Le mus se joue généralement à quatre joueurs en deux couples (ou équipes) de deux joueurs, assis alternativement autour d'une table. Chaque partie se joue en trois manches gagnantes de quarante points ou tanto (ou ttantto). Chaque manche est composée d’autant de tours de jeu que nécessaire pour qu’une équipe parvienne à quarante tanto.

Le mus1 est un jeu de cartes sollicitant deux compétences : le calcul et le bluff.

Là où ils sont bons les jeunes, c’est qu’ils parient un peu. Je soupçonne… au moins le café, au moins le café. C’est un jeu où on peut prendre des risques. On peut mentir. On ne subit pas. Enfin, on subit oui si vous n’avez pas de jeu, mais vous pouvez tenter des coups de poker on peut dire ça comme ça. Et c’est ça qui passionne. Le goût du risque passionne les jeunes.2

 

La partie :

Le mus se joue généralement à quatre joueurs en deux couples (ou équipes) de deux joueurs, assis alternativement autour d'une table.

Chaque partie se joue en trois manches gagnantes de quarante points ou tanto (ou ttantto)3. Le tanto peut être matérialisé par un haricot, un grain de maïs, un jeton en plastique ou un trait dessiné sur une feuille. Chaque manche est composée d’autant de tours de jeu que nécessaire pour qu’une équipe parvienne à quarante tanto.

Avant la partie, chaque joueur tire une carte au hasard. Celui qui a la plus petite valeur sera le premier à mélanger et distribuer les cartes, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Le joueur à sa droite sera le esku (main) et sera toujours le premier à parler. A chaque début de tour de jeu, chaque joueur a quatre cartes, qu’il ne dévoilera aux autres qu’à l’issue de celle-ci.

Après la distribution des cartes, les joueur annoncent s’ils vont mus(en disant « zuetan » ou « à vous ») ou s’ils sortent « mintza », c'est-à-dire s’ils veulent changer certaines de leur cartes ou au contraire s’ils veulent que le jeu commence.

 

Les quatre phases de jeu :

Chaque main est subdivisée en quatre phases indépendantes : le grand, le petit, les paires et le jeu. A chaque phase, les joueurs « dialoguent », c'est-à-dire qu’ils peuvent soit passer leur tour (« paso »), soit proposer un pari (« embido »). Généralement on commence par parier la mise minimum de deux points. Le joueur suivant (en accord avec son partenaire) peut refuser le pari, on dit alors qu’il laisse tirer (« tira »), ou l’accepter (« iduki ») ou surenchérir. S’il y a «tira», le point (ou tanto) est immédiatement compté. Les points liés aux paris sont mis en suspend jusqu’à la fin de la main, exigeant des muslaris une bonne mémoire.

En premier lieu on joue le Grand ou handia, c'est-à-dire la ou les plus grandes valeurs de cartes (le Roi est la carte la plus forte).

Ensuite, on joue le Petit ou tipia, c'est-à-dire la ou les cartes de plus faibles valeurs.

Puis, on joue les Paires ou pareak: la phase de dialogue ne concerne que les joueurs ayant effectivement au moins une paire en main. On joue sur les paires les plus fortes, le roi ayant la plus forte valeur et l'As la plus petite valeur. Il existe trois sortes de « paires » : les doubles (deux paires ou quatre cartes identiques) qui sont plus fortes que les mediak (trois cartes identiques), elles-mêmes plus fortes que les paires simples (deux cartes identiques).

Enfin, on joue le Jeu ou Jokoa, c'est-à-dire la valeur des cartes en main. On a le jeu lorsque que la somme des valeurs des cartes est supérieure ou égal à 31.

Si aucun joueur n’a le jeu, on jour une cinquième phase : le « faux-jeu » (puntua).

Pour chacune des phases, qu’importe la valeur réelle des cartes en main si l’une des équipes renonce au pari et laisse d’office un point à l’autre. Par contre si les deux tiennent le pari, lors du décompte on tiendra compte de la valeur des cartes.

Les joueurs attendent la fin de la main, c'est-à-dire de ces quatre phases, pour dévoiler leurs cartes, vérifier les paris et compter les points.

Une stratégie audacieuse consiste, lorsque l’écart de point est très important, pour l’équipe menée à engager toute la manche sur une seule phase, par exemple au Petit, en déclarant « hordago », que le joueur ait un excellent jeu ou qu’au contraire il bluffe. L’équipe adverse a alors deux options : soit laisser tirer deux points (« tira »), soit annoncer « kanta », c'est-à-dire faire appel, tenir le pari. Dans ce deuxième cas, tous révèlent leurs cartes et la manche se joue sur cette unique phase de cette main.

 

Les signes :

Les « signes » sont une spécificité du jeu de mus, qui ne revêt aucun caractère obligatoire et nécessite une certaine habileté. Ils ne sont donc pas utilisés par tous les joueurs ou dans toutes les situations. Ils permettent à un joueur de faire savoir à son partenaire la teneur de son jeu ou de demander à celui-ci la teneur du sien. Les signes autorisés sont clairement établis et il est interdit d’en utiliser d’autres.

  • se mordre la lèvre inférieure : on a « le grand » (c'est-à-dire le meilleur « grand possible), soit deux rois ;
  • tirer la langue : on a « le petit » (c'est-à-dire le meilleur « petit » possible), soit deux as ;
  • remuer un côté des lèvres : on a trois cartes identiques ;
  • remuer les deux côtés des lèvres : on a quatre cartes identiques ou une double paire ;
  • lever les sourcils : on a du jeu, 32 ou 33 ;
  • cligner d’un œil : on a le jeu, 31 ;

Si personne n’a le jeu et qu’on joue la cinquième phase dite « puntua », deux signes peuvent être réutilisés : 

  • cligner d’un œil : ne veut plus dire qu’on a le jeu (31) mais qu’on a 30 ;
  • sourire d’un côté : ne veut plus dire qu’on a trois cartes identiques mais qu’on a 29 ;

Seuls les signes réglementaires sont autorisés. Après vous avez des gens qui vont vous dire « Oh ! il y en a qui ont des signes à eux ». Quand vous jouez tout le temps avec quelqu'un vousn’avez pas besoin de signe parce que vous savez – moi en tout cas, celui avec qui je joue, de la façon dont il sort ou il dit qu’il est mus ou qu’il n’est pas mus, je sais s’il a quelque chose. Et de la façon dont il entame la partie je sais s’il est au grand, s’il est au petit. Voilà, je sais où il est. Quand on joue avec quelqu'un qu’on connait bien, il n’y a pas besoin de signe, enfin moins. Et puis, les signes il faut pouvoir les passer sans que l’autre ne les intercepte. Parce que quand on est muslari on regarde dans les yeux, ce n’est pas toujours pour la beauté des yeux mais c’est pour essayer de voir si il n’y a pas de message qui va passer au partenaire.4

 

Le choix du partenaire et la chance du débutant :

Le choix du partenaire résulte soit d’une affinité, soit du hasard ; il ne revêt aucun caractère définitif.

Souvent c’est naturel. Très souvent un copain. Quelque fois dans un tournoi vous pouvez jouer avec quelqu'un avec qui vous n’avez jamais joué et ça se passe très bien. Pourquoi ? Parce que très souvent quand vous avez des équipes, moi je dis « fait de bric et de broc », vous avez la chance un peu du débutant. Vous avez le jeu. Et ça, on n’explique pas pourquoi c’est comme ça. 

C’est ça aussi le côté intéressant, ce n’est pas toujours le même qui gagne. Et c’est pour ça aussi que les petits ils sont passionnés très souvent. Les petits ils ont ce jeu du débutant. Et ils gagnent contre les adultes alors ils disent « ça y est on est bon ». C’est le côté un peu mystique du jeu. Et pourquoi ? On ne sait pas, c’est comme ça.

 

Les tournois et championnats :

Le mus se joue tout autant de façon informelle qu’organisée sous forme de tournois et de championnats. En 2013, 2000 équipes ont participé au Championnat général organisé par la Fédération Française de mus, soit 4000 joueurs, essentiellement du Pays basque mais aussi du Béarn, de Lourdes, de Bordeaux, de Paris. L’équipe vainqueur de ce Championnat général dispute ensuite le Championnat des communautés basques.

1. «Mus» se prononce « mouch ».

2. Entretien avec Ttotte Elgue, Bayonne, le 3 juin 2013.

3. Une particularité du décompte est l’hamarreko, équivalant à cinq tanto. Lorsque le joueur d’une équipe qui garde devant lui les points (tanto) en obtient un cinquième, il en remet quatre dans le pot commun et donne le cinquième, devenu un hamarreko (valant donc 5 points) à son partenaire. Ainsi dans chaque équipe un joueur garde les tanto et l’autre les hamarreko. Cela évite d’avoir jusqu’à 40 jetons, haricots ou autre devant soi et permet de savoir à tout moment combien de points a une équipe.

4. Entretien avec Ttotte Elgue, Bayonne, le 3 juin 2013.

  • Un jeu de cartes dit « espagnol »5 contient quarante cartes. Il comprend quatre enseignes (épées, bâtons,coupes et deniers) chacune composée de dix cartes : 1(As), 2, 3, 4, 5, 6, 7, 10 (cavalier), 11 (dame), 12 (roi).
  • Les points ou tanto: les points obtenus sont matérialisés soit par des traits tracés sur une feuille de papier, soit par des petits objets tels que des haricots secs, des grains de maïs, des boutons. Dans les cafés et les salles où se tiennent les tournois officiels on utilise généralement des jetons en plastique.
  • Dans le cadre de tournois ou championnats, des lots sont à gagner.

5. Mais que l’on retrouve aussi en Italie.

Le premier lieu d’exercice est la maison.

De façon informelle on joue également beaucoup dans les cafés, dans le foyer du collège ou du lycée, en définitive, partout où l’on a du temps à passer (hôpital, train).

Moi j’ai un proche, il est dans une équipe de rugby où des jeunes savent jouer au mus et ils jouent au mus dans le bus quand ils vont disputer leur match. Ça détend en même temps. 

Les tournois et championnats se déroulent soit dans des cafés, soit dans des salles des fêtes, des murs à gauche, des trinquets 6 ou autres salles municipales.

Hors du Pays basque, les muslarisse retrouvent dans une euskal etxea (maison basque). On joue donc au mus aussi bien à Paris, Bordeaux, Lourdes, en Béarn (Navarrenx, Oloron, Orthez, Sauveterre), qu’en Argentine, en Australie, au Canada, au Chili, en Colombie, aux Etats-Unis, en Espagne (et pas seulement dans les provinces basques), au Mexique, au Pérou, en Uruguay et au Venezuela, c'est-à-dire partout où des Basques ont immigré.

6. Mur à gauche et trinquet : deux types de lieu où l’on joue à certains jeux de pelote basque. Voir la fiche d’inventaire «Pilota/ La pelote basque ».

Au Pays basque, à écouter, beaucoup de gens ne savent pas jouer aumus.Mais après, quandvous les prenez personnellement, tout le monde a côtoyé le mus. Après il faut aimer les cartes. Tout le monde n’aime pas les cartes. Mais celui qui aime les cartes, il sait jouer au mus.7

La transmission demeure essentiellement familiale. Souvent ce sont les grands-parents qui initient leurs petits-enfants. Et ils se font aussi la fierté de retransmettre ce jeu.

Ces mêmes enfants peuvent initier à leur tour des camarades d’école qui n’auraient pas bénéficié de la transmission familiale. L’apprentissage se fait essentiellement par immersion et observation.

Il faut d’abord apprendre le déroulement, bien expliquer le déroulement : le grand, le petit, les paires, le jeu. On fait des tours à vide. Et ce filleul j’ai fait des tournois avec lui, je le prenais avec moi pour faire des tournois ; c’est là qu’il apprenait, qu’il voyait les adultes. Quelques fois on voit des anciens champions qui arrivent avec leurs fils ou des jeunes. Moi ça me fait très plaisir parce que c’est la transmission, c’est l’esprit mus aussi.

Dans les écoles immersives en langue basque (ikastola), des instituteurs prennent l’initiative d’initier eux-mêmes leurs élèves car, outre les aspects ludiques et culturels, le jeu de mus présente un intérêt pédagogique : C’est mignon parce que vous avez des touts petits bouts de chou qui arrivent, dix ou onze ans. Et croyez moi, en calcul mental on dit que les élèves ne savent pas calculer… ils savent calculer. Et c’est très important pour les gosses, ça leur permet de réfléchir.

7. Entretien avec Ttotte Elgue, Bayonne, le 3 juin 2013.

Historique général :

L’origine du jeu est inconnue.

 

Historique particulier de l'entreprise, de la personne ou de l'organisme, de la forme d'expression ou de l'espace culturel faisant l’objet de la fiche :

En 1962, trois jeunes Bayonnais faisant partie de patronages, proposèrent de redynamiser la pratique du jeu en organisant dans plusieurs cantons des rencontres de mus auxquelles 375 équipes participèrent dès la première année. Ainsi la jeune association Union Basque organisa la première finale de mus le 21 avril 1963 au trinquet d'Hasparren.

Peu à peu la compétition a pris de l’ampleur, concernant toujours plus de muslari au-delà du Pays basque.

En 1978, une Fédération française de Mus a été créée pour deux principales raisons : tout d’abord pour être en mesure de décerner un titre de Champion de France, ensuite pour pouvoir organiser une compétition internationale, le Championnat des Communautés Basques (auquel participe aujourd'hui douze communautés).

La Fédération française de Mus organise désormais en France trois championnats annuels :

  • le Championnat de France toutes catégories ou Championnat Général, ouvert à tous regroupant 2106 équipes;
  • le Championnat de France Dames regroupant 94 équipes;
  • le Championnat de France Jeunes (moins de 21 ans) regroupant 100 équipes.

Les tournois organisés par les cafetiers ou les responsables de centres et les championnats organisés par la Fédération Française de Mus ne sont pas les seules occasions de jouer au mus. Pourtant ils ont pris de l’ampleur face à l’évolution de la sociabilité villageoise.

Ce championnat était fait au départ pour rassembler des gens. Ce ne sont pas tous des mordus de mus particulièrement mais c’était un moment de convivialité mais petit à petit malheureusement en milieu rural on a pas mal de bars qui ferment. Donc ce sont des associations, des comités qui prennent le relai, qui ont souvent une salle et qui organisent des championnats, après ils font des tournois. C’est comme ça qu’on arrive à faire vivre le mus.

En dehors du championnat, il y a presque tous les week-end des tournois. C’est des tournois dotés,vous avez quelque chose à gagner. Vous payez une inscription. Ça fait passer le temps.

Moi je fais partie maintenant d’une génération qui n’a pas connu ça, mais mes parents à l’époque jouaient dans les villages. Ils ne se déplaçaient pas mais ils jouaient au mus après les vêpres. Et maintenant qu'est-ce qu’on retrouve ? On retrouve le même phénomène sauf que les gens au lieu de jouer dans leur village et bien ils prennent la voiture et ils vont jouer là où il y a un tournoi. Alors on se retrouve 50, 60, parfois 80 équipes dans l’après-midi. C’est très convivial. Les gens viennent passer un moment à jouer au mus.

Et là le rôle des membres de la fédération est de temps en temps, si on nous demande et si on estdisponible, on va aider à réaliser la partie technique. Parce que nous on pense que ça fait partie de la promotion du mus. A la Fédération on est entièrement bénévole. 8

8. Entretien avec Ttotte Elgue, Bayonne, le 3 juin 2013

- Plaquette ;

- Site internet.

Sur le site Internet de la Fédération Française de Mus, quelques vidéos présentant les différentes phases du jeu sont proposées pour s’initier ou s’entrainer.

  • Le mus est une pratique sans spectateurs.
  • La Fédération perçoit un indice de l’« attachement » de la population locale à cette pratique dans le sponsoring par des entreprises ou des particuliers. 25.000 € ont été récoltés lors de la dernière campagne.
  • Le Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques a octroyé une subvention de 3000 euros en 2012 pour permettre à l’équipe ayant remporté le Championnat Général d’aller disputer le Championnat des Communautés Basques au Canada.
  • Des guides de voyage et ouvrages généraux sur le Pays basque signalent l’existence du jeu.

Nom et rôle et/ou fonction de la personne rencontrée :
Ttotte ELGUE, Président de la Fédération Française de Mus

Municipalité, vallée, pays, communauté de communes, lieu-dit… :
Pays Basque

Adresse : Centre Départemental Nelson Paillou 2, allée des Platanes
Ville : Bayonne
Code postal : 64100
Site Web : http://www.federation-mus.1fr/

 

Dates et lieu(x) de l’enquête : du 1 mars au 30 juin 2013
Date de la fiche d’inventaire : 30 septembre 2013
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Cendrine Lagoueyte, Laboratoire ITEM, EA 3002.
Nom du rédacteur de la fiche : Cendrine Lagoueyte, Laboratoire ITEM, EA 3002, programme de recherches « Inventaire du Patrimoine Culturel Immatériel en Aquitaine », Université de Pau et des Pays del’Adour.

 

N° d'inventaire Ministère Culture :  2013_67717_INV_PCI_FRANCE_00293
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2d4

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mus_(jeu)

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