La vente aux enchères de foin sur pied a lieu tous les ans en juin sur le territoire de la commune de Renac en Ille- et-Vilaine. Organisée par la municipalité de Renac, propriétaire de la prairie de Biorel depuis 1984, elle réunit les agriculteurs désireux de compléter leur réserve de foin.

La vente aux enchères de foin sur pied a lieu tous les ans en juin sur le territoire de la commune de Renac en Ille-et-Vilaine. Organisée par la municipalité de Renac, propriétaire de la prairie de Biorel depuis 1984, elle réunit les agriculteurs désireux de compléter leur réserve de foin.

Prennent part à la vente aux enchères la municipalité, propriétaire du terrain, et les agriculteurs souhaitant compléter leurs réserves de foin.

La vente aux enchères de foin sur pied a lieu sur la commune de Renac, située au sud de l’Ille-et- Vilaine (35) en Bretagne, et plus particulièrement au lieu-dit « Le Gutz ». La parcelle de la « Grand- Pré » se situe au sud de la commune de Renac. Limitrophe des communes de la Chapelle de Brain, de Sainte-Marie et d’Avessac, elle est proche de l’ancien bras de la Vilaine, modifiée au moment de la canalisation au XVIIIe siècle. Nommée officiellement sur le cadastre « Prairie de Biorel », les habitants de Renac continue de l’appeler la « Grand-Pré ».

Les ventes aux enchères sont une pratique sociale et économique relativement ancrée dans le monde agricole : ventes aux enchères du capital d’exploitation, de biens meublés, troupeaux, matériels agricoles, mobiliers, outils... Le départ en retraite ou la cessation d’exploitation sont souvent des événements à l’origine de ces ventes, du moins concernant les ventes volontaires (Rémy, 1990 : 159). Cependant, les ventes mettant aux enchères le foin provenant d’une prairie située au cœur d’un territoire de marais apparaissent beaucoup plus rares. Aucune pratique similaire n’a été repérée ailleurs en France. À préciser toutefois que la recherche n’a pas été étendue au-delà.

Les préparatifs

Propriétaire de la prairie de Biorel – ou « Grand-Pré » – depuis 1984, la municipalité de Renac a en charge l’organisation de la vente aux enchères. Le conseil municipal prend un arrêté définissant les modalités de la vente : lieu et date (les enchères ont généralement lieu le samedi), prix de vente... La vente est annoncée par voie d’affichage à la mairie et dans la presse locale et régionale. Les agriculteurs ayant acheté des lots les années précédentes reçoivent un courrier pour les informer de la vente et ses modalités.

 

Le jour J

La vente aux enchères nécessite quelques préparatifs. D’un côté du chemin qui mène à la prairie une table est disposée. Les conseillers municipaux s’y installeront pendant la vente afin d’établir les différents documents.

En arrivant, chaque participant se présente à la table des conseillers et se voit remettre un plan de la « Grand-Pré » avec les lots et les réages (fig.4). En raison de la présence d’une zone Natura2000 jouxtant la prairie, certaines parcelles sont signalées en jaune, indiquant ainsi qu’elles sont soumises à des mesures agro-environnementales spécifiques et que la fauche ne pourra donc pas avoir lieu avant le 21 juin.

En face, de l’autre côté du chemin, une buvette est installée : quelques tables et une grande poubelle remplit de glace où rafraichissent bières, sodas et autres boissons. La buvette est généralement tenue par un ou plusieurs membres d’une association de la commune, la recette leur revenant.

 

Le repérage

Venant majoritairement des communes alentours, les agriculteurs qui participent à la vente connaissent la prairie et savent quels lots sont plus ou moins avantageux. Souvent, ils ont parcouru la prairie juste avant la vente ou les jours précédents et ils savent sur quel(s) lot(s) ils miseront et quelle en est la valeur. Un témoin qui a sa ferme tout près, nous confirme que, dès le jeudi « ça voyage ! » près de la prairie.

 

Le maire sur la scène de la vente

La vente aux enchères commence en début d’après-midi. Le maire, animateur de la vente, se place au milieu du chemin face aux acheteurs (fig1&1’). Il y a là, outre le maire, ses conseillers et les tenants de la buvette, un groupe d’agriculteurs, tous regroupés d’un côté du chemin juste à l’entrée de la parcelle de la « Grand-Pré ». Ce sont essentiellement des agriculteurs éleveurs de vaches allaitantes. Agriculteurs en retraite, journalistes locaux et curieux sont également présents.

Les ventes se déroulent de la manière suivante :

La vente est introduite par le maire qui annonce son ouverture et fait lecture de l’arrêté municipal concernant les modalités de la vente. Jouant le rôle du crieur – autrefois personnage clé des ventes aux enchères - le maire annonce la mise à prix de l’hommée : en 2014, le prix a été fixé à 16€ et l’enchère se fait de deux euros en deux euros.

Les enchères commencent avec l’annonce des numéros des parcelles. On vend les lots dans l’ordre des réages, qui se fait toujours d’Est en Ouest : premier lot du premier réage, second lot du premier réage et ainsi de suite jusqu’au réage suivant.

 

Enchères et surenchères

Généralement, les signes qui annoncent une enchère sont plus ou moins discrets : signe de la tête, coup d’œil appuyé... Les enchérisseurs ne lèvent haut la main que lorsqu’ils n’arrivent pas à attirer l’attention du maire. Et souvent, ils détournent le regard quand ils ne souhaitent plus renchérir. Une fois un lot adjugé, le futur propriétaire traverse le chemin et se rend à la table des conseillers municipaux. Le premier note dans un carnet le nom de l’acheteur, le numéro du lot acheté et le prix auquel il a été acheté ; on relève également son adresse et son numéro de téléphone. Le deuxième reporte sur le plan le nom de l’acheteur et le prix auquel le lot a été acheté (fig.2). Puis la personne suivante remet un ticket boisson à chaque acheteur, ce qui lui permet de boire un verre gratuitement, la mairie payant par la suite ces consommations à l’association qui tient la buvette.

Les premiers lots ne sont pas très convoités et ils partent rapidement à un prix proche du prix de départ. Plus on s’approche du fleuve, moins les parcelles sont pourvues, en raison d’une moins bonne qualité du foin qui se trouve sur des parcelles plus inondées. Comme un entracte, une pause a lieu au milieu de la vente.

Les enchères reprennent. Certaines hommées situées à l’extrémité du réage (côté est) sont regroupées avec les lots précédents. Il arrive que certains lots ne trouvent pas acquéreur. Dans ce cas, à la fin de la vente, un second tour s’organise et les lots sont bradés. Un lot non vendu, en plus d’être une perte financière pour la mairie, n’est pas bon pour le marais, cet invendu risquant de permettre à une certaine flore, comme les saules ou la jussie, de se développer et ainsi envahir le marais.

 

Fin d’après-midi

La vente aux enchères s’achève, toutes les parcelles ont trouvé acquéreur. Les journalistes ne sont pas restés jusqu’à la fin, les agriculteurs et autres personnes présentes se regroupent autour de la buvette, l’occasion pour chacun de commenter la vente et d’échanger quelques nouvelles agricoles.

Au fur et à mesure, les voitures quittent le chemin, les conseillers municipaux remballent tables et chaises.

Le bal des faucheuses commencera dès le lendemain pour certains, ou le lundi pour beaucoup. Exception faite de ceux qui ont acquis une parcelle soumise aux normes agro-environnementales et qui devront attendre encore quelques jours en espérant que de fortes pluies ne viennent pas « écraser » le foin.

 

Une pratique économique sous contrôle municipal

La vente aux enchères de foin sur pied représente un double avantage pour la commune propriétaire de la prairie. D’une part, la fauche du foin permet l’entretien de la prairie à moindre coût et l’argent de la vente revient à la mairie et participe à nourrir son budget global. Quand un agriculteur s’enquiert d’une parcelle, il doit régler la somme due au Trésor public. Une fois la MSA – la sécurité sociale agricole - payée par la commune et l’acheteur, l’argent restant revient à la commune.

Il n’existe à notre connaissance aucun processus de transmission formelle relatif à la vente aux enchères des foins du marais. Cependant, certains agriculteurs assistent aux enchères avec leur(s) enfant(s), présageant d’une imprégnation in situ des règles et usages relatifs à cette vente aux enchères spécifique.

Même si on ne peut clairement en établir l’origine, les ventes aux enchères sont une pratique sociale et économique relativement ancrée dans le monde agricole et révèlent souvent des aspects cérémoniels, rituels, festifs et bien sûr économiques qui ont su évoluer selon les époques et les mutations du monde agricole.

Toutefois, nous ne disposons de quasiment aucune information quant aux ventes aux enchères spécifiquement liées au foin des marais si ce n’est un lien certain avec la temporalité des cycles des saisons et l’impact des conditions météorologiques sur l’offre (la qualité du foin) et la demande (plus une année a été frappée par de fortes sécheresses, plus la demande de la part des agriculteurs s’accroit.).

Cependant, quelques précisions quant aux logiques de délimitation des parcelles de la prairie peuvent être apportées en s’appuyant sur le système des mesures agraires.

Une hommée, des hommes : système de mesure agraire

Les unités utilisées pour délimiter les parcelles, ou hommée, sont liées aux logiques de mesure qui existaient avant la mécanisation du monde agricole et renvoient à l’organisation du travail alors en place. En agriculture, le terme d’hommée correspond à la portion de terre mesurée par le travail que peut faire un homme en un jour. Synonyme à une journée de labeur, et donc au travail humain, la mesure de surface de l’hommée peut varier. « Le mode de tenure1 de certaines prairies du marais de Redon (Bretagne) partagées en « hommées » théoriques de 40 à 60 ares, non matérialisées sur le terrain, et dont l'attribution, changeant chaque année, est déterminée par un « spécialiste » au moment de la fauche. »2

 

Les évolutions dues aux mutations du monde agricole

Pour délimiter chaque hommée, on faisait un trou, tous les 12 mètres ; il fallait donc refaire le bornage tous les ans. Lorsque la mairie a acquis le terrain, les conseillers municipaux ont borné avec des poteaux en ciment pour qu’ils soient plus durables mais ils se sont abîmés prenant des coups aux passages des faucheuses.

Aujourd’hui, ce sont des tubes en zinc portant une plaque avec un numéro qui délimitent les lots, ils sont plus visibles et donc moins endommagés.

Jusqu’aux années 1970/80, on trouvait essentiellement de petites fermes avec un faible troupeau (une ou deux têtes de bétails) et un ou deux hectares de terre. Certains acheteurs étaient des petits paysans qui venaient à Renac chercher un complément d’alimentation pour leur bête, et pouvait n’acheter qu’une seule hommée. La coupe du foin se faisait alors à la faux puis il fallait faner et botteler. Pour répondre à la demande, la prairie de Biorel était alors scindée en petites parcelles, et vendue hommée par hommée. Puis est arrivé le tracteur, entraînant alors une évolution dans le volume des achats.

Avec l’évolution du matériel agricole, le travail s’est modifié : on fauche de plus grande quantité de foin en moins en moins de temps. Parallèlement, le nombre d’agriculteur a baissé et leur capacité de travail s’est accrue. Cette évolution a eu des répercussions sur la vente du foin sur pieds à Renac : le nombre d’agriculteur venant acheté le foin a diminué mais ils fauchent des parcelles plus grande, il achète plusieurs hommées, c’est pourquoi, on est passé d’une vente à l’hommée à une vente par lots qui comprennent plusieurs hommées (de 3 à 14).

En 1972, on comptait 283 exploitants agricoles sur la commune de Renac dont certain n’avait qu’un ou deux hectares ; en 2015, il n’en reste que 12 qui détiennent des domaines d’une centaine d’hectares.

Après la récolte des foins, le pacage libre était autorisé sur les prairies, c’est-à-dire que chacun conduisait ses animaux au marais, où ils étaient lâchés en totale liberté et sans gardiennage. Les troupeaux étaient mélangés et chaque propriétaire venait récupérer son troupeau le soir.

Le pâturage dans les prairies est défini par des dates très précises qui varient selon les communes. Le paysan peut mettre ses bêtes une fois que les foins sont faits, jusqu’aux environs du 25 mars. La date de fin est définie par une publication affichée dans les mairies. Le garde-champêtre était chargé de la surveillance et de l’application de l’arrêter. En cas de non-respect, il pouvait verbaliser les paysans enfreignant les règles.

 

Les évolutions dues à l’instauration de normes agro-environnementales

La mise en place de normes environnementales (telle que la définition d’une zone Natura2000 englobant une partie de la parcelle) est également venue modifier la pratique de fauchage du foin, certaines parcelles de la prairie étant soumises à des règles strictes.

 

Historique des ventes aux enchères

La première vente par adjudication des foins sur pieds dans la prairie de Biorel, à Renac, a eu lieu le 6 août 19393. Pour faire connaître la nouvelle à Renac et dans les bourgs environnants, le garde champêtre annonçait la vente à la sortie de la messe.

Dans les années 50 et 60, la vente était une vraie kermesse : plus de 200 personnes se déplaçaient de Renac et des communes avoisinantes pour acheter du foin ou bien pour assister à la vente. Elle se déroulait alors fin juin, un dimanche après-midi, et se terminait souvent à la nuit car il y avait plus de 300 lots à vendre ! La buvette et les galettes saucisses vendues, contribuaient à l’ambiance conviviale du moment. À cette époque, la « Grand-Pré » appartient à un propriétaire privé et la vente aux enchères était assurée par le notaire de Redon.

En 1984, la mairie de Renac saisit l’opportunité de racheter le terrain, assurant ainsi la gestion de la parcelle et l’animation des ventes aux enchères.

À notre connaissance, il n’y a pas de récit spécifique concernant la vente aux enchères de foins sur pied. La pratique n’est pas au cœur de contes, légendes ou chants locaux. Toutefois, différents témoignages de personnes nées avant et après la seconde guerre mondiale rendent compte de souvenirs de déroulé ou d’ambiance de ventes aux enchères qui se sont déroulées au XXe siècle.

Menaces environnementales

La prolifération d’espèces végétales invasives (telle que la jussie) en zone aquatique menace l’écosystème des marais et nécessite un entretien régulier. Des actions contre ces plantes ont déjà été menées (restauration des douves, entretiens des cours d’eau), mais elles sont rendues difficiles, notamment dû au fait d’un accès limité d’engins sur le terrain.

 

Délitement du monde agricole

La diminution croissante du nombre d’exploitants agricoles dans la commune et aux alentours joue également un rôle quant au nombre de participants à la vente aux enchères. De plus, le foin étant essentiellement utilisé par des exploitations laitières, leur diminution, au profit de productions céréalières, peut également participer à la diminution du nombre de participants.

Chaque année, la vente aux enchères des foins du marais bénéficie d’articles dans la presse locale. En 2011, une chaîne de télévision nationale a réalisé un court reportage diffusé lors du journal télévisé. Cependant, cette pratique reste connue localement. À notre connaissance, aucun inventaire n’avait été à ce jour réalisé. Et nous n’avons trouvé aucun travail universitaire (toutes disciplines confondues) qui ait eu un sujet en lien avec la pratique de la vente aux enchères de foin sur pied, que ça soit en pays de Redon, en Bretagne ou en France.

L’idée de réaliser un inventaire autour de la pratique de la vente aux enchères des foins du marais n’a pas émané du groupe d’acteurs concernés mais d’une initiative associative. La surprise de la part de l’équipe municipale, et encore plus des agriculteurs assistant à la vente aux enchères, face à cette initiative, s’explique par le fait que cette pratique n’est pas perçue comme une « activité patrimoniale » mais bien économique. Les foins achetés lors de cette vente aux enchères représentent une opportunité économique pour les agriculteurs qui y voient là l’occasion d’acquérir une matière à moindre coût. La vente aux enchères est perçue par la mairie comme l’occasion d’entretenir l’espace et d’assurer un revenu supplémentaire qui vient s’ajouter au budget annuel de la commune.

Cela participe à expliquer que la mairie, ou les agriculteurs présents, n’aient pas souhaité mettre en place, ni prendre part à quelque action de valorisation qui a pu leurs être proposées.

DAGORNE C., Eaux, Herbes et Foins : les pré-marais de Béganne (Morbihan), Mémoire de Maîtrise d’Ethnologie, UBO, 1993.

LAHAYE E., LATOUR J.-L., MABILAIS J.-B. & ROBILLARD C., Vies Paysannes en Pays de Redon 1930-1980, édition Mémoires Vives en Pays de Redon, 2007.

MEYNIER A., Les paysans agraires, Armand Colin, Paris, 1958. Marais de Redon et de Vilaine tome 2 : Histoire, témoignages et patrimoine, édité par le Comité des Marais et Rivières du Pays de Redon et Vilaine, 2007.

RÉMY J., « La chaise, la vache et la charrue. Les ventes aux enchères volontaires dans les exploitations agricoles ». in Études rurales, n°117, 1990, pp. 159-177.

 

Articles Ouest-France :

- Une paisible vente aux enchères de foin à Renac, 17 juin 2014.

- Renac : La commune vend son foin aux enchères, 15 juin 2013.

- Renac : vente aux enchères de foin sur pied ce samedi, 15 juin 2013.

- Renac : La commune vend le foin aux enchères pour étoffer son budget, 7 juin 2013.

- Renac. La commune vend son foin aux enchères ce samedi, Jeudi 14 juin 2012.

 

Reportage TF1 :

- Journal de 20h - Reportage Foins aux enchères, 4 juin 2011.

http://videos.tf1.fr/jt-we/2011/foin-aux-encheres-6517953.html

Données d'enregistrement

 

Identifiant ARKH: ark:/67717/nvhdhrrvswvk26w

N°inventaire : 2014_67717_INV_PCI_FRANCE_00346

Année d'inclusion: 2014

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