Les veillées mortuaires organisées le soir du décès d'un habitant de la région des Grands-Fonds sur la Grande-Terre en Guadeloupe sont l'occasion de chants, de jeux d'agilité et de vigilance, de jeux de mots ainsi que de devinettes qui témoignent d’une identité régionale singulière.
Ces jeux et ces chants visent à distraire la famille endeuillée de son chagrin et à renforcer les liens de solidarité. Ils permettent de prolonger agréablement le temps que les voisins et les amis du défunt passent en compagnie de ses parents et de ses proches.
Les veillées mortuaires organisées le soir du décès d'un habitant de la région des Grands-Fonds sur la Grande-Terre en Guadeloupe sont l'occasion de chants, de jeux d'agilité et de vigilance, de jeux de mots ainsi que de devinettes qui témoignent d’une identité régionale singulière. Ces jeux et ces chants visent à distraire la famille endeuillée de son chagrin et à renforcer les liens de solidarité. Ils permettent de prolonger agréablement le temps que les voisins et les amis du défunt passent en compagnie de ses parents et de ses proches. La musique traditionnelle de veillée dans les Grands Fonds n'admet aucun instrument de musique. Le chant de veillée proprement-dit ainsi que la plupart des jeux d'agilité sont accompagnés de battements de mains et de bouladjel - ou banjoguita.
Aujourd’hui les jeux de mots et les devinettes sont dans une langue qui mêle le Créole et le Français. L'animateur de veillée les enchaîne à plaisir et se positionne pour cela sous la véranda de la maison du défunt ou alors dans une pièce adjacente à celle où il/elle est exposé(e). Les jeux d'agilité et de vigilance se font à l'extérieur et parfois simultanément. Selon le jeu, ils se pratiquent à deux ou à plusieurs, debout ou accroupis. Les participants suivent les directives que chante un soliste qui est aussi meneur du jeu. Les objets utilisés -matière végétale, cailloux, machette- sont issus de l'environnement quotidien et soulignent le caractère rural de cette pratique.
Cette pratique est liée aux habitants de l'arrière-pays de la Grande-Terre qui sont souvent de petits propriétaires terriens dont les ancêtres se sont établis dans la région des Grands-Fonds depuis la période coloniale. Ils descendent en grande majorité des Africains esclavisés en Guadeloupe. Aujourd'hui encore, en 2021, sur la Grande-Terre se trouve l’essentiel des passeurs de mémoire en activité (chanteurs, lutteurs et conteurs). Un grand nombre d'entre eux est regroupé au sein de d'associations culturelles telle l'association Kan'nida. Compte-tenu du contexte traditionnel de la veillée, les porteurs de savoirs/passeurs de mémoire sont principalement des hommes d’âge mûr (entre 60 et 75 ans), mais il existe aussi quelques femmes de la même tranche d'âge qui transmettent notamment les jeux dits « jé a fi » ou jeux de dames.
La région dite Grands-Fonds, autrement-dit les espaces boisés et morneux du sud de la Grande Terre en Guadeloupe. Les lieux-dits et quartiers concernés sont principalement, mais pas uniquement :
1- à Morne-à-l’eau, les sections Château-Gaillard, Lasserre, Chazeau, Doubs
2- aux Abymes, les sections Chazeau, Caraque, Bouliqui, Papin,
3- à Gosier, les sections Besson, Grands-Bois, Mare-Gaillard, Beaumanoir
4- à Sainte-Anne, les sections Grands-Fonds, Maudette, Douville, Chateaubrun, Marly, Bel-Etang, Gentilly, Saint Protais, Pavillon
5- à Moule, la section Gascon.
Outre l’arrière-pays de la partie sud de la Grande-Terre, des porteurs de cette tradition peuvent encore se rencontrer dans les faubourgs de Pointe-à-Pitre ou encore dans le Nord de la Grande-Terre, comme par exemple à l'Anse-Bertrand, où les plus démunis allaient travailler occasionnellement dans les usines de canne à sucre.
Sur la Basse-Terre ou Guadeloupe proprement-dite, à Marie-Galante, à la Martinique et dans les pays voisins de la Dominique et de Sainte-Lucie le décès d'un individu donne lieu à des veillées au cours desquelles des chants, des jeux de mots, des devinettes ti-tims vraisemblablement d’origine bantoue distraient ceux qui viennent accompagner la famille endeuillée. Toutefois, outre la forme et les rythmes particuliers aux chants de veillée guadeloupéens, plusieurs éléments distinguent les veillées des îles voisines de celles des Grands-Fonds. Ce sont par exemple la présence du tambour ka sur la Basse-Terre, celle des contes traditionnels à la Martinique ou encore de danse bèlè à Sainte
Lucie. Bien que des jeux d’agilité et des jeux dits "jé a lanmou" qui accordent de brefs instants de flirt aux adolescents, aient existé autrefois dans ces régions voisines de la Grande-Terre, l'essentiel des jeux et des luttes qui se pratiquent pendant les veillées mortuaires de la région des Grands-Fonds sont spécifiques à cet espace. De même, la lutte au corps-à-corps appelée Sové Vayan, le bouladjel ou banjo guita (voir fiche Le Bouladjel) qui accompagne le bènaden ainsi qu'une partie des jé a fi, sont spécifiques de la veillée mortuaire traditionnelle des Grands-Fonds.
Autrefois, dans la région des Grands-Fonds sur la Grande-Terre en Guadeloupe, des veillées mortuaires étaient organisées systématiquement le soir du décès d'un habitant. Depuis les années 1990 ces veillées mortuaires traditionnelles se raréfient et sont de plus en plus souvent réservées aux seuls porteurs de tradition originaires des Grands-Fonds qui ont contribué de façon remarquable à la pérennisation d'un élément de leur patrimoine culturel. Elles sont l'occasion de chants, de jeux d'agilité et de vigilance, de jeux de mots et de devinettes spécifiques. De toutes ces activités, seule la lutte au corps-à-corps appelée sové vayan est en voie de disparition.
Les participants à une veillée traditionnelle se réunissent non pas à l’intérieur de la maison du défunt mais à l’extérieur. Selon la taille et le type d’habitation ce peut être sur la véranda, sous une bâche ou directement sous les étoiles. La veillée se tient par tradition sur le lieu même où le défunt est exposé après sa mise en bière.
Les jeux, les chants et les luttes visent à distraire la famille endeuillée de son chagrin. Ils aident à faire passer agréablement le temps que les voisins et les amis passent en compagnie des parents de la personne disparue. Autrefois, en l'absence de télévision et des moyens modernes de communication, la veillée était un moment de détente, une occasion de rappeler et de consolider les liens de solidarité. Elle commençait vers 21 heures, juste après les prières de tradition catholique et durait souvent toute la nuit jusqu'au petit matin. De nos jours les veillées traditionnelles se terminent souvent aux alentours de minuit quand elles sont organisées au domicile du défunt ou dans un espace public, si le défunt est un porteur de tradition connu. D'une façon générale, les veillées qui se tiennent dans un salon mortuaire ne comportent pas de jeux.
Les éléments constitutifs de la veillée mortuaire traditionnelle peuvent se passer simultanément. Des cercles s'organisent çà et là autour de la maison du défunt et chacun est dévolu à une activité particulière. Ici, relativement près du défunt, un petit groupe encercle un animateur de veillées ou un kontè qui détend l'atmosphère en racontant des blagues, des énigmes et des jeux de mots en langue Créole émaillée d'un peu de Français. Dans le contexte de la veillée, ce cercle de spectateurs participants s'appelle lakou. Plus loin, des jeunes gens, hommes et femmes en cercle, tantôt debouts, tantôt accroupis, s'adonnent aux jeux d'agilité et de vigilance, aux jeux dits “de filles” auxquels les enfants participent. Ailleurs on écoute avec attention les chansons de veillée qui commentent l'actualité du quartier et racontent les circonstances du décès. Là-bas des hommes s'affrontent au bènaden avant que, beaucoup plus tard, les lutteurs se présentent pour un combat au corps-à-corps: le fameux sové vayan qui a envoyé plus d'un à l'hôpital.
La tradition admet que les devinettes et jeux de mots, les jeux de vigilance et les jeux dits jé à lanmou (jeux d'amour) précèdent les jeux d'agilité et notamment la lutte sové vayan qui se pratique tard dans la nuit. N'y participeront que des hommes spécialement entraînés. Partout on rit, on chante, on bat des mains pour accompagner la musique des voix.
Dans les veillées autrefois, il n'était servi aucune nourriture, mais seulement du café qui aidait à tenir toute la nuit et du rhum pour ceux qui préféraient de l'alcool. Ces boissons n'étant pas en libre service mais apportées périodiquement aux participants, les chanteurs les réclamaient parfois par des chansons à boire sur accompagnement de banjoguita.
Celui qui vient distraire les participants à la veillée en proposant des jeux de mots, des devinettes et des énigmes est l'animateur de veillées. Il commence sa performance en lançant le Kri! traditionnel, auquel la foule répond Kra! Il enchaîne à plaisir et sans ordre particulier les jeux de mots, les devinettes ainsi que des énigmes, sortes de rébus verbaux auxquels lakou (les participants) doit trouver la solution. Ceux qui proposent une mauvaise réponse sont moqués par l'animateur. Autrefois le Créole était la seule langue utilisée. En 2021 toutefois, sa performance admet aussi un peu de Français. Plusieurs animateurs de veillées peuvent se succéder au cours d'une veillée.
Le chant de veillée est de forme AB répétées ad libitum en fonction du nombre de solistes qui se relaient. A est en style responsorial et B est une strophe dont la longueur varie au gré de l'inspiration du soliste. Il est toujours en langue créole et sur rythme à deux ou à quatre temps et est accompagné de bouladjèl. Chant de commentaire social, les thématiques abordées sont liées au quotidien. Elles relaient les potins du voisinage aussi bien que des événements politiques ou des questions sociales qui touchent le pays, à condition toutefois que ces faits aient un impact local.
Pour la plupart les jé a fi sont de pur divertissement. Ce sont des jeux auxquels les jeunes adolescents qui venaient autrefois avec leurs parents à la veillée pouvaient participer. Pour ce faire, ils forment un cercle et, selon le jeu, se tiennent debout ou accroupis. Certains jeux ne requièrent que deux participants qui se tiennent debout, face-à-face. Ces jé a fi sont accompagnés de chants avec du bouladjel le plus souvent. Le texte des chants contient les directives que les participants doivent observer. Chaque chant est donc particulier au jeu en cours et sert à l'identifier. Une des difficultés des jé a fi tient au fait que les joueurs doivent écouter et observer le soliste pour savoir ce qu'ils ont à faire et simultanément effectuer le geste requis tout chantant la réponse.
Parfois le meneur ou la meneuse de jeu est debout au milieu du cercle et chante les directives. D'autres fois le chanteur soliste se tient à l'extérieur du cercle. Certains jeux requièrent aussi la présence d'un fouetteur qui cingle ou qui fait mine de fouetter celui ou celle qui se trompe d'un coup de ceinture. Celui-ci/celle-ci est alors éliminé(e). Autrefois douloureux car réellement porté, depuis la fin du siècle dernier, le coup est purement symbolique et ne fait pas mal. Toutefois, les réactions que la crainte de le recevoir provoquent, déclenchent le rire des participants.
Chanda est représentée par une feuille d'arbre que la meneuse de jeu, debout au centre du cercle de participants, tient à la main. Cette meneuse de jeu est aussi celle qui chante des directives qu'il ne faut pas toujours suivre. Il faut au contraire reproduire ses gestes sans tenir compte de ce qu'elle chante (car elle fait parfois tout le contraire de ce qu'elle dit dans la chanson) sous peine d’un « coup de ceinture » qui marque aussi l'élimination du fautif. Le fouetteur observe le jeu à l'extérieur du cercle. La chanson est accompagnée de banjoguita et tous les gestes doivent se faire au rythme de la musique. Les meneuses se succèdent au gré des envies.
Le zizipan se joue par deux personnes. L'une tient à la main une machette ou un bâton d'environ 80 cm de long qu'il ou elle frappe au sol au rythme de la chanson zizipan. L'autre lui fait face et est debout ou accroupi. S'il est debout il lui faut alors glisser un pied en un mouvement de balancier latéral sous le bâton ou la machette. Si elle est accroupie, elle passe de même la main sous le bâton ou la machette et toujours au rythme de la musique. Le but est de tenir aussi longtemps que possible sans se faire attraper le pied ou la main par la machette (ou le bâton). Les participants se succèdent au gré des envies (ou des éliminations suite à un coup de bâton ou de machette).
Tout comme zizipan, wonwon est exécuté par deux personnes face-à-face. L'une d'elle tient à la main une ceinture et pointe l'index de l'autre main vers une direction de son choix et change de direction sans prévenir. Le joueur/ la joueuse debout en face doit pointer vers la direction inverse sans se tromper sinon il ou elle est éliminé(e) d'un « coup de ceinture ». Il est alors remplacé par quelqu'un d'autre. Le jeu est souvent compliqué par la nécessité de bouger au même rythme que la musique.
Le principe de ce jeu, pour lequel les participants sont accroupis, est de passer un caillou de la grosseur du poing à son voisin de droite ou de gauche selon ce que demande le chanteur soliste qui est aussi meneur de jeu. Les joueurs déplacent les cailloux au rythme de la chanson. Ils sont éliminés d'un grand coup de ceinture s'ils se retrouvent avec plus d'un caillou devant eux. Le dernier en lice a gagné.
Le but de ce jeu est de se faire raser sans rire, par une personne qui mime les gestes du barbier. Celui qui rit est éliminé d'un « coup de ceinture » et remplacé par un autre joueur. Il se joue par deux personnes à la fois.
Certains jeux sont propices au flirt entre les adolescents qui participent à la veillée. On les désigne quelquefois par l'expression Jé a lanmou (jeux d'amour). Parmi ces jeux il y a :
Le but est pour un jeune prétendant d'obtenir la main de la belle Sirénya en soulevant une grosse pierre ou une bûche qui pèse très lourd. Le jeu se termine quand un homme parvient à soulever la pierre (ou la bûche) et qu'il s'en va avec Sirénya.
Jé a bo (jeu à embrasser), Bel Marizéli requiert la présence d'un nombre équivalent d'hommes et de femmes. La chanson caractéristique de ce jeu est une comptine en Français et en Créole sur mètre libre Belle Marie-Zélie (donc sans accompagnement de banjoguita). Elle est chantée par l'ensemble des participants qui forment un cercle, avec une personne en son centre. Cette personne attrape quelqu'un qu'il /elle embrasse au moment où la chanson le commande ("belle, embrassez votre amour). Bien entendu, personne ne veut se laisser attraper et moins encore, embrasser. Si on ne trouve personne à embrasser, on reçoit un coup de ceinture. Celui/celle qui a été embrassé(e) prend la place de l'autre au centre du cercle.
Deux activités de veillée sont réservées aux hommes : le bènaden et le sové vayan. Le bènaden peut se donner à n'importe quel moment de la veillée, mais le sové vayan se passe généralement très tard dans la nuit, après que les femmes ont quitté l'espace de jeu.
Le bènaden est une lutte dansée qui oppose deux hommes à l'intérieur d'un cercle de spectateurs répondeurs (voir fiche Le bouladjel). Ces derniers donnent la réponse au chanteur soliste, émettent la polyrythmie par respiration saccadée typique du bouladjel et frappent des mains tout en suivant l'affrontement. Plusieurs chants servent de socle musical au bènaden et ils sont tous sur accompagnement de type bouladjel. C'est en général la chanson Jan Berna qui annonce le début du bènaden. Les lutteurs face-à-face se tiennent à environ un mètre de distance. Ils ont les pieds écartés, un en avant et l'autre en arrière. Chacun à son tour, lance vigoureusement le poing en visant la bouche et le nez de l'adversaire. Ce dernier peut tenter de parer le coup en portant les deux mains autour de la bouche et du nez. Il peut pencher la tête et le buste en arrière mais ne doit pas reculer pour éviter le coup. Le gagnant est celui qui réussit à frapper son adversaire au visage. Les lutteurs esquissent des pas de danse entre deux lancers de poing pour tromper la vigilance de l'opposant avant de se remettre en position de combat, un pied en avant l'autre en arrière.
Le sové vayan, dans lequel deux lutteurs s'affrontent en un combat au corps-à-corps, a pour but de soulever l'adversaire de terre pour le faire tomber de sorte que son épaule touche le sol. Hormis le chant d'ouverture (par exemple : "baré ponla baré") qui signale que le cercle de spectateurs répondeurs est sur le point de se transformer en arène, le sové vayan se fait sans aucune musique. C'est la seule partie de la veillée pour laquelle les participants se soumettent à une préparation rigoureuse sur le plan physique autant que spirituel. Certains luttent avec des animaux, avec des taureaux notamment, pour développer leur force physique. Il n'est pas rare que les gens parient sur un des lutteurs en présence et que les lutteurs soient prévenus à l'avance qu'un adversaire l'attend pour se mesurer à lui, à la veillée de ce soir-là.
La langue principale utilisée est le Créole guadeloupéen, mais certains jeux de mots et devinettes admettent aussi l’usage du Français.
Véyé asi Granfon, jeux et traditions de veillée funéraire de la région des Grands-Fonds (Guadeloupe)
Véyé asi Granfon
Sans objet
Selon le jeu on emploie une machette (aussi appelée coutelas), un bâton, des cailloux, un ceinturon, des feuilles d'arbre, une pierre ou une grosse bûche. Depuis quelques années, surtout en milieu scolaire et dans les ateliers d’apprentissage, des petits blocs de bois tendent à être utilisés plutôt que des cailloux qui peuvent blesser les mains.
Jusqu'à la fin du vingtième siècle, l'apprentissage se faisait surtout de façon informelle. Les principes de création des chants spécifiques aux veillées mortuaires se sont transmis d'une personne plus âgée à une autre plus jeune de façon directe parfois. Cet effort de transmission directe a pris des formes diverses : démonstration de techniques personnelles pour développer sa voix, explications relatives aux métaphores et aux histoires véhiculées dans les textes des chants, conseils relatifs à la façon d'évoquer des personnes vivantes dans les chansons pour éviter les problèmes, etc.
Tous les porteurs de tradition ont observé leurs aînés pendant les veillées pour apprendre les conventions propres au contexte de la veillée, pour comprendre comment un chant se construit d'un point de vue mélodique et aussi d'un point de vue littéraire. Il en va de même pour ceux qui créent ou recréent les jeux de mots et les devinettes.
Depuis le début des années 1990, des associations de porteurs de tradition se sont créées dans le but d'assurer la transmission des connaissances spécifiques liées à ces pratiques. Elles animent des ateliers de sensibilisation à destination des enfants des écoles, organisent des sessions d'apprentissage pour adultes et enfants en dehors du système scolaire et participent à des spectacles.
L'association la plus connue et la plus ancienne qui s'est donné pour mission la sauvegarde et la transmission du patrimoine culturel immatériel de Guadeloupe et notamment des traditions de la région des Grands-Fonds est Kan'nida. Elle est constituée principalement de personnes qui ont grandi dans la tradition et est dirigée par René et son frère Francky dit Zagalo Geoffroy. Comme la plupart des membres de l'association Kan'nida, les Geoffroy sont réputés dans toute la Guadeloupe pour leur connaissance approfondie et leur pratique soutenue des traditions locales.
D'autres associations s'occupent de transmettre les jeux de veillée aux enfants en milieu scolaire ou péri scolaire. Parmi celles-ci on compte le Comité d'Action Sportives et Culturelles (association CASC) qui organise le festival de Gwoka de Sainte-Anne propose tous les ans pendant le festival, des ateliers où les enfants viennent apprendre les jeux de vigilance et d'agilité tels que le zizipan ou le bènaden,
Plusieurs individus, tous des porteurs émérites de la tradition de veillée des Grands-Fonds, contribuent à sa pérennisation. Les plus connus sont : les chanteurs Esnard Boisdur, Yvon Anzala, Alain Firmis, Dominique Luit ou encore Emmanuel Kancel. Ceux-ci ne représentent qu'une partie des porteurs de tradition de la région des Grands-Fonds qui sont impliqués dans la sauvegarde des chants et des jeux de veillée. Par contre, le nombre des lutteurs de sové vayan continue, malheureusement, de diminuer. Ce genre risque la disparition à court terme si rien n'est fait pour le sauvegarder.
Des recherches doivent encore être effectuées autour des origines de cette tradition. Les seuls travaux historiques qui se rapportent à la région des Grands-Fonds et qui aident à comprendre qui sont les habitants de cette région sont dûs à l’économiste Babatoundé Lawson-Body qui en 1989 a consacré un article extrait de sa thèse de doctorat au peuplement de la région des Grands-Fonds. Dans un article publié en 1989 Lawson-Body écrit :
"Le peuplement actuel des Grands-Fonds (…) s'organise autour de la petite habitation vivrière, caféyère et/ou cacaoyère. Avant cette période cependant, la région n'était pas vierge de toute présence humaine. En effet si nous sommes mal informés sur ce qu'a pu y être le séjour des autochtones caraïbes, nous disposons par contre de matériaux attestant que les esclaves-marrons en ont fait leur refuge, sans doute dès le milieu du XVIIe siècle".
La région des Grands-Fonds étant en effet couverte d'une forêt dense, elle a servi de refuge à une population d'Africains rebelles fugitifs, les marrons, dont le nombre varie selon les sources de deux cents à six cents. (Debbash in Lawson-Body, 1989). La nature du terrain, sa topographie n'étant pas propice à l'installation de grandes habitations sucrières, le peuplement par les Européens s'y est fait de façon très lente dès la fin du XVIIe siècle. Ils ont construit des petites habitations avec chacune très peu d'esclaves en partant de la mer pour s'avancer jusqu'à la lisière de la forêt et pendant un peu plus d'un siècle, des années 1720 jusqu'à la fin de l'esclavage en 1848 y ont produit du café et du coton. Des sources attestent de la présence de communautés de marrons dans la forêt des Grands-Fonds dès 1720 et jusqu'à la fin des années 1830. Un troisième groupe d'individus s'installe encore dans la région, ce sont les gens de couleur nés libres, des métis qui acquièrent eux aussi des parcelles de terrain. La dureté de la vie dans les Grands-Fonds a favorisé les échanges, les relations et les alliances formelles entre petits blancs et nés libres et au fil du temps une société relativement homogène s'y est développée. De nombreux porteurs de la tradition de la veillée mortuaire des Grands-Fonds peuvent retracer une partie de leurs origines jusqu'aux Européens qui se sont installés dans la région au tournant du 18e siècle. Ainsi par exemple, les ancêtres des fondateurs de l'association Kan'nida, René et Francky Geoffroy, des porteurs de tradition respectés car issus d'un lignage de chanteurs, de lutteurs et de danseurs, font partie de la première génération de colons blancs qui se sont installés dans les Grands-Fonds à la fin du XVIIe siècle.
Jusqu'aux années 1980 la veillée traditionnelle était organisée pour deux occasions particulières : le soir du décès et le soir du vénéré, soit le neuvième jour après l'enterrement. Elle se tenait dans la maison du défunt et durait souvent jusqu'au petit matin. Au tournant du vingt-et-unième siècle, bien que cette tradition perdure, le recours fréquent aux salons funéraires a entraîné des changements et les jeux d'agilité tendent à disparaître des veillées. Parallèlement, les jeux et traditions de veillée des Grands-Fonds qui se transmettaient de façon informelle et ne se pratiquaient que dans le contexte des veillées et des vénérés, font depuis le début des années deux mille l'objet d'un apprentissage au sein d'associations et sont parfois enseignés aux enfants dans le cadre des activités scolaires et péri scolaires. En quittant l'espace des veillées mortuaires traditionnelles on les trouve de plus en plus souvent intégrés dans des spectacles dont le thème est parfois sans lien avec celui de la veillée mortuaire.
Au tournant des années deux mille vingt, on voit parfois des animateurs de veillée qui vont conter les devinettes et les jeux de mots au cours de rencontres organisées en plein jour, au domicile d’un défunt pour lui rendre hommage. Cette adaptation au mode de vie moderne n’obtient pas toujours l’aval de la majorité des porteurs de tradition.
Cette pratique jouit d’une belle vitalité car dans la région des Grands-Fonds, on peut encore assister à plusieurs veillées de type traditionnel chaque année. Ces veillées sont organisées spontanément lors du décès d’un porteur de tradition ou alors quand le défunt en avait fait la demande avant de mourir.
Jusqu'à la pandémie de SRAS-Cov2 (covid-19), les jeux de veillées étaient enseignés aux enfants dans le cadre des activités périscolaires, notamment ce qui assure leur transmission.
Le premier mode de sauvegarde est l'organisation de veillées qui demeure une tradition vivace dans les Grands-Fonds, notamment au moment du décès de porteurs de tradition émérites. L'Association Kan’nida est une des plus actives en ce domaine. Ses membres participent régulièrement à des veillées mortuaires dans la région des Grands-Fonds. Kan’nida fournit en outre des animateurs pour les ateliers de bouladjel, de jeux de veillée et de bènaden.
La plupart des jeux de veillée font l’objet d’efforts soutenus pour leur sauvegarde et leur transmission au niveau local. Outre les mesures de sauvegarde qui sont présentées dans la fiche “Le bouladjel” (2013_67717_INV_PCI_FRANCE_00326), il y a notamment les ateliers au cours desquels les adultes et les enfants qui le souhaitent viennent apprendre les jeux. Ils sont mis en place par des associations le plus souvent.
L'association CASC (festival de gwoka) propose chaque année (2020 et 2021 exceptées, suite à la pandémie de SRAS-Cov2) des journées de découverte des jeux et pratiques de veillées destinées à des publics divers, enfants et adultes.
L'Association ArtsAuPluriailes (commanditaire de la recherche qui a abouti à la rédaction de la présente fiche) met en place des ateliers de sensibilisation avec les enfants des écoles dans le cadre de la politique de la ville.
L'artiste-performeur Lukuber Séjor place dans la plupart de ses créations et spectacles des jeux rythmiques sur base de bouladjel.
La Ville de Sainte-Anne en Guadeloupe a rebaptisé une maison de quartier située section Fouché à Sainte-Anne, “Espace Sergius Geoffroy” du nom d'un des meilleurs chanteurs de veillée du XXe siècle.
Une fresque consacrée à Sergius Geoffroy a été réalisée sur la place du marché de la ville de Sainte Anne en Guadeloupe.
La ville de Petit-Canal a consacré un espace dans la section de Duval où il y a une fresque de Sergius Geoffroy
Rèpriz, le centre des musiques et danses traditionnelles et populaires de Guadeloupe a décerné à plusieurs porteurs de la tradition des Grands-Fonds le titre de trésor vivant de la tradition de Guadeloupe, saluant ainsi leur contribution à la pérennisation et à la transmission du PCI. Ainsi Yvon Anzala en 2014, et avec lui Chauleau Coco, Napoléon Magloire en 2011 ont été honorés de leur vivant.
La ville de Sainte-Anne en Guadeloupe envisage de créer une exposition relative à la veillée des Grands-Fonds et à la contribution de Sergius Geoffroy, porteur émérite de cette tradition dans la maison de quartier située à Fouché, à Sainte-Anne.
L'association Kan'nida a entrepris l'élaboration d'un livre consacré aux porteurs des traditions particulières aux Grands-Fonds vivants en 2021 et à tous ceux des générations passées qui ont inspiré les kontè, chantè, boularyen et lutteurs d'aujourd'hui.
Toutes les personnes dont les noms sont indiqués supra (voir section V.1. "Praticiens rencontrés et contributeurs de la fiche") ont manifesté leur accord pour inclure la tradition de veillée de Grands Fonds dans l'inventaire en acceptant de rencontrer l'enquêtrice et en fournissant les informations nécessaires à l'élaboration de la fiche. Kan'nida a validé, après relecture, les informations contenues dans la fiche rédigée par l'enquêtrice.
La véyé o swè la. Comédie musicale - Reconstitution de veillée mortuaire dans la tradition des Grands-Fonds. Conception, mise en scène : René et Francky Geoffroy, Association Kan’nida. 2012.
Fiche inventaire du Bouladjel ou Boulaguèl réalisée par Rèpriz, centre régional des musiques et danses traditionnelles et populaires de Guadeloupe. (https://pci-lab.fr/fiches-d inventaire/fiche/31)
Bébel-Gisler, Dany, « Nous ne sommes plus maîtres de nos morts », Sept Magazine, n°617, 18 avril 1991, p. 31
Clément, Hélène, « Mourir an tan lontan », Sept Magazine, n°617, 18 avril 1991. p29-30
Cyrille, Dominique, « Opi Bel Son : Bèlè et Chants de travail de la terre en Guadeloupe », Gourbeyre, Éditions Nestor, 2012
Lawson-Body, Babatoundé, « Processus du peuplement de l'espace vivrier des Grands-Fonds » Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe, n°79 à 82, 1er, 2e, 3e et 4e trimestres 1989, p. 31– 137
La Véyé O Swè-la, DVD réalisé par Pascal Garel, produit par l'association Kan'nida, 2018, 95 minutes
La véyé o swè la. 2012. DVD de reconstitution de veillée mortuaire dans la tradition des Grands Fonds Conception René et Francky Geoffroy, Pascal Garel réalisateur, 84 min.
William Germain, On véyé boucoussou, 33t. vinyle, produit par Kaloukéra, 1964 Véyé, Compact disc référence CDS 7248 SD 30, association Kan'nida, 1992
Seuls sont mentionnés sur cette fiche, les porteurs de tradition rencontrés en 2021 et qui ont consenti à ce que les informations qu'ils ont données lors des entretiens avec l'enquêtrice contribuent à l'élaboration de la fiche d'inventaire. Toutefois, les informations présentées tiennent compte également du témoignage d'anciens chanteurs et boularyens de boulaguel rencontrés entre 2007 et 2010. Certains d'entre eux sont disparus au moment de l'élaboration de cette fiche tels que Chaulo Coco ou encore Napoléon Magloire.
THILBY, Jacques ; Chanteur
Section Poirier, Sainte-Anne
LOIAL, Antoine ; Porteur de tradition
Belleplaine, Sainte-Anne
KANCEL, Emmanuel ; Chanteur
Gascon, Moule
CHIMBONDA, Victor ; ancien Lutteur
Anse-Bertrand
PERAN, Antoine Rigobert "Esména" ; Ancien Chanteur
Lamarre, Sainte-Anne
GEOFFROY, René ; Porteur de tradition, président de l'association KAN'NIDA
Gaillarbois, Sainte-Anne
GEOFFROY, Francky ; Porteur de tradition, association KAN'NIDA
Gaillarbois, Sainte-Anne
GEOFFROY, Christiane "Malou" ; Porteuse de tradition
Cavanière, Sainte-Anne
BERTÉLI, Félicien ; Chanteur
FIRMIS, Alain ; Chanteur (boularyen/boularyen-bouladjel)
Mne Pavillon, Sainte-Anne
SÉJOR, Lukuber ; Artiste- performeur- porteur de tradition
Douville, Sainte-Anne
EGERTON, Prisca "André" ; Chanteur (boularyen/boularyen-bouladjel
Mare-Gaillard, Gosier
EGERTON, Rufin ; Chanteur (boularyen/boularyen-bouladjel
Mare-Gaillard, Gosier
LAUMUNO-FIRMIN, Maryéléna ; Porteuse de tradition
Douville, Sainte-Anne
LEMBERT, Roberto ; Porteur de tradition
Gosier
SÉJOR, Lukuber ; Artiste- performeur- porteur de tradition
Douville, Sainte-Anne
EGERTON, Prisca "André" ; Chanteur (boularyen/boularyen-bouladjel
Mare-Gaillard, Gosier
EGERTON, Rufin ; Chanteur (boularyen/boularyen-bouladjel
Mare-Gaillard, Gosier
LAUMUNO-FIRMIN, Maryéléna ; Porteuse de tradition
Douville, Sainte-Anne
LEMBERT, Roberto ; Porteur de tradition
Gosier
CYRILLE, Dominique ; Ethnomusicologue
dominique.c972@gmail.com
SPIELMANN, Florabelle ; Ethnomusicologue
Avril - Juillet 2021, région des Grands-Fonds, Grande-Terre, Guadeloupe
Août 2023
2024
2024_67717_INV_PCI_FRANCE_00544
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Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guadeloupe#Rites_mortuaires
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