Invisible et repérable grâce aux savoirs séculaires des paysans, par l’observation d’une zone circulaire sans végétation délimitée au pied des arbres, dite « brûlé ou rond de sorcière », la truffe est traditionnellement « cavée » (ou récoltée) grâce au flair d’une jeune truie ou d’un chien, tous deux dressés.

La commune de Lalbenque, au sud-est de Cahors (Lot), accueille un marché réputé pour le commerce de la truffe noire du Quercy, appelée communément truffe du Périgord. Ce champignon noir, souterrain, reconnu depuis des siècles pour sa saveur, est niché au pied d’arbres truffiers, de préférence des chênes, dans les sols karstiques et calcaires du causse de Lalbenque-Limogne. Sa production est associée à la culture d’un chêne truffier, qui favorise sa venue, par symbiose, la truffe ayant la particularité de fructifier dans le sol.

Invisible et repérable grâce aux savoirs séculaires des paysans, par l’observation d’une zone circulaire sans végétation délimitée au pied des arbres, dite
« brûlé ou rond de sorcière », la truffe est traditionnellement « cavée » (ou récoltée) grâce au flair d’une jeune truie ou d’un chien, tous deux dressés. Face à sa production non maîtrisable et à l’attrait qu’elle suscitait, les paysans se mirent à la cultiver en donnant naissance à la trufficulture, à partir de la multiplication de plants truffiers, mais loin du succès attendu, à l’image de la truffe insaisissable.

Ce « diamant de la cuisine » est associé au foie gras, aux volailles, aux oeufs et aux mets gastronomiques. Condiment de luxe, sa production participe incontestablement à l’attractivité du territoire. Exprimant un art de vivre propre au causse, la truffe attire les visiteurs du monde entier, curieux de son patrimoine bâti, paysager, agricole et de ses marchés de village.

Le nombre réel de trufficulteurs est difficile à établir, compte tenu de la variété et de la discrétion des producteurs, par peur des vols de cet « or noir » et par goût du « mystère de la truffe noire », soit 20 000 trufficulteurs sont estimés en France. Ils regroupent des producteurs sur un domaine truffier national d'environ 20 000 ha. La surface plantée dans le Lot est évaluée à 300 ha de production sur 1000 ha, avec 300 adhérents à la Fédération départementale des trufficulteurs du Quercy. Avec l’arrivée de la trufficulture puis la création du syndicat des trufficulteurs dans les années 1960, la relance des marchés pour améliorer les ventes ont généré un système économique local, entre les trufficulteurs professionnels ou non, les courtiers, les transformateurs et les acheteurs.

Parmi ces marchés, un des plus emblématiques en France, parmi ceux de Carpentras, Richerenches, Valréas et Aups, est celui de Lalbenque, singulier par son cérémonial et son organisation, respectés à la lettre par toute la communauté. Depuis des décennies, les trufficulteurs, particuliers et agriculteurs, apportent les fruits de leur cueillette tous les mardis de décembre à mars, période de production pour les présenter à la vente, opération et négociation réalisées en 30 minutes entre le vendeur et l’acheteur. Toutes les pratiques liées à l’univers de la « mélano » et ancrées dans le pays, en ont fait un « art de vivre », amplement mis en avant avec l’avènement du tourisme. L’ensemble des acteurs locaux, les villes de Lalbenque, de Limogne, de Bach et autres villages lotois, les agences, offices de tourisme, l’Office de tourisme du pays de Lalbenque-Limogne, le Syndicat des trufficulteurs, les professionnels de l’agritourisme, hébergeurs, restaurateurs, chefs étoilés, les producteurs, trufficulteurs et conserveurs, les courtiers, les institutionnels, la station trufficole du Montat, le Parc naturel régional (PNR) des Causses du Quercy soutiennent la promotion et la découverte de la truffe noire du Quercy et le marché aux truffes de Lalbenque, reconnu comme Site Remarquable du Goût en 1994.

Lieu(x) de la pratique en France

La truffe noire du Quercy, du nom botanique latin Tuber melanosporum Vitt., prospère sur les coteaux et plateaux calcaires du Sud-Ouest au climat doux, aux terrains drainants et peu acides, principalement dans le Lot. « Ce département n’est qu’une vaste et riche truffière », selon le botaniste Adolphe Chatin (1813-1901) (Chatin, 1869). On la trouve dans les anciennes cultures de vignes décimées par le phylloxéra à la fin du XIXe siècle et dans les forêts de chênes pubescents, de chênes verts ou de noisetiers. Dans les bois développés du fait de la déprise agricole, faisant du Lot la troisième région forestière de France avec 1,2 million d’ha de forêts, sont visibles d’anciens alignements de chênes truffiers abandonnés, la truffe étant un champignon de clairière qui n’aime pas les broussailles. Connue plus couramment sous le nom de « truffe du Périgord », elle s’épanouit aussi le long de la vallée de la Dordogne. C’est enfin au marché de Lalbenque que se manifeste et se perpétue depuis plusieurs générations, la culture et la tradition de la Tuber melanosporum Vitt.

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

Les berceaux de la truffe noire sont le sud de la France, l’Italie et l’Espagne. En France, hormis dans le Lot et le Périgord, la Tuber melanosporum Vitt., dite familièrement « mélano », croissait naturellement dans le Limousin, le Nivernais, le Berry ou la Savoie (Chatin, 1869). Elle est désormais principalement produite dans les départements de la Drôme, du Var, des Alpes de Haute-Provence et du Gard. Elle l’est également dans le Poitou, le Languedoc et la Bourgogne, où d’autres variétés de truffes sont bien identifiées depuis le XIXe siècle. À l’étranger, on la cultive aujourd’hui en Australie de façon intense, même en l’absence de tradition locale liée à ce champignon. Toutes sortes de truffes cohabitent en réalité dans les terroirs propices à leur développement. La plus commune est la truffe blanche d’été, qui se développe partout, mais est moins appréciée du fait de son goût peu intense. La reine des truffes pour les Italiens est la truffe blanche d’Alba du Piémont (Tuber magnatum Pico), naturelle, très prisée pour son goût unique et préparée crue en lamelles avec des pâtes, du riz, du veau dans les familles italiennes. On trouve enfin une truffe noire en Chine et une truffe blanche naturelle au Moyen-Orient, dite la « truffe du désert ».

 

La truffe

Le champignon provient de la fructification souterraine d’un mycélium qui vit en association avec l’arbre truffier, le plus souvent un chêne, au niveau de ses racines. « La truffe est mystérieuse, car elle est sous terre » [témoignage du maire de Lalbenque, janvier 2020].

Il existe plusieurs espèces de truffes en France, dont la truffe du Périgord, commercialisée sous le nom de « truffe noire du Quercy » ou « truffe noire de Lalbenque ». La truffe noire, de forme plus ou moins arrondie, d’une taille comprise entre celle d’une noix et celle d’une orange (de 15 à 80 g), présente une écorce noirâtre avec des nuances rouge brique et un aspect verruqueux (Sourzat, 2005). Lorsque qu’elle est « canifée », c’est-à-dire qu’un fragment de sa peau ou péridium est enlevé pour observer sa chair, elle se reconnaît par des parties noires bien marquées et des veines blanches décrites comme formant une « marbrure ».

La « mélano » se développe dans des sols argilo-calcaires, c’est-à-dire « un sol maigre, rocheux, peu profond et impropre à toute culture, toujours graveleux, où l'argile, le calcaire et le sable s'y trouvent constamment réunis, mais en proportions très diverses… » (Chatin, 1869). Dans la truffière de Roger Chiapello, ses enfants qui ont repris l’exploitation préparent les champs de plantations : « ils les préparent avec des pierres broyées pour aérer la terre, car il semble de plus que les pierres aient un effet positif pour l’arrosage à venir et son irrigation qui se fera naturellement ». Les terres trop humides ne sont pas propices au développement de la truffe, qui a néanmoins besoin d’eau et de pluie l’été. Selon Théophraste, pour qui les truffes sont « des végétaux engendrés par les pluies d’automne accompagnées de coups de tonnerre », quand il pleut l’été, il y a des truffes en hiver.

Mais au commencement de la truffe est la plantation d’un arbre mycorhizé, avec lequel l’association s’opère sous terre. Tous les arbres producteurs de truffes sont porteurs de mycorhizes, issues de la symbiose du champignon et de racines : les spores (ou semences) émises par le champignon ensemencent le milieu, germent, colonisent les racines de l’arbre et produisent des mycorhizes. Les arbres les plus favorables à la production de truffes sont les chênes, chênes pubescents à feuilles caduques, chênes verts qui produisent rapidement au bout de quatre ans mais seulement pendant dix ans, chênes Kermès (méditerranéens) ou noisetiers, et parfois des châtaigniers, au voisinage d’arbustes tels les genévriers, prunelliers, églantiers, cornouillers, arbousiers et quelques autres qui favorisent les truffières. Toutes les espèces de truffes ne se cultivent pas, mais la Tuber melanosporum Vitt. (truffe noire), la Tuber uncinatum (truffe de bourgogne) ou la Tuber aestivum (truffe d’été), la Tuber brumale Vitt. (la brumale), elles, se cultivent.

 

Le cycle de vie de la truffe

La truffe naît entre les mois d’avril et de mai. Entre le mois de mai et le mois d’août, les truffettes se forment et doivent alors être arrosées pour leur développement. En août et septembre, elles grossissent rapidement et deviennent des truffes. « Il faut un printemps froid pour qu’elles se développent, de la pluie en été, mais pas de pluies excessives en novembre car sinon elles pourrissent », selon Roger Chiapello. Elles continuent de mûrir entre octobre et décembre pour être à maturité en janvier, où elles sont prêtes à être récoltées jusqu’en mars.

 

La plantation et l’ensemencement

Les truffières sont constituées d’arbres mycorhizés, plantés et entretenus pour que la production ne se déclare qu’après cinq à dix ans et pendant dix à vingt ans. En règle générale, la culture de la truffe n’utilise pas d’intrant chimique. Les plantations ont lieu fin février-début mars pour éviter le gel. Plusieurs méthodes de plantations et d’ensemencement sont pratiquées. Autrefois, les paysans essayaient d’inoculer les arbres à partir de glands de chênes truffiers qu’ils faisaient germer dans les caves avant plantation. Dans cet esprit, des travaux italiens ont été initiés dans les années 1970, utilisant des glands pour obtenir des mycorhizes au niveau de la racine, mais loin du succès attendu pour de grandes plantations. Certains ne récoltent pas toutes les truffes pour laisser les spores se développer, autre méthode répandue jadis qui permettait, dit-on, d’améliorer la productivité du sol en ne récoltant pas. De nouveaux outils permettant d’injecter des spores au niveau de l’arbre truffier sont actuellement utilisés. Les pépiniéristes produisent aujourd’hui des plants d’arbres mycorhizés auxquels on a inoculé le mycélium de la truffe, pour la culture de nouvelles truffières. « Les Trufficulteurs réunis », groupement d’intérêt économique (GIE), qui réunit les pépinières trufficoles locales et la Station trufficole du Montat fournissent les producteurs en plants truffiers.

Même si cette méthode est efficace, elle ne donne pas avec certitude le résultat escompté. Il y a toujours une part d’échec lorsque l’on plante des arbres truffiers, liée en particulier à des contaminations par d’autres champignons, qui prennent la place de la truffe sur les racines. La méthode revendiquée par les trufficulteurs est la plantation d’arbres mycorhizés, autrefois naturels. La station trufficole du Montat, exploitation agricole depuis le début des années 1980 et centre de recherche technique trufficole de référence à vocation pédagogique, a implanté plusieurs truffières disséminées sur un domaine de 100 ha, soit 10 ha de truffières et 18 ha de vignes, plus des surfaces de bois et de landes, parcelles de luzerne pour la gestion des milieux naturels. Le site présente un type de sol argileux et calcaire des causses du Lot. On y trouve des essais pour la production du Tuber melanosporum avec des plantations ayant évolué vers Tuber brumale et Tuber aestivum en fonction de l’environnement et des types de sols. Les plantations sont de 200 à 300 arbres à l’hectare, soit de 7 ou 8 m entre lignes ; pour planter, il faut faire un trou le plus petit possible avec le « picon ».

 

La préparation du sol

Les anciens préparaient le sol pour semer des glands dans les bois qu’ils débroussaillaient, éclaircissaient, désherbaient, nettoyaient de tout autre champignon, puis labouraient la terre avant la plantation pour une récolte dans les six à huit ans suivants. « Après ce travail, votre terrain est apte à recevoir les chênes truffiers. Vous devez les planter à une distance de 6 m entre les lignes et de 4 m dans la ligne à environ 20 cm de profondeur […]. Il faudra ensuite travailler le tour de l’arbre pendant cinq ans après la plantation » (Sourzat, 1920). Aujourd’hui, la préparation des champs de truffières s’effectue avec des outils de labours qui abandonnent les travaux lourds et profonds de la terre des années 1960 depuis l’arrivée du tracteur et d’un autre mode d’agriculture. L’évolution tend vers des pratiques mécaniques plus légères, superficielles. Leur but est de faire respirer la terre sans la tasser à l’instar du binage des anciens, même si certains le pratiquent encore sur des sujets fragiles pour ne pas enrayer la fructification.

 

L’arrosage et l’irrigation

Si les anciens ne pratiquaient pas l’arrosage, qui était déconseillé, le contrôle des besoins en eau dans des conditions de changement climatique doit être aujourd’hui maîtrisé sous différentes formes comme le paillage, la micro-aspersion ou l’aspersion. Roger Chiapello est un des premiers sur le territoire à avoir mis en place un système d’irrigation pour la truffe. Elle est d’abord au goutte à goutte pour les jeunes arbres et ensuite par aspersion. Pour arroser ses 32 ha de truffières dans le Lot et 15 ha dans le Var, il a dû créer un lac dans le Lot et des forages dans le Lot et le Var. L’été, il arrose la nuit de 19 h à 3 h du matin, trois nuits par semaine lorsqu’il fait très chaud. Certaines truffières produisent de 20 à 80 % plus que d’autres, résultat souvent lié à l’arrosage.

 

La taille des arbres

Elle s’effectue très modérément au printemps, à partir de deux ans, avec des outils à dents ou à disques, mais le travail manuel reste constant. La taille vise à limiter le développement de la frondaison et de l’arbre qui ne doit pas être très haut. Les sujets sont taillés dès le plus jeune âge pour maintenir le milieu ouvert le plus longtemps possible. L’objectif de la taille est d’éclaircir le feuillage pour laisser passer la lumière et la chaleur, favorisant ainsi un cercle de « brûlé » sous l’arbre, plus large que celui du feuillage (« débordant à l’arbre »).

 

Le repérage des indices de présence des truffes

On repère encore aujourd’hui d’anciennes truffières entourées de bois, lisibles sur une bande de terre sans aucune végétation entre les bois et les arbres truffiers, dite « terre brûlée », desséchée, comme réduite en cendres, signe d’une zone de production de truffes. Un des premiers signes révélateurs de la présence de truffes est au sol : dans les plantations ou à l’état naturel, sous chaque arbre producteur, se créée un « brûlé ou rond de sorcière », cercle sous l’arbre où l’herbe a été détruite par le champignon, à l’exception de quelques « fétuques », « sédum élevé » ou chiendent « pieds-de-poule ». La persistance de ces plantes est une indication favorable de la présence de truffes sous terre. Ce ne sont que des probabilités : parmi les 900 chênes verts qui ont un « rond de sorcière » aux Haute-Serre, 30 % d’entre eux seulement ont produit. Un second signe est donné par « la mouche de la truffe ». Lorsque la mouche vient pondre ses oeufs sur la truffe, il faut regarder d’où elle part car elle repart à la verticale de la truffe, indiquant la position de celle-ci.

 

La récolte ou le cavage

Il s’agit de la trouver sous terre, car « c’est une des seules récoltes que l’on ne peut pas voir » (témoignage de Cynthia Chiapello, janvier 2020). La tradition est de chercher la truffe selon la pratique appelée communément « cavage », avec un cochon ou avec un chien. Le Quercy et le Périgord sont les rares endroits où l’on « cave » encore avec un cochon. Le ramasseur était accompagné d’une truie d’un an ou deux, moins lourde à transporter. « Quand elle trouve la truffe, elle donne trois coups de groin, c’est inné » (témoignage du maire de Bach, janvier 2020).

Le cochon trouve la truffe à bonne maturité, dit-on, contrairement au chien. Le cochon est dressé pour cela, une semaine durant. Chez les Chiapello, le cavage est pratiqué avec des chiens de races issues de croisement, dociles et endurants. Ils ont chacun le leur, dressé à l’âge de 3 ans. Pour le cavage avec le chien, il faut prendre garde au sens du vent : l’odeur est apportée par le vent et le chien gratte là où est l’odeur.

 

Les pratiques de conservation

Autrefois, la production de truffes était très importante : 300 tonnes annuelles dans le Lot au début du XXe siècle contre quelques tonnes aujourd’hui. Il fallait donc les conserver sous différentes formes, stérilisées ou cuites. Dans la restauration, la tendance actuelle est de les consommer fraîches, mais la conservation reste incontournable. Les entreprises de conservation achetaient les produits sur les marchés ou aux courtiers en truffes, les transformaient pour les revendre à d’autres conserveurs comme les conserveurs de foie gras, ou sur les marchés. Il subsiste quatre principaux conserveurs dans le Lot : les établissements Jouglas, Godard-Chambon et Marrel, Pebeyre, Henras-Euroma. Achetées au marché ou dans des entreprises de négoce le plus souvent en décembre, les truffes doivent être immédiatement nettoyées et lavées. Il faut être très attentif au tri. Une truffe de de bon calibre pèse de 40 à 50 g ; une grosse peut aller jusqu’à 200 g. La qualité de la truffe tient à l’intensité du noir, à la brillance de la peau, à la finesse du grain et aux nervures blanches sur une chair noire, signe qu’elle est mûre ; elle ne l’est pas, si la chair est blanche ou grise ; elle a gelé si les nervures sont noires. Il faut veiller également à ce que les truffes n’aient pas de vers ; dans ce cas, il faut les faire tremper dans de l’eau salée froide. Plusieurs possibilités s’offrent au particulier ou au conserveur pour les conserver :

− la mise sous vide ou la mise en pot avec quelques grains de riz au réfrigérateur pour enlever l’humidité, pour quelques jours seulement ;

− la congélation pour quelques mois, au détriment de la texture, qui se ramollit et devient un peu spongieuse, et de son arôme, qui se modifie et perd en intensité. Pour préserver au mieux son intensité, il faut la râper et la congeler avec quelques grains de riz ;

− la stérilisation avant la mise en conserve pour quelques années, qui fait perdre cependant un peu d’arôme à la truffe.

Jean-Luc Jouglas conserve la « mélano » mais aussi les truffes d’été : il place d’abord les truffes achetées sur un tamis pour les faire sécher puis les brosse, les trie et les lave, de 20 à 80 kg de truffes par matinées, dans une machine à tambour qu’il a créée lui-même à partir d’un égrappoir. Il les stérilise ensuite dans un autoclave et fait cuire une fois trois heures puis une fois une heure sans couvercle puis avec couvercle. Elles vont enfin dans des verrines ou en conserve, entières, en morceaux, en lamelles ou en brisures pour les produits confectionnés par les charcutiers, tels les farces et les foies gras, où l’on met une lamelle cuite à l’intérieur, ou par les restaurateurs (omelettes, brouillades, purées de pommes de terre, etc.). Jean-Luc a repris l’activité de son grand père trufficulteur qui transformait les truffes. De son temps, six personnes lavaient et triaient les truffes en permanence durant la saison de récolte. Avec son statut de commerçant et d’agriculteur pour exploiter ses truffières et autres plantations, il vend aussi des truffes noires aux restaurateurs, aux conserveurs de foie gras et sur les marchés, qui offrent en moyenne 60 % de frais et 40 % de cuit.

 

La transformation

Les charcutiers, fromagers et restaurateurs du territoire utilisent cet aliment, considéré plutôt comme un condiment, pour préparer les plats traditionnels renommés, tels que le brie à la truffe ou l’omelette à la truffe, les plus emblématiques ou ceux plus inédits des chefs étoilés. La truffe noire possède des qualités organoleptiques. Suave et envoûtante, au parfum délicat, la truffe évoque la terre, les sous-bois et l’humus, insérant une note de rusticité aux mets les plus raffinés. Si elle se marie bien avec les volailles, elle s’associe aussi bien aux produits iodés, selon le chef Pascal Bardet : « ce produit de pleine terre s’associe avec les produits iodés, qui propulsent le côté terreux ». Selon Pierre Sourzat, la truffe est « un champignon avec des notes de sous-bois, d’alcool de framboise, chocolatées, vanillées, de vieux vin de Cahors et aussi de Pomerol, sans oublier la confiture de fraise ». Ses parfums sont différents selon les terroirs, mais la plus recherchée et la plus aromatisée est la truffe noire du Périgord, dite aussi du Quercy, du Lot ou de Lalbenque.

• David Blanco, président des Bonnes Tables du Lot, restaurateur près du marché de Lalbenque
« La truffe, c’est envoûtant, c’est un imaginaire ; à petite dose, elle envahit le plat ». Il connaît bien les producteurs du marché, ses fournisseurs, et propose une cuisine de type bistrot : plats à la truffe à la demande, brie truffé à la pomme de terre, oeufs mimosa à la truffe et autres mets traditionnels.

• Patrick Marty, fromager à Cahors
Il confectionne le traditionnel beurre truffé et le brie de Meaux à la truffe : il coupe le brie en deux, couvre de crème à base de mascarpone et de pâte à Brillat Savarin et ajoute 7 % de truffe râpée en lamelles, avant de refermer le brie, prêt à être savouré.

• Pascal Bardet, restaurant « Le Gindreau » à Saint-Médard (Lot)
L’utilisation des truffes par les chefs est récente car celles-ci étaient traditionnellement appréciées en familles ou entre amis. Le jeune chef Pascal Bardet, distinguée par une étoile au Guide Michelin, propose une formule inédite autour de la truffe dans son restaurant, tous les mardis de fin janvier à mi-mars pendant la période de production : un programme de découverte de la truffe, comprenant un petit-déjeuner quercynois truffé, de 10h à 12h, suivi de la visite du marché aux truffes de Lalbenque et d’un cavage avec cochon et chien truffier chez un trufficulteur partenaire. « Traditionnellement, on cassait la croûte dans la matinée autour de la truffe ou du brunch », ce qui lui a inspiré le goût de valoriser les produits de terroir autour « d’une cuisine brute et dépouillée de tout artifice » et de retrouver les saveurs affectionnées chez les grands-parents, en ajoutant de la simplicité et de la rusticité et en donnant toute sa place à la truffe noire, suave et profonde, qui offre un côté terreux. Son petit-déjeuner gastronomique propose à la dégustation du beurre truffé, suivi de feuilles de choux truffées mijotées sur la braise, de pâtes aux truffes noires et ris de veau, d’andouilles du Ségala, lentilles et vinaigrettes truffées, d’une tourte de pommes de terre, volaille et truffe noire et d’un savarin chocolat et truffe noire à la crème de mascarin.

Allan Duplouich, chef du restaurant « La Table de Haute-Serre » au château de Haute Serre à Cieurac, chez Christine et Bertrand Vigouroux, vignerons-restaurateurs
Le restaurant est installé au coeur du domaine viticole, sur lequel 2 ha de truffiers ont été plantés en 2010. Son chef Allan fait particulièrement honneur à la truffe noire avec un menu Toques ’N Truffes, inscrit au Bib Gourmand Michelin : oeuf de poule toqué à la truffe noire de Lalbenque, carpaccio de Saint-Jacques et médaillon de truffe noire, suprême de pintade roulé à la truffe de Lalbenque, tatin de pomme lotoise au caramel de truffe. Des ateliers d’initiation à la dégustation « Truffes et Vins de Cahors » sont également proposés dans les chais du château viticole ainsi que des ateliers de cours de cuisine autour de la truffe.

Monique Valette, restauratrice du « Lou Bourdié » ou « Lo Bourdier » [fermier ou métayer], Auberge du Bourdié à Bach « Lou Bourdié » était le surnom du grand-père de Monique, restaurateur, fermier et épicier, qui possédait un cheval de trait et des vaches et ramassait des truffes. Les brebis pacageaient les terres. Il allait au marché avec ses 25 kg de sacs de truffes à vendre. Les bonnes années de truffes permettaient d’acheter un tracteur, de construire une grange comme bon nombre de trufficulteurs à cet âge d’or de la truffe. Lui et sa grand-mère lui ont transmis leurs savoirs et leur culture, qu’elle transpose allègrement en cuisine dans son restaurant unique, sis dans sa maison natale à Bach, dans la salle-à-manger à la grande cheminée, meubles en bois et linge de table du pays. Sa cuisine exprime la simplicité, la générosité, la convivialité et la profondeur des plats d’alors. Le dîner chez Monique se compose ainsi d’un ratafia maison, d’une omelette aux truffes, d’un poulet et purée de pommes de terre « écrasées au moulin à légumes » aux truffes, d’une traditionnelle croustade aux pommes du Lot (« pastis ») et d’un « vacherin aux noix au coulis de caramel », parmi d’autres mets utilisant la truffe fraîche du Lot. Son restaurant fait partie des « Bonnes tables du Lot » et du réseau des « Sites Remarquables du Goût ». Monique vient de transmettre son auberge à sa nièce Julie, qui l’accompagne depuis quelques temps après avoir suivi une formation en restauration.

 

Le français

Patrimoine bâti

Le paysage agricole est rythmé par des constructions de pierres sèches qui permettaient la mise en culture des terres par épierrage, d’abord du vignoble, puis des truffières et autres cultures vivrières. Des « caselles », bâties en pierre sèches et couvertes de toitures de lauze, ou des « gariottes », constructions plus sommaires, servaient d’abri pour les paysans, les bergers ou de remise agricole. Des murets de pierres sèches, édifiés sans aucun liant, matérialisaient les limites de parcelles ou les chemins entre villages. De même, des puits, des pigeonniers, des fours à pain étaient construits à proximité pour un usage agricole et rural.

 

Objets, outils, matériaux supports

Les anciens fracturaient le sol à la main pour faire respirer le sol. Ils utilisaient des outils traditionnels comme le « fessou », type de pioche ou de binette pour piocher et émietter, qui servait aussi à travailler la vigne, ou plus récemment la « grelinette », bêche à dents pour trancher et relever la terre sur place. Ces outils sont remplacés aujourd’hui par le vibroculteur, outil agricole de travail superficiel du sol, à dents souples généralement mû par un tracteur. Il s'agit d'un outil léger et peu consommateur de puissance. Son rôle est de casser les mottes de terre. Pour la récolte, ils utilisent un « picon », nom originaire du Var et, dans le Lot, un « truffadou », outil long de 20 à 30 cm, composé de deux parties : le « plat » permet d'enlever un maximum de terre et la « pointe » sert à creuser, localiser et extraire la truffe. Les truffes étaient pesées dans des paniers grillagés à la « balance romaine », qui se compose d'un fléau suspendu par une anse, qui le divise en deux bras inégaux. Le bras le plus court porte un bassin ou un crochet destiné à soutenir l'objet à peser. Autrefois, les paysans apportaient les truffes au marché dans des sacs de jute puis dans des paniers d’osier. Les bocaux à truffes en verre sont utilisés pour la conserve des truffes.

La trufficulture est avant tout une pratique plus ou moins codifiée guidée par la passion et la coutume locale, bien ancrée dans le Lot, le Quercy et le Périgord. Agriculteurs, viticulteurs ou particuliers s’attachent à cultiver leurs chênes truffiers ou à rechercher la truffe. Celle-ci se transmet par les pères et le plus souvent en famille. Les plantations effectuées par des trufficulteurs se développent depuis les années 1980 et sont actuellement fortement encouragées, soutenues par les syndicats et les collectivités locales afin d’optimiser la production. Dans ce contexte, on assiste à un double phénomène de retour au pays et de regain d’intérêt des jeunes agriculteurs ou viticulteurs pour la culture de la truffe noire, de mieux en mieux maîtrisée et source de revenus significatifs.

Forts de diplômes du domaine agricole, obtenus le plus souvent localement, ou de leur apprentissage familial, ils ont la possibilité de faire des stages de formation à la station trufficole de Cahors-Le Montat (Lot), qui organise des stages et formations continues sur la truffe et sa culture :

− deux stages complets sur la truffe et sa culture (une semaine chaque hiver) ;

− des stages de trufficulture favorisant des projets d’installation ;

− un stage de formation (une semaine) pour préparer à la spécialité trufficole du Brevet professionnel responsable d'exploitation agricole (BPREA), diplôme de niveau IV financé par le compte formation, pour l’installation en agriculture et les emplois de responsable d’atelier d’élevages ou de cultures ;

− des formations avec l’entreprise de matériel agricole Froment, sur le matériel pour les trufficulteurs agriculteurs ou particuliers. Parmi les témoignages recueillis,

Nicolas est issu d’une famille d’agriculteurs : ses parents avaient planté de la vigne, abandonnant les truffiers, qu’il a replantés après une formation à la Station trufficole. Il est aujourd’hui consulté comme technicien conseil pour les équipements agricoles et a créé une entreprise de matériel agricole, spécialisée dans la culture trufficole.

William, géographe de formation, a appris la culture de la truffe auprès de ses beaux-parents, agriculteurs trufficulteurs, et dans le cadre d’un stage à l’installation à la Station trufficole, où il est aujourd’hui employé comme technicien conseil. Avec son collaborateur Laurent, ils mènent des actions en expérimentation et vulgarisation avec les chambres d’Agriculture, telles les 30 à 40 journées gratuites de vulgarisation organisées en 2019 à destination de 650 personnes en Midi Pyrénées, grâce au concours financier du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et de la Région Occitanie.

Dans leurs deux exploitations du Var et du Lot, les Chiapello, quant à eux, ont transmis leur passion et leur activité à leurs trois enfants, qui ont suivi des études dans le secteur agricole et se sont formés auprès de leurs parents depuis leur plus jeune âge. Leur fille Cynthia, après des études de langues, puis un Brevet professionnel de responsable d’entreprise agricole « Vigne et vin », s’est lancée à son tour dans l’exploitation des truffières.

• Station trufficole de Cahors-Le Montat

Elle fait partie de l’établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLE-FPA) « Lycée des Territoires » de Cahors-Le Montat. Située à 12 km de Cahors et de Lalbenque, la Station trufficole s’est constituée dès les années 1980 sur le domaine du Lycée professionnel agricole et viticole et est devenue une exploitation agricole et trufficole depuis le début des années 1980. Elle se compose d’un lycée d'enseignement professionnel, accueillant chaque année environ 220 élèves et 20 étudiants de licence professionnelle, et d’une exploitation agricole d'une centaine d'hectares, constituée d'un domaine viticole et d'une station expérimentale trufficole. Un rucher pédagogique y est également implanté. Centre d’expérimentation, de formation et d’appui technique pour les trufficulteurs de la Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, ce domaine, dédié à l’origine à la polyculture et à l’élevage, a évolué selon la volonté du Conseil départemental du Lot vers le développement trufficole, à travers un site d’expérimentation dirigé par un ingénieur territorial. Le centre s’est imposé comme un centre de recherche technique trufficole de référence et à vocation pédagogique avec diverses missions, outre la formation :

− expertise et prestation de service pour les trufficulteurs, analyse de sol avec un laboratoire, accompagnées par la Région et un système d’aides ;

− expérimentations : programme sur l’enherbement, programme « Culturtruf » financé par FranceAgriMer sur l’effet des techniques culturales sur le bilan hydrique des truffières et le cycle biologique des truffes ;

− participation au Congrès international de la truffe (IWEMM 8 : International Workshop on Edible Mycorrhizal Mushroom VIII), à Cahors en 2016 ;

− recherches sur la truffe d’été, quelquefois présente sur les anciennes truffières ;

− partenariats : avec des entreprises de matériel agricole, des producteurs de foie gras, des trufficulteurs et avec l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ;

− recherche et vulgarisation avec l’INRA Nancy, financée par le FEADER et la Région Occitanie ;

− animations locales autour de la truffe : fêtes de la truffe (fête de Lalbenque), accueil agritouristique, réalisation de repas spécifiques à la truffe réalisés par l’équipe de restauration scolaire, marché de Lalbenque le mardi, de décembre à mars ;

− production : culture et vente de plants truffiers ;

− publication d’études.

•  Syndicat des trufficulteurs de la région de Lalbenque

Au milieu du XXe siècle, la trufficulture était une activité agricole complémentaire, chaque agriculteur proposait tous ses produits, de culture ou d’élevage, sur les marchés organisés à Lalbenque. Cette dispersion ne permettait pas la mise en avant particulière de la truffe, poussant les trufficulteurs et la municipalité de Lalbenque à créer en 1961 le syndicat des trufficulteurs de la région de Lalbenque, avec pour objectifs de :

− défendre, soutenir les producteurs ;

− étudier et expérimenter des techniques permettant d’améliorer la production de truffes ;

− instaurer un marché unique sur un site précis, devenu la rue du Marché aux truffes ;

− apporter aux acheteurs la vision et le sérieux d’une offre professionnalisée.

• Fédération départementale des trufficulteurs du Quercy

Elle regroupe les syndicats et associations trufficoles du Lot. En relation avec le Conseil départemental du Lot, elle coordonne les aides financières allouées aux diverses structures trufficoles et collabore avec la station trufficole du Montat afin d’encourager à la reconquête des anciens territoires truffiers. Elle gère et contrôle en particulier le marché aux truffes de détail de Lalbenque.

• Fédération régionale des trufficulteurs d’Occitanie

Elle regroupe les syndicats départementaux d’Occitanie. Elle est un partenaire de la Station trufficole du Montat, représentant les professionnels vis-à-vis de la direction régionale de l’Agriculture et des Forêts (DRAF) et de FranceAgriMer, pour l’obtention des subventions pour la trufficulture, dont les aides à la plantation des conseils départementaux et régionaux, soit des centaines d’hectares/an.

• Association « Les Bonnes Tables du Lot »

Trente chefs du Lot participent à la promotion de la richesse culinaire du territoire, en soutenant la diversité des produits locaux, leur simplicité et leur sobriété. Ils organisent le repas annuel et thématique de la Saint-Vincent accompagné par du vin de Cahors, et se déplacent sur les manifestations, à tour de rôle, sur le marché de Lalbenque.

• Chambre d’agriculture du Lot

L’objectif de cette institution est de professionnaliser la filière : des particuliers, et pas seulement des agriculteurs, plantant des hectares de truffes. Considérée comme bois (moins taxé) ou comme verger, la truffière n’a pas un statut arrêté.

Les Grecs et les Romains appréciaient les truffes venues d'Afrique et principalement la terfez, récoltée en Lybie, la plus délicate et plus parfumée selon eux, et la truffe noire d’Espagne, tenues pour « des miracles de la nature » par l’auteur naturaliste romain Pline l’ancien.

Durant le Moyen Âge, l’Église interdit la consommation de ce champignon maléfique, récolté sous les chênes, dans les « brûlés » ou « ronds de sorcières », où, selon la légende, celles-ci se réunissaient la nuit. La consommation de truffes fut réhabilitée par le pape Jean XXII (1316-1334), né à Cahors, qui y goûta dans le Quercy, puis par le roi François 1er, qui y prit goût pendant sa captivité en Espagne. Si les truffes noires étaient connues en France et dans le Quercy, elles y étaient moins consommées qu’en Espagne.

Jusqu’au XVIIIe siècle, les paysans du Quercy et en particulier du Lot recherchaient la truffe noire Tuber melanosporum Vitt., surnommée familièrement « mélano », à proximité des bois de chênes et de noisetiers, où elle croissait naturellement, en observant attentivement la zone sans végétation, dite « brûlé », nettement délimitée sous les arbres. Ces agriculteurs et paysans locaux fournissaient les tables royales ou celles des hommes d’église, puis celles de l’aristocratie et de la bourgeoisie dès le XVIIIe siècle. Leur consommation, très appréciée à la table de Louis XIV puis de Louis XV, marque la gastronomie bien au-delà de la Révolution française. L’éminent gastronome Brillat Savarin, qui participa à la promotion de la truffe, en suscitant sa consommation dans les foyers les plus aisés et pour les dîners mondains, en témoigne : « On peut dire qu’au moment où j’écris (1825) la gloire de la truffe est à son apogée […]. Un sauté de truffes est un plat dont la maîtresse de la maison se réserve de faire les honneurs ; bref, la truffe est le diamant de la cuisine » (Brillat Savarin, 1848).

Produit de luxe, la truffe faisait aussi partie intégrante de l’alimentation des familles locales autour des plats les plus simples, tels l’omelette ou la purée de pommes de terre truffée. Dans de nombreuses régions françaises, cultivée sous différentes formes et espèces, sa récolte se développa intensément avec une attirance particulière pour la truffe noire (Tuber melanosporum Vitt.), qui prospérait naturellement dans le sud et le sud-ouest de la France. Face à une demande croissante, les agriculteurs, agronomes et chercheurs se mirent à chercher des procédés pour la cultiver et développèrent l’activité truffière – ou trufficulture – au XIXe siècle. Les trufficulteurs multipliaient les plants avec des glands de chênes truffiers, c’est-à-dire des glands inoculés. Stimulée par l’arrivée du chemin de fer à la fin du XIXe siècle, la commercialisation de ce champignon, alors à son comble, notamment à Bordeaux et Paris, en fit une production de plus en plus valorisante pour la communauté de paysans et de cueilleurs. Ceux-ci se sont habitués à bénéficier des revenus de cette culture complémentaire, considérée comme une plus-value économique, qui leur permettait de construire une grange voire une maison. Les marchés étaient prospères, en particulier ceux de Cahors, Lalbenque, Figeac et Limogne (Quercy). La consommation a gagné les classes moyennes. Mais le désastre provoqué par le phylloxéra à la fin du siècle mit un coup d’arrêt à la vie agricole, en anéantissant le vignoble et provoquant un exode rural massif. Subissant les effets de la déprise agricole, le Quercy s’appauvrit. Les trufficulteurs se mirent à planter des truffières dans les vignes détruites par le phylloxéra, mais aussi ameublies par celles-ci et propices à la culture. La truffe apporta une forme de prospérité, dans un territoire affaibli par ailleurs, à une population locale toujours plus attachée à son « diamant noir ». L’âge d’or de la truffe remonte ainsi aux années postérieures au phylloxéra, qui a favorisé l’extension des truffières sur les vignes abandonnées.

Au XXe siècle, les deux guerres mondiales, l’exode rural et la désertification des campagnes du Lot ont de nouveau mis à mal les truffières. Durant les années 1960, les trufficulteurs du Quercy et le Syndicat de trufficulteurs ont réagi à cette situation en relançant les marchés aux truffes dans les villages du Lot (Crayssac, Gourdon, Martel et Sauzet), où ils se tiennent aujourd’hui un jour par an, parmi d’autres marchés tournants, mais aussi à Cahors, Figeac, Gramat, Martel, Souillac, Capdenac, Limogne et Lalbenque, où le marché se tient chaque mardi, de décembre à début mars. Ces petits marchés de la truffe ont permis aux trufficulteurs de vivre en grande partie de leur production. La consommation de la truffe est toujours venue de la ville, notamment grâce au chemin de fer. Comme elles n’étaient pas assez chères pour les Lalbenquois, les trufficulteurs décidèrent de créer un marché dans les années 1960 grâce à la gare de marchandises de Lalbenque.

La période est aussi marquée par l’introduction de la culture de plants mycorhizés au début des années 1970, qui ne permit toutefois pas de relancer la production. Malgré ces efforts et une demande en augmentation, la production n’a cessé de décroître, d’environ 300 tonnes au début du XXe siècle dans le Lot à près de 3 tonnes de nos jours.

Le territoire mise actuellement sur le tourisme (animations et actions de valorisation) pour soutenir le marché en lien, avec les sites patrimoniaux et les villages du Lot.

La truffe prospérait naturellement dans les causses du Quercy, sa récolte résultant d’une observation attentive de l’évolution de la végétation. La culture de plants truffiers, à partir de glands inoculés, comme pratiqué jadis par les paysans, ou à partir de spores de truffes non récoltées, développées dans le sol, a évolué vers une culture plus maîtrisée. Avec l’avènement de la trufficulture, des techniques spécifiques ont été développées : mycorhization par les pépiniéristes, préparation des sols, entretien et irrigation.

Pour la préparation des sols, les trufficulteurs utilisaient les outils traditionnels de la culture de la vigne. Les anciens fracturaient le sol à la main avec le « fessou » pour faire respirer le sol, pratique qui a évolué récemment vers des méthodes mécaniques, d’abord avec le tracteur traditionnel, puis avec de nouveaux outils plus délicats, inspirés par le vibroculteur, « qui fait remonter la pierre et va en profondeur », selon Nicolas Froment, qui a conçu le « roto Froment » pour travailler la terre simplement avant la naissance et après la récolte des truffes. Consultant à la station trufficole du Montat, Nicolas Froment a créé une entreprise de matériel agricole, standard ou sur mesure, autour d’une gamme d’outils qu’il a conçus et qu’il fabrique, à l’instar du « vibroculteur déporté », qui évite de tasser la terre avec les pneus, et d’un outil pour faire de l’ensemencement et rajouter des « spores » sur les brûlés, technique qui se développe amplement.

La récolte, elle, se pratique de plus en plus couramment avec un chien et non plus le traditionnel cochon. Enfin, l’évolution la plus significative concerne l’irrigation. La famille Chiapello à Lalbenque est l’une des premières à avoir installé un système très élaboré à partir de la création d’une réserve d’eau et d’un système de canalisations contrôlé en permanence lors de l’arrosage, en aspersion et micro-aspersion. L’irrigation se met en place dans les exploitations du territoire par nécessité, pour répondre aux effets du réchauffement climatique.

Vitalité

Le regain d’intérêt pour la culture et la récole de la truffe se confirme avec l’installation croissante de jeunes trufficulteurs ou d’agriculteurs trufficulteurs, présents sur les marchés et en particulier sur le marché aux truffes de Lalbenque. Un autre phénomène est lié à l’attractivité récente du territoire, qui n’était pas, au XXe siècle, un lieu de passage et a été longtemps confiné à une vie en autarcie à cause de la déprise agricole. D’anciens Lotois reviennent au pays, de nombreux touristes viennent y séjourner, attirés par le cadre de vie et la variété des produits du terroir, dont la truffe noire du Quercy qu’ils se plaisent à « caver », voire à cultiver. La culture de la truffe n’utilise aucun intrant chimique et favorise la restauration de paysages ouverts, au détriment des friches et broussailles qui avaient envahi une partie du territoire.

Menaces et risques

Quantitativement pourtant, la production de truffes noires du Quercy a considérablement diminué depuis le début du XXe siècle, pour plusieurs raisons. Le développement des espaces boisés a empiété sur les espaces ouverts du territoire, où se développe naturellement la truffe, phénomène en recul de nos jours grâce aux plantations de truffières, de vignobles et d’autres cultures vivrières. Par ailleurs, la concurrence des truffes noires d’Espagne, issues de la culture intensive et vendues à bas prix, est préjudiciable à la commercialisation de la truffe noire du Quercy, face à une moindre demande. La truffe de Chine est une autre concurrente avec un aspect très semblable à la truffe noire Tuber melanosporum Vitt., mais au goût peu agréable ; elle était vendue à moindre prix surtout par des transformateurs peu scrupuleux, qui trompent le consommateur. Les ravages engendrés par les sangliers, nichés dans les hauteurs des bois touffus, affectent aussi les cultures et engendrent des frais pour les trufficulteurs qui doivent se protéger de leur multiplication. Enfin, la truffe se développe mal dans un contexte de sécheresse croissante, liée au changement climatique, obligeant à adapter les techniques d’arrosage et les pratiques de taille des arbres.

Modes de sauvegarde et de valorisation

La commercialisation de la truffe

La truffe noire (Tuber melanosporum Vitt.) est la plus recherchée en France, mais son commerce reste plutôt local et réservé. Le sud-est de la France, avec le Vaucluse, premier département français producteur, le Gard, la Drôme, les Alpes-de-Haute-Provence et le Var, assure 70 % de la production, contre 30 % pour le Sud-Ouest (Lot). Les trufficulteurs se rendent chaque semaine sur les marchés aux truffes dans les villages, en particulier au marché de Lalbenque pour vendre leur lot de truffes aux particuliers, négociants, conserveurs et restaurateurs. La qualité des truffes liées aux conditions météorologiques, la vitalité des autres marchés, l’importance de la production, la période de la saison définissent le cours de ce champignon, rare et cher, qui évolue tout au long de la période de production, entre mi-novembre et mi-mars. Le prix monte au moment des fêtes puis redescend et remonte en fin de saison. Son prix varie de 600 à 1000 euros le kg, à rapporter au prix de la truffe Alba (Italie), qui s’établit autour de 1000 à 1500 euros le kg.

Le marché aux truffes de Lalbenque

Le marché aux truffes de Lalbenque, réputée au XIXe siècle la capitale de la truffe et du Quercy, est resté le marché aux truffes de référence, à l’image de ce village restauré avec soin. Le développement de la production de truffes s’affirme à Lalbenque à partir des années 1960 avec la création du marché de gros du mardi après-midi, de début décembre à début mars, consacré par son inscription en 1994 au réseau des Sites remarquables du goût. Lalbenque est un foyer truffier depuis plusieurs siècles, mais surtout pour le cérémonial mis en scène chaque mardi, de décembre à début mars, depuis les années 1960. De 13h à 15h30 environ, à Lalbenque, se tiennent le marché de détail (14h), puis le marché de gros (14h30).

Pour le marché de gros, rue du Marché aux truffes, sont dressées deux rangées d’étals, orientées dos à dos, une corde tendue refermant l’ensemble sur une cinquantaine de mètres, avec à l’entrée un auvent où s’installent, de 13h à 14h, les contrôleurs des trufficulteurs vendeurs. Les vendeurs, - des femmes et des hommes, des particuliers et des agriculteurs -, dont quelques jeunes, s’inscrivent à l’entrée, munis de leur panier de truffes, qui autrefois étaient des sacs de jute ; ils prennent une carte d’identification. Les vendeurs passent derrière la corde avec leur panier, choisissent leur étal : d’un côté, il est dédié aux paniers de truffes, triées et « canifées » ; de l’autre, il l’est au tout venant. La quantité est libre. Derrière les cordes, les étals peuvent accueillir jusqu’à 150 personnes. Les paniers sont présentés sans prix ; les premiers acheteurs commencent à repérer leurs paniers, à discuter les prix avec les vendeurs et à se mettre d’accord sur la vente pour récupérer le panier dès que la corde est tombée, signal du début de la vente. Des vendeurs « canifent » leurs truffes pour montrer la qualité de la marchandise et ne pas tromper l’acheteur. Personne officiellement ne connaît le prix. Le panier est vendu en entier, c’est-à-dire au regard de toutes les truffes qu’il contient. Vendeurs et acheteurs se mettent en place jusqu’à 14h30, les présentations commençant à 14h. Professionnels, charcutiers, restaurateurs, gourmets et curieux viennent acheter les truffes et les repérer, les dégustant aussi dans les restaurants de la localité et des alentours. Des parfums de truffes Tuber melanosporum emplissent la rue. Celles-ci ont des aspects différents : petites, moyennes, grosses ; régulières ou irrégulières. Les petits calibres résultent souvent d’arbres âgés ou du manque d’eau. Elles sont posées dans un panier sur un torchon aux motifs régionaux à carreaux rouges et blancs. Tels les trois coups du théâtre avant le tomber de rideau, à 14h30 précises, la corde tombe ; les achats sont validés presque qu’immédiatement après accord sur le prix. Le vendeur soumet son panier à l’acheteur pour qu’il le fasse peser un peu plus loin par la personne chargée de cette tâche par la mairie ; tous se mettent en file indienne attendant leur tour, puis acheteurs et vendeurs se retrouvent pour le paiement des truffes. Des animations accompagnent ce marché de gros et des informations sont diffusées sur les repas gastronomiques de chefs et les activités touristiques (visites découvertes, cavage, hôtels, gîtes, chambres et tables d’hôtes, restaurants). Des journées de découverte de la truffe sont proposées : une journée de cavage coûte 14 € ; un séjour « truffe » de 2 jours et une nuit, environ 150 € par personne.

Le marché de détail se déroule parallèlement à partir de 14h. Ouvert aux particuliers, ce marché propose la vente de truffes noires choisies, garanties Tuber melanosporum, triées, débarrassées de leur terre par brossage à sec, présentées en petits lots (30 à 50 g), contrôlées par des professionnels, exclusivement sous les marques « truffes noires du Lot » et « truffes noires de Lalbenque ». Les vendeurs sont contrôlés dans un autre lieu, à proximité du marché de gros, par deux personnes, entre 13h et 14h. Le contrôleur « canife » la truffe pour voir le veinage, vérifie qu’elle n’est pas fendillée ou molle, ce qui signifierait qu’elle a gelé ou qu’elle est gâtée ; il la sent et remplit une étiquette indiquant le nom du vendeur, le prix, le poids et la catégorie. Seules les catégories « Extra » et « 1 » sont autorisées à la vente. Les morceaux de truffe sont référencés dans d’autres catégories, mais ne sont pas autorisés à la vente. Le syndicat fournit les sachets (« poches ») dans lesquels seront placées les truffes pour la vente. Le vendeur au détail passe plus de temps avec l’acheteur, lui donnant le cas échéant des explications sur la truffe et notamment sur sa conservation.

Capitale historique de la truffe noire, Lalbenque a obtenu le label national « Site remarquable du goût » en 1994. L’association « Site remarquable du goût du marché aux truffes de Lalbenque » a été créée pour préserver et développer son image avec de nombreux partenaires locaux (office de tourisme du pays de Lalbenque-Limogne, Syndicat des trufficulteurs, professionnels de l’agritourisme, institutionnels, station trufficole, Parc naturel régional des Causses du Quercy) à travers un large programme d’activités : découverte du produit et de son milieu, dégustation, séjours truffes, découvertes du patrimoine et des traditions, fêtes et animations. Elle participe à la vingtaine de salons des Sites remarquables du Goût, organisés dans les sites tout au long de l’année.

Les dispositifs de reconnaissance du territoire

La commune de Lalbenque tire son nom de la couleur blanche de ses terres (Albus). Les vallées et pelouses sèches qui constituent le paysage alentour sont devenues des sites Natura 2000 et font partie du Parc naturel régional des Causses du Quercy. De multiples chemins de randonnée sillonnent les 5200 ha du territoire communal, dont celui de Saint-Jacques-de-Compostelle. La municipalité valorise son patrimoine architectural (remarquable rénovation du centre bourg) et paysager.

Le Parc naturel régional (PNR) des Causses du Quercy comprend une centaine de communes, dont le tiers dans le département du Lot, soit 33 000 habitants, 15 000 ha et 180 000 brebis. Il a été labellisé « Géoparc » par l’Unesco en 2017, au regard de son patrimoine géologique remarquable, accompagné d’un projet de valorisation et de protection de leur patrimoine géologique. La partie sud du PNR a été classée par le ministère chargé de l’Écologie « Réserve naturelle nationale » (800 ha répartis sur 20 communes du sud du PNR) pour ses phosphatières et ses fossiles riches en biodiversité. La valorisation de la truffe est au coeur du projet de développement durable du Parc, visant à préserver les paysages ouverts qui participent à la biodiversité, à l’activité humaine et au développement économique.

 

Actions de valorisation à signaler

− La fête de la Truffe (derniers samedis et dimanche de janvier) est organisée par le Syndicat des trufficulteurs : repas gastronomique à base de truffes, marché aux truffes, vente d’artisanat de produits régionaux, cavage et initiation culinaire.

− L’omelette truffée géante (dernier mardi de juillet) est organisée par le Site remarquable du goût du marché aux truffes de Lalbenque : animations à partir de 17h, omelette géante truffée à partir de 19h30, vente de produits régionaux.

− Le PNR, les acteurs du tourisme, les hébergeurs et restaurateurs proposent des actions originales de découverte de la « mélano », qui bénéficient du label « Valeur Parc », marque collective qui reconnaît les compétences des entreprises et leur engagement dans une démarche solidaire de préservation et de valorisation des ressources locales. Réseau de chemins ruraux balisés, chemins de randonnée, circuits vélo autour du Géoparc, des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, du vignoble et des causses, deux boucles pédestres de découverte du paysage truffier ont été créés pour répondre à différentes pratiques touristiques, notamment celles des anciens Lotois :

• Gîte de Poudally, à Lalbenque : ouvert d’avril à octobre, il reçoit des visiteurs, des pèlerins du chemin de Compostelle, des gastronomes, intéressés en particulier par la truffe, proposant aussi des « séjours truffe » (2 jours/2 nuits ou 3 jours/2 nuits) à des groupes et des dégustations de beurre truffé, de brie truffé, etc.

• Chambre d’hôtes La Vayssade de Philippe Baysse, à Lalbenque : l’activité a été reprise par sa fille Hélène, qui organise des séjours et visites du samedi au mercredi : repas à base de truffe, carnet de route aux marchés locaux de Cahors, Limogne, Caussade et Lalbenque, participation aux « journées Truffe » de l’office de tourisme.

• Chambres d’hôtes de Michel et Lydia Wolters Van der Wey, à Boissières : ils proposent des « séjours truffe » : arrivée le dimanche et départ mercredi, avec le lundi visite chez un vigneron, déjeuner à l’auberge du Bourdié et le mardi, petit-déjeuner au restaurant Le Gindreau.

• Château de Haute-Serre de Christine et Bertrand Vigouroux, vignerons-restaurateurs à Cieurac : leur activité d’agritourisme et d’oenotourisme valorise « l’hospitalité du territoire, ses qualités esthétiques et l’art de vivre » dans leur exploitation labellisée « Haute Valeur environnementale », engagée dans des démarches respectueuses de l’environnement. En janvier et février, des séances de cavage sont organisées par C. Vigouroux et un labrador sur les truffières du domaine.

• Office de tourisme Cahors Vallée du Lot : l’établissement public valorise depuis 2008 la voie navigable, le chemin de Compostelle, le vignoble et la truffe. Il travaille avec l’Agence départementale et le Comité départemental du tourisme, le PNR, le projet Leader porté par le Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) Grand Quercy et le marché aux truffes labellisé « Vignobles et découvertes » (Atout France), et organise des journées truffes avec le lycée du Montat, avec huit restaurateurs pour des menus à la truffe de décembre à février.

• Comité départemental Lot Tourisme, à Lalbenque : il mène des actions de valorisation (publications, participation à des salons et autres manifestations), en étroite relation avec les offices du tourisme du pays de Lalbenque-Limogne et de Cahors-Vallée du Lot, des points forts du Lot : produits de terroir et marchés, petits villages, paysages et environnement, produit emblématique de la truffe noire. L’office présente une exposition sur la truffe et sa culture, participe aux animations du marché aux truffes et propose des visites découverte de l’univers de la truffe, du marché et des démonstrations de cavage.

Modes de reconnaissance publique

Pour lutter contre la concurrence espagnole, forte d’une culture intensive, ou chinoise, les syndicats de trufficulteurs du Quercy ont déposé les marques « Truffe noire du Quercy », « Truffe noire du Lot » et « Truffe noire de Lalbenque », en vigueur en France et déposées à l’INPI.

À la suite de nombreux programmes de recherche et d’expérimentation visant la pérennisation et le développement de la trufficulture face aux problématiques de plantation, d’ensemencement, de climat, d’irrigation et d’arrosage, la Station trufficole vient de s’engager dans un nouveau programme régional pluriannuel, appelé « OcciOptiTruf », financé par la Région Occitanie en 2020. Il veut optimiser la conduite culturale des truffières pour sécuriser, diversifier et pérenniser la production. Outre ses travaux sur la culture de la truffe, la Fédération régionale des trufficulteurs d’Occitanie se mobilise en lien avec la Fédération française pour créer une interprofession de la filière truffe et un statut professionnel du trufficulteur.

Récits liés à la pratique et à la tradition

Témoignages recueillis lors de l’enquête sur le territoire, les 27-28 janvier 2020 : Annie et son mari Paul pratiquent la mycorhization à partir de glands de chênes et le cavage avec un jeune cochon selon la tradition lotoise, comme cela se pratiquait chez les parents d’Annie, trufficulteurs. Elle a appris auprès d’eux le dressage du cochon dans sa jeunesse : elle lui fait manger des truffes pendant deux jours, puis le fait « caver », et lui donne du maïs en récompense lorsqu’il la trouve : « Il prend très vite goût à la truffe ». Elle doit lui apprendre également à marcher en laisse et à monter dans la voiture. Dans la pratique, lorsqu’il cherche une truffe et donne deux coups de nez, c’est qu’il a trouvé la truffe et va la manger. Il faut alors qu’elle l’en empêche. Elle lui donne le maïs et récupère en même temps la truffe. Autrefois, après avoir été ainsi utilisé, le cochon était transformé en cochonnailles. Les récoltes étaient beaucoup plus importantes qu’aujourd’hui, car le climat s’est réchauffé : vers 1975, Annie et son mari récoltaient environ 40 kg de truffe par an ; ils n’en produisent que 10 à 20 kg aujourd’hui. Son mari Paul a appris le dressage avec ses beaux-parents, agriculteurs à Cahors, dont il a repris l’exploitation. Il a planté 1000 chênes mycorhizés naturellement à partir de glands trouvés dans d’anciennes truffières qu’il faisait germer, détenant un savoir-faire spécifique pratiqué jusqu’au début du XXe siècle. Il propose aujourd’hui dans son exploitation, des démonstrations de cavage aux écoles et à l’office de tourisme. Lors des récoltes, il lui arrive de « canifer » la truffe pour voir la nervure et la qualité de la truffe, puis il remet un bout dans la terre pour favoriser la mycorhization.

Inventaires réalisés liés à la pratique

Le PNR des Causses du Quercy a réalisé un inventaire du petit patrimoine du Pays de Lalbenque, en partenariat avec l’association 1000 mains à la pâte, à Bach. Ses adhérents restaurent bénévolement les murets des chemins de Compostelle et autres édifices, en lien avec les paysages et l’univers de la truffe, dont la pierre sèche (murets, caselles, pigeonniers, fours à pain, lavoirs, fontaines, puits, etc.).


Bibliographie sommaire

Benoît (Pierre), Le Déjeuner de Souceyrac, Paris, Albin Michel, 1931.

Brillat Savarin (Jean Anthelme), Physiologie du goût, Paris, Daniel de Gonet éditeur, 1848.

Chatin (Adolphe), La Truffe : étude des conditions générales de la production truffière » Paris, Libr. J.-B. Baillère et fils, 1869 [http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb302288697] Dupont de Bosredon (Alexandre), Manuel du trufficulteur : exposé complet de la méthode pratique pour l'entretien et la création des truffières, suivi de la description des principales variétés de truffes, et de l'histoire gastronomique et commerciale de ce tubercule, Périgueux, impr.

E. Laporte, 1887 [http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30134611f]

Gay (L.), Gromas (R.), Statistique agricole de la France. Annexe à l'enquête de 1929 : monographie agricole du département du Lot, Cahors, Ministère de l'Agriculture, direction de l'Agriculture, 1937 [http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb341871341]

Sourzat (Pierre), La Truffière, sa culture rationnelle, Gignère, 1920.

Sourzat (Pierre), La Truffe, Genève, Aubanel, 2005.

Filmographie sommaire

La Truffe, prod. Ministère de l’Agriculture, 1919, 4 min 20, en ligne dans les Archives de l’INA : https://www.ina.fr/video/VDD10045500/la-truffe-video.html

La Truffe noire du pays de Lalbenque, prod. Office du tourisme de Lalbenque, 2012, 5 min 11, en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=nqqEX1ab0S4

Marchés aux truffes de Lalbenque et de Limogne-en-Quercy ; démonstration de cavage chez Jean-Pierre Poulet, réal. et prod. inconnus, 2014, 8 min 46, en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=uEyWFysZl54

La Truffe de Lalbenque, réal. Pierre-Jérôme Atger, prod. Site du Goût Lot, 2014, 10 min, en ligne :https://www.site-truffe-lalbenque.com/la-truffe

 

Sitographie sommaire

http://www.truffle-and-truffe.com/

http://www.planetoscope.com/agriculture-alimentation/1426-production-de-truffes-en-france.html

ALLIET Julie, restauratrice à L'Auberge du Bourdié, Le Bourg, 46230 Bach

AMBIALET Alain, président du Syndicat des trufficulteurs de la Région de Lalbenque, Le Jas Viel, 46230 Fontanes

BARDET Pascal, chef du restaurant Le Gindreau, Le Bourg, 46150 Saint-Médard

BAYSSE Pierre, secrétaire de l'association des Sites remarquables du goût « Le marché aux truffes de Lalbenque », hébergeur aux chambres d'hôtes La Vayssade à Lalbenque, chemin de la Vayssade, 46230 Lalbenque

BELAIR Charles, ancien directeur de l’office du tourisme du pays de Lalbenque-Limogne, responsable du pôle Développement et ingénierie de l’office de tourisme Cahors-Vallée du Lot, 38 place de la Bascule, 46230 Lalbenque

BLANCO David, président de l'association Les Bonnes Tables du Lot, chef restaurateur au restaurant Cuisine, côté Sud, 24 place Champollion, 46000 Cahors

CANAL Christophe, président de la chambre d’agriculture du Lot, 430 avenue Jean-Jaurès, CS60199, 46004 Cahors cedex 9

CHARDARD Thomas, président de la chambre de commerce et d'industrie du Lot, 107 quai Eugène-Cavaignac, 46000 Cahors

CHIAPELLO Cynthia et son frère Dominique, trufficulteurs à Lalbenque, repreneurs de l'exploitation familiale, Nouelle, 46230 Escamps

CHIAPELLO Françoise et Roger, trufficulteurs à Lalbenque, Nouelle, 46230 Escamps

CULERIER Dominique, directrice du lycée des Territoires de Cahors-Le Montat, 422, Lacoste, 46090 Le Montat

DELERIS Elsa et Manu, hébergeurs au gîte d’étape Le Poudally, chemin de Poudally, Mas de Vers, 46230 Lalbenque

DUPLOUICH Allan, chef du restaurant La Table de Haute-Serre, château de Haute-Serre, 46230 Cieurac

FROMENT Nicolas, chef d'entreprise en matériel agricole, consultant à la Station trufficole de

Cahors-Le Montat, route de Puy-l'Évêque, 46700 Floressas GENOLA Laurent, technicien à la Station trufficole de Cahors-Le Montat, 422, Lacoste, 46090 Le Montat

LACAM Yves et MESSAL Guy, co-présidents de l’association 1000 Mains à la pâte, mairie, 46230 Bach

LAUNAY Jean, président du Syndicat des trufficulteurs de la région de Lalbenque, secrétaire national de la Fédération française des Trufficulteurs, 120 rue du Marché aux truffes, 46230 Lalbenque

PAYROT Clémence, directrice de l’office de tourisme Cahors-Vallée du Lot, villa Cahors-Malbec, place François-Mitterrand, 46000 Cahors

PINSARD Annie et Paul, trufficulteurs, 191 lotissement Rescousseris, 46230 Lalbenque

POUGET Jacques, maire de Lalbenque, 120 rue du Marché aux truffes, 46230 Lalbenque

ROCCA Christian, coordinateur de la Fédération nationale des Sites remarquables du goût, Maison des associations, 63160 Le Bourg Glaine-Montaigut

SAENZ William, géographe, technicien à la Station trufficole de Cahors-Le Montat, 422, Lacoste, 46090 Le Montat

SOURZAT Pierre, expert en trufficulture, Bel Air, 46240 Ussel

VALETTE Monique, restauratrice à L'Auberge du Bourdié, Le Bourg, 46230 Bach

VALLETTE Patrick, maire de Bach, Le Bourg, 46230 Bach

VIGOUROUX Bertrand, viticulteur, dirigeant Oenotourisme Vigouroux, Château de Haute-Serre, 46230 Cieurac

VIGOUROUX Christine, présidente de l'association du Site remarquable du goût « Le marché aux truffes de Lalbenque », dirigeant Oenotourisme Vigouroux, Château de Haute-Serre, 46230 Cieurac

WOLTERS VAN DER WEY (Michel et Lydia), hébergeurs (chambres et table d'hôtes) à Bertouille, 46150 Boissières

Rédacteur(s) de la fiche

Catherine Virassamy, architecte spécialisée en patrimoine culturel matériel et immatériel, Association greenandcraft, le comptoir des savoir-faire, pour la Fédération des Sites remarquables du goût, catherinevirassami@gmail.com

Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré

Catherine Virassamy, architecte spécialisée en patrimoine culturel matériel et immatériel - Association greenandcraft, le comptoir des savoir-faire - pour la Fédération des Sites remarquables du goût

Lieux(x) et date/période de l’enquête Enquête les 27 et 28 janvier 2020 à Bach, Cahors, Cieurac, Lalbenque, Le Montat et Saint-Médard ;
Rédaction de la fiche de février à avril 2020.

Données d’enregistrement

Date de remise de la fiche : 24 juillet 2020

Année d’inclusion à l’inventaire : 2020

N° d'inventaire Ministère Culture 2020_67717_INV_PCI_FRANCE_00478

Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvksnl

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lalbenque

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