Bretagne :

Finistère :

Goro ar c’hoar, traire les chèvres - Douarnenez

Cotes d’Armor :

Goro’r Chaour, traire la chèvre - Trégor

Tirer les chieuvres - Dinan

Tirer les Bignnes - Trévé

Faire chanter le chaudron - Plounévez Moëdec

En Haute Bretagne :

Tirer la chieuve

Tirer les joncs

Faire pleurer les joncs

Faire berouer les joncs

Tirer la chèvre

Faire buyer la cheve

Faire buyer le taurin

Heler le loup à Malestroit ou St Marcel

Faire pleurer les joncs

Faire bérouer les joncs

Loire-Atlantique :

Brenmer la poêle

Brinder les poêlons

Brinder la marmite

Brinder les joncs - Moisdon

Buyer les joncs – Nort-sur-Erdre

Faire breuyer la poêle - Blain

Faire romer le poêle (le mot romer véritable onomatopée est suggestif en ce qu’il rappelle assez bien les sons de la poêle en vibration) ou bromer la poêle - Vertou Clisson

En Vendée :

Brondir la poêle en Chavagnes-en-Paillers

Zondir

Bramer

Vezouner en bocage vendéen

Brômer la ponne à Saint-Etiennes-du-Bois

Sonner la poêle ou royer la poêlette

En Mayenne on reconnaît cet usage comme breton par l’expression « tirer la cheve à la mode de Bretagne »

Les communautés à s’intéresser à la pratique sont essentiellement des collecteurs de coutumes locales, des historiens ou érudits locaux, ou des artistes, tous militants culturels.

Certaines personnes rencontrées lors de l’enquête menée sur la sonnerie de bassin sont des « pratiquants » de la sonnerie de bassin, appartenant à une génération qui a vu faire les « anciens » et qui par mimétisme, comme ça se faisait, ont continué la tradition et l’ont transmise jusqu’à nous. C’est le cas, de Pierrick Hercelin et Jean-Yves Le Bot.

Les collecteurs ont sauvé la pratique en allant s’entretenir avec les personnes qui avaient encore la connaissance de la sonnerie de bassin. Souvent passionnés d’histoire locale, ils ont inscrit sur la pellicule, le papier ou les bandes pour l’avenir, des coutumes qui seraient sinon tombées dans l’oubli. Des grands collecteurs comme Albert Poulain qui, outre son intérêt pour le petit patrimoine bâti, a enregistré des témoins sur les coutumes locales de Haute- Bretagne.

D’autres artistes sont plus sensibles à sa tonalité particulière, et recherche, par son intermédiaire, à susciter une réaction sur leur auditoire comme le font des conteurs, des animateurs, tels que Jean-Yves Bardoul, Anne Guérin, ou encore Jean-Luc Laquittant. De plus, leur démarche est pédagogique car ils incitent ceux qui le souhaitent à s’exercer.

Certains artistes ont cherché à apprendre la technique de la sonnerie dans le but de la reproduire, c’est effectivement le cas de quelques artistes qui au-delà de l’aspect « art populaire » se sont intéressés à la technique pour recréer sa sonorité particulière dans leurs mélodies comme Soazic Noblet, Roland Beker ou Erwan Lhermenier.

La pratique des sonneries de bassin est localisée sur cette carte : on la retrouve dans le Grand Ouest de la France : le Finistère, le centre et l’Est des Côtes d’Armor, le Nord et le Sud de l’Ille-et-Vilaine, Le Morbihan, la Loire-Atlantique, le Bocage Vendéen et une petite partie Ouest du Maine et Loire. Cette carte est confirmée par d’autres sources collectées, dans des ouvrages, des témoignages, des archives telles que l’Atlas Folkloriques de Bretagne datant lui de 1943-1944.

« …cette zone de jeu dépasse de loin toutes celles qui concernent d’autres pratiques sonores traditionnelles à la même période (Seconde guerre mondiale [carte de 1948]) et confirme le caractère effectivement populaire sinon très ancien de la sonnerie de bassin. » 30 D’après les collectages d’Albert Poulain, la sonnerie de bassin avait lieu également en Mayenne où l’on disait « tirer la cheve à la mode de Bretagne ». Roland Becker et Laure Le Gurun quand à eux, situent cette appellation dans le Maine et Loire. Aujourd’hui, la pratique se situe essentiellement en Bretagne et Loire-Atlantique. Elle suit les mêmes zones mais de façon moins intense et plus éparse.

 

Un parallèle entre les sonneries de bassins et d’autres pratiques peut être fait : Dans d’autres régions de la France, le bûcher de la Saint-Jean avec la joie qui l’accompagne, donne aussi lieu à des manifestations bruyantes mais d’un caractère différent :

En Alsace : Coups de fusil

Dans le Quercy, la Provence : Pétards et fusées

Dans le Var et le Vaucluse : sifflets et trompettes en terre cuite

Arnold Van Gennep, dans son étude, fait un parallèle avec un procédé qui se pratique aux Etats-Unis ; cette technique utilise aussi un objet utilitaire du quotidien pour faire de la « musique » : dans un roman dont l’action se situe en 1880 dans l’État du Wyoming, on produit un son particulier en frottant une planche enduite de résine, d’un mouvement de va et vient comme des scieurs de long sur un baril vide à harengs. Il produit un son assourdissant, et il avait pour but, par la production de ce bruit infernal, de faire sortir une famille de chez elle pour se joindre au groupe de villageois qui faisait la fête ! De plus, les Spouting Bowl Chinese (également appelé Bols Taoïstes Chinois), rappellent également la pratique de la sonnerie de bassin. Le processus est le même à ceci près qu’il ne faut pas de jonc : Le bassin plus petit, est rempli d’eau et l’on doit frotter les poignées du bol en bronze d’avant en arrière afin de faire vibrer l’eau et le bassin, et de produire un son très proche de celui créé par nos pônes ! Ce bol est utilisé dans la méditation et la relaxation. Cette pratique existe depuis la dynastie des Han au 5è siècle avant JC.

Comment ?

On dispose un bassin sur un trépied (à l’endroit ou à l’envers) ou sur des pierres ; en effet la notion de sol est importante pour une bonne vibration et un meilleur son; cet isolement du sol amplifie la sonorité. La bassine en cuivre reçoit soit un fond d’eau (cas le plus courant) ou comme dans un témoignage du Trégor, elle est remplie d’eau. Un témoignage unique recueilli à Fouesnant note l’absence d’eau ! Sur le rebord, on place deux ou trois brins de jonc tenus en travers de la bassine par une personne ; une autre, en face se mouille les doigts et les fait glisser sur le jonc en le serrant. La répétition de ce mouvement ressemble aux gestes de la traite ; ce qui explique qu’on appelle ce rituel « tirer les chèvres ». « A Muzillac, des hommes s’activaient autour d’une douzaine de bassins de cuivre posés sur autant de trépieds ; c’étaient les « sonnous » de bassins plaisamment surnommés tirous de bitch (trayeurs de chèvre) »

Le nombre de brins de jonc semble varié entre 2 et 4. La bassine se met alors à trembler, à vibrer émettant un son sourd très fort. Le résultat est un son provenant de la vibration du jonc et de la bassine, et amplifié par le bassin qui agit comme une caisse de résonance. Le bourdon produit s’entend à plusieurs kilomètres à la ronde. On emploie quelques fois des bassins de diamètre différent qui donnent une sonorité composite.

Van Gennep écrit : « le principe est simple ; mais les habitants des diverses régions se sont ingéniés à en varier les applications de manières à faire de leurs chaudrons (bassines, ou poêles à lessive en bronze ou en cuivre) de véritables instruments de musique ». Pour amplifier encore le son, on place dans la bassine ou sur les bords des objets métalliques tels que des pièces de monnaies, des couteaux, des chapelets, des clés… Les clés peuvent être suspendues à des fils en contact avec l’intérieur de la bassine. De différentes grosseurs, elles produisent des sons différents. Des personnes généreuses lançaient des pièces dans le fond de la bassine et en faisaient don au sonneur. Certains « sonnous » s’enduisaient les mains de résine, de goudron ou mélangeaient à l’eau du vinaigre ou du cidre aigri (Côtes-d’Armor et Ille-et-Vilaine), ce qui avait pour effet de créer une résistance et de faire vibrer plus fort et plus rapidement le jonc et la bassine.

 

Quelques spécificités locales sont à relever :

A Dol de Bretagne, on plaçait le bassin sous un dais ou une couronne de fleurs.

En Vendée, un écrit témoigne d’une coutume singulière : on plaçait un verre contenant une pièce sur un trépied dans le fond de la « pône » le tout recouvert d’eau. On plaçait de la « rouche » sorte de glaïeul des rivières sur le bassin à la place du jonc. Dans la région de Loudéac, certains sonneurs croisaient les brins de joncs au dessus de la bassine. Hier comme aujourd’hui, la sonnerie de bassin durait environ une heure.

 

Quel son ?

Voici un témoignage provenant de la commune de Louvigné du Désert : « Je suis né en 1938, à l’époque ça n’existait plus. Mais ma mère me disait : « à la Choletais on entendait quand ils tiraient les joncs à Bois Arcant, à la Morinais, à l’Oriais… On entendait à chaque fois. A chaque fois, ils se mettaient à en faire autant à la ferme pour communiquer. Un peu comme les indiens avec leurs signaux de fumée. Quand ils entendaient une ferme, ils s’y mettaient aussi. Ça s’entendait de loin. C’était un son très très grave, très puissant. »

« Une Arzalaise née en 1895, précisait que dans sa jeunesse, il fallait que durant la nuit de la Saint Jean les feux soient vus et les bassins entendus d’une hauteur à l’autre » Certains arrivent même à jouer des airs en sonnant les bassins. On compare quelque fois le son de la sonnerie, à celui d’une vielle.

Le son produire par la sonnerie de bassin n’est pas sans rappeler également les sonorités du Didgeridoo des Aborigènes d’Australie.

 

Qui?

Les témoignages et les écrits divergent quant à savoir qui tirait les joncs. Il semblerait que ce soit avant tout une affaire d’hommes ; mais voici quelques témoignages qui semblent nuancer cette idée :

En Morbihan Gallo par exemple : « La veille de la Saint-Jean, des femmes sortent avec leurs bassins ; on se procure des brins de jonc. Elles en placent à travers leurs bassins de son grand diamètre et font glisser le pouce et l’index le long du jonc qui vibre comme une corde et communique des sons. »

A Pontivy : de 1900 à 1910, on faisait le feu de la St Jean sur une hauteur dominant la ville.

« Non loin du foyer, de vieilles femmes en costume pontivyen étaient assises autour d’un grand bassin de cuivre. Graves hiératiques presque sacerdotales, elles faisaient vibrer longuement des joncs tendus au vide des grands vases, qui se mettaient à chanter ; chant parfois plaintif, souvent rugissant ».

Dans le Pays de Redon, il semblerait que le jonc soit tiré par des hommes ; il fallait être suffisamment grand pour tirer les joncs sans toucher le bassin. Une fois que les adultes avaient fini leur tirage, les enfants s’essayaient alors à cette coutume :

« Après l’impressionnant embrasement, le feu devenait plus sage….une grande ridée chantée s’organisait autour du foyer gigantesque. Les sonnous de bassin ne pouvaient résister à l’appel de la danse. C’est le moment attendu par quelques apprentis tirous qui voulaient montrer leur nouvelle dextérité, guidés par quelques experts qui continuaient à se défier pour obtenir le son qui porterait le plus loin.»

 

Quand ?

Il semble que le contexte le plus courant de la sonnerie de bassin reste le feu de la St Jean qui est célébré par des feux de joie, qu'on appelle « rieux » ou « raviers » en gallo. Ces feux sont à la fois l’occasion de fêter la fin des travaux agricoles et ont lieu au moment du solstice d’été. On cherche à faire le plus grand feu, de façon à ce que les communes environnantes puissent l’apercevoir. C’est à cette occasion que l’on tire les joncs.

Selon Van Gennep : « cette coutume a des formes tellement primitives et brutales qu’on lui assignerait volontiers selon la formule, « une haute antiquité ».

Néanmoins, le jour de la sonnerie est concordant avec le jour de l’embrasement qui luimême diffère d’une localité à l’autre : ce feu se faisait soit la veille de le St Jean (cas le plus courant comme à Nozay par exemple) soit le jour même (Saint Maden) ; certains faisaient des feux à la Saint-Jean et à la Saint-Pierre (Dol de Bretagne).

Le moment même du début de la sonnerie varie également selon les témoignages : avant (Dinan), pendant (pays de Redon) ou à la fin de l’embrasement. « A Saint Pol de Léon, lors des feux de la St Jean, on faisait chanter les bassines de cuivre à l’aide de brins de jonc. Au crépuscule au moment de l’embrasement du feu de joie, les sonneurs se mettaient en action. »

Cependant, il existe également d’autres occasions durant lesquelles on « tire les chèvres ». En effet, même si ce ne sont que quelques rares cas, on peut entendre sonner les bassins à l’occasion de mariages, de Charivari (St Malo, Pont-Croix, Quintin par exemple), au début ou à la fin de gros travaux comme la construction d’une maison ; un meunier se souvient avoir

entendu le bourdon des sonneries lors de l’Armistice en 1918 à Louvigné du Désert.47

La sonnerie découle d’une volonté de se faire entendre, de faire savoir aux alentours, aux environs, qu’ils se passent un évènement exceptionnel, l’envie, le besoin de le partager avec les villages environnants.

Lors des feux de la St Jean, on sent dans les témoignages la volonté de communiquer d’un village à l’autre.

 

Où ?

La sonnerie de bassin semblant suivre le rite du bûcher de la Saint-Jean, elle était pratiquée au même endroit.

On apprend qu’il y avait un bûcher par village regroupant plusieurs fermes, et dans les villes et les gros bourgs en plus du feu central, des feux secondaires sont allumés dans les quartiers. Ce sont des lieux de rassemblement (place carrefour, aire à battre ou autres communs) et être visibles de loin, d’où le choix des hauteurs.

Il semble que la règle qui prédomine soit celle de la prudence et celle-ci installe les feux dans les villages mais loin des habitations.

Aujourd’hui, on sonne le bassin là où il y a du monde, lors de rassemblements populaires publics ou privés. Le plus souvent il s’exerce en plein air car ses puissantes vibrations peuvent ainsi être entendu d’un grand nombre de personne ; cependant lors de spectacles musicaux, ou d’animation il n’est pas rare que cet art s’exerce dans des salles.

Les trois éléments indispensables à la sonnerie de bassin sont une bassine en cuivre, du jonc (ou une plante similaire) et de l’eau.

La bassine :

Généralement utilisé pour des taches domestiques du quotidien, ce récipient à plusieurs dénominations : la poêle, la pelle, la marmite, le bassin, la bassine, la pône, … Comme le soulignent Laure Gurun et Roland Becker « la bassine et le jonc deviennent objets éphémères avant de se réinscrire dans le quotidien. »

Le plus souvent, le plat est en cuivre ou en airain, un alliage de cuivre. Les dinandiers traditionnels fabriquaient et fabriquent encore ce type de bassines, mais il faut qu’elles aient un bord plat et ne possèdent pas de poignées.

Ce sont des bassins anciens dénichés dans les brocantes ou dans un vieux grenier, que l’on utilise aujourd’hui lors des sonneries.

Leur diamètre peut aller d’une trentaine de centimètres à un mètre d’envergure. La hauteur est proportionnelle au diamètre et peut mesurer de 10 à 25 cm. Plus son diamètre est grand plus le son produit est sourd.

Le Jonc :

Le jonc utilisé pour les sonneries de bassins, est une plante que l’on trouve dans les champs, les fossés humides ou aux bords des rivières. Il doit être à la fois souple et solide, gros et bien vert. Les sonneurs parlent de joncs de chaisiers ou jonc des tonneliers qui s’avère être le même jonc, appelé également le scirpe des lacs. Traditionnellement, on laissait le jonc à faner à l’ombre un jour ou deux avant de les utiliser, car fané le jonc est plus résistant. Cependant, les sonneurs d’aujourd’hui témoignent après expérience que le jonc peut être utilisé le jour même de sa cueillette. C’est à l’époque de la Saint Jean que le jonc est le plus gros, le plus souple et le plus solide. Ecrivain breton du XXè siècle, Brékilien affirme même : « Il serait vain d’ailleurs de s’y essayer à une autre époque qu’à celle de la St Jean. Il semble que les joncs n’ont qu’à ce moment de l’année les qualités qui conviennent ». Certains témoignages montrent que les joncs peuvent être tirés à d’autres moments de l’année, même s’il s’avère que les joncs sont de moins bonne qualité pour la sonnerie durant l’hiver.

L’eau :

Elle est indispensable pour faire glisser les mains sur le jonc et le faire vibrer, cependant, elle ne semble pas nécessaire dans le fond de la bassine. On y ajoute quelques fois, essentiellement en Haute-Bretagne, du vinaigre ou du cidre aigri, pour accélérer la vibration. On peut y mettre également de l’eau bénite.

L’apprentissage se fait par transmission informelle et mimétisme. Tout le monde ne tirait pas les joncs et les moins avertis devaient attendre leur tour après que les plus expérimentés se soient exprimés. Alors, seulement les jeunes, les enfants pouvaient essayer cet art très subtil. Il ne semble pas exister de règle précise à suivre pour faire sonner un bassin correctement si ce n’est de la persévérance. En effet, le jonc peut « grincer» un moment avant de vibrer et de faire réellement trembler la poêle ; lors des expériences collectées, on se rend compte que certains réussissent à faire vibrer presque immédiatement la bassine, d’autres mettent du temps et certains n’y arrivent absolument pas. La réussite consiste semble-t-il dans l’écoute des sensations qui s’expriment sous les doigts ; un équilibre à trouver entre le pincement plus ou moins fort du jonc et la vitesse des « caresses » données à cette plante. Voici un témoignage nous montrant l’existence de personnes ayant la capacité de transmettre cet technique. Van Gennep a : « connu une « musicienne »considérée comme un as : dès le début sa musique était vite repérée aux alentours…lorsque la chance ne souriait pas à certains débutants du voisinage, ils quittaient leur feu, parfois de plus de 2 km, pour se joindre à cette dame et étudier son jeu musical qui par nuits claires, portait à plus de quatre kilomètres à la ronde. »

Les entretiens réalisés confirment que l’apprentissage se faisait par imitation. Un homme du Pays de Redon, Jean-Yves Lebot, se souvient que son père l’a d’abord invité à venir tenir le jonc qu’il tirait, avant de le laisser passer de l’autre coté du bassin tirer lui-même les chèvres.

Jean-Yves Bardoul, a appris en regardant faire les anciens à la fête de la Saint-Jean de Béré à Chateaubriand.

Aujourd’hui comme hier, l’apprentissage de la pratique est une démarche volontaire de la part de l’apprenant auprès de ceux qui connaissent encore la technique de la sonnerie, afin de se l’approprier.

Repères historiques

Malgré les quelques documents et sources bibliographiques repérés, peu d’éléments nous permettent de retracer l’historique de cette pratique et son évolution. Cependant, certains témoignages nous renseignent sur la pratique telle qu’elle pouvait se faire au XXe siècle.

Les récits liés à la pratique et à la tradition

D’écrits d’anciens, de dire de contemporains, chacun a son mot à dire sur la raison et le symbole de la sonnerie de bassin.

L’explication la plus couramment évoquée est celle de l’appel des morts : en effet, à la St Jean, les villageois disposaient auprès du feu des bancs pour que les morts viennent s’y asseoir et se réchauffer. Pour les faire venir, on sonnait les bassins. Max Radiguet écrit : « A St Eloi (29) : des mains pieuses rangeaient près du feu des bancs destinés aux défunts-chéris. Puis parcourant avec une pression légère toute la longueur du jonc fixé aux parois d’un large bassin de cuivre, elles arrachaient au métal de plaintives et lugubres vibrations que le vent de la nuit portait jusqu’au cimetière ; les morts tressaillaient à cet appel et venaient invisibles, s’asseoir à la place préparée pour y chauffer leurs membres engourdis par le froid du sépulcre. »

D’autres rapprochent : « Un jour qu’Hérode, pour célébrer l’anniversaire de sa naissance, donnait un festin à tous les grands de sa cour, Salomé, fille d’Hérodiade, dansa devant le prince avec tant de grâce, qu’Hérode s’engagea par serment à lui donner tout ce qu’elle demanderait, fût-ce la moitié de son royaume. La jeune fille sortit et courut raconter à sa mère la promesse dont elle venait d’être l’objet : "Que dois-je demander ? dit-elle à Hérodiade. - Demande la tête de Jean-Baptiste," répond la haineuse femme. Salomé vint aussitôt annoncer à Hérode le choix qu’elle avait fait. Hérode était plus corrompu que cruel ; il regretta sa promesse, il fut attristé de la demande ; mais il mit un fatal point d’honneur à ne pas manquer à sa parole devant toute l’assistance, et il envoya un garde trancher la tête de Jean-Baptiste ; celui-ci vint présenter à la princesse, dans un bassin, la tête du martyr, qu’elle alla aussitôt montrer à sa mère ».

Le folkloriste du XIXe siècle Théodore Hersart de La Villemarqué rapproche la sonnerie de bassin des réunions « des anciens bardes chantant à la clarté de la lune des hymnes en l’honneur de leurs dieux, en présence de bassin magique dressé au milieu du cercle de pierre et dans lequel on apprêtait le repas de braves ».

Jean-Yves Bardoul qui pratique la sonnerie de bassin pendant ses spectacles explique que :

« Les sonneries de bassin peuvent être vues comme une rencontre de tous « les règnes » : minéral (le cuivre et l’eau du bassin), le végétal (les joncs), l’animal (les hommes) et des éléments naturels comme l’air (par la vibration engendrée), le feu (feu de la Saint-Jean), l’eau et la terre qui vibrent également sous le bassin. Il parait que la nuit porte plus, car l’homme ayant moins d’acuité visuelle, développe son ouïe. De même, le fait qu’il n’y a plus de soleil, l’humidité remonte et devient vecteur de transmission du son. »

La Saint-Pierre est une date où les domestiques changeaient de fermes. Pour leur départ : « on prenait un chaudron posé sur un trépied renversé. On mettait de l’eau dedans, une clé d’armoire, … Deux personnes un homme et une femme se plaçaient de chaque côté du chaudron et tiraient chacun à eux un jonc qui flottait sur le récipient. C’était pour imiter Saint Jean, qui avait eu la tête coupée sur un plat. Ça imitait les pleurs des domestiques qui partaient ! »

Des menaces pèsent effectivement aujourd’hui sur cette pratique essentiellement par ce que les occasions où cette tradition s’exprimait, se sont réduites. « Les profonds changements dans le monde rural n’ont en effet pas épargné les grandes fêtes qui, au fil des saisons, rythmaient la vie dans les campagne et les bourgs. (…) Les feux de la Saint-Jean, déjà bien appauvris au lendemain de la Première Guerre Mondiale, avaient disparu dans bien des villages au lendemain de la Seconde." Bien que l’on ait pu observer un renouveau à partir des années 1975, l’effet ne fut ni durable, ni comparable aux feux d’antan, à leur succès, à leur tradition, et à leur symbolisme. Fanch Postic en donne une explication : « le cadre social est bien différent. Ce qui a été battu en brèche c’est la notion même de communauté villageoise, de société d’entraide, de travail fondé sur la coopération et l’échange de croyances partagées. »

Cependant, la pratique de la « sonnerie de bassin » n’a pas pour autan disparu, même si elle est moins marquée, moins présente. Au renouveau des années 1975, on a également connu un renouveau dans les années 2000, de feu de la St Jean au cours desquels, on tirait les joncs. Voici quelques communes qui en 2013 et 2014 ont fait sonner les bassins à l’occasion du feu de la Saint-Jean :

A Parcé (35) où la Granjagoule relance cette coutume

A Peillac (56), où le maire a incité, favorisé la pratique depuis plus de 20 ans, c’est ainsi que chaque année (ou presque), on peut entendre le bourdonnement des bassines le 23 juin dans ce bourg.

A Châteaugiron (35), où des bénévoles de l’association la Rimandelle,59 tirent les joncs le 23 ou le 24 juin lors du feu de la Saint-Jean. C’est l’occasion de faire découvrir ou redécouvrir le son très spéciale des « pelles » mais aussi de proposer aux volontaires d’essayer la sonnerie.

A Limerzel (56), un groupe de bénévoles remet cette tradition à l’honneur lors de manifestations estivales organisées par l’office du Tourisme de Rochefort-en-Terre.

A Questembert (56), lors du feu de la Saint-Jean, un groupe de bénévoles fait également sonner les bassins.

L’étude elle-même a fait parler de la pratique et suscité un certain intérêt puisque grâce au questionnaire, et aux sondages, on a observé des échanges intergénérationnels (dans les familles essentiellement), entre parents et enfants, adhérents et responsables d’association, entre sonneurs et artistes …

En plus de ces actions, nous avons organisé lors de la Bogue d’Or en octobre 2014, une démonstration de sonneries de bassins dans la rue, incitant tous ceux qui le souhaitaient à la pratique et à la discussion autour de cette coutume. Beaucoup se sont laissés prendre au jeu et ont essayé avec plus ou moins de succès de tirer les joncs, anciens connaissant cette tradition comme des jeunes ou des enfants découvrant cet usage.

Nous avons l’intention d’inscrire cette animation dans la programmation de la Bogue, et ainsi voir avec le temps la répercussion sur le public et les musiciens. A plus long terme, nous envisageons de créer un concours de sonneurs et instruments.

Deux structures contactées lors du sondage nous ont avertis de leur volonté de mettre en valeur la sonnerie de bassin lors de leur fête de la Saint Jean 2015 ! La commune de l’Ile d’Olonne va faire sonner les bassins cette année, et le Comité d’Animation Peillacois a confié à un artiste une création à partir de sonnerie de bassin. Tous deux ont fait la démarche de nous contacter pour nous en informer et nous demander des renseignements quand à cette pratique.

Afin de mener à bien cet inventaire, une étude a été lancée : un mail a été envoyée à tous les offices du tourisme des régions que Van Gennep avaient identifiées dans sa cartes de 1948 (Bretagne, Vendée, Maine-et-Loire), comme des aires de pratique.

Ainsi les interlocuteurs, en l’occurrence le personnel des offices du tourisme, ont identifié les lieux de la pratique dans leur commune et celles des alentours. Certains offices du tourisme ont directement transmis le courrier aux associations d’histoire locale de leur connaissance. C’est ainsi qu’un lien a pu s’établir avec ceux qui connaissaient la sonnerie de bassin, et qu’un questionnaire plus précis a pu leur être envoyé. De plus, la recherche ethnologique et culturelle est une des activités de l’Association du Groupement Culturel Breton des Pays de Vilaine, aussi des collecteurs font parti de son environnement. C’est ainsi qu’un questionnaire leur a été également adressé.

Le questionnaire comportait 2 axes principaux :
-leur connaissance de la sonnerie :

Nom donné à la pratique
Déroulement, lieu, matériel et technique
Apprentissage -transmission - Leur expérience personnelle : L’apprentissage-Transmission

Les occasions de pratiquer, de voir pratiquer : première et dernière fois
Leur ressenti
Leur interprétation
Leur commentaire

Une dizaine de questionnaire sont revenus à l’association, affinant ainsi les connaissances déjà recueillies dans les articles ou les livres. Les résultats de cette enquête étayent les propos qui précèdent.

Des entretiens ont également été réalisés avec différents collecteurs et praticiens contemporains, artistes pour la plupart, qui intègrent la sonnerie de bassin au coeur de leurs spectacles et représentations publiques. La présente fiche d’inventaire leurs a été soumis à relecture, permettant ainsi précisions et nuances de leurs témoignages.

Aucun ne se sentant « propriétaire » de cette pratique, considérée comme populaire, aucune objection n’a été faite quant à son inclusion dans l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel.

BIBLIOGRAPHIE

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- BECKER Roland et LE GURUN Laure, Le chaudron magique : une musique d’herbe et de cuivre, in L’homme, le minéral et la Musique, édition Famdt coll. Modal, 2000, pp. 24-37

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-BREKILIEN Yann, La vie quotidienne des paysans Bretons du XIXè siècle, Hachette, 1994, 376p.

-COUËDEL Marcel, Sonnerie de Bassin en sud Vannetais, in Musique Bretonne 2010,N° 220, p.40-43

-DEGUIGNET Jean-Marie, 2001, Mémoires d’un paysan bas-breton, 480 p.

-HERISSET Roger, La vannerie en Bretagne, PUR, Rennes, 2014, 407p.

-M.A. DE LA VILLEGILLE, Veille de la St Jean, In Société des Antiquaires de l’Ouest et des musées de Poitiers, 4è trimestre, 1842, p281 à 312

-MARCEL-DUBOIS Claudie et FALC’HUN François assisté de AUBOYER Jeanine, 2009, Les archives de la mission de folklore musical en Basse-Bretagne de 1939 du Musée National des arts et tradition populaire, édition Le Gonidec Marie-Barbara, Paris-Rennes, CTHS-Dastum, p.79-88

-POSTIC Fanch, la Saint Jean en Finistère : richesse et gravité d’un rituel, In Ar Men avril 1987, N°8, p.44-62

-SEBILLOT Paul, 1886, Les coutumes populaires de Haute Bretagne, Maisonneuve frères et C. Leclerc, 376 p.

-VAN GENNEP Adolf, Le Folklore Français : Tome 2 : cycles de mai, de la saint Jean, de l’été et de l’automne, Edition Robert Laffont, 1998, 1113 p.

-VERRIER Anatole.-Joseph, ONILLON René, Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou : comprenant le glossaire proprement dit, des dialogues, contes, récits et nouvelles en patois, le folklore de la province,Angers Germain et Grassin Editeurs, 1908

 

SITES INTERNET CONSULTES

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