Les savoir-faire des lissiers d’Aubusson-Felletin

L’histoire de la tapisserie d’Aubusson-Felletin semble correspondre au développement de plusieurs activités artisanales dans le Massif Central

L’histoire de la tapisserie d’Aubusson-Felletin semble correspondre au développement de plusieurs activités artisanales dans le Massif Central (papeterie, soierie et, un peu plus tard, dentelle). Si les origines flamandes sont incertaines, les tapisseries marchoises pourraient découler de la reconversion de l'industrie drapière locale en un artisanat d'art. De nos jours, le tissage de tapisserie est pratiqué par les lissiers et lissières au sein d’ateliers et de manufactures, dont les modèles économiques et les types de production varient.

L’histoire de la tapisserie d’Aubusson-Felletin semble correspondre au développement de plusieurs activités artisanales dans le Massif Central (papeterie, soierie et, un peu plus tard, dentelle). Si les origines flamandes sont incertaines, les tapisseries marchoises pourraient découler de la reconversion de l'industrie drapière locale en un artisanat d'art.

De nos jours, le tissage de tapisserie est pratiqué par les lissiers et lissières au sein d’ateliers et de manufactures, dont les modèles économiques et les types de production varient. Le lissier est l'artisan tapissier qui exécute le tissage sur un métier à tisser. La tâche du lissier est de « mettre en laine » l’œuvre de l’artiste. Cet artisan d'art allie compétences techniques (les gestes artisanaux du tissage) et artistiques, mises en œuvre lors de l’interprétation par la recherche des combinaisons de fibres et de couleurs. Au-delà du choix des couleurs et des matériaux, l'artisan lissier peut intervenir dans les variations de tissage, transposant et interprétant l’intention de l’artiste.

Contrairement au tissage mécanique, le tissage manuel sur métier de basse lisse autorise un nombre de couleurs infini et permet au lissier d’ajuster son geste en permanence. La technique de la tapisserie d’Aubusson peut ainsi produire une grande diversité d’effets et de textures dans une même production.

À Aubusson et Felletin, une communauté professionnelle maintient complète, depuis plus de cinq siècles, la filière de production. Tous les savoir-faire nécessaires à la production de tapisseries d’Aubusson sont présents sur ce territoire, qui accueille deux des quatre filatures actives en France, des teinturiers, trois manufactures, huit ateliers, des cartonniers, des restaurateurs, etc. La particularité tient au fait que, sur un petit territoire, ce savoir-faire s’enrichit du fait que tous ces professionnels forment un écosystème, s’échangeant et accumulant ainsi une expérience collective. La production de tapisserie évolue au sein de cet écosystème complexe, mêlant composantes privées et publiques, qui rassemble des entreprises de tailles différentes, avec des modèles économiques et de productions divers (ateliers, manufactures, etc.), mais aussi des institutions et organismes publics (musée, pépinière d’entreprises, etc.).

Les manufactures offrent un cadre industriel, avec des moyens techniques plus importants en termes de matériel et de personnel. Elles ont une organisation du travail spécifique, bien que le savoir-faire traditionnel reste au cœur de leur entreprise avec une prédominance pour les gestes manuels dans le processus de fabrication et une main d’œuvre d’artisans qualifiés et spécialisés. Ces entreprises sont implantées dans les territoires historiquement marqués par l’essor de l’industrie de la tapisserie :

– Manufacture Four : elle propose le tissage de copies d'ancien, de tapisseries contemporaines, de tapis ras, tapis tufté, tapis de savonnerie, des sièges tissés à la main, du nettoyage et de la restauration de tapisserie.

– Manufacture Pinton, Ateliers Pinton : fondée en 1867 et installée à Felletin, elle réalise des tapisseries contemporaines, des petits sujets, des tapis tuftés, tapis ras, tapis de savonnerie et tapis au point noué.

Des ateliers de moyenne et petite taille sont répartis sur tout le territoire avec une capacité de production plus restreinte. Ils se consacrent plutôt à la confection de tapisseries contemporaines en collaboration avec des artistes :

– Manufacture royale Saint-Jean : anciennement manufacture Hamot, fondée en 1883 à Aubusson, elle devient manufacture Saint-Jean en 1984 et fonctionne aujourd’hui sous la forme d’un atelier avec un effectif modeste. Elle réalise des tapisseries contemporaines, anciennes, des copies d'ancien, des petits sujets, des tapis ras et de savonneries, de la restauration et du nettoyage de tapisseries et tapis, et possède son propre lieu d’exposition.

– Just'Lissières : créé en 2018, l’atelier rassemble des lissières réalisant du tissage de basse-lisse.

– Atelier Françoise Vernaudon : depuis trente ans, Françoise Vernaudon propose de tisser dans son atelier des tapisseries contemporaines et de faire des copies d'ancien et vend des créations (tapisserie d'Aubusson et peinture à l'huile).

– Atelier Patrick Guillot : il travaille à la réalisation de tapisseries contemporaines, de copies d'ancien, de petits sujets, de tapis ras et de création.

– Atelier de la Lune : il tisse sur mesure et sur demande, en fonction du projet souhaité ou sur choix dans un catalogue d’œuvres d'artistes contemporains à disposition, et réalise aussi des copies d'ancien, des tapisseries contemporaines, tapis ras et kilims tous formats.

– Atelier Cc Brindelaine : il propose des créations textiles et des tapisseries d'Aubusson avec des tapisseries contemporaines, petits sujets de tapisserie et tapis ras.

– Atelier Catherine Bernet : il réalise de la création contemporaine, copies d'ancien, tapis ras, petit sujet de tapisserie, restauration simple (couture des relais).

– Atelier A2 : créé en 2010, il réalise des tapisseries de basse-lisse avec des créations contemporaines et des copies d'ancien et est centre de formation agréé (stages de découverte, d'initiation et de perfectionnement à la technique de la tapisserie de basse-lisse).

– Atelier Anne Boissau : réalisation de tapisserie d’Aubusson contemporaine, de petite tapisserie et de création textile.

– Willyarn : atelier de création de tapisserie dirigé par Julie Ruelle. Des stages de tissage sont aussi proposés au sein de l’atelier.

Plusieurs lissiers, indépendants, ont le statut d’autoentrepreneur. Ils peuvent alors travailler en sous-traitance pour des ateliers ou des manufactures, tout en répondant à des commandes personnelles.

Les lissiers et lissières peuvent exercer ou partager leur savoir-faire dans d’autres structures :

– Cité internationale de la Tapisserie à Aubusson : établissement public dédié à l’accueil du public et à la création contemporaine de tapisserie de basse-lisse, elle propose aussi, en lien avec le GRETA, un brevet des Métiers d’art (BMA) « Arts et techniques du tapis et de la tapisserie de lisse », au cours duquel des lissiers interviennent pour transmettre leurs savoirs.

– LAINAMAC : ce réseau de professionnels de la laine et des fibres textiles naturelles est aussi un centre de formation, qui propose des stages, notamment aux amateurs, selon différentes spécialisations : connaissance de la laine, teinture naturelle et impression, filage, ennoblissement, ameublement, feutre, plantes tinctoriales, tissage, tapisserie, création d'activité textile.

– Amicale des lissiers et assimilés d'Aubusson et Felletin : association créée en 2010, dont l’objectif est de promouvoir, développer et valoriser les métiers de la tapisserie à l’échelle locale.

– Cercle de la tapisserie d'Aubusson, association indépendante de type loi 1901, le cercle promeut la tapisserie d’Aubusson, sur le plan international, par la création de tapisserie contemporaine.

L’écosystème de la tapisserie intègre aussi une multitude de savoir-faire : filatures et teinturerie de laine ; techniques liées au processus de fabrication, avec plusieurs cartonniers et cartonnières indépendants ; travail de restauration, présent à Aubusson et dans la Creuse à travers plusieurs restaurateurs et restauratrices.

L’expansion du secteur textile s’est enfin accompagnée d’une diversification des savoir-faire. Des savoirs manuels se sont développés, telles que la tapisserie à l’aiguille et la broderie Sarrasine. Des savoirs mécaniques, nés au XIXe siècle, perdurent aujourd’hui, comme le métier à moquette et le tapis mécanique. Tous sont portés par leurs communautés propres.

 

Lieu(x) de la pratique en France

 

En France, le principal pôle de savoir-faire liés à la tapisserie de basse-lisse est perpétué principalement au sein du territoire de la Creuse, en région Nouvelle-Aquitaine, autour des communes d’Aubusson et de Felletin.

 

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

 

En France :

– Manufacture des Gobelins, à Paris

– Atelier 3, à Paris

– Manufacture de Beauvais, dans l’Oise

De nombreux ateliers artisanaux sont disséminés en France, comme l’Atelier de la Lisse de Marie- Élise Ramuzat-Tournebize, à Chissey-lès-Mâcon (Saône-et-Loire)

 

À l’étranger :

– Ateliers de la ville de Téotitlan, à Oaxaca et Tlacolula (Mexique) – Ateliers des tribus Navarro (États-Unis)

– Manufactures sénégalaises des Arts décoratifs, à Thiès (Sénégal) – Wissa Wassef Art Center, au Caire (Égypte)

– Tchiprovtsi (Bulgarie)

– Australian Tapestry workshop, à Melbourne (Australie) Des ateliers sont également présents en Inde et en Chine.

 

Le tissage d’une tapisserie d’Aubusson, caractérisée par son tissage dit de basse-lisse, repose sur deux axes essentiels: l’existence d’une communauté professionnelle (cf. section I.3