La fête religieuse de l’Épiphanie et des Rois à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques, province du Labourd) regroupe une procession, en ville et dans l’église, et une adoration du Saint-Sacrement issue du rituel de la fête-Dieu, à l’intérieur de l’église, durant les vêpres du dimanche de l’Épiphanie. Deux groupes principaux composent cette fête : celui des Rois Mages, avec leur page et l’ange porteur d’étoile ; celui des autres participants, dont les rôles sont, autour du clergé comme à la fête-Dieu, directement liés à l’adoration du Saint-Sacrement. À Saint-Jean-de-Luz, les Rois Mages sont aujourd’hui trois jeunes garçons choisis pour interpréter les rôles de Balthazar, Melchior et Gaspard. Mais une trentaine d'enfants participent au total à cette cérémonie particulière d’une fête-Dieu célébrée en hiver.

La fête religieuse de l’Épiphanie et des Rois à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques, province du Labourd) regroupe une procession, en ville et dans l’église, et une adoration du Saint-Sacrement issue du rituel de la fête-Dieu, à l’intérieur de l’église, durant les vêpres du dimanche de l’Épiphanie. Deux groupes principaux composent cette fête : celui des Rois Mages, avec leur page et l’ange porteur d’étoile ; celui des autres participants, dont les rôles sont, autour du clergé comme à la fête-Dieu, directement liés à l’adoration du Saint-Sacrement.

À Saint-Jean-de-Luz, les Rois Mages sont aujourd’hui trois jeunes garçons choisis pour interpréter les rôles de Balthazar, Melchior et Gaspard. Mais une trentaine d'enfants participent au total à cette cérémonie particulière d’une fête-Dieu célébrée en hiver. L'origine de cette tradition remonterait au milieu du XVIe siècle, époque à laquelle les marins de Saint-Jean-de-Luz demandèrent l'autorisation de célébrer la fête-Dieu après Noël plutôt qu'au mois de juin, pleine saison de pêche loin du Pays basque.

Depuis le milieu du XIXe siècle, la tradition a progressivement et particulièrement évolué. Les rois ne viennent plus à cheval, le cortège a perdu quelques personnages, les enfants ont remplacé les hommes, la mixité est réelle, même si les filles y occupent encore des rôles mineurs. Lors de la procession extérieure, le faste d’antan a disparu : les maisons sur le passage ne sont plus décorées, la jonchée d’herbes et le drap blanc au sol n’existent plus, les symboles religieux (reliques, bannières, Saint-Sacrement sous le dais) non plus. Les costumes ont toutefois conservé une certaine allure, même si l’ensemble est moins somptueux que par le passé. Cette tradition religieuse est aujourd’hui maintenue par les enfants et quelques adolescents et la population luzienne est encore très présente sur le parcours et lors de la cérémonie.

Les figurants sont des enfants et adolescents issus de la communauté catholique de Saint-Jean-de-Luz, spécialement des cours de catéchisme de la paroisse Saint-Pierre de l’Océan. Des bénévoles, proches de la paroisse, encadrent, habillent les enfants, gèrent le matériel (costumes, objets sacrés) et transmettent les codes de la fête. Généralement, les parents sont invités à prendre place dans l’église, ils ne sont pas directement impliqués dans l’habillage et le maquillage. À Saint-Jean-de-Luz, il est encore de tradition de se regrouper en famille pour cette occasion.

Chaque année, une délégation de la municipalité, parfois le maire en tête, assiste à la cérémonie, placée dans la loge officielle qui lui est allouée dans la nef de l’église.

Le clergé local manifeste son intérêt pour la tradition. Jadis, il n’était pas rare que l’évêque préside la procession et les vêpres. En 2019, le vicaire général de l’évêché de Bayonne était présent, ainsi qu’une dizaine de prêtres des paroisses environnantes.

Lieu(x) de la pratique en France

 

La fête de l’Épiphanie a lieu dans la ville de Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques, Nouvelle-Aquitaine), en province du Labourd, qui compte aujourd’hui plus de 14 ooo habitants. Ce nombre augmente largement en période estivale.

Située en bordure de l’océan Atlantique, la ville a une histoire en grande partie construite autour de l’activité de la pêche. À partir de la fin du XVe siècle, les pêcheurs luziens explorèrent les premiers les bancs de Terre-Neuve. La pêche à la morue, jointe à la chasse à la baleine, accrurent considérablement la prospérité de la commune. Aujourd’hui encore, l’activité de la pêche occupe une place importante dans l’économie locale, aux côtés du commerce et du tourisme.

La ville et spécialement l’église Saint-Jean-Baptiste furent le théâtre du mariage du Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse d’Autriche (9 juin 1660). Des ornements offerts à cette occasion sont sortis chaque année pour la cérémonie de l’Épiphanie.

 

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger

 

La fête de l’Épiphanie a deux composantes (le cortège des Rois et la fête-Dieu), dont on retrouve des traces dans d’autres lieux, en France ou à l’étranger. L’Épiphanie de Saint-Jean-de-Luz a ceci de particulier qu’elle regroupe à la fois les deux aspects. En ce qui concerne les Rois, Arnold Van Gennep dans son Manuel du folklore français
(cf. bibliographie), signale que des tournées de quête avec enfants de chœur déguisés en Rois Mages ont jadis existé dans diverses régions de France : en Alsace jusqu’à la fin du XIXe siècle, où on promenait lors de certaines tournées un long bâton où était fixée une immense étoile, et dans le Territoire de Belfort jusqu’avant la guerre de 1914-1918. Il cite également cette pratique en Suisse, dans le Jura bernois et le canton de Bâle.

Selon l’ethnologue Jean-Dominique Lajoux, une tradition flamande de la tournée des Rois Mages, nommée Drie Keuningen, est attestée depuis très longtemps. À l'origine, des personnes, généralement de pauvre condition, rendaient visite entre Noël et l'Épiphanie dans les demeures et estaminets des Flandres, habillés en Rois Mages et portant une représentation de l'étoile du berger. La quête alors effectuée leur permettait d'adoucir la dure période hivernale. Ces personnes accompagnaient la procession de cantiques et de morceaux de musique. De nos jours, cette tradition perdure autour des communes de Boeschèpe, Saint-Jans-Capelle, Meteren et Berthenpar, grâce à des associations culturelles et des particuliers bénévoles. Le principe de la quête est maintenu, mais les dons sont reversés à des œuvres caritatives, comme le Secours populaire.

La tradition des Rois Mages à cheval existe au Pays pasque sud, dans la vallée de la Bidassoa (Bera, Lesaka). Le Roi à cheval apparaît également dans une vieille tradition du nord de la France, ainsi décrite par le chansonnier lillois Derousseaux : « Chaque année, dans le nord de la France et dans une partie de la Belgique, quelques jours avant l’Épiphanie, on vend en boutique et sur la voie publique un placard d’une demi-feuille qu’il suffit de découper pour avoir “seize billets à tirer les rois”. Chacun de ces billets comprend une figurine représentant un personnage et un couplet que le convive à qui il échoit est tenu de chanter sur l’air du Mirliton ». Le Roi à cheval est l’un de ces personnages, d’ailleurs tous montés sur des chevaux.

Quant à la fête-Dieu de l’Épiphanie, on en retrouve des éléments ailleurs en Pays basque [cf. fiche d’inventaire du PCI : « La fête-Dieu au Pays basque/Besta Berri, réf. : 2018_67717_INV_PCI_FRANCE_00397], mais aussi dans d’autres régions françaises, en Europe et dans d’autres continents, surtout en Amérique latine.

Cette description est issue de l’observation des répétitions et de la fête de l’Épiphanie 2019 à Saint-Jean-de-Luz ainsi que des entretiens menés à ces occasions.

 

Les répétitions

 

Tout commence durant les vacances de Noël où, entre le 2 et le 5 janvier, enfants et adolescents se retrouvent du mercredi au samedi, pendant deux heures, pour répéter tous les gestes de l’adoration et de la procession. Tous issus des cours de catéchisme, trois grands (14-15 ans) sont choisis pour jouer le rôle des Rois, les autres (6 à 16 ans) occupent les rôles restants. Ils constituent au total un groupe d’une trentaine de garçons et de filles (18 garçons et 14 filles).

Depuis plusieurs années, l’organisation des répétitions est sous la direction de Jean-Marc Quijano, assisté par quelques dames, bénévoles comme lui. Les participants les plus anciens sont également sollicités pour encadrer les plus jeunes, souvent très dissipés. La première répétition consiste à distribuer les rôles et à enseigner aux nouveaux les gestes rituels de chaque personnage. Tout est ensuite méticuleusement appris dans le moindre détail.

Le « maître de cérémonie » facilite cet apprentissage et la mémorisation de la cérémonie. Ce rôle est généralement confié à l’un des plus âgés, souvent le plus mûr des enfants de chœur. Durant la cérémonie, il aura pour tâche de veiller à la bonne tenue de la fête en scandant les enchaînements du cérémonial grâce à un claquoir.

La sacristie sert de lieu de répétition pour apprendre aux thuriféraires le maniement des encensoirs.

En 2019, la répartition des rôles était la suivante :

- pour les garçons : un Ange, trois Rois et leurs pages (6), 4 porteurs de cadeaux (autrefois appelés porteurs de reliques), 3 photophores, un porteur de croix (avec deux assistants, dont une fille), un porte-ombrelle et un maître de cérémonie.

- pour les filles : 4 thuriféraires et 10 fleuristes (jetant des pétales de roses au moment de la procession). Les répétitions permettent aussi aux couturières bénévoles d’ajuster les costumes, afin d’éviter que les enfants ne s’y prennent les pieds. Certains portent leurs costumes pour la dernière répétition du samedi.

 

L’habillage et le maquillage

 

La fête, qui se déroule le premier dimanche après-midi de janvier, commence par l’habillage. Les figurants du cortège des Rois se réunissent à la chapelle Saint-Michel Garicoïts, à côté du presbytère, derrière l’église. Les figurants du cortège du Saint-Sacrement (thuriféraires, fleuristes) ont rendez-vous à la sacristie de l’église.

Dans chaque lieu, des dames bénévoles les attendent pour l’habillage et, si nécessaire, le maquillage. 

Il est préalablement précisé aux parents d’habiller chaudement le haut du corps des enfants (trois couches recommandées avec interdiction de col roulé) afin qu’ils ne prennent pas froid pendant la procession. Les participants doivent préalablement être vêtus d’un bermuda pour les garçons, une jupe ou un bermuda pour les filles (pantalons non admis) ; de chaussures basses, propres et noires, ceci est impératif pour les trois Rois, et de chaussettes blanches, si possibles montantes. Des heures de rendez-vous sont fixées pour l’habillage et le maquillage (en 2019 : Rois noir et jaune à 13h45, Pages noir et jaune à 14h, Roi et page blancs à 14h15, Ange à 14h30, photophores et porte-cadeaux à 14h30, thuriféraires et fleuristes à 14h45). Cette organisation très programmée permet à tous de se retrouver à la chapelle Saint-Michel Garicoïts, à 15h, prêts à partir en procession.

En 2019, les trois costumes des Rois sont les suivants :

 

La procession

 

La procession, qui, depuis quelques années, ne tournait plus qu’autour de l’église, déambule à nouveau dans la ville. Comme le Saint-Sacrement ne sort plus de l’église comme jadis, l’aspect processionnaire religieux n’est plus vraiment présent, ce qui met en valeur surtout le cortège des Rois. Les participants sont accompagnés aujourd’hui par des txistulari (joueurs de txistu).

La procession dure environ 45 minutes, de façon à entrer à 16 h dans l’église, pour les vêpres. Elle suit l’ordre suivant :

• en tête, 8 musiciens ouvrent la marche.

Ils sont suivis du cortège du Saint-Sacrement (celui-ci ne sort plus de l’église), qui comprend : • le porteur de la croix processionnaire, entouré d’un garçon et d’une fille, • les thuriféraires et fleuristes qui, dans l’église, constitueront le cortège du Saint-Sacrement,

• le maître de cérémonie, qui ferme ce premier cortège.

Puis vient le cortège des Rois mages avec :

• l’Ange porteur de l’étoile,

• les Rois et leurs pages,

• les porteurs de photophores et de cadeaux (mains vides et jointes pendant la procession).

Le parcours de la procession, plus ou moins jalonné des membres de la famille des enfants et de curieux qui cherchent à faire des photographies, se termine un peu avant le porche de l’église. Les prêtres rejoignent le cortège en sortant par la porte arrière de la sacristie et s’insèrent derrière le porteur de croix. Toute la procession pénètre alors dans l’église, sans les musiciens, par le portail sud, donnant sur la rue principale. Il est 16 heures, la cérémonie des vêpres commence.

 

Les vêpres

 

L’assistance est nombreuse, à l’intérieur de l’église, à attendre la procession. Sont déjà en place, dans leur loge particulière, les représentants de la municipalité et, au pied et à droite de l’autel, la schola, chorale paroissiale d’une quarantaine d’hommes et de femmes.

Le premier acte des prêtres en entrant dans l’église est de remonter la nef principale pour aller s’incliner devant la crèche située à gauche du chœur, dans le transept nord.

Pendant ce temps, les participants au cortège du Saint-Sacrement s’installent au premier rang, de part et d’autre de la nef. Le cortège des Rois attend au fond de l’église, ce qui permet aux porteurs de cadeaux de récupérer la châsse garnie d’offrandes. Le cortège remonte la nef pour aller prendre place dans le chœur, s’incliner devant le maître autel et s’assoir de part et d’autre.

Dans le chœur, Rois Mages, pages et Ange viennent se placer à droite de l’autel par rapport aux fidèles, le reste du cortège à gauche. Ce déplacement, comme tous ceux de la cérémonie, est accompagné de chants et de musiques jouées au grand orgue. La langue basque est prépondérante dans les chants, les cantiques et le psaume.

À la fin des vêpres, après le Magnificat, l’Adoration commence. L’ange se place debout devant le maître autel, sur lequel vient d’être placé le Saint-Sacrement.

Sur l’air de Kristo Errege, uniquement réservé à cette fête, chanté par la chorale et dont le refrain est repris par la foule, chaque Roi vient se placer pour l’adoration. À l’annonce de son nom par le cantique et suivi de son page, il s’avance devant l’autel et s’agenouille, en signe de vénération et de respect. Derrière les Rois se place l’ensemble du cortège, selon la disposition suivante :

Les Rois Mages et le cortège s’inclinent ensuite, tout en restant à genoux. L’adoration est générale, cortège et fidèles chantent le cantique. Puis, toujours en ordre, mais en sens inverse, chaque personnage regagne sa place.

La procession du Saint-Sacrement, conforme à celle de la fête-Dieu, commence alors à traverser l’église, dans l’ordre suivant et en intégrant tous les participants :

• porteur de la croix processionnelle, suivi par le prêtre portant le Saint-Sacrement,

• groupe du Saint-Sacrement, suivi de l’Ange avec étoile, ouvrant le cortège des Rois,

• Rois mages avec leurs pages,

• porte-cadeaux,

• fleuristes et thuriféraires, sur un rang, à l’intérieur des deux colonnes de fleuristes,

• le vicaire général portant le Saint-Sacrement, sous une grande ombrelle blanche de procession, ornée de broderies et galons d’or. L’ombrelle est tenue par un adolescent en costume noir, chemise blanche, cravate sombre qui porte également des gants blancs.

 

Le cortège traverse l’allée centrale jusqu’au fond de l’église puis revient au point de départ. Tout le long du parcours, les fleuristes se retournent avec les porteuses d’encens (thuriféraires), elles jettent des pétales de fleurs et remuent les encensoirs en faisant face au Saint-Sacrement, comme cela se faisait également jadis dehors.

Le Saint Sacrement est accueilli au pied de l’escalier par les fleuristes et les thuriféraires, installés en trois colonnes sur l’escalier, face au public. Les fleuristes jettent des fleurs et les thuriféraires remuent les encensoirs en direction du Saint-Sacrement.

Puis ils se retournent, montent l’escalier pour se placer derrière le maître autel. Le prêtre monte l’escalier et dépose le Saint-Sacrement sur le maître-autel. Tout le cortège des Rois se réinstalle alors dans l’escalier, face au prêtre, pour une nouvelle adoration.

 

L’Adoration terminée, les prêtres enlèvent le Saint-Sacrement et les deux cortèges sortent de la manière suivante : le Roi blanc du centre s’écarte sur sa droite pour laisser place au porteur de croix, suivi des fleuristes, des thuriféraires et du maître de cérémonie, puis de tout le cortège des Rois Mages, dans le même ordre que pour entrer à l’église, à la seule différence que les porteurs de cadeaux ne les reprennent pas, les ayant laissés en bas de l’escalier.

Tous les figurants remontent l’allée centrale pour sortir par le portail principal, clôturant ainsi la cérémonie. Ils entrent ensuite de nouveau dans l’église, où commence, dans l’escalier central menant à l’autel, la séance de photographies officielle, puis celle des familles.

Le samedi suivant (le 12 janvier, en 2019), les participants sont traditionnellement invités à se retrouver à 15 h à l’église pour un programme inchangé depuis des dizaines d’années : la visite du clocher, puis le goûter organisé par des bénévoles.

 

Le français et la langue basque, pour les chants de la fête, dont le Kristo Errege donné pendant l’Adoration.

Patrimoine bâti

 

Église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz, Pays basque nord, province du Labourd : notice de la base Mérimée (ministère de la Culture) no PA00084494 :

http://www2.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PA00084494

 

 

Objets, outils, matériaux supports

 

Outre les costumes précédemment décrits, à propos de l’habillage des membres du cortège, la fête des Rois a conservé, malgré ses évolutions dans le temps, plusieurs objets ou supports du patrimoine culturel immatériel, sans lesquels elle n’aurait plus de sens :

• les objets de la fête-Dieu : l’ostensoir, qui fait partie des trésors de l’église, l’ombrelle brodée, la croix processionnelle, les paniers et pétales de roses des fleuristes et les encensoirs des thuriféraires.

• les objets de la procession des Rois, dont les offrandes des Rois : calices et coffre (Roi blanc), coffre et deux calices des porteurs de cadeaux, hampe à étoile de l’Ange, claquoir du maître de cérémonie.

• les deux tableaux de L’Adoration des Mages, dans les églises de Saint-Jean-de-Luz [ill. 84-86], derrière l’autel du transept sud, et de Ciboure [ill. 87-89].

• le chant traditionnel de l’adoration, Kristo Errege, dont la version de Saint-Jean-de-Luz [ill. 83] a été revue par le père bénédictin Xabier Diharce, dit « Iratzeder ».

L’apprentissage se fait au cours des répétitions, où rien n’est laissé au hasard. Les plus anciens, ayant entre six et neuf ans de pratique, entourent les nouveaux et les surveillent. L’un d’entre eux se voit confier le rôle de maître de cérémonie. Avec un claquoir, il est chargé de scander tout le déroulement pour que tout soit ordonné en temps et en place. La mise en scène 2019 s’est faite sous la houlette du responsable Jean-Marc Quijano. Celui-ci prépare chaque répétition, afin de ne rien oublier.

Plusieurs femmes veillent à l’entretien et à l’ajustement des costumes et du matériel de la cérémonie, se transmettant aussi les codes du maquillage. Les répétitions nécessitent un grand effort de mémorisation des participants, ce qui n’est pas toujours évident avec les plus petits. Au fur et à mesure des années, le temps consacré aux répétitions diminue, par difficulté de mobiliser les figurants sur une longue durée. En conséquence, le mode d’apprentissage, directif, demande beaucoup de patience. Les gestes peuvent être montrés ; parfois, il faut aider les figurants à les reproduire. Les plus jeunes du cortège des Rois, en 2019, peinaient à se mettre à genoux sans l’aide des mains et sans s’asseoir sur les talons, cette attitude n’étant plus, de nos jours, une attitude courante. Pour les filles, le maniement de l’encensoir ne va pas de soi non et nécessite d’être répété plusieurs fois. L’une des complexités du rituel est la quasi-répétition de gestes et de dispositifs avec juste quelques variations, obligeant, pour mémoriser les enchaînements et les places, à proposer assez vite des répétitions qui intègrent toute la cérémonie, du début à la fin. L’organiste est présent à la dernière répétition, le samedi matin, de manière à synchroniser gestes et musique. La transmission s’enrichit du fait que les anciens ont occupé, suivant les années, presque tous les rôles. Ils voient ainsi rapidement les erreurs et peuvent y remédier.

Les bénévoles de la paroisse, dont Jean-Marc Quijano, qui transmet et coordonne, les responsables du catéchisme, le clergé local et la quarantaine d’enfants et d’adolescents sont particulièrement impliqués. Chorale, organiste et joueurs de txistu viennent enrichir musicalement la fête.

Les origines historiques ou légendaires

 

Saint-Jean-de-Luz possède une tradition de l’Épiphanie bien particulière, citée par des auteurs renommés comme Van Gennep et par des historiens locaux : Veyrin, Dop, Dubarat, Nogaret, Haristoy, Moreau, Ospital, Pialloux (cf. bibliographie).

La légende de l’origine de la fête remonterait à une demande exceptionnelle, formulée à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, à Rome pour certains, transmise à l’évêque de Bayonne pour d’autres, afin de déplacer la fête-Dieu en hiver pour permettre aux pêcheurs de morue à Terre-Neuve d’y participer, ce qui leur était impossible au printemps, à la date de la fête-Dieu, créée en 1264 par le pape Urbain IV et fixée traditionnellement en mai ou juin suivant la date de la Pentecôte. Malgré de nombreuses recherches locales, ni la date de début de cette tradition, ni l’autorisation papale ne sont attestées par les sources. En faveur de cette hypothèse, signalons qu’en 1578 les équipages luziens partant à Terre-Neuve étaient évalués à 3000 hommes et 80 navires. L’étude de cette tradition hivernale achoppe sur l’absence de mention, avant le XVIIIe siècle, de documents historiques citant directement cette pratique avec le cortège de la fête-Dieu et des Rois Mages.

Selon les archives de Saint-Jean-de-Luz, toutefois, plusieurs documents montrent l’importance au XVIIe siècle de la date du 6 janvier dans la vie communale. Ainsi, en 1658, se tient une importante réunion en milieu de journée dans l’église, très garnie, pour régler « l’afferme du vin de Navarre » [Arch. mun. Saint-Jean-de-Luz, registre BB 2/2], affermage signalé plusieurs fois les années suivantes et toujours à la date du 6 janvier. La date du 6 janvier dans le calendrier luzien est bien présente aussi dans les recherches historiques de l’abbé Haristoy, curé de Ciboure (cf. bibliographie), qui signale une tradition de bon voisinage, marquée par l’échange de prêtres entre Saint-Jean-de-Luz et Ciboure depuis 1612. Le curé de Ciboure venait officier pour la fête de l’Épihanie à Saint-Jean-de-Luz et celui de Saint-Jean-de-Luz se rendait à Ciboure une quinzaine de jours après pour la fête patronale de la Bixintxo (Saint-Vincent) le 22 janvier.

 

De nombreux documents comptables attestent aussi l’importance de la fête du 6 janvier, dite « Épiphanie », « procession de l’Épiphanie » et « fête des Rois », durant tout le XVIIIe siècle, ainsi que l’implication des représentants de la ville dans son organisation, aux côtés du clergé [Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, fonds des archives anciennes de Saint-Jean-de-Luz]. À partir du premier tiers du XVIIIe siècle, en effet, plusieurs citations de cette fête apparaissent dans les archives municipales (1735, 1739, 1742, 1748, 1749, 1766, 1771, 1775, 1776, 1784, 1787), indiquant les frais engagés par la Ville pour les fastes liés à la fête : frais de cierge pour l’église, l’hôtel-de-ville et les porteurs de dais ; garde militaire ; salves de canons tirés à l’occasion. En 1789, la Ville met son tambour municipal, Jean Coret d’Espaing, au service de la fête. L’apparat est présent par des « frais de perruquier pour friser et poudrer » les participants (1787). Pour cette fête, l’intérieur de l’église était aussi illuminé. Dans la procession, une garde appelée milice ou garde bourgeoise jouait un rôle important. On trouve aussi des frais de rafraîchissement pour remercier tous les participants. L’aspect militaire de la procession au XVIIIe siècle transparaît avec la présence de sergents, de tambours militaires, de fusiliers et de soldats, renvoyant sans équivoque aux composantes de la fête-Dieu connue à ce jour.

Sans doute doit-on aussi à l’ancienneté de cette tradition de vénération pour les Rois Mages la présence locale de deux tableaux représentant l’adoration des Rois Mages. L’un, signé du peintre Restout et daté de 1727, se trouve dans l’église de Saint-Jean-de-Luz (CLMH, 5 décembre 1908).

L’autre, moins connu, situé jadis au couvent des Récollets, construit en 1612 pour apaiser les divisions entre Ciboure et Saint-Jean-de-Luz, a été déplacé dans l’église de Ciboure. Peut être en lien avec celui de Saint-Jean-de-Luz, il rappelle que les curés des deux paroisses se cèdent réciproquement les honneurs de leurs églises pour la fête luzienne de l’Épiphanie (6 janvier) et pour la fête cibourienne de la Bixintxo (Saint-Vincent, le 22 janvier). Cet usage remonterait, d’après l’abbé Haristoy, à l’année 1612, date de la construction du couvent des Récollets.

 

Avec le milieu du XIXe siècle se multiplient les sources sur la fête des Rois, comme chez Jacques Ospital, dans son ouvrage sur l’église de Saint-Jean-de-Luz (cf. bibliographie), d’après Philippe Veyrin : « Jusqu’au milieu du XIXe siècle, le rôle des Rois Mages est tenu par "de beaux jeunes gens de 20 ans, montés sur des coursiers rapides qu’ils laissent aux portes de l’église pour faire leur entrée solennelle". Mais les chevaux sont montés par de jeunes paysans ou pêcheurs peu expérimentés dans l’art de la cavalcade et, un jour, leur maladresse provoque l’interruption de la procession. ». Paul Bellevue, acteur de la fête dans la seconde moitié du XIXe siècle, la décrit aussi pour sa part : « La caravane se dirigeait des lointains d’Acotz vers l’église, les Rois Mages venaient d’Orient à cheval, accompagnés d’une suite nombreuse. Au Magnificat, ils mettaient pied à terre et pénétraient dans le sanctuaire pour rendre hommage au Seigneur. Aux environs de 1855, imprudence des cavaliers, ou indiscipline des montures, des accidents se produisirent dans le cortège, assez graves pour que la cérémonie traditionnelle fut impitoyablement supprimée. Et durant un quart de siècle, la paroisse porta le deuil des Rois Mages ».

Le 6 mars 1877, le père dominicain Dargainaratz (1848-1905), originaire de Saint-Jean-de-Luz, de passage à Cologne, obtient de l’évêque allemand la relique d’un « fragment de crâne de l’un des trois Rois » et confie ce trésor à l’église de Saint-Jean-de-Luz. La tradition est relancée le 6 janvier 1878, avec la réapparition des trois Mages (Albert Garat, Paul Rougeski, Paul Bellevue) : « En très simple équipage, costume noir et manteau de cérémonie à la française, portant chacun sa bannière, ils suivaient le reliquaire confié à quatre pages ornés de collerettes et de petits manteaux Henri IV-ou à peu près… Puis, peu à peu, on organisa le cortège tel qu’il est actuellement [avec des enfants et des adolescents]. » (Paul Bellevue).

Ces descriptions sont confirmées par les premiers documents iconographiques connus (fin XIXe-début XXe s.). Trois dessins de Arcos illustrent une description de la procession de Saint-Jean-de-Luz dans Le Monde illustré du 31 janvier 1891 : « …La procession se compose de la population masculine de chaque côté de la rue, des écoles de filles et de garçons, bannière en tête, des confrairies (de Saint-Joseph, du Sacré-Cœur, etc., etc.) et de la musique municipale puis viennent : l’ange porteur d’étoile, les reliques et les trois Rois Mages représentés par trois enfants en beaux costumes orientaux, longs manteaux portés par des pages en costume François Ier, mais poudrés !!! Enfin, les thuriféraires précédant le Saint Sacrement sous son dais. Le maire et ses adjoints ferment le cortège qui est suivi par les femmes dont la plupart portent la cape noire avec capuchon garni de dentelles si pittoresque et si caractéristique. Pendant la procession, les chants religieux alternent avec la musique municipale qui exécute des marches solennelles. Il va de soi que tout le long du parcours, les rues, les fenêtres et les balcons sont pleins de monde ».

 

Trois des quatre cartes postales publiées par Le Bazar parisien, à Saint-Jean-de-Luz, avant la guerre de 1914, présentant la procession avec sa jonchée et la foule présente.

Des années 1920 est conservé le témoignage d’un luzien de pure souche, Pierre Larramendy, ancien maire de la ville (1961-1971) (cf. bibliographie) : « Dans la vaste église paroissiale où Louis XIV fit d’une petite infante la souveraine de la première puissance du monde, le rétable somptueux est illuminé : depuis le maître-autel, c’est le départ de la procession. La croix s’ouvre une route dans la foule comme une mer prodigieusement docile ; sur deux rangs s’avancent les enfants, les jeunes gens et les hommes et, à l’intérieur de cette double haie, un autre cortège : celui des Rois. Bannières, drapeaux, emblèmes de confréries médiévales, bérets rouges de musiciens. Précédé d’un angelot élevant l’étoile en haut d’une pique, voici les porteurs de reliques, et voici les trois Mages dont saint Mathieu nous a décrit le chemin et le prosternement : Melchior l’Asiatique, Balthazar et son esclave, et le nègre Gaspard (…). Vient ensuite dans la magnificence des ornements offerts par le Roi Soleil, le dais blanc et or du Saint-Sacrement que soutiennent tour à tour, tant l’ostensoir est pesant, plusieurs groupes de prêtres ; enfin, car la cérémonie est également civique, le Maire et ses adjoints. Et la babillante cohorte des femmes dont le sens de l’ordre ne répond que par moments trop brefs à la très ardente piété ».

 

 

Les personnages et les costumes dans l’entre-deux-guerres

 

Les figurants, sauf le Suisse et les prêtres, sont des garçons de âgés de 7 à 16 ans.

L’Ange portait une tunique blanche satinée bordée d’or au col, avec manches assez larges bordées d’or au poignet. Sa ceinture était dorée, à deux pans retombant sur le côté. Un bandeau doré lui entourait la tête. Il était ganté, portait des ailes en plumes blanches attachées au dos, des chaussettes blanches et des spartiates à lacets dorés. Autour du cou, un cordon blanc soutenant un fourreau blanc servait à porter plus facilement le bâton auquel était accroché une étoile dorée, que certains auteurs signalent comme assez lourde.

Les Rois Mages portaient une robe ou tunique en tissu tapissier de luxe, celui-ci pouvant même être brodé. Le bas était orné de galons, la plupart du temps dorés, voire de fourrure rapportée sur l’ourlet. Les manches se terminaient par de la dentelle. Un vaste manteau, avec traîne en velours bordée de fourrure blanche, couvrait la tunique. Les épaules et la moitié du dos étaient recouverts d’une petite cape de fourrure blanche parsemée de pointes d’hermine. Un turban empanaché recouvert de bijoux et de nombreux colliers autour du cou embellissaient la tenue. Le Roi portait un calice en cristal contenant le cadeau. Le manteau de Gaspard était pourpre, ceux de Melchior et Balthasar respectivement vert et blanc. Gaspard, maquillé de noir, portait des gants noirs. Melchior était maquillé de jaune.

Les esclaves/pages sont vêtus d’une tunique blanche arrivant au genou avec des manches larges et courtes nécessitant le port d’une chemise blanche. Leur tête est recouverte d’un tissu blanc retenu d’un large bandeau (type arabe) et retombant dans le dos. Des bas noirs et des sandales blanches à lacets blancs complètent la tenue. Ils sont maquillés de la même couleur que leur roi.

Le costume des porte-bannières et des porte-reliques était composé d’une vaste tunique blanche avec ceinture, d’un foulard sur la tête tombant sur les épaules et retenu par un bandeau de couleur, généralement doré, et de sandales blanches.

Les porteurs d’encens portaient soutane rouge, surplis de dentelle et petite cape rouge sur les épaules. Celle-ci possédait également une petite capuche rouge repliée dans le dos.

Les fleuristes étaient simplement vêtus d’une soutane rouge avec surplis de dentelles.

Le Suisse, dont le rôle était tenu par un adulte, se distingait par sa redingote militaire à galons, sa culotte courte à l’ancienne, son baudrier, son bicorne, ses bas et gants blancs, sa hallebarde.

Le porteur de la croix processionnaire, un adulte ganté de blanc, était entouré de deux enfants porteurs de chandeliers, vêtus d’une soutane rouge et d’un surplis de dentelle.

 

 

La fête des Rois depuis l’après-guerre

 

La tradition reprend sur le même code avec force et sans grand changement.

Durant les années 1980, la tradition marque un certain recul avec l’arrêt de la procession religieuse dans les rues. Tous les participants, sauf les prêtres, sont des garçons entre 7 à 16 ans.

Leur habillage a varié. L’Ange porte une vaste aube blanche à larges manches, des ailes en plumes blanches, des souliers argentés, un bâton et une croix argentés.

Les Rois Mages sont vêtus d’une robe/tunique en tissu tapissier (plus simple qu’autrefois) aux couleurs vieux rose pour Gaspard, vieil or pour Melchior et blanc pour Balthasar. Les manches sont plissées, mais sans dentelles. Le manteau, de la même couleur qu’à la période précédente, s’achève en traîne brodée de fourrure, identique à celle de la petite cape : gris et marron pour Gaspard, marron pour Melchior, gris et blanc pour Balthasar. Le turban empanaché, recouvert de bijoux, complète les colliers autour du cou et le calice de cristal contenant les cadeaux. Deux des trois Rois sont maquillés, en noir et jaune.

Les pages, présentés parfois comme esclaves, portent une tunique simple (aube), la mêmee coiffure qu’autrefois, un bandeau de même couleur que la traîne du Roi, qu’ils tiennent durant toute la cérémonie, et sont maquillés comme leur Roi.

Les porteurs d’encens portent une soutane blanche, sans cape, et Les fleuristes et les porteurs de cierge, une soutane rouge et un surplis blanc plissé.

Le porteur de la croix processionnaire est en aube blanche.

Les porte-bannières et le Suisse ont, quant à eux, disparu, tout comme les porte-reliques, remplacés par des porte-cadeaux. De nos jours, le cortège est composé de filles et de garçons. Les costumes de l’Ange, des Rois Mages, des pages et des porteurs de cadeaux sont quasi inchangés depuis les années 1980. Les porteurs d’encens et les fleuristes, rôles alloués aux filles, sont habillés d’aubes blanches. Les porteurs de cierge encadrant le porteur de croix ont désormais disparu. Le dais, qui n’est plus sorti, ni pour la procession extérieure, ni dans l’église, a été remplacé par une ombrelle de procession, portée par un adolescent, uniquement à l’intérieur de l’église.

 

 

Le parcours du cortège

 

Dans les années 1920-1930, après les vêpres, la procession parcourait la ville. En tête venait le cortège des Rois, constitué dans cet ordre : porte-croix processionnaire, entouré de deux acolytes porteurs de cierges ; Ange portant une étoile ; les trois Rois (Melchior, Balthasar, Gaspard) et leur page individuel ; les porte-bannières, sans doute en relation avec les confréries qui, d’après Pierre Larramendy, assistaient à la procession ; enfin, quatre porte-reliques, le reliquaire portant l’inscription « OSS. REGUM MAGORUM ».

Après le cortège des Rois venait le cortège religieux, ainsi composé : Suisse ; porte-croix processionnaire entouré de deux porte-chandeliers ; cinq thuriféraires et céroféraires ; dix fleuristes, aux paniers remplis de pétales de fleurs ; Saint Sacrement présenté par un prêtre, sous un dais porté par des hommes ; membres du clergé ; représentants de la municipalité, maire en tête ; femmes et filles de la commune ; Schola, chorale chantant le cantique ; hommes de la commune, parfois signalés par Pierre Larramendy autour du cortège des Rois ; enfin, des musiciens en béret rouge, dont la place est mal définie dans les descriptions recensées.

La procession marchait sur une jonchée de jonc, elle-même recouverte de draps blancs déroulés sur tout le long du trajet. Les habitants décoraient leurs fenêtres de draps fleuris, de statues et de fleurs. Le trajet était marqué de reposoirs, petites tables recouvertes de belles nappes brodées et décorées de verdure et de fleurs. L’ensemble rappelait les codes de la fête-Dieu. Le cantique chanté durant la procession était le Kristo ErregeEn 1985, la procession à l’extérieur de l’église avait quasiment disparu, réduite uniquement à l’arrivée du cortège dans l’église, après l’avoir seulement contournée. Le groupe partait du presbytère dans l’ordre suivant : porte-croix processionnaire entouré de deux porte-cierges, Ange, Rois et pages, porteurs d’encens, fleuristes, porteurs de cierges et membres du clergé. (Christ Roi) dans sa version luzienne.

L’itinéraire s’adaptait à la météorologie :

• « grand trajet » : sortie rue Gambetta par le portail principal de l’église, rue Tourasse, arrêt en haut de la rue Tourasse sur un reposoir tournant le dos à la mer, puis rue Courtade, rue Garat et rue Gambetta pour entrer dans l’église par le portail principal.

• « petit trajet » (sans reposoir ni arrêt) : en cas de mauvais temps, sortie rue Gambetta par le portail principal, rue Saint-Jean, place Pluviôse (aujourd’hui place Foch), rue Tourasse, rue Gambetta et entrée dans l’église par le portail principal.

De nos jours, la procession a repris une certaine place, en parcourant, sans le Saint-Sacrement, le centre-ville durant environ 45 mn, accompagnée d’une banda de txistulari. Les membres du clergé ne la rejoignent qu’au moment d’entrer à l’église. Elle est l’occasion pour les spectateurs, les familles et les touristes de prendre des photographies, ce qui n’est guère recommandé durant la cérémonie religieuse ultérieure.

La présentation et la procession du Saint-Sacrement a désormais lieu à l’intérieur de l’église, dans l’allée centrale, avant le retour vers le maître autel pour l’Adoration.

 

L’emprunt au dispositif rituel de la fête-Dieu est manifeste puisque la fête de l’Épiphanie se revendique comme une fête-Dieu hivernale. Au fur et à mesure des années, en revanche, tout le dispositif de la procession du Saint-Sacrement à l’extérieur de l’église a disparu. En 2019, le cortège est désormais mixte, avec la présence de fleuristes et de thuriféraires. Jadis, les filles n’étaient pas exclues de la procession, mais défilaient avec des mouvements spécifiques tels que la Jeunesse catholique, les Enfants de Marie, etc.

 

L’Ange, les Rois mages, les pages, les porteurs de cadeaux restent inchangés depuis les années 1980, ces derniers ne transportant déjà plus de reliques depuis lors. Les porteurs de cierges, qui encadraient autrefois le porteur de croix, sont aujourd’hui un garçon et une fille et ne portent plus de cierges. Le dais abritant jadis le prêtre et le Saint-Sacrement a aujourd’hui disparu. Le cortège a repris la procession en ville mais, hormis la présence de la croix, ne comporte plus aucun aspect religieux. Les rues (sols et maisons) ne sont plus décorées pour l’occasion. Plus aucun prêtre ou habitant ne défile devant ou derrière le cortège alors qu’autrefois, la procession était suivie par une foule importante. Enfin, en 2019, les prêtres ne portent plus les grands habits sacerdotaux anciens, dont la pièce historique offerte lors du mariage de Louis XIV en 1660, mais sont vêtus de manière sobre, comme pour une messe classique.

Vitalité

 

Après quelques inquiétudes à la fin du XXe siècle, la fête apparaît relancée, y compris dans son volet processionnel, depuis les années 2010, grâce à la volonté de quelques bénévoles.

 

 

Menaces et risques

 

Malgré une pratique religieuse chrétienne importante à Saint-Jean-de-Luz, il n’est pas facile de mobiliser les enfants et l’organisation des familles rend difficile la mise en place des répétions nécessaires.

Modes de sauvegarde et de valorisation

 

La relance de la procession en ville depuis quelques années accentue la visibilité de la fête.

 

 

Actions de valorisation à signaler

 

Des reportages sont diffusés dans les actualités télévisées régionales (FR3 Aquitaine) chaque année. La fête est présentée et mise en valeur sur le site internet de la paroisse Saint-Pierre-de-l’Océan.

 

 

Modes de reconnaissance publique

 

De nombreux prêtres et responsables de l’évêché, voire l’évêque lui-même, ainsi que les membres de la municipalité assurent une présence régulière.

Aucune pour le moment.

Récits liés à la pratique et à la tradition

• Depuis de très nombreuses années, la presse locale saisit l’occasion de cette fête pour en faire un récit « historisé » légitimant la tradition. Ainsi, l’Épiphanie de 1940 était-elle ainsi mentionnée dans la Gazette de Biarritz, Bayonne et Saint-Jean-de-Luz (8 janvier 1940) : « La vieille tradition de l’Épiphanie. − La grande fête religieuse de l’Épiphanie a été célébrée avec ferveur au milieu de ses pompes accoutumées. Énormément de monde aux messes de la matinée et en particulier à la grande messe au cours de laquelle fut donné le sermon de circonstance. Une température moelleuse ainsi que celle d'un premier jour d’automne, et un soleil exquis avaient, malgré les grippes légères de la saison, permis à la plupart des paroissiens de se rendre à l’église et cela créait, dans la rue Gambetta, un mouvement intense. La cérémonie, qu’une vieille tradition a fait la plus importante parmi celles de la fête des Rois, est la procession du Saint-Sacrement. Importante en effet cette manifestation puisqu’elle constitue un privilège à peu près unique donné aux deux cités voisines de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure. Elle fut accordée aux deux paroisses, cette faveur insigne, voici déjà bien des siècles, alors que leur port commun armant pour la grande pêche, les marins, toujours privés de la procession de la fête-Dieu au printemps, puisqu’ils étaient à la mer, demandèrent et obtinrent que l’ostensoir fît, pour eux, une sortie spéciale en hiver. Plus tard, et étant donnée cette date du 6 janvier qu'est la sienne en même temps que celle de l’Épiphanie, la coutume s’établit de faire figurer les Rois dans cette procession. Cet usage dure toujours. La procession a donc déroulé, par les rues de la ville, la longue théorie des fidèles précédant ou suivant le Saint-Sacrement. Temps merveilleux, soleil éclatant, température d'une douceur exquise. Dans le cortège, une foule énorme d'enfants, de jeunes gens et surtout d’hommes défilant avec ordre en une belle attitude recueillie et encadrant des groupes d’enfants de chœur ou de chanteurs. Derrière le dais, les Rois Mages, leur ange délicieux, leurs esclaves tous exquis de grâce juvénile et de dignité attentive. Puis, les femmes pleines de foi certes mais aussi d’indiscipline et s’avançant dans un beau désordre. Magnifique manifestation religieuse d’ailleurs et qui ne manque pas de frapper vivement les nombreux étrangers qui viennent, chaque année à pareil jour, l’admirer. Après la bénédiction du Saint-Sacrement donnée en fin de procession dans la vieille église, dont les ors anciens scintillaient aux lumières, M. le doyen a fait réciter à ses paroissiens, un pater et un ave pour le rétablissement de l’évêque de Bayonne dont tout le monde regrettait l’absence. Avec quelle ardeur s'est envolée cette prière où l’on sentait chacun mettre toute son âme ».

 

• Jacques Ospital, né en 1939 dans une famille très croyante, qui a joué le rôle de l’Ange à l’âge de 6-7 ans, met en évidence sa fonction : « C’était une place d’honneur, l’Ange était le phare de la procession. J’étais tellement pénétré de mon rôle que j’avais peur que le diable m’attaque. J’avais mis un revolver en bois dans la poche, au cas il viendrait m’attaquer dans ma mission d’ange ». Enfant de chœur ensuite, avec toutes les fonctions attenantes, dont celle de porteur de thuriféraire, il précise qu’à Saint-Jean-de-Luz, les enfants de chœur avaient une formation donnée par Mlle de Meurville : « Elle tenait le petit orgue, dont elle a ensuite fait don à l’église de Saint-Jean-de-Luz. Elle formait les jeunes à chanter dans la clé de sol ainsi que le chœur des filles qui intégraient ensuite la Schola ». Son frère Jean-Marc a lui aussi participé à la fête. Saint-Jean-de-Luz, sous la conduite spirituelle de Mgr Bellevue, constituait alors la première paroisse du département. Le samedi suivant la fête des Rois, les jeunes étaient invités à monter au clocher, puis un goûter leur était offert au trinquet Maïtena. La fête des Rois était un regroupement des Luziens et des familles. Jacques Ospital en retient la beauté de la cérémonie, le chant et l’histoire d’une cité maritime, « à l’heure où tout se délite, un des symboles de la cité, un symbole historique, une tradition hivernale », avant de conclure : « Ce serait vraiment dommage que cela n’existe plus ».

 

• L’enquête menée en 2019 auprès d’adolescents, participant à la fête depuis plusieurs années - six à neuf ans pour certains -, a permis de mettre en évidence diverses motivations. En premier lieu sont sensibles la foi et la pratique chrétienne catholique : « Je fais l’Épiphanie car je suis chrétien, je suis confirmé ; c’est une fête en relation avec ma foi » [témoignage de Romain, porteur de croix, 16 ans, 6 années de participation] ; « Quand on est jeune, c’est difficile de croire en quelqu’un qu’on ne voit pas et qui nous observe, cela permet de croire en voyant le Saint-Sacrement » [témoignage de Quentin, claquoir, 16 ans, 9 années de participation] ; « Je porte l’ombrelle au-dessus du Saint-Sacrement pour montrer au public où il se trouve… Ce n’est pas toujours évident de trouver chaque année des personnes pour la cérémonie, mais on y arrive avec les enfants du catéchisme qui croient en Dieu » [témoignage de Renan, porte-ombrelle, 16 ans, 9 années de participation].

L’ancienneté de cette fête traditionnelle de Saint-Jean-de-Luz est aussi revendiquée : « L’Épiphanie, c’est pour moi une tradition de Saint-Jean-de-Luz ; on doit la garder, car elle est importante et jolie à fêter » [témoignage de Kepa, Roi noir, 14 ans, 6 années de participation] ; « C’est vraiment une tradition que l’on continue depuis plus de 600 ans. Les Luziens sont très attachés à cette célébration. Chaque année, l’église est comble de monde » [témoignage de Renan, porte-ombrelle, 16 ans, 9 années de participation] ; « Cela se passe à Saint-Jean-de-Luz, c’est important, car c’est aussi une fête familiale » [témoignage de Romain, porte-croix, 16 ans, 6 années de participation]. Enfin, transparaît l’aspect relationnel que développe la transmission de la tradition : « C’est intéressant car c’est une procession intergénérationnelle ; il y a plusieurs âges de 7 à 16 ans et nous sommes aidés par des adultes ; on apprend beaucoup de choses en participant à cette célébration »

 

[témoignage de Renan, porte-ombrelle, 16 ans, 9 années de participation] ; « Je participe depuis neuf ans. Aujourd’hui, je suis claquoir, je dirige toute la procession pour que cela se passe bien » [témoignage de Quentin, claquoir, 16 ans, 9 années de participation].

 

 

Inventaires réalisés liés à la pratique

 

• Inventaire des traditions carnavalesques et hivernales de la province du Labourd, réalisé par Thierry Truffaut (cf. bibliographie).

• Inventaires des archives anciennes de la commune de Saint-Jean-de-Luz, déposées aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, pôle de Bayonne et du Pays basque : Fonds avant 1790. Séries E et G.

 

 

Bibliographie sommaire

 

Barandiaran (Jose Miguel de), Obras completas, Bilbao, La Gran Enciclopedia Vasca, 1975, 20 vol.

Beguerie (Pantxika), Le Pays basque de la superstition à la religion, Bidart, Ekaina, 1982.

 

Dubarat (V.) et Haristoy (Pierre), Études historiques sur le diocèse de Bayonne, Pau, impr. Vignancour, 1892-1903.

Lerchundi (Gabriel), Kantikak-Cantiques basques, anciens et modernes, Urt, Abbaye Notre-Dame de Belloc, 1948.

Leroy (C.), « La fête des Rois dans le nord de la France et particulièrement dans la région lilloise », Revue de folklore français, n° 4 et 5, Paris, Société du Folklore français, 1935.

Moreau (Roland), Histoire de l’âme basque, Bordeaux, impr. Taffard, 1970.

Pialloux (Georges), Portua, histoire de Saint-Jean-de-Luz, de Ciboure et du proche Pays-basque, Saint-Jean-de-Luz, chez l’auteur, 1981.

Ospital (Jacques), Donibaneko Eliza. L’église de Saint-Jean-de-Luz. Histoires d’une église du Pays basque, Saint-Jean-de-Luz, Association Rue Garat-Karrika Bizia, 2008.

Nogaret (Joseph), Saint-Jean-de-Luz, des origines à nos jours, Bayonne, Impr. du Courrier, 1925.

Truffaut (Thierry), « Le Carnaval labourdin », Dantzariak, n° 20, Bilbao, EOB, 1981.

Truffaut (Thierry), « Begiraleak : les mainteneurs », Dantzariak, n° 362, Bilbao, EOB, 1986.

Truffaut (Thierry), « Le saut basque. Apogée, déclin et renaissance », Ekaina, n°32, Saint-Jean-de Luz, 1989, p. 195-213.

Truffaut (Thierry), « Contribution à l’étude du calendrier labourdin : le mois de janvier à Saint-Jean-de-Luz. Les Rois Mages », Cuadernos de seccion. Antropologia-Etnografia, n°5, Donostia, Eusko-Ikaskuntza, 1987.

Truffaut (Thierry), « Vers un inventaire des traditions carnavalesques et hivernales de la Province du Labourd », n°15, Vitoria/Gasteiz, Fondation José Miguel de

Barandiaran, 2011 [livre, CD de 40 monographies, 2 DVD de 1 h (témoignages en basque et traditions carnavalesques)].

Van Gennep (Arnold), Manuel de folklore français contemporain, Paris, Picard, 1943-1988, 8 vol.

Veyrin (Philippe), « Les Basques de Labourd, de Soule et de Basse-Navarre : leur histoire et leurs traditions», Paris, Arthaud, 1947 ; réed. 1975.

 

 

Filmographie sommaire

 

• « Épiphanie Saint-Jean-de-Luz », réal. anonyme, 2 janvier 2011, 9 mn 43 https://www.youtube.com/watch?v=AXOVLYRmYbE

• « Les Rois Mages à Saint-Jean-de-Luz », réal. Andde Irosbehere et Emanuel Clerc, prod. France 3 Nouvelle Aquitaine, 4 janvier 2016, 1 mn 33

https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/pyrenees-atlantiques/pays-basque/rois-mages-saint-jean-luz-896041.html

• « Épiphanie 2017 à Saint-Jean-de-Luz », réal. Othaburu Adrien, prod. Paroisse de Saint-Jean-de-Luz, 2017, 7 mn https://www.youtube.com/watch?v=_VXucIrimjE

• « Épiphanie Saint-Jean-de-Luz 2019 », réal. Jerry Carpentier, 2019, 5 mn 25 https://vimeo.com/309852505

 

 

Sitographie sommaire

 

Articles de presse en ligne :

https://www.sudouest.fr/2018/01/09/la-fete-dieu-tres-rituelle-4094101-4383.php

https://www.sudouest.fr/2020/01/02/dernieres-repetitions-pour-la-fete-dieu-d-hiver-de-saint-jean-de-luz-7015549-4383.php

https://www.paroissespo.com/retour-sur-la-procession-des-rois-mages

http://www.baskulture.com/les-rois-mages-et-leurs-galettes-118699

http://www.paroissespo.com/procession-de-lepiphanie-2018/

• Kepa, Renan et Romain, participants les plus âgés de la fête des Rois de 2019, enquêtés en 2019

• Jacques OSPITAL, ancien acteur (ange) en 1945 ou 1946, enquêté en 2019, auteur d’un ouvrage sur l’église de Saint-Jean-de-Luz, collectionneur de documents photographiques anciens sur cette fête.

• QUIJANO (Jean-Marc), Luzien, responsable de la fête des Rois depuis les années 2010, enquêté en 2019 et 2020 Les éléments rassemblés dans cette présente fiche ont aussi bénéficié des témoignages, collectés en 1985, de :

• Fernand ALMANDOZ, ancien Roi dans les années 1930, aujourd’hui décédé

• Pierre GIL, ancien acteur (page/esclave) dans les années 1930, aujourd’hui décédé

• Mme PAGES, témoin des années 1920-1930, aujourd’hui décédée

• Organisateurs de la fête, dont le responsable Jean-Marc Quijano

• Équipe sacerdotale et de catéchèse de la paroisse

Rédacteurs de la fiche

 

• Thierry TRUFFAUT, anthropologue spécialiste des traditions festives et dansées en Pays basque, membre des associations Lapurtarrak, Herri Soinu, Lauburu et Etniker Iparralde, Maison Bataille, route de Saint-Germé, 32460 Le Houga, truffaut.thaxi@wanadoo.fr

• Terexa LEKUMBERRI, anthropologue, chargée du patrimoine oral et immatériel à l’Institut culturel basque, Château Lota, 64480 Ustaritz, lekumberri@eke.eus

• Mathilde BAQUÉ, chargée de mission à l’Institut culturel basque, Château Lota, 64480 Ustaritz, mathilde.baque@eke.eus

 

 

Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré

 

• Thierry TRUFFAUT, anthropologue spécialiste des traditions festives et dansées en Pays Basque, membre des associations Lapurtarrak, Herri Soinu, Lauburu et Etniker Iparralde.

• Terexa LEKUMBERRI, anthropologue, chargée du patrimoine oral et immatériel à l’Institut culturel basque

 

 

Lieux(x) et dates/périodes de l’enquête

Saint-Jean-de-Luz : décembre 2018, janvier 2019, février 2020

 

 

Données d’enregistrement

 

Date de remise de la fiche: 4 juin 2020

Année d’inclusion à l’inventaire: 2020

N° de la fiche: 2020_67717_INV_PCI_FRANCE_00471

Identifiant ARKH: ark:/67717/nvhdhrrvswvk251

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