Mégalithe ou bloc granitique (Deux versions s'affrontent sur la nature de la pierre, pierre brute pour certains, menhir couché pour d'autres) auquel est attachée une légende locale. Bloc granitique gisant sur la lande, auquel est attachée une légende locale. Cette dernière raconte que la pierre aurait servi d’embarcation à saint Conogan pour sa traversée de la Manche.

Bloc granitique gisant sur la lande, auquel est attachée une légende locale. Cette dernière raconte que la pierre aurait servi d’embarcation à saint Conogan pour sa traversée de la Manche. Ce moine serait venu d'Irlande au VIe siècle évangéliser la population du territoire. Vue d’un certain angle, cette roche monumentale "complètement détachée du sol et ne reposant que par quelques points sur une pierre plate" (Paul Sébillot 1904-1906) évoque la
proue d’un bateau dirigée vers la mer située à quelques centaines de mètres de là. Tout près, une autre pierre plus petite nous a été présentée comme annexe de l’embarcation. Selon d’autres versions, elle est apparentée à un animal marin : dauphin ou requin. Nos informateurs ajoutent que le vaisseau de pierre, en arrivant sur le rivage, aurait percuté un rocher appelé le Garreg-Toull (rocher troué en breton) que l’on voit devant la plage de Porz-Peron et aurait rebondi jusque-là, en haut de la falaise.

Description des lieux et des installations :

La pointe du Millier est une des zones naturelles protégées du cap Sizun, à l’extrémité sud-ouest du Finistère. Le vaisseau de pierre de saint Conogan est situé sur la lande à environ 500 mètres de la falaise sur un sentier pédestre côtier rejoignant le moulin à eau de Keriolet et le phare du Millier. Cet ensemble patrimonial, en partie propriété du Conservatoire du littoral, rend ce site particulièrement attractif.
Le vaisseau couché sur la lande, d'une longueur de 8 mètres, d'une hauteur de 2,20 mètres et d'une largeur de 3 mètres repose sur une pierre transversale ayant, selon Jean-Yves Le Brun, servi sans succès à le dresser. Son poids avoisine les 20 tonnes.
Il semble être placé en équilibre sur une cale de lancement. À ses côtés, une roche affleurante de plus petite taille fait également partie de la légende (l’annexe du bateau). Aucune signalétique n’existe sur le lieu.

Nature de lieu :

Espace extérieur situé sur la propriété du Conservatoire du littoral, traversé par un chemin de randonnée pédestre.

Description de la transmission

La transmission de cette légende se fait à l’articulation de l’oral et de l’écrit. Différents modes coexistent.

- Le premier est un mode oral que l’on pourrait qualifier de mode "traditionnel" : selon Monsieur Le Brun, la majorité des habitants de la commune a connaissance de cette pierre merveilleuse : "ça a été transmis comme ça de bouche à oreilles par les anciens". Les pierres à légende sont souvent le lieu de balade dans un cadre familial ou scolaire. C’est à ces occasions que ces traditions orales peuvent se transmettre in situ. Notre informateur raconte s’être promené enfant sur le site du bateau avec ses parents. Cette pratique donne l’impression aux habitants de connaître ces pierres et leurs légendes "depuis toujours", elles font partie du paysage non seulement naturel mais aussi culturel.

- Les collectes folkloristes du XIXe siècle jouent aussi un rôle dans la diffusion de cette légende. Le fait de consigner par écrit les récits légendaires issus de la tradition orale participe à leur transmission. La référence faite au bateau de pierre de saint Conogan par Paul Sébillot dans une de ses collectes est un des modes de connaissance de la légende.

- Suite à l’acquisition du site de la pointe du Millier par le Conservatoire du littoral à partir de 1984, Jean-Yves Le Brun a pris l’initiative de revaloriser le bateau de pierre en le dégageant de la végétation qui l’envahissait le rendant ainsi visible et accessible au public. Le vaisseau fait depuis lors partie d’un ensemble patrimonial (avec le moulin et le phare) relié par un sentier de randonnée pédestre.

La valorisation touristique du site et de sa légende est un nouvel outil de transmission. Des balades guidées et contées les mettent en scène, tandis que des dépliants, livres-guides et sites Internet constituent une trace écrite.

Lieu de la transmission

La transmission se fait au niveau local, sur la commune de Beuzec-Cap-Sizun essentiellement sur le site même du bateau de pierre dans un cadre familial ou touristique. Mais elle peut aussi se faire préalablement à la visite voire indépendamment de celle-ci à travers des supports écrits qui élargissent sa diffusion.

La migration des ecclésiastiques celtes venus d’Irlande et du pays de Galles à partir du Ve siècle évangéliser la péninsule armoricaine est un épisode historique largement relayé par le mythe.
On dénombre aujourd'hui quelque huit cents de ces religieux localement reconnus comme saints et dont les noms parsèment le territoire breton. Ainsi, Locronan correspond à la paroisse fondée par saint Renan, Locquénolé celle de saint Guénolé ou Lanildut au monastère établi par saint Ildut etc.

La vie de ces saints fondateurs baigne, tout au long des siècles, la Bretagne chrétienne. À partir des IXe – Xe siècles essentiellement, les hagiographes consignent par écrit les Vitae, dont le but était de promouvoir le culte des saints bretons. Au XVIIe siècle Albert Le Grand entreprend un important travail de collecte sur ce thème qui servira de base au Buhez ar Zent. La vie des saints en breton, lue quotidiennement dans les foyers, prête à chaque jour de l’année la vie d’un de ces personnages.

La présence de la pierre dans ces témoignages

La pierre est souvent évoquée dans le mythe des saints fondateurs de la Bretagne chrétienne. Celui-ci relate notamment la traversée de la Manche de ces derniers sur des bateaux de pierre. On retrouve aussi sur l’ensemble de la Bretagne, des lieux marqués de l’empreinte des saints venus s’étendre, s’asseoir, prier ou poser le pied et dont la pierre garde le stigmate. Dans les collectes et articles qui traitent de la Bretagne2 d’importantes références sont faites à ces pierres merveilleuses ; elles jalonnent les parcours de ces moines et prêtres itinérants. La toponymie témoigne encore de l’importance des rapports entretenus à ces pierres : lit de saint Ronan, chaise de saint Yves, bateau de saint Conogan, le pas du cheval de saint Gildas, le pied de saint Éloi…
Ces pierres, investies par la religion chrétienne, ont pu être l’objet de cultes plus anciens, possiblement destinés à promouvoir la fécondité. Si le clergé s’est efforcé d’éliminer ces pratiques jugées superstitieuses, certaines ont été détournées et intégrées par la religion chrétienne en culte des saints. Ainsi à Locronan, "la jument de pierre" est aussi appelée "la chaise de saint Ronan".
Les pierres à empreinte ont pu faire l’objet de cultes et de croyances mêlant conceptions chrétiennes et non chrétiennes: les toucher permettait de recevoir le fluide de sainteté, elles pouvaient avoir des vertus curatives et il était souvent déconseillé de les déplacer sous peine de châtiments ou de voir la pierre revenir à son emplacement d’origine.

2 A. Le Grand au XVIIe siècle, J. Cambry au XVIIIe, P. Sébillot au XIXe et G. Guénin au XXe entre autres.

La légende du bateau de saint Conogan est le fruit d’une élaboration collective à rattacher à l’arrivée des évangélisateurs sur le territoire armoricain aux alentours du Ve siècle. Saint Conogan connu aussi sous le nom de saint Guénégan ou saint Guénoc serait un moine émigré du Pays de Galles. Le seul fait historique avéré est son élection en tant que second évêque de Quimper à la suite de saint Corentin. Il serait décédé en 456. Sur la commune de Beuzec-Cap-Sizun, le lieu-dit Lescogan doit son nom à ce moine, de même que la fontaine et la chapelle qui lui sont dédiées.

La légende repose sur la croyance partagée de la traversée miraculeuse des saints sur des bateaux de pierre. Mais l’adhésion collective motivée par la foi chrétienne n’est plus d’actualité.

Le discours actuel sur le bateau de saint Conogan montre à la fois un intérêt pour la légende autant qu’un souci de rationalisation de celle-ci :
La légende de saint Conogan est aujourd’hui diffusée : le "bateau" est un lieu de balade, valorisé dans le cadre du tourisme culturel. De même nos informateurs connaissent et évoquent la légende. Il semble donc y avoir un intérêt particulier de la part des habitants et des visiteurs pour le récit légendaire. Celui-ci vient donner du sens à la pierre et ancrer ainsi la légende sur le territoire.
Cependant, le souci de rendre le récit rationnel est aujourd’hui récurrent dans le discours des personnes rencontrées. On tente de justifier cette croyance en rappelant l’arrivée des ecclésiastiques sur des curraghs ou coracles (bateaux irlandais en cuir) lestés de pierres ; d’autres affirment que ces embarcations contenaient une auge de pierre en leur centre, pour tenir le mât ou encore maintenir le feu en sécurité. La population de l’époque aurait retrouvé ces auges de pierre sur les rivages armoricains et les aurait associées à des embarcations. Un amalgame expliquerait l’origine de la légende.

En réalité, la clé de celle-ci se situe certainement plus dans les représentations et la symbolique que dans une explication terre à terre. Ce discours actuel peut être considéré comme une suite, une réappropriation de la légende des bateaux de pierre. Ces argumentations donnent une nouvelle dimension à ces pierres qui deviennent l'objet d'une nouvelle légende, une "légende savante".

Actions de valorisation, actions touristiques

Le site envahi par la végétation a été défriché par des acteurs du patrimoine dans les années 1990. Le bateau de saint Conogan est aujourd’hui intégré à un circuit touristique : "Le sentier des Korrigans".

Diffusion

Site Internet de la commune , documentation touristique, cartes postales.

Le bateau de saint Conogan apparaît sur le blason de la commune de Beuzec-Cap-Sizun.

- ABGRALL J.M., 1890. "Les pierres à empreintes, les pierres à bassin et la tradition populaire", in Bulletin de la société archéologique du Finistère, Tome XVII, Quimper.

- CAMBRY J., 1799. Voyage dans le Finistère, Coop Breizh, Spézet, rééd. 1993.

- CHARDRONNET J., 1977. Le livre d’or des saints en Bretagne, Armor éditeur, Rennes.

- GIOT P.-R., 1997. La Bretagne des mégalithes, collection Références, éditions Ouest-France, Rennes.

- GUÉNIN G., 1910-1911. "Les rochers et les mégalithes de Bretagne. Légendes, traditions, superstitions", in Bulletin de la Société Académique de Brest, Tome XXXV, Brest : 191-280

- LE GRAND A., 1636. Les vies des saints de Bretagne Armorique, Salaün, Quimper, rééd. 1901.

- MERDRIGNAC B., 2008. Les Saints bretons, entre légendes et histoire. Le glaive à deux tranchants, PUR, collection Histoire, Rennes.

- SEBILLOT P., 1904. Le folklore de France. Tome I, "Le ciel et la terre", Maisonneuve et Larose, Paris, rééd. 1968.

- TANGUY B.. "La vie des saints bretons. De la légende à l’histoire", in Ar Men, n°5, 1986 : 19-29.

- Classé aux Monuments Historiques en 1924 comme mégalithe

- Répertorié comme dolmen à l'inventaire général du patrimoine culturel de 1983

Personne(s) rencontrée(s)

Jean-Yves Le Brun : acteur du patrimoine, association Moulin de Keriolet (devenue l'association Cap sur les moulins, co-gestionnaire du site du Conservatoire du littoral de la pointe du Millier)
Gwendal Stephan : guide-interprète régional, office de tourisme de Beuzec-Cap-Sizun

Localisation (région, département, municipalité)

Commune de Beuzec-cap-Sizun, département du Finistère, région Bretagne

Adresse : Office de tourisme de Beuzec-Cap-Sizun
64, Rue des Bruyères
Ville : Beuzec-Cap-Sizun
Code postal : 29790

Téléphone : 02.98.70.55.51
Adresse de courriel : ot.beuzec-cap-sizun@wanadoo.fr
Site Web 

Localisation de la pierre

Adresse : Pointe du Millier
Ville : Beuzec-Cap-Sizun
Code postal : 29790

Dates et lieu(x) de l’enquête : avril 2009 à Beuzec-Cap-Sizun
Date de la fiche d’inventaire : juillet-août 2009
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Léna Le Roux & Marion Rochard Engélibert
Nom du rédacteur de la fiche : Léna Le Roux & Marion Rochard Engélibert

Supports audio (durée de l’enregistrement, nom s’il y en a un) : 00’02’19
Photographies (nombre de photographies) : 2

N° d'inventaire Ministère Culture : 2009_67717_INV_PCI_FRANCE_00065
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2r3

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bateau_de_pierre_de_saint_Conogan

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