Le bouquet provincial est une tradition très ancrée en Picardie, Île-de-France et en Champagne. La compétition est obligatoire pour les ligues de tir à l'arc afin d'intégrer le Championnat de France de tir Beursault, reconnu par la Fédération Française de Tir à l'Arc (FFTA).

La fête en elle-même a généralement lieu un dimanche du mois de mai, en extérieur : tous les habitants et commerçants y participent, notamment en décorant les rues, les maisons et les monuments de la ville. Cette célébration se poursuit donc par un concours de tir organisé par la compagnie d'arc qui reçoit toutes les fins de semaine les autres compagnies participantes dans son "jeu d'arc", où se trouvent deux cibles à 50 mètres l'une de l'autre, l'archer tirant une flèche alternativement sur l'une puis sur l'autre cible.

 

Le "Bouquet provincial" s'entend également parfois comme "Prix général", ce terme étant attesté dès le XVIIIe siècle. Dans une conversation orale entre archers, le simple mot "bouquet" est souvent employé ("aller défiler au bouquet", "le tir du bouquet",...). La formule est d'ailleurs en soi polysémique : le "bouquet" désigne le jour de fête, la saison de compétition qui s'étend sur quatre à cinq mois, mais il peut parfois être employé pour nommer l'objet servant de récompense (sculpture en bois dite aussi "chef d’œuvre" ou Vase de Sèvres offert par le Président de la République).

- traditions et expressions orales

- pratiques sociales

- rituels

- évènements festifs

- jeu traditionnel

La communauté qui organise et perpétue les "bouquets provinciaux" est essentiellement constituée de celle des compagnies d'arc, archers et chevaliers, également rejoints aujourd'hui par des clubs de tir à l'arc qui souhaitent participer au Championnat de France Beursault. Cette fête traditionnelle très intimement liée à la pratique du tir Beursault (Cf. Fiche d'inventaire "Le tir Beursault, pratique traditionnelle du tir à l'arc) est aussi épaulée et soutenue par la Fédération Française de Tir à l'Arc (FFTA), qui gère administrativement cette pratique sportive, et fixe le calendrier annuel des compétitions1 ; les informations sur les évènements liés à ce jeu populaire se retrouve sur le site du journal L'Archer français, exclusivement dédié à la tradition2.

En plus des archers, les populations locales de Picardie et d'Île-de-France ont pour la plupart des souvenirs forts liés aux fêtes de bouquet, lorsque leur ville fut l'organisatrice, notamment parce qu'il est de tradition d'accueillir les compagnies participantes en décorant les rues de la ville où leur défilé passera.

Les "bouquets provinciaux" sont organisés chaque année, dans une ville différente sur le territoire où les traditions du "noble jeu de l'arc" sont encore particulièrement présentes, à savoir en Picardie ou en Île-de-France. À titre d'exemple, les cinq dernières viles ayant accueilli un bouquet provincial sont : Ermont (2010), Choisy-au-Bac (2011), la Croix-Saint-Ouen (2012), Compiègne (2013), Paris (2014). Les prochaines villes organisatrices seraient Provins (2015), Soissons (2016), sans compter les nombreux candidats que le projet a révélés pour les années suivantes.

les bouquets provinciaux étaient à l'origine -sous l'Ancien Régime- organisés au sein d'une ronde (appelée aussi "famille" en Île-de-France), c'est-à-dire le regroupement d'une trentaine de compagnies d'arc géographiquement voisines. Le principe était que chacune puisse se rendre à la fête en moins d'une journée de marche. Ces concours servaient alors à la fois d'entraînement et de lien fraternel grâce à une émulation entre compagnies. C'est ainsi que chaque "province" se trouvait chargée  d'organiser la fête du bouquet et de transmettre, comme symbole d'entente, un vase à la prochaine compagnie organisatrice. Cela explique également l'existence de plusieurs bouquets la même année.

Cette forme d'organisation de la manifestation a perduré bien au-delà de la Révolution, tout en conservant l'emploi des termes anciens : jusqu'en 1999, plusieurs "bouquets" ont été organisés chaque année dans une "province" différente, bien que la tendance forte soit à organiser un seul bouquet par an pour des raisons essentiellement d'ordre économique.

S'ils n'étaient pas appelés "bouquets provinciaux", plusieurs documents montrent que des manifestations similaires ont existé sur d'autres territoires que la France, notamment en Belgique, aux Pays-Bas, en Croatie ou encore en Allemagne. De nos jours, plus aucune manifestation de ce genre n'existe à notre connaissance en dehors de la France.

Les bouquets provinciaux remontent au moins à la fin du XIVe siècle, comme l'atteste un document daté de 13983, indiquant qu'un "Grand Prix Provincial" est organisé à Bapaume (Pas-de-Calais). Autrefois, ces évènements étaient organisés au sein d'une province, par une compagnie qui invitait toutes les autres compagnies d'arc de cette même province. Généralement, la ville qui remportait le "Grand Prix" (meilleure flèche) du bouquet devait organiser dans les années qui suivaient un nouveau bouquet.

De nos jours, la fête du bouquet provincial est organisé par une compagnie d'arc qui se porte volontaire auprès de la Fédération Française de Tir à l'Arc (FFTA). Le Président de cette dernière étudie les volontariats et retient chaque année la compagnie qui organisera le bouquet. Bien entendu, une compagnie d'arc ne peut réussir pleinement son entreprise sans l'implication de la collectivité locale, des associations et de la population.

Si entre les XIVe et XVIIIe siècles la fête avait lieu sur plusieurs jours continus (3 à 10 jours), depuis le XIXe siècle la grande fête se déroule désormais sur une seule journée, un dimanche, et les archers se disputent ensuite le "Prix Provincial" les samedis et dimanches et jours fériés suivants, durant 3 à 4 mois selon un calendrier fixé en avance, déterminé par le nombre de pelotons (petit groupe d'archers) inscrits.

Le défilé du bouquet provincial n'est pas sans rappeler les parades militaires de l'Ancien Régime et le concours, les tournois qui permettaient aux guerriers de s'entraîner et de se mesurer les uns aux autres dans les temps de paix. Il en résulte aujourd'hui une organisation spécifique et un déroulement bien codifié. Le jour de la parade, les compagnies doivent tout d'abord présenter leur drapeau afin de retirer un numéro d'ordre dans le défilé. Cette présentation se fait au son du tambour de la compagnie accueillante. Ce numéro a son importance car il permet de départager d'éventuelles égalités lors des tirs. Le porte-drapeau confirme également le jour où le peloton viendra tirer pour le prix (depuis peu, cette information est gérée à l'avance sur un bulletin d'inscription numérique). Les trois premiers numéros reviennent : 1 à la compagnie qui offre le bouquet, 2 à celle qui le présente, 3 à celle qui le recevra. Ces dernières années, les bouquets ont réuni près de 300 compagnies d'arc et sociétés de tir à l'arc (302 à Compiègne en 2013, 271 à Paris en 2014), soit près de 3 000 archers.

En tête de la procession, des jeunes filles en blanc portent le vase du bouquet qui se transmet de la compagnie organisatrice l'année passée à la compagnie de l'année (au XIXe siècle des œuvres sculptées par des compagnons membres de la compagnie appelés "chefs d’œuvres" ; aujourd'hui des bouquets dans des vases de porcelaine peinte). Sont également portés le vase e Sèvre offert par le Président de la République qui sera remis à l'archer vainqueur de la compétition dans la catégorie arc classique tandis qu'une statue de Saint-Sébastien, patron des archers, revient à la meilleure flèche dans la catégorie arc droit.

Les compagnies défilent derrière leur drapeau sur deux rangs, les rois (ayant abattu l'oiseau lors de l'"abat-oiseau" annuel), les "empereurs" (ayant été rois trois années de suite), les capitaines et connétables de compagnie portant leurs écharpes. Suivent ensuite les chevaliers et les archers. Chaque compagnie a sa propre tenue, tous les choix esthétiques étant possibles. La participation de ces archers lors du défilé du bouquet est indispensable pour confirmer l'inscription donnant le droit à une compagnie de participer à la compétition du bouquet, et même, pour certaines ligues, le droit de concourir au championnat de France Beursault.

Le défilé, rehaussé de groupes de musique, se termine par un discours convenu d'une jeune fille de la compagnie ayant accueilli le bouquet l'année précédente, afin qu'elle rappelle des "valeurs" véhiculées par cette fête et qu'elle remette ensuite le vase du bouquet à la compagnie organisant la manifestation. Le défilé se termine par une messe célébrée en l'honneur des archers, à laquelle le porte-drapeau de chaque compagnie doit également impérativement assister.

Le défilé, qui se déroule dans la mesure du possible au cœur de la ville sur un parcours d'environ trois kilomètres, constitue la partie publique principale de la fête. Les habitants sont invités à décorer leurs maisons, leurs vitrines, leurs rues, avec des fleurs en papier, on bâtissait parfois dans les rues des arcs de triomphe recouverts de fleurs sous lesquels passaient les archers. Ces décorations étaient une manière de saluer les archers et d'affirmer la fierté de la ville d'accueillir le "bouquet". La préparation des fleurs en papier, tradition toujours vivante, donne l'occasion à une partie de la population de se retrouver dans des soirées conviviales (adultes, enfants des écoles, anciens et toutes les associations de la ville).

Après la messe suivent en général, restauration et animations réservées aux archers (ce qui représente plusieurs centaines de personnes). C'est notamment le moment de se retrouver pour le vin d'honneur près du jeu d'arc de la compagnie, où se déroulent le "tir aux assiettes" (tir où des assiettes décorées éditées par les organisateurs sont à gagner et la "partie de vin de jardin" (tir amical entre la compagnie organisatrice et une autre compagnie désignée).

Le "Grand Prix" se tire dans un jeu traditionnel dit "Beursault" (Cf; Fiche d'inventaire "Le tir Beursault, pratique traditionnelle du tir à l'arc"), sur une "carte" (cible) décorée, particulière et propre aux bouquets provinciaux. Chaque compagnie inscrite envoie son/ses peloton(s) d'archers à la date convenue. Chaque archer tire sa flèche en aller-retour (halte) sur les deux cibles. Près de 1500 archers participent ainsi durant quatre mois à la compétition, à charge pour la compagnie organisatrice d'assurer le bon déroulement de la compétition : accueil des archers, la permanence des arbitres, marquage des points et classement dans les différentes catégories.

Autrefois, le gagnant de ce Prix (celui réalisant la flèche la plus près du centre de la carte) était sacré "Grand-Maître" par ses pairs et recevait un Grand Prix constitué, entre autres, de vaisselle onéreuse. De nos jours, les archers faisant les plus belles flèches reçoivent, en fonction de leurs résultats, des assiettes décorées, des sommes d'argent, ou toute autre récompense annoncée sur le mandat. La plus belle flèche de la catégorie "arc classique" reçoit, selon une tradition attestée depuis plus d'un siècle (certaines sources évoquent le règne de Louis-Philippe), un vase de Sèvre offert par le Président de la République, qui lui est remis par un représentant de l’État, généralement le préfet. La plus belle flèche réalisée en "arc droit" reçoit, pour sa compagnie, une statue de saint Sébastien, offerte par l'association des Amis du Musée de l'Archerie et du Valois.

Un bouquet peut également connaître des variantes : il peut être du matin ou de l'après-midi, selon l'heure à laquelle est placé le défilé, il peut être "ouvert" ou dit "fermé", c'est-à-dire réservé aux compagnies d'une même ronde. Actuellement, l'importante organisation que cet évènement nécessite tend à limiter le nombre de ces manifestations : il s'en ouvre en général une fois par an et en un seul lieu. Le bouquet est ainsi ouvert à l'ensemble des compagnies d'arc françaises et peut regrouper jusqu'à 4000 archers.

3 STEIN Henri, 1925. Archers d'autrefois, archers d'aujourd'hui, Longuet, Paris.

Les traditions de l'archerie française se perpétuent, depuis le Moyen Âge, essentiellement par l'intermédiaire d'une transmission orale ; méthode de transmission qui induit une certaine difficulté dans la vérification de ces sources. Régulièrement, des "manuels" et "guides pratiques" ont été édités dont un en cours d'actualisation.

Ainsi, deux modes complémentaires de transmission, orale et initiatique, permirent aux pratiques et traditions des bouquets provinciaux de perdurer jusqu'à nos jours. Il appartient à certains membres reconnus (archers initiés) d'une compagnie d'assurer la transmission de cet héritage aux nouvelles générations.

Les guerres se faisant plus rares à compter du XVe siècle, les compagnies d'archers issues de milices bourgeoises (des villes) ne tardèrent pas à transformer de qui était leur entraînement militaire régulier en un divertissement libre et saisonnier : les exercices aux principales armes défensives devinrent les "nobles jeux" de l'arc, de l'arbalète, de l'arquebuse.

Souhaitant rapidement se mesurer les uns aux autres, les confrères pratiquant ces nobles jeux organisèrent des tournois chevaleresques, appelés "Prix", tant au sein de chaque compagnie qu'entre compagnies des alentours, c'est-à-dire généralement des villes situées dans un même province, d'où le terme de "Prix provincial" ou "bouquet provincial".

À partir du XVIIIe siècle, des "Prix Généraux"4, à dimension nationale, sont organisés et mobilisent cette fois-ci des archers, mais aussi des arbalétriers et arquebusiers, venant de tout le royaume. Avec la Révolution, les "Prix généraux" disparaissent, et les compagnies d'arcs, assimilées aux corporations, sont dissoutes. Les confréries d'archers commencent à se reformer sous le Premier Empire, et des bouquets à dimension cantonale et régionale sont de nouveaux organisés, sous le vocable de "bouquets provinciaux" (l'adjectif "provincial" fut conservé malgré la disparition officielle des provinces).

Le regroupement de compagnies en "rondes" et "familles", en Île-de-France et en Picardie, qui perdure encore aujourd'hui, témoigne de la structure d'organisation des bouquets sous l'Ancien-Régime, si  on en compare avec la géographie administrative de l'époque5.

Compte-tenu de la difficulté rencontrée à organiser des fêtes mobilisant un grand nombre d'archers, la dimension régionale des "bouquets provinciaux" s'est peu à peu muée au cours du XXe siècle en "évènement national". Si l'on excepte les bouquets dits fermés, ces grands rassemblements annuels constituent la grande majorité des bouquets actuels.

Sous l'Ancien Régime, l'évènement festif se déroulait toujours avec l'accord des autorités locales, à savoir la municipalité, les seigneurs locaux et les représentants du roi. C'est au printemps qu'était généralement organisé un bouquet, la saison voit le retour des beaux jours, propices pour s'exercer à nouveau en extérieur au "noble jeu de l'arc". Lorsque la fête devait être reculée à l'été, les autorités locales veillaient toujours à ce que la période retenue soit en dehors des dates importantes de travaux agricoles.

Ces tournois d'archers, d'arbalétriers et d'arquebusiers, mêlant de nombreuses compagnies, devinrent des évènements prestigieux au sein des différentes provinces. Ce ne fut que lors des périodes troubles (disettes, guerres, etc.), que les provinces du Royaume de France ne purent les organiser. Ces bouquets furent l'occasion, pour les "chevaliers" de ces nobles jeux, de se réunir fraternellement pendant plusieurs jours, d'entretenir un lien fort avec la noblesse et les échevins invités, de parader en grandes tenues devant les bourgeois des villes, de renforcer l'entente et l'appartenance provinciale des participants lors de grands banquets mais aussi et surtout de pratiquer l'honneur et la courtoisie durant leur "joutes" amicales.

À l'instar d'autres pratiques populaires -sociétés de musique par exemple- la tradition du tir Beursault s'est ancrée au XIXe siècle pour devenir une pratique populaire relativement bien institutionnalisée, avec sa double structure associative et de compagnie, avec ses "chevaliers d'arc" devant transmettre les valeurs de ce jeu. Les bourgeois, majoritaires dans les compagnies sous l'Ancien régime, ont été rejoins par d'autres milieux sociaux, et les "bouquets" ont reflété une tradition populaire largement ouverte à toute la population. C'est toujours le cas aujourd'hui.

La tradition des bouquets provinciaux est elle-même incluse dans la pratique du tir Beursault. Celle-ci ne dispose pas sur le plan national d'une association qui la représente : le calendrier des compétition incluant le bouquet provincial, est fixé par la FFTA, dont le tir Beursault est une section interne. En 1899, lors de la création de la Fédération des Compagnies d'arc de l'Île-de-France, c'était la discipline qui y était majoritairement pratiquée. L'organisme devint en 1911 la Fédération des Compagnies d'Arc de France avant de prendre le nom, en 1928, de Fédération Française de Tir à l'Arc, structure actuelle qui gère l'ensemble des sports de tir à l'arc reconnus au niveau olympique ainsi que le "noble jeu de l'arc".

4 DE POMPONNE Henri (Abbé), 1733. Statuts et Règlement généraux pour toutes les compagnies du noble jeu de France.

5 Histoire des rondes et des familles dans la tradition du tir à l'arc en Picardie, conférence de Guy Faizelot et Didier Boulen, mai 2014, Crépy-en-Valois.

Se perpétuant par une tradition orale et initiatique (via les chevaliers d'arc, vecteurs de la tradition), la majorité des membres de la communauté de l'archerie traditionnelle considèrent que leurs pratiques d'aujourd'hui sont particulièrement fidèles à celles d'autrefois. Or, force est de constater, bibliographie à l'appui, que les usages ont évolué : les grands banquets d'autrefois ont disparu, les fêtes sur plusieurs jours ne sont plus envisageables dans le contexte actuel, les droits d'entrée et le niveau social pour participer aux Prix Provinciaux étaient autrefois très élevés, ce qui nous permet de supposer une fête alors bien moins "populaire" que celle imaginée par les archers, ou que sa version actuelle.

Le bouquet provincial est une manifestation complexe, mêlant étroitement histoire, tradition orale et sport, mais certains aspects en sont, selon les cas, surreprésentés ou sous-représentés par les pratiquants du "noble jeu de l'arc" afin d'adapter la réalité à leur vison de la tradition, en les expliquant ou en les justifiant à leur manière.

La clé principale est une notion affirmée de continuité temporelle, déclinée par les archers sur plusieurs plans.

Il y a une réalité historique : la structure en compagnie remonte au Moyen Âge et par ailleurs la minière de tirer au Beursault n'a pas changé depuis au moins le XVIIIe siècle. Les principes orientant le déroulement de la compétition liée au bouquet ont eux aussi peu évolués depuis cette époque, ce qu'attestent les nombreux règlements conservés, où bien des points sont identiques aux règles actuelles. Cette persistance d'un type d'organisation d'Ancien Régime est revendiquée bien plus que d'autres aspects qui se sont probablement ajoutés à la tradition du bouquet au cours du XIXe siècle, telle la présence des "jeunes filles en blanc", (symbole de pureté) dans le défilé, qui n'est pas attestée dans les quelques descriptions anciennes de cortèges de bouquets.

Les archers revendiquent également un rôle symbolique de protection de la population lié à leur pratique, et cautionné par des autorités civiles : si ce n'est qu'un jeu populaire, il y a des "rois" et des "empereurs", et c'est, à notre connaissance, le seul jeu traditionnel français dont chaque année le gagnant d'une compétition reçoit un prix offert par le Président de la République7. Malgré son nom évoquant l'organisation administrative de l'Ancien régime, la tradition du "bouquet provincial" a donc été cautionné par les présidents des Troisième, Quatrième et Cinquième République !

La fête du bouquet est également un marqueur temporel symbolique pour la population, car cette manifestation tournante n'est organisée qu'épisodiquement dans une commune. Pour certains habitants, le bouquet ne peut être l'affaire que d'une génération ; le bouquet suivant ne pourra se dérouler dans la ville que quand leurs enfants seront en âge eux-même d'y participer8. Si cette version ne correspond en rien à la réalité, elle prouve la force de transmission des valeurs attribuées au bouquet provincial.

Le bouquet est enfin un rare moment de rencontre de la communauté des archers, renforçant sa cohésion et affirmant son originalité. Tous les archers communient dans cette manifestation qui constitue le plus grand concours populaire de tir à l'arc existant en France : si la fête est laïque, à l'instar des pèlerins, chaque archer se doit d'avoir participé dans sa vie à un ou plusieurs "bouquets" ! C'est également l'occasion d'affirmer la force de la communauté, qui défile fièrement dans une ville où toute la circulation est arrêtée pour laisser passer le défilé des archers.

7 Cette pratique remonte au moins au règne de Louis-Philippe. De nombreux vases, portant la date du bouquet, le nom de la compagnie organisatrice et parfois celui de la jeune fille qui fut chargée de le remettre, sont visibles soit dans les logis des compagnies, soit dans les familles d'archers, ou encore au Musée de l'archerie de Crépy-en-Valois.

8 Entretien à Crépy-en-Valois, 27 mars 2014

Trois éléments sont nécessaires pour que la tradition du bouquet provincial perdure : elle dépend de la vitalité de la pratique du tir Beursault, de la possibilité de trouver une compagnie organisant la manifestation, et de l'accueil de la population locale. La pratique du tir Beursault n'est pas menacé actuellement : ce jeu populaire est bien structuré, les jeunes y sont présents, le tir à l'arc s'est féminisé et les compagnies n'ont en général pas de grands problèmes de recrutement. Il en va tout autrement pour l'organisation des bouquets. Les compagnies d'arc éprouvent aujourd'hui des difficultés à trouver en interne des volontaires pour organiser de pareils événements, essentiellement parce que la recherche de financement en amont est fastidieuse et qu'il faut ensuite assurer des gardes tous les week-ends, durant les quatre mois de compétition qui suivent la fête. Associés  à ce phénomène, la crise budgétaire de ces dernières années et les renouvellements réguliers des élus politiques ne permettent plus aux compagnies de s'engager sereinement avec le soutien de leurs municipalités sur une longue période.

Ainsi, depuis une quinzaine d'années, les bouquets provinciaux ont des difficultés à s'organiser. Si autrefois les compagnies organisatrices étaient connues environ trois années à l'avance -ce qui leur laissait le temps de programmer sereinement leur bouquet- ces dernières années, les volontaires se sont manifesté souvent à la dernière minute (comme en 2010, 2012 et 2014).

si le bouquet garde un prestige certain parmi les archers -la plupart souhaitent y participer, même si cela suppose un long déplacement-, il est plus difficile qu'auparavant d'obtenir l'adhésion des habitants. Cela d'une part pour des problèmes pratiques : défilés en plein centre ville, parkings, etc. Dans certaines villes liées historiquement au bouquet, il est devenu presque impossible de les organiser, ainsi le bouquet de Paris en 2014 a posé nombre de problèmes de gestion du défilé. S'y ajoute une méconnaissance de la population de ce que le bouquet représente, car elle n'a pas toujours eu l'occasion d'y assister : les bouquets changent de lieu, le dernier dans la commune peut s'être déroulé il y a un quart de siècle, un siècle ... ou plusieurs !

Conscients de l'intérêt de la tradition du tir Beursault et des difficultés rencontrées pour maintenir l'organisation annuelle d'un bouquet, des archers ont incité la Fédération Française de Tir à l'Arc à porter une candidature pour faire reconnaître le "bouquet provincial" sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO. Depuis 2012, un comité de pilotage a été constitué, qui regroupe des archers et des représentants du musée de l'archerie et du Valois de Crépy en Valois et de l'Office du Patrimoine Culturel Immatériel, qui accompagnent cette démarche. Un plan d'action a été établi et soumis à l'accord de la communauté des archers lors des États Généraux de l'archerie, organisés à Compiègne le 12 janvier 2013, rassemblant 244 délégués des instances de l'archerie et des compagnies d'arc.

Trois commissions y ont été créées : - mémoire et transmission, - sauvegarde et transmission, - soutien et médiatisation, cela pour organiser le soutien et la promotion de la démarche. Leurs actions concernent d'une part l'ensemble de la tradition du tir Beursault (elles sont présentées sur la fiche consacrée à ce jeu), et plus spécifiquement sur celle du bouquet provincial, détaillées ici :

Un recensement collaboratif des bouquets et des compagnies d'arc ayant participé à des bouquets est en cours depuis 2013, mettant ainsi en avant l'existence d'au moins 800 bouquets en France depuis le Moyen Âge, répartis dans diverses régions (principalement Picardie, Île-de-France, Bourgogne).

Un guide d'aide à l'organisation des bouquets provinciaux est également en cours de rédaction afin de connaître et faciliter l'organisation de bouquets futurs. Il comportera les mesures collaboratives, les prêts et subventions qu'il est possible de demander, les comptes financiers d'anciens bouquets, l'entraide qui peut être attendue entre compagnies, ... Il sera consultable sur le site qui a été créé pour informer des actions en cours pour la sauvegarde et la transmission de cette tradition  ainsi que celui de la FFTA9.

Une exposition s'adressant au grand public a été réalisée en 2013 afin de faire découvrir ce qu'est un bouquet : "C'est le bouquet ! Au coeur de la grande fête de l'archerie traditionnelle"10. Elle est depuis devenue itinérante et prêtée sur demande lors des grands rendez-vous de l'archerie traditionnelle.

Des listes de soutien à l'inscription du bouquet provincial à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel ont été diffusées depuis 2013. Elles ont rassemblées à ce jour près de 10 500 signatures de particuliers et de personnalités, et 90 conseils municipaux ont voté des motions de soutien à cette démarche.

Les compagnies d'arc, appuyées par la Fédération Française de Tir à l'Arc, ont mis en place depuis peu des mesures pour permettre la sauvegarde des bouquets. Ainsi, pour faire en sorte de réunir chaque année un nombre toujours aussi important d'archers, la présence des drapeaux des compagnies des régions Normandie, Picardie, Île-de-France est devenue obligatoire pour que les membres de celles-ci puissent ensuite participer au championnat de France de tir "Beursault".

Depuis quelques années également, les compagnies d'une même ronde ou famille apportent leur aide aux organisateurs de bouquets : aide financière, aide logistique pour les décors, et l'organisation de la journée de fête, mutualisation des jeux d'arc, mise à disposition d'hommes de garde etc... Le bouquet devient ainsi l'affaire non d'une seule compagnie mais d'un ensemble local de compagnies d'arc. La preuve en est pour le bouquet de 2015 : l'ensemble des compagnies de la famille de la Brie sont toutes investies pour aider la compagnie de Provins.

9 http://www.evenements-sportifs.com/ffta-fr / http://larcherfrancais.fr

10 Exposition réalisée par le Musée de l'archerie et du Valois et le Musée Antoine Vivenel (Compiègne)

Les principaux acteurs étant intervenus dans l'élaboration directe de cette fiche sont:

- le Président de la Fédération Française de Tir à l'Arc, Philippe Bouclet

- la Ville de Crépy-en-Valois via l'attachée de conservation, directrice du Musée de l'Archerie et du Valois, Marion Roux-Durand

- l'équipe de rédaction du journal en ligne L'Archer Français, et son rédacteur en chef, Thomas Fressin

- le Président de la Famille de la Brie et membre du Conseil d'Administration de l'Association des Amis du musée, Frédérick Pryka

- l'archer qui a impulsé toute cette démarche, Empereur de la Compagnie d'arc de Pontoise, Jean-Pierre Bouffon

- l'Office du Patrimoine culturel Immatériel, organisme-conseil et son directeur, Michel Colleu, qui a mené des entretien ethnologiques auprès des archers.

La communauté des archers a fortement été sollicitée, notamment lors de :

- Entretiens ethnologiques filmés11 (32 heures au total)

- Entretiens et dons de mémoire lors du "bouquet provincial" de Compiègne en 2013, et présence lors du "Bouquet provincial" de Paris en 2014

- Inventaire participatif des pratiques et éléments sociologiques utiles sur les compagnies d'arc

- Conférences et expositions sur le sujet:

  • "Traditions d'archers", Musée de l'archerie et du Valois, 30/03-28/07/2013
  • "C'est le bouquet ! Au coeur de la grande fête de l'archerie traditionnelle", 11/05-30/06/2013, Musée de l'archerie et du Valois-Musée Antoine Vivenel de Compiègne.

- Conférence "Un demi-siècle d'anecdotes sur le tir à l'arc en Brie et ailleurs", Philippe Gouble, Annet-sur-Marne

- Présence exigée à des "États Généraux de l'archerie" en janvier 2013 à Compiègne

- Demandes de soutiens au profit du projet de reconnaissance des "bouquets provinciaux" comme patrimoine culturel immatériel de l'humanité

- Rencontre-étape du 06/12/2014 à Crépy-en-Valois qui a rassemblé plus de 200 personnes pour célébrer la remise du dossier UNESCO.

11 Réalisés par Michel Colleu, de l'OPCI, dans le cadre de cet inventaire, pour le compte de la FFTA et du Musée de l'Archerie (où ont été déposés les 35h de films).

1. Les "chefs d’œuvres"

ces bouquets sont parfois également appelés "chef d’œuvre". selon plusieurs sources orales, ce terme s'apparenterait à celui désignant des sculptures demandées aux compagnons du devoir comme pièce de réception. Ce type de bouquet est répertorié sur une courte période allant du milieu du XIXe siècle au début du XXe siècle et si très peu d 'exemples nous sont connus après les années 1950, il demeure difficile de jauger l'ancienneté de cette pratique.

2. Les vases de bouquet

 Traditionnellement, le vase le plus somptueux, gagné par l'archer réalisant la meilleure flèche dans la catégorie "arc classique" est le fameux Vase de la Manufacture de Sèvres, édité sur commande et offert à la compagnie organisatrice par le Président de la République française. En plus de ce prestigieux objet de porcelaine, de nombreuses manufactures locales (à l'exemple des anciennes manufactures de Pierrefonds, de Crépy-en-Valois...) ont réalisé et produisent pour certaines encore des vases à l'iconographie et formes stéréotypées. Ces derniers participent à la procession et sont aujourd'hui transmis par l'organisateur à la compagnie suivante en gage d'amitié fraternelle. Aujourd'hui, certaines compagnies en éditent même des répliques qui sont offertes ou vendues à l'instar des assiettes décorées.

3. Les assiettes de bouquet

Ces objets, d'abord produits en petit nombre et remis comme prix ont ensuite été produits en série et commercialisés comme souvenirs. Leur vente permet à la compagnie organisatrice d'amortir les frais engagés pour la résiliation de l'évènement. Le décor peint suit une codification tacite: le lieu et la date du bouquet figurent, y sont repris les couleurs et souvent les armoiries de la ville. Certains y ajoutent des éléments d'identification évocateurs : un portrait de Jean de la Fontaine pour Château-Thierry, le fameux château de Pierrefonds, la rose de Provins...

Programme de la journée (Archives du Musée de l'archerie et du Valois)

De 8h00 à 13h30

- Réception des drapeaux à la Mairie de Seringes et Nesles

- Tir aux assiettes dans le jeu d'arc de Seringes et Nesles

À 12h00

- Dépôt de gerbe au monument aux morts de Nesles

À 14h00

- Accueil des officiels

De 14h30 à 17h00

- Défilé dans le village et le Cimetière Américain

1. L’œuvre d'art avec les filles en blanc

2. L'archer en bronze

3. Le char de la Reine du Muguet

4. La musique : Fanfare royale Saint-Jean Marke

5. Les archers de Seringes et Nesles

6. Les Archers de Coincy

7. Les officiels et le Roy de France

8. Les drapeaux N]3 à 50

9. La musique : Union musicale de Château Thierry

10. Les drapeaux N°51 à 75

11. Le char de la Fête du Muguet

12. Les drapeaux N°76 à 100

13. La musique : Batterie Fanfare Municipale - Jeune France de St-Michel

14. Les drapeaux N°101 à 150

15. La musique : Fanfare des Vignerons de Champillon

16. Les drapeaux N°151 à 200

17. La musique : La Macérienne de Mézières sur Oise

18. Les drapeaux N°201 à ...

De 17h00 à 18h00

- Messe en plein air, allocution du Président de la Cie de Seringes et Nesles, et du Président de la FFTA.

De 18h00 à 19h00

- Partie de vin de Jardin au jeu d'arc

- Vin d'honneur des officiels à la Mairie

 

BONNE JOURNÉE À TOUTES ET À TOUS

Archives du Musée de l'archerie et du Valois

Livre de comptage, bouquet provincial de Crépy-en-Valois, 1938. Collection du Musée de l'archerie et du Valois (2010.13.1)

Personne (s) rencontrée (s)

- Philippe Bouclet, président de la Fédération Française de Tir à l'Arc
- Marion Roux-Durand, directice du Musée de l'Archerie et du Valois
- Thomas Fressin, rédacteur en chef du journal en ligne L'Archer Français
- Frédérick Pryka, président de la Famille de la Brie, membre du CA de l'Association des Amis du Musée
- Pierre Bouffon, Empereur de la Compagnie d'arc de Pontoise,
- Michel Colleu, directeur de l'Office du PCI
- La communauté des archers, sur Compiègne en 2013 et Paris en 2014

Localisation (région, département, municipalité)

Pratique nationale qui se retrouve particulièrement en Picardie, en Ile-de-France et en Champagne.

Dates et lieu(x) de l’enquête : Compiègne en 2013 et Paris en 2014
Date de la fiche d’inventaire : 2014
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Michel Colleu, directeur de l'Office du PCI
Nom du rédacteur de la fiche : Michel Colleu, directeur de l'Office du PCI

N° d'inventaire Ministère Culture : 2015_67717_INV_PCI_FRANCE_00361
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk26j

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouquet_provincial

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