou la participation à des événements et des expositions, coordonner l'accueil d'artistes et d'étudiant(e)s, mettre en œuvre une stratégie de promotion du papier fait-main, etc. Une réflexion est engagée.
Le groupe de recherche constitué autour du Moulin du Verger porte un projet de « Papéothèque » basée sur la collecte d'échantillons - ainsi que d'images, de sons, etc. Au moment de la rédaction de cette fiche, des recherches de financement sont en cours pour mener à bien celui-ci.
Le programme des Itinéraires culturels, lancé par le Conseil de l’Europe en 1987, est un label attribué à des parcours ou ensembles culturels reconnus comme importants au titre de leur contribution dans la valorisation de l'histoire, du patrimoine et de la mémoire commune au sein de l'Europe. Les Itinéraires couvrent de nombreux thèmes, dont le patrimoine immatériel.
La Ville d'Angoulême porte une candidature pour la création d'un itinéraire autour de la fabrication du papier en Europe. Elle a également pour son musée du Papier un projet d'extension et de refonte du parcours permanent, axé sur le patrimoine culturel immatériel pour le papier fait main.
Des moulins à papier situés en Pologne et en République Tchèque ont initié un projet de candidature « en série » au Patrimoine mondial d'un réseau de moulins européens, dont Richard de Bas pour la France. Bien que celle-ci concerne les sites physiques, le patrimoine immatériel est de plus en plus pris en compte, la démarche contribuant aux synergies et à la visibilité.
Dans le cadre de l'élaboration de cette fiche, plusieurs pistes ont été évoquées pour répondre à la fois aux besoins et à la demande de formation, qui ne dépendent toutefois pas (uniquement) des papetier(e)s. D'abord, un soutien financier pour l'accueil de stagiaires, d'étudiant(e)s et d'apprenti(e)s, qui exige une grande disponibilité, permettrait de faciliter la transmission des savoir-faire. Par ailleurs, dans la mesure où la certification Qualiopi est nécessaire mais représente un obstacle pour les professionnel(le)s, une solution à étudier serait le portage et l'accueil par une chambre régionale des métiers et de l'artisanat 1 d'une formation assurée par les papetier(e)s. Une mesure alternative ou complémentaire serait le développement de véritables modules dédiés à la fabrication du papier dans les écoles de restauration, ce qui n'est pas le cas actuellement.
1. Le Moulin de Brousses plaide depuis plusieurs années auprès des élus locaux pour la création d'une formation dans le cadre de l'Université régionale des métiers et de l'artisanat – Occitanie.
Mme Claire Bustaret, Présidente de l'Association française pour l'histoire et l'étude du papier et des papeteries (AFHEPP)
M. James Billerot, Président de l'association GERMA-Amis des musées d'Angoulême
Archives Départementales de Haute-Vienne 31 J 147 : en haut à la main mais d’une autre écriture que celle du texte, il y a d’inscrit « 30 mai 1890 » et à gauche « Ragot à Sempinet et au Got près Brignac ».
Notes historiques sur la fabrication des papiers, blancs, gris et de paille dans le Canton de Saint Léonard Haute-Vienne, depuis 1810
« À cette époque la fabrication tant en papier blanc qu’en papier gris, se faisait à bras ou à la cuve. Ces papiers étaient à peu près entièrement de chiffon. Les papiers blancs servaient en grande partie à l’imprimerie et à l’écriture. Mais pour cela on fesait opérer au chiffon une fois moulu un blanchissage par le chlorure. Une fois le papier fait et séché à l’air, on le mouillait de nouveau dans une préparation qui le collait, composée de débris de pieds de moutons et accessoires de la même source, avec addition de vitriol alun. Ces papiers servaient aussi aux écritures, on en a encore de bons restes. Les papiers gris ou bulle à l’époque servaient à filtrer et emballer la porcelaine, et le reste. »
À cette époque, la fabrication était prospère et jusqu’en 1830, elle s’est maintenue dans de bonnes conditions, mais là a commencé la décadence.
Il existait alors des cuves à bras, au lieu de Le Got, Chez le Marchand, le Pont au Puy, La Roche, L’âge, le Bragard, Lâgeas, Le Pénitent, Chez Giraud, Maquetaud, Chez Maumot, Beaufort, Les Vergnes, Le Petit Farebout, Le Grand Farebout, Sampinet, L’artige, Le Puy Rénaud, Baillot. Onze de ces usines n’existent plus. Les autres ont été transformées à ce moment pour fabriquer du papier de paille, ou filatures.
La fabrication des papiers blancs et gris, et à bras, en chiffon s’opérait comme suit : Le chiffon après avoir subi un triage, selon la nuance de la nature, était mis dans un baquet pouvant contenir 100 k, on le mouillait bien, puis on en fesait un tas de 1000 à 1200 K selon l’importance de la fabrication on le laissait là, dix ou douze jours jusqu’à ce qu’il soit devenu chaud intérieurement, puis on le coupait à environ 10 à 12 cm avec une faux emmanchée dans un madrier. Une fois coupé on en mettait une certaine quantité dans chaque pille qu’on laissait broyer une première fois environ douze heures. Après ce broyage on mettait cette pâte dans de grandes caisses en bois, afin de le blanchir comme je l’ai dit.
Après douze heures de fermentation on remettait cette pâte dans d’autres pilles, qu’on appelait rafineuses et cela encore douze heures, puis on mettait cette pâte à la disposition des ouvriers faisant le papier qui, à chaque porce de 144 feuilles, mettaient encore la pâte dans une autre raffineuse sans ferrement au fur et à mesure de leur besoin.
(Complément : À chaque feuille de papier on mettait un feutre. On fesait 26 porces pour une journée, mais il y avait toujours 7 à 8 feuilles de cassé par porce et quelques fois davantage. On lavait les feutres tous les trois jours, à l’eau très chaude et avec savon. Chaque lavage de feutre remplaçant 4 porces de fabrication La cuve où l’on fesait le papier était toujours chauffée au bois naturellement. Lorsque la porce était garnie on la pressait fortement pour égoutter le papier et pouvoir le prendre sur les feutres.)
« L'art du formaire, ou la fabrication artisanale des formes occidentales des papetiers » a été inscrit en 2018 à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel en France 1.
Plusieurs contributeurs et contributrices de la présente fiche avaient apporté leur soutien. Une seule praticienne perpétuait ce savoir-faire en France : Mme Claudine Latron, alors établie à Mons en Barœul, près de Lille (Hauts de France), qui a depuis cessé son activité.
Le Moulin Richard de Bas à Ambert avait été sélectionné pour l'Inventaire des métiers d'art rares en France, conduit entre 2008 et 2010 par l'Institut national des métiers d'art (ex-Société d'encouragement des métiers d'art) et le ministère de la Culture, comme projet pilote pour la mise en œuvre de l'inventaire du patrimoine culturel immatériel en France.
Un Inventaire des moulins à papier et papeteries industrielles de Bretagne a été conduit en 2014- 2015 par l’association Au fil du Queffleuth et de la Penzé, en réponse l'appel à projets « participer à l’Inventaire du patrimoine » de la Région Bretagne 2 : 132 sites papetiers (pour la plupart disparus) ont été recensés et 102 ont fait l’objet d’un dossier d’Inventaire. Rédigé en parallèle de cette enquête, l'ouvrage Moulins à papier et familles papetières de Bretagne du XVe siècle à nos jours (Jean Caroff, 2015) dresse un atlas de 147 moulins et industries papetières de la Bretagne historique, avec la contribution de chercheurs et chercheuses, propriétaires de sites et descendant(e)s de papetier(e)s. L’approche généalogique a notamment permis d’établir la liste des papetier(e)s pour chaque moulin et de suivre les migrations, stratégies d’alliances et de transmissions de 800 familles. Les implantations les plus anciennes de moulins à papier en Bretagne remontent au XVe siècle (quatre établissements connus). Leur nombre explose au XVIIe siècle (57 des 60 moulins qui fabriquent du papier sont construits au cours de ce siècle), notamment autour de Fougères et Morlaix. Ces deux pôles se renforcent au XVIIIe siècle (24 moulins sur les 72 recensés sont construits au cours de ce siècle). Puis au XIXe, les moulins vont progressivement laisser la place aux papeteries industrielles.
Réunissant les bases de données Mémoire (photographie), Mérimée (patrimoine architectural), Palissy (patrimoine mobilier) et Joconde (patrimoine des musées de France), elle contient 1038 entrées « moulin à papier » 3.
Aux Archives Nationales est conservée une « Liste des moulins à papier de la Généralité de Limoges » établie en 1760 par Joseph Muret, Inspecteur pour le Roi des manufactures et du commerce et incluant le nom du (de la) papetier(e) exploitant(e), propriétaire ou fermier(e) 4, ainsi qu'un « État de la connaissance et fabrication des papeteries du Poitou pendant les six premiers mois de l'année 1778 » (liste des moulins à papier de la Généralité de Poitiers) 5. Voir également les moulins à papier du Comtat Venaissin et des alentours à la fin du XVIIIe siècle6
BARRET, Timothy, 2018. European Hand Papermaking: Traditions, Tools, and Techniques. Ann Arbor, The Legacy Press. Ouvrage de référence sur le papier.
BIASI, Pierre-Marc, 1997. Pouvoirs du papier, Les cahiers de médiologie n°4, Gallimard, Paris
BOIS, Michel & BOITHIAS, Jean-Louis, 2014. Moulins, papiers et papetiers d’Auvergne. Champétières, Éd. des Monts d’Auvergne.
DELÂGE, Gabriel, 1991. Moulins à papier d’Angoumois, du Périgord et du Limousin – 17e siècle. Paris, Éd. Bruno Sépulchre.
GAUDRIAULT, Raymond, 1995. Filigranes et autres caractéristiques des papiers fabriqués en France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Paris, Éd. J. Telford.
GOUY, Jean-Pierre, 2018. Artisan papetier, mon métier au XXIe siècle, Papiers du Moulin.
HARRIS, Neil, 2017. Paper and Watermarks as Bibliographical Evidence. Lyon, Institut d’histoire du livre. Texte d'une conférence initialement prononcée en 2010 7.
LALANDE (de), Jérôme, 1761. Art de faire le papier, Paris 8.
NICOLAÏ, Alexandre, 2017 (1935). Histoire des moulins à papier du Sud-Ouest de la France, 1300- 1800 : Périgord, Agenais, Angoumois, Soule, Béarn. Vol. 1. Lanmeur, Éd. des Régionalismes.
PERRIN, Jean-Claude Émile, 2012 (2e éd.). Glossaire du papier : dictionnaire des mots et des expressions usités par le papetier, depuis l’invention du papier à ce jour, des principales sortes de papier, des noms des personnages et des lieux qui ont marqué l’histoire du papier. Bousbecque.
POLASTRON, Lucien, 1999. Le Papier : 2000 ans d’histoire et de savoir-faire. Arles, Actes Sud.
TANDEAU de MARSAC, Martine, 2010. Les Moulins à papier autour de Saint-Léonard de Noblat - XVe-XXe siècles. Limoges, Éd. Culture et Patrimoine en Limousin.
Van VELZEN, Bas, 2018. The universe between felt and wire: A new look into the typology of Western made paper. Thèse de doctorat, Faculty of Humanities/Amsterdam School of Historical Studies 9.
Une documentation plus complète est disponible sur le site de l'Association française pour l'histoire et l'étude du papier et des papeteries (AFHEPP) : afhepp.org/spip.php?rubrique17 (consulté le 4 novembre 2024).
L’AFHEPP publie depuis 2009 une revue, PapierS, Nouvelles de l’AFHEPP. Par ailleurs depuis 2017, une nouvelle ligne éditoriale, les « CahierS de l’AFHEPP », permet d’éditer des ouvrages spécialisés sur le papier et les papeteries 10.
L'association internationale des historien(ne)s du papier (IPH) publie depuis 1962 une revue successivement intitulée IPH Information, International Paper History puis actuellement IPH Paper History. Elle édite également depuis 1976 les actes du Congrès de l'IHP (auparavant IPH Yearbook) 11. Ce Congrès international des historiens du papier s’est tenu à Angoulême en 2011.
La technique de fabrication du papier (Musée du Louvre / Moulin du Verger) : youtube.com/watch?v=1JWopSApmpE
Le séchage (Moulin de Brousses) : youtube.com/watch?v=YWPDOVsYaQc
La fabrication de papier japonais en France (Atelier papetier) : youtube.com/watch?v=_UUP6dek5f4&t=4s
« La guerre du papier » : youtu.be/6giuWYQWVEw?si=YknbD5sRz_DTW_cB
Le dossier « les supports de l'écrit » sur le site de la BnF réunit un ensemble de ressources (articles, vidéos...) sur le papier, destinées au grand public : essentiels.bnf.fr/fr/livres-et-ecritures/formes et-usages-des-livres/74c24a4a-ad1c-415e-918b-c8d336b4f3a6-supports-ecrit (consulté le 6 février 2024).
Le site de l'université de l'Iowa/Center for the Book « Paper through time: Non-destructive Analysis of 14th- through 19th-Century European-style Papers » présente le résultat de recherches sur des papiers historiques d'Europe et d'Amérique du Nord: paper.lib.uiowa.edu/index.php (consulté le 6 février 2024) dont, notamment, le projet porté par Timothy Barrett sur l'histoire des techniques des papiers européens « Background: European Papermaking Techniques 1300-1800 »: paper.lib.uiowa.edu/european.php (consulté le 6 février 2024).
Site de l'Association française pour l'histoire et l'étude du papier et des papeteries (AFHEPP) afhepp.org qui anime aussi une page sur le réseau social « Facebook » (consulté le 6 février 2024).
Site de l'Association internationale des historiens du papier (IPH) : paperhistory.org/index.php (consulté le 6 février 2024).
Plusieurs sites de moulins et ateliers contiennent également des articles spécialisés sur l'histoire et la fabrication du papier (consultés le 6 octobre 2024) :
moulinduverger.com/papier-main/rubrique-5.php
moulin-vallisclausa.com/fr/content/7-fonctionnement-du-moulin
lapetitefabriquedepapier.fr/petite-histoire-du-papier
moulin-rouzique.com/la-fabrication-du-papier/
atelierpapetier.fr/accueil/fabrication-du-papier-japonais
(les sites ont été consultés le 28 octobre 2024)
Le Moulin Richard de Bas (classé Monument Historique en 1983) est situé dans la vallée de Laga, historiquement l’un des premiers territoires à produire du papier en France. Probablement en activité dès 1326, le moulin fut acheté en 1463 par Antoine Richard et resta en fonctionnement sans interruption jusqu’en 1937. Il est repris en 1942. L'activité combine aujourd'hui la production de papier et la fonction de musée.
M. Emmanuel Kerbourc'h ; Artisan papetier et ancien propriétaire du moulin
rdb@wanadoo.fr
richarddebas.fr
Brousses (Aude) fait du papier depuis la fin du XVIIe siècle. De 1820 à 1877, la famille propriétaire du moulin produit du papier. En 1877, une machine à papier est installée (table plate puis forme ronde). Jusqu’en 1981 les ateliers produisent du carton (celloderme). Après la fermeture (1981), la famille relance le papier fait main à partir de chiffons mais aussi de végétaux notamment locaux (paille de riz, de moutarde, feuilles d’oliviers, posidonie, mûrier à papier, rafles de raisins pour les étiquettes de cuvées exceptionnelles...) ou encore de crottin de cheval.
M. André Durand ; Propriétaire du moulin et artisan papetier
moulin.a.papier@orange.fr
moulinapapier.com
La Petite Fabrique de Papier (2014) utilise principalement des fibres de lin et de chanvre mais aussi, au gré des cueillettes de saison : courgettes, rhubarbe, fanes de carottes, fleurs d’iris, feuilles d’automne et crottins de cheval.
Mme Nadia Boillot-Gypteau ; Artisane papetière
nadia.gypteau@gmail.com
lapetitefabriquedepapier.fr
Le Moulin de Larroque, probablement édifié au XIIIe siècle, produit du papier depuis le XVIIe siècle. Son activité cesse à la fin du XIXe et le moulin tombe en ruine. Il est restauré et son activité relancée à partir de 1972. Il fournit, notamment, des artistes renommés dans toute l'Europe. Le moulin est classé Monument Historique en 2013.
M. Daguenel ; Artisan papetier
M. Jean-Paul Estève
Propriétaire du moulin
s.scilencrier@orange.fr
guide-du-perigord.com/fr/tourisme/decouvrir/sites-touristiques/musees/couze-et-saint-front 405/le-moulin-de-larroque-8096.html
Le Moulin de la Rouzique dont l'existence est attestée dès le milieu du XVIe siècle (classé Monument Historique en 1989) est aujourd'hui un économusée. On y produit du papier artisanal à partir de chiffons, puis industriel à partir de la fin du XIXe, jusqu'en 1983. Restauré dans les années 1990, sa gestion est transmise en 2007 à l'association Au Fil du Temps qui emploie une papetière depuis 2017. Les papiers sont produits à partir de fibres de lin, chanvre ou coton, pour des usages modernes et artistiques.
Mme Carole Loizeau & Mme Chloé Rambaud Hendricks ; Responsables de site
Mme Louise Lecallo ; Artisane papetière
moulindelarouzique@gmail.com
louise.papier@mailo.com
http://moulin-rouzique.com/
L’atelier Papier Partage, créé en mai 2024, est spécialisé dans les papiers pour les arts graphiques et dans la recherche et le développement autour du végétal et de la valorisation des déchets végétaux (pailles, pieds de tomate...).
Mme Lise Morisseau ; Artisane papetière
lise.papierpartage@gmail.com
Vallis Clausa (1973) est la reconstitution d’un moulin produisant du papier chiffon selon les techniques du XVe siècle, au sein d'un groupement culturel et artisanal imaginé par Marius Péraudeau, repreneur du moulin à papier Richard-de-Bas, avec l'objectif de rénover et sauvegarder la dernière papeterie de la Sorgue.
Mme Juliette Durand ; Directrice
M. Gérard Fuster ; Artisan papetier
contact@moulin-vallisclausa.com
moulin-vallisclausa.com
La manufacture de papiers Ruscombe produit, à partir de fibres de lin, chanvre, coton ou de chiffons, une gamme pour la conservation-restauration, les beaux-arts et la photographie. Créé en 1989 par C. Bingham, l'atelier n'est pas installé dans un moulin mais dans l'ancienne laiterie du village, réhabilitée pour la production et le séchage des feuilles. Une girondine (maison traditionnelle aquitaine) est accolée à l'atelier pour stocker et façonner les papiers.
M. Frédéric Gironde ; Artisan papetier
info@ruscombepaper.com
ruscombepaper.com
L'atelier Papier Lavande fabrique du papier à la forme depuis 2015, à partir de déchets : papiers, cartons à recycler, tissus de la recyclerie (principalement des draps de coton) et quelques végétaux dont la paille de lavande (déchet de la distillation).
Mme Camille Gandioli ; Artisane papetière
contact@papierlavande.fr
papierlavande.fr
Avec sa maison de maître et son vaste séchoir, le Moulin du Verger, entré en activité depuis 1539 et reconstruit par un marchand hollandais au XVIIe siècle, constitue un ensemble protégé au titre des monuments historiques (1991). Au gré des commandes, en collaboration avec des restaurateurs et restauratrices spécialistes du patrimoine papetier, il procède à de nombreuses expérimentations afin de reconstituer les savoirs oubliés et d'obtenir des fac-similés de papiers anciens.
M. Jacques Bréjoux ; Artisan papetier, maître d'art, propriétaire du moulin avec Mme Nadine Dumain
jacques.brejoux@moulinduverger.com ; https://moulinduverger.com/
Le Moulin du Got, construit à la fin du XVe siècle, produit du papier chiffon jusqu'en 1870, du papier « paille » (seigle) pour l'emballage jusqu'en 1945, puis du carton recyclé jusqu'à sa fermeture en 1954. Réhabilité et rouvert en 2003, il fabrique différents papiers à la main et possède l'une des dernières machines à papier du XIXe siècle. En parallèle de la production papetière, le site accueille une imprimerie typographique.
Mme Marie-Claire Cluzel
Directrice
direction@moulindugot.fr
https://www.moulindugot.com/
L'atelier Végétalitec (2022) est intégré à des projets d'économie circulaire et met en place des programmes de formation et d'insertion professionnelles. Il développe des expérimentations notamment à partir du vacoa. Auparavant, ses fondateurs avaient créé (2011) une activité de fabrication de papier de jacinthe d’eau, une espèce invasive à La Réunion.
M. Gilbert Gauvin
Artisan papetier
Mme Nicole Gauvin
Artisane papetière, formatrice
vegetalitec@gmail.com
Le Moulin de Kereon, qui a démarré son activité en 2005, est à la fois un centre de production, principalement de papiers d'artistes, de lin et de chanvre, et un atelier de reliure et de restauration des patrimoines papetiers.
M. Jean-Yves Doyard ; Artisan papetier
contact@moulindekereon.fr
moulindekereon.fr
Salasc (Hérault) est classé « village de l’eau » pour ses nombreuses sources. L’Atelier papetier est installé depuis 2010 dans une maison vigneronne (1913) qui possède un droit d’eau avec une arrivée d’eau de source sur le terrain permettant de travailler la fibre. La cave, à température égale hiver et été, donne une atmosphère stable pour la fabrication du papier japonais. Le mûrier à papier, qui fournit la matière première du papier japonais, est répandu dans la région à l'état sauvage.
M. Benoît Dudognon ; Artisan papetier
atelierpapetier@gmail.com
https://atelierpapetier.fr/
L'atelier Letellier-Nakamura (artistes papier) / Artpaperwork accueille de nombreux(ses) étudiant(e)s en écoles d'art et divers publics, ainsi qu'un centre de formation professionnelle, certifié Qualiopi, pour les artistes souhaitant s'initier aux techniques créatives à la fabrication du papier (mouvement du « pulp painting » ou « peinture à la pulpe »).
M. Jean-Michel Letellier ; Artiste papier, formateur
Mme Niki Nakamura ; Artiste papier, formatrice
contact@artpaperwork.com
https://www.letellier-nakamura.com ; https://artpaperwork.com
Mme Séverine Cachat ; Anthropologue et consultante
severine.cachat@gmail.com
Mme Bertille Cagnin ; Muséologue et consultante en ingénierie culturelle
bertillecagnin.culturel@gmail.com
Avec, pour les sections et éléments historiques et techniques (par ordre alphabétique)
Mme Valentine Dubard ; Restauratrice d'œuvres d'art graphiques, musée des Arts Décoratifs (Paris)
Mme Nadine Dumain ; Relieure et restauratrice de livre, propriétaire du Moulin du Verger avec M. Jacques Bréjoux, membre du conseil d'administration de l’AFHEPP
Mme Josette Gaudriault Telford ; Historienne du papier, membre du conseil d’administration de l’AFHEPP
Mme Leila Sauvage ; Conservatrice-restauratrice d’œuvres d'art graphique, Rijksmuseum (Amsterdam, Pays Bas) ; enseignante et doctorante à l'université d'Amsterdam
Mme Anja Madsen Pernot ; Designer et artiste papier
Mme Martine Tandeau de Marsac ; Historienne, présidente de l'association Connaissance et Sauvegarde de Saint-Léonard
Mme Claire Allement ; Assistante de direction et de conservation, service MAAM - Musée du Papier
M. Florent Gaillard ; Directeur, Musée du Papier d'Angoulême
M. David Garandeau ; Assistant principal de conservation du patrimoine, Médiateur culturel et éducatif Musée du Papier d'Angoulême
Mme Émilie Salaberry-Duhoux ; Directrice, service Musées, Archives, Artothèque d'Angoulême
Une première réflexion a été engagée en mai 2021 par la Ville d'Angoulême qui, dans le cadre de ses projets autour de la valorisation du papier, a porté cette démarche qu'elle a souhaité étendre à l'ensemble du territoire national, pour inscription à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel en France des savoir-faire liés aux papiers fait main. L'association GERMA - Amis des musées d'Angoulême, a été sollicitée pour accompagner ce projet, lancé en mai 2023.
Conformément à l'esprit de la Convention de 2003 et aux critères de l'inventaire national, l'ensemble de la communauté a été informée, consultée sur l'opportunité de la démarche, et invitée à y prendre part. Dans un souci d'inclusivité, ont été associés les moulins actifs en France, les autres fabricant(e)s de papier en atelier artisanal (incluant toutes les matières premières, toutes les techniques et tous les usages), des chercheurs ou chercheuses et des professionnel(le)s spécialistes du papier (conservateurs-restaurateurs et conservatrices-restauratrices, relieurs et relieuses). Les papetier(e)s ont également suggéré de convier certain(e)s artistes dont le papier fait main constitue la base du travail de création et avec lesquels ils ou elles collaborent régulièrement, faisant ainsi pleinement partie de la communauté.
Il est à noter qu'une première démarche en vue de l'inscription des savoir-faire du papier fait main à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel en France avait été initiée dès 2019 par un groupe d'expert(e)s constitué autour du Moulin du Verger, qui avait répondu à l'appel à projets dédié du ministère de la Culture. Ce projet ambitieux, qui comprenait des captations sonores et audiovisuelles ainsi que la réalisation d'un abécédaire du papier, n'avait pu aboutir faute d’adéquation entre les moyens disponibles et l'exigence d'inclusivité de l'inventaire. Le groupe, pour lequel la Ville d'Angoulême s'est engagée à mettre à disposition des espaces de travail pour leurs activités de recherche, s'est investi dans cette nouvelle initiative et certains éléments du précédent dossier ont donc été repris dans la présente fiche.
Deux réunions d'information en visioconférence ont été organisées en mai et juillet 2023 afin de présenter la démarche et mobiliser la communauté. Les praticien(ne)s ont répondu favorablement car ils et elles sont conscient(e)s des enjeux de viabilité et de l'intérêt de dynamiques collectives pour partager leurs questionnements : qu'est-ce qu'être papetier(e) aujourd'hui en France (diversité des pratiques, statuts, moyens, etc.) et comment envisager l'avenir durable de cette pratique ?
Il a donc été convenu de se retrouver physiquement pour deux jours d'atelier afin de faire connaissance, recueillir et confronter les diverses expériences et points de vue. Ces rencontres ont réuni 26 participants (papetier(e)s, artistes, chercheurs et chercheuses, professionnel(le)s, équipes de la Ville d'Angoulême) les 8 et 9 novembre 2023 au musée d'Angoulême. Elles ont associé travaux en groupes et discussions communes permettant d'établir un « état des lieux » partagé et de poser collectivement les jalons de la fiche d'inventaire : périmètre de la pratique et de la communauté, modes de transmission, risques et menaces, mesures de sauvegarde existantes et envisagées. Les échanges ont été prolongés lors de visites du musée du Papier et du Moulin du Verger.
À la suite de ces journées, une réunion en ligne a été organisée le 15 février 2023 ; des échanges individuels ont permis de préciser certains points au fur et à mesure de la rédaction. La fiche d'inventaire a été soumise à l'ensemble des contributeurs et contributrices, à mi-parcours et dans sa version finale.
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Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : https://www.pci-lab.fr/images/pdf/Tutoriel.pdf
Contribuer Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Papetier
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