Granville est une cité portuaire normande d’environ 13000 habitants (Région Basse-Normandie, Département de la Manche) dont l’activité fut dominée pendant plusieurs siècles, jusqu’à la veille de la première guerre mondiale, par la grande pêche transatlantique à la morue.
Le carnaval qui s’y déroule chaque année, auquel s’associent les communes voisines, est le plus important et certainement le plus renommé de l’Ouest de la France.

Granville est une cité portuaire normande d’environ 13000 habitants (Région Basse-Normandie, Département de la Manche) dont l’activité fut dominée pendant plusieurs siècles, jusqu’à la veille de la première guerre mondiale, par la grande pêche transatlantique à la morue.

Le carnaval qui s’y déroule chaque année, auquel s’associent les communes voisines, est le plus important et certainement le plus renommé de l’Ouest de la France. Il est l’un des trois grands carnavals ayant subsisté, chacun avec leurs spécificités et leurs coutumes, dans des villes portuaires françaises. Il est porté par toute la population avec environ 2500 personnes qui le prépare et participent aux cavalcades. Il attire chaque année 100 000 spectateurs et plus.

Pendant près de 6 mois, à partir de septembre, sont activement préparés dans un grand atelier et divers locaux, la quarantaine de chars et la dizaine de modules (dispositifs légers produits par des groupes souvent informels s’intercalant entre les chars) constitutifs des cavalcades qui parcourront la ville. Ces ateliers, situés en périphérie de l’agglomération sont mis en permanence à la disposition des carnavaliers par la municipalité.

En novembre ou début décembre, la désignation des "demoiselles du pays granvillais" constitue une première annonce des festivités. La future Reine du carnaval et ses deux dauphines sont élues pour un an au cours d’une soirée populaire. Autrefois, cette élection était directement coordonnée par l'organisation du Carnaval ; depuis quelques années, du fait des fonctions représentatives assurées tout au long de l'année par les demoiselles, elle est désormais organisée par un organe indépendant "l’association des Demoiselles du Pays granvillais".

Le carnaval se déroule à partir du vendredi soir les jours précédant le Mardi-gras, avant le traditionnel jeûne du calendrier chrétien. Durant ces cinq jours, la communauté carnavalière prend possession de l’ensemble du territoire urbain : Le port et le cœur de la ville (place de la mairie) jouent cependant un rôle essentiel dans cette appropriation du territoire.

Dès le vendredi soir un grand concert qui rassemble les carnavaliers à la "maison du carnaval" constitue en quelque sorte une avant-première des festivités.
Le rituel annuel, proprement dit, s’ouvre le samedi avec la prise de possession symbolique de la ville par le Roi carnaval – figure en papier mâché – auquel le Maire remet les clefs de la cité. Les enfants de la ville forment ensuite une première cavalcade, à laquelle participent deux chars dont celui de la Reine et de ses dauphines, vêtues du costume traditionnel granvillais, qui accompagne en musique Sa Majesté le Roi jusqu’en son palais ou "Maison du carnaval", un chapiteau dressé pour la circonstance. S’y tient alors le grand bal des enfants. En soirée, la ville est parcourue par des groupes de musiciens.

Le dimanche à la mi-journée, les festivités reprennent en musique avec des aubades jouées sous le chapiteau. L’après-midi a lieu la grande cavalcade comprenant une quarantaine de chars, une dizaine de modules et plusieurs fanfares. Elle se poursuit en soirée par la cavalcade lumineuse, qui est une reprise du défilé en lumière, accrue de quelques éléments pyrotechniques. Une fête foraine complète les festivités. Chaque cavalcade se compose de plusieurs défilés simultanés qui convergeant vers le centre de la cité opèrent un brassage symbolique de ses composantes géographiques et sociales.

Après cette folle journée, le lundi est une sorte de jour de relâche. Se tiennent toutefois en la maison du Carnaval deux autres bals très fréquentés auxquels chacun peut participer, déguisé ou non : en après-midi, celui des "toujours jeunes", plus particulièrement destiné au "troisième âge" et en soirée "le p’tit bal à papa" ouvert à tous les adultes.
C’est sans aucun doute le dimanche qui rassemble le plus grand nombre de spectateurs venus notamment de l’extérieur. La journée du mardi se veut plus "intimiste", malgré la foule encore considérable dans les rues de la ville, c’est elle qui exprime le plus fortement l’identité et la cohésion de la communauté et qui revêt une importance particulière pour les carnavaliers. Ce dernier jour, se déroule une troisième cavalcade qui est une reprise de celle du dimanche. Le défilé se termine sur le port où se tient le procès du Roi carnaval qui, condamné, est brûlé au milieu du bassin portuaire.

En fin de journée, à la nuit tombée, la foule des festivaliers se presse place de la mairie où se déroule une gigantesque bataille de confetti (cinq à six tonnes de confetti sont utilisées durant le carnaval). Enfin, le rituel se clôt par une nuit "d’intrigues” durant laquelle, dans les bars, les restaurants, la rue, sous le couvert du masque, on plaisante anonymement avec des amis et des proches en évoquant des évènements peu connus de leur vie, excitant ainsi leur curiosité.
Hormis quelques faits récurrents comme la remise des clefs de la ville ou le jugement du roi, la fête est une tradition perpétuellement renouvelée et non figée sur des rites et des habitudes. Cette liberté facilite l’expression de la diversité culturelle et le mixage des composantes de la société. Ainsi des éléments ont été introduits à certaines époques, comme la bataille de confetti, d’autres sont oubliés puis renaissent ultérieurement. Les parcours des cavalcades se modifient avec la géographie urbaine et la localisation de rituels forts, telle la crémation du roi carnaval, s’est déplacée dans la ville.

La communauté carnavalière

Le carnaval est un temps festif auquel participe à des degrés divers l'ensemble des Granvillais. Les carnavaliers, proprement dits, sont tous ceux qui de génération en génération se regroupent et forment une "communitas provisoire" pour concevoir en secret des chars et les animer mais, également, de ceux qui, travestis, déambulent librement dans les cavalcades ou vivent les intrigues du Mardi-gras.
La participation de la population est bien évidemment une condition essentielle de pérennité du carnaval. Aussi, sa coordination est confiée à un comité d’organisation élu au sein de l’association réunissant depuis 2004 l’ensemble des carnavaliers. Cheville ouvrière, le comité prépare la manifestation, veille à son bon déroulement, coordonne les différents acteurs et est l’interlocuteur des pouvoirs publics. Fréquemment renouvelé, il est le moteur de l'évolution du carnaval, expression vivante de l'identité de la communauté, dont la forme, bien que structurée, n'est pas figée dans le temps.
Les carnavaliers se regroupent en divers comités – dont certains sont eux-mêmes constitués en association – : les 6 "comités" représentatifs des quartiers de la ville et les 34 "comités particuliers", composés par des amis, des collègues de travail, des associations. Ils prennent chacun en charge la construction d’un char dont le nombre se trouve limité à une quarantaine, essentiellement en raison de la capacité du réseau viaire de la ville à les accueillir. Chaque comité se charge de réunir les moyens nécessaires à la réalisation de son projet en organisant diverses manifestations au cours de l’année. Le comité d’organisation apporte parfois un concours financier aux équipes dont les moyens s’avéreraient insuffisants. Deux chars sont également réalisés par les services techniques de la ville ; en particulier, celui de la reine du carnaval, qui est le seul à être créé pour plusieurs années. Il a été renouvelé en 2013, sur la base d’un ancien autocar. Les "modules" sont le plus souvent réalisés par des groupes plus informels qui s’insèrent, parfois au dernier moment, dans les cavalcades.

Si le carnaval prend en toute liberté possession, symbolique et physiquement du territoire, c’est le maire qui en autorise la tenue. Les services de la ville – dont beaucoup d’agents sont carnavaliers – sont fortement mobilisés pour garantir la sécurité et faciliter l’organisation financière et matérielle de l’événement. La ville de Granville est donc directement partie prenante de la communauté, tout comme plusieurs communes limitrophes qui soutiennent le comité d’organisation.
Imaginer, financer, préparer dans le secret un char durant plusieurs mois, partager les savoir-faire est un moment intense qui renforce la cohésion de chaque équipe participante.
Fête rituelle immanquable pour les Granvillais, le carnaval est, toute l'année, un sujet de discussion : "j'ai fait ça à carnaval". Occasion de revoir des amis, des parents éloignés et pour beaucoup de natifs de la ville de revenir à Granville, cette tradition fédère. Se forment également des "couples carnavals", alliances parfois durables. Chacun possède la faculté de participer au carnaval selon ses capacités ; c'est le principe même de son existence. À la différence d’autres carnavals européens, il n’existe pas de confrérie ou de compagnie particulière appelée à jouer un rôle majeur dans les cavalcades et dans la possession de la ville. La composition des comités fédérant les carnavaliers autour d’un projet de char, change annuellement.

L'esprit du carnaval

Pour les Granvillais, le terme "carnaval" désigne le "carnaval de Granville", temps fort et rituel vécu annuellement avec ses amis, sa famille, dans un cadre festif, en extérieur, avec tous les carnavaliers et spectateurs. Les repères dans la ville sont totalement modifiés, tout comme il est fait fi des règles régissant habituellement les rapports sociaux, favorisant ainsi une mixité sociale. Faire carnaval, c'est manifester son appartenance à la communauté des habitants tout en affirmant sa propre personnalité. Pour ce, le costume qui rassure, désinhibe, et autorise une grande permissivité, joue un rôle primordial.
Cette manifestation, véritable moment de démocratie populaire, permet à tous, collectivement ou individuellement, de porter un regard très humoristique sur l’actualité, de railler des personnalités locales et nationales. Fréquemment, ce sont les chars issus des quartiers de la ville qui brocardent volontiers la politique locale – de façon parfois difficile à décrypter pour les étrangers à la cité – tandis que les autres portent plus volontiers une critique souvent très ironique sur la politique nationale.
Certains n’expriment pas de message particulier, mais sont un trait d’humour souvent élaboré au fur et à mesure de la construction du char. Aucun thème n’est imposé et chaque comité de char est libre de sa composition, renouvelée annuellement selon l’actualité et l’inspiration du moment comme en 2013 : les péripéties du rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, le dopage autour de l’affaire Lance Armstrong, le nouveau plan de circulation urbaine de Granville…
Le carnaval, par essence lieu de dialogue et d’échange d'idées, est le terreau d’un engagement citoyen qui donne à chacun la possibilité de s’exprimer. Le costume pose tout le monde sur un pied d'égalité ; chacun est l'égal de son voisin, de son patron, des personnalités publiques. Miroir social à un instant précis, toutes les questions sont abordées lors du carnaval, sans retenues, avec simplicité et esprit satirique.

Temps caustique et d’impertinence, notamment envers les autorités, le carnaval est aussi celui où toutes les composantes de la société locale se mêlent dans un même élan festif ; dès lors, des règles implicites de respect des groupes et individus s’imposent aux participants. En 2011, l’association des carnavaliers s’est dotée d’un règlement intérieur, unanimement admis, qui formalise l’essentiel de ces règles comme la prohibition de sujets licencieux ou contraires aux bonnes moeurs susceptibles de choquer une partie de la population.
Voici quelques propos recueillis à Granville en mars 2009 par Patrice Bekus, ingénieur d’études, , dans le cadre du Programme Carnaval conduit par le Mucem, sous la direction de Marie-Pascale Mallé 1 :

"Le nom de Ortie Colle 1er, roi du carnaval, fait allusion au maire actuel de Granville qui s’adonne à l’horticulture. Les noms des rois du carnaval sont parfois complexes et ne sont pas choisis dans un contexte particulier.
Certains chars n’ont pas de contexte politique ou autre particulier : le but est de recréer une ambiance et de trouver des déguisements faciles : perruques aux cheveux longs, pantalons larges, chemises à fleurs… c’est le cas du char N°2 : les années disco des fêtards en furie.
Certains grands personnages présents sur les chars ont été achetés à d’autres carnavals (Nice, Cholet par exemple) et le Comité du Carnaval tire au sort la distribution de ces personnages qui sont ensuite attribués aux gagnants. Ceux-ci les accommodent à leur façon et en fonction de leur imagination. C’est le cas du char N° 3 "Sarko-Sage and C°" : le but des carnavaliers est d’y inscrire des slogans comiques et des jeux de mots.
Certaines années, des prix étaient attribués aux chars, ce qui entraînait des jalousies entre carnavaliers ayant pour conséquences des bagarres et même des sabotages de chars pendant la nuit dans les hangars où les chars étaient stockés. Cette pratique fût abandonnée pour éviter tout incident.

Concernant la politisation du carnaval, il existe deux types de chars : Les chars granvillais, chars de quartiers, qui brocardent volontiers la politique locale propre à Granville (Dragon 50, Caserne des pompiers, politique de la ville…) et les chars individuels qui se concentrent plus volontiers sur une critique de la politique nationale (paroles du Président, la SNCF, crise pétrolière, paradis fiscaux, parachutes dorés, crise….)
Il existe des thèmes interdits : sujets licencieux et contraires aux bonnes mœurs. Lors d’un précédent carnaval, un char représentant une papamobile avec un pape bénissant la foule avait été très critiqué, au point que certains commerçants sponsorisant la fête voulurent se retirer de l’entreprise.
Certaines allusions politiques sont difficilement cernables et n’ont qu’un rapport lointain avec le thème du char. Le char N° 21 représentant une grotte préhistorique portant le nom "Élysée" et "attention fossiles, ne pas karcheriser", semble être plus proche d’une simple marque humoristique.

Certains chars, comme le char N° 10 "Rase ta moquette" n’ont pas d’idée particulière quant au thème que les créateurs veulent donner à leur char. C’est au fur et à mesure de la création que viennent les idées ; on réutilise parfois les idées des années précédentes, ou bien on s’inspire des idées des autres. M. Popov, chômeur ne vit que pour le carnaval et son char, ; il devient la vedette pendant ces cinq jours, mais n’a pas d’idée conductrice dans l’élaboration du char. Dire que ce char fait allusion à la lutte anti-drogue serait exagéré, car les carnavaliers ne pensent qu’à faire admirer leur char et sont loin d’être des ennemis de la bonne chair et des plaisirs. On peut remarquer la phrase "Si c’était légal ça se sauré" : M. Sauré était à une certaine époque, un commissaire de police particulièrement attaché à la lutte anti-drogue dans la région.
Si, pour certains chars la politisation est évidente, pour d’autres, il est parfois difficile de dégager une véritable revendication politique locale ou nationale, et il faut voir dans certaines phrases un simple trait d’humour concernant l’actualité. On a tendance, à l’observation des chars dans le détail, à vouloir trop intellectualiser le thème et voir d"« Travailler plus"», reprend, selon son auteur, un véritable costume de travailleur d’usine, le bleu de chauffe, symbolisant le travail pénible. Ce vêtement de travail est devenu rare mais a été utilisé il y a quelques années comme déguisement bon marché par les jeunes. La combinaison de travail était surtout utilisée dans les ateliers de réparation d’automobiles et portaient la marque. L’usine actuelle, largement robotisée n’utilise plus le bleu de chauffe mais des blouses blanches. A l’origine, le char avait été pensé avec un toit en dents de scie, mais trop complexe à réaliser, la tôle ondulée a été préférée".

1 Propos recueillis auprès de M. Fabien Lefebvre, co-créateur du char " La vie en rose" ; char entré depuis dans les collections du Mucem. Il sera présenté dans le cadre de l’exposition "Le monde à l’envers" proposée par le musée en 2014.

Chars et costumes sont les éléments matériels qui traduisent l’esprit du carnaval. Ce sont des créations, chaque année recrées (à l’exception du char des Demoiselles, prévu pour durer une dizaine d’années) où interagissent références symboliques proprement carnavalesques (rituels d’inversion, figures grotesques…), recherche esthétique, humour très poussé et savoir-faire acquis par l’expérience. La créativité est aiguisée par l’émulation des différentes équipes travaillant dans des ateliers communs, tout en tentant de conserver secrète leur œuvre.

Costumes et chars ont depuis toujours été conçus et fabriqués à partir de matériaux de récupération (bois, ferrailles, journaux, cartons, tissus), pour l’essentiel conservés d’une année pour l’autre. Il s’agit d’un parti pris économique exigeant mais qui permet à chaque groupe de mettre en œuvre et d’exposer aux yeux de tous ses savoir-faire en la matière.
Régulièrement, le Comité d’organisation du carnaval achète, dans la mesure de ses moyens, auprès d’autres manifestations similaires des éléments de chars (figures, bases motorisées…) qui sont adaptés et transformés par les comités de chars.

Il n’existe pas de constructeurs de chars ou costumiers professionnels. Ils sont donc le produit d’une mise en commun de compétences artistiques et techniques et de savoir-faire qui s’accumulent au fil des années et se transmettent au sein et entre les divers comités dont la composition est fluctuante. De ce fait, l’ensemble de la communauté carnavalière participe à la transmission.
Les connaissances et les savoir-faire sont avant tout transmis de manière informelle. Dès le plus jeune âge, les enfants vivent le carnaval et c’est le cercle familial qui est le premier lieu d’initiation : imaginer un char, choisir un thème, comment se déguiser, comment intriguer, comprendre l'histoire du carnaval. Le contact avec les adultes expérimentés permet de s’initier progressivement aux arts et techniques nécessaires à l’élaboration d’un char, des plus simples comme la peinture aux plus compliquées comme la mécanique ou l’électricité. Les comités comprennent souvent parmi leurs membres des artisans possédant les savoir-faire nécessaires à de telles créations (mécanique, menuiserie, chaudronnerie, peinture…).
Face à un essoufflement de la transmission aux jeunes de l’esprit de carnaval, au début des années 2000, le comité a développé avec succès, outre des temps spécifiques dédiés aux enfants comme la cavalcade et le bal des enfants du samedi, des actions de sensibilisation notamment sous forme de concours organisés au sein des établissements scolaires de la région.

- Un concours de dessins dans les écoles du pays granvillais favorisant une réflexion avec les élèves sur ce qu’est le carnaval. L’affiche officielle du carnaval est choisie parmi les 700 dessins recueillis qui font l’objet d’une exposition à la médiathèque municipale.

- Un concours de masques ouvert à tous les collégiens du Département, de nature à développer des capacités créatives utiles à la fabrication d'un costume ou d'un char.

- Un “tremplin” musical, car la musique qui rythme chacun des temps du carnaval est l’un des modes d’accès à son esprit et à sa culture : Il s’agit d’un concours ouvert aux lycéens de toute la Basse- Normandie qui représente pour eux l’opportunité de se produire devant un large public.

En 2013, s’est tenu le 139e carnaval, selon la chronologie officielle qui remonte à 1875, date de la première affiche connue. L’origine du Carnaval sans doute très ancienne demeure inconnue. Déjà sous la révolution, une délibération du Conseil municipal atteste d’une fête déguisée "immémoriale" le jour du mardi-gras: "le 21 pluviose de l’an IV (11 février 1796)…des enfants de la ville, pour célébrer d’après un usage immémorial et que la Révolution n’a pas encore aboli, le jour du mardi gras, jouaient des tours aux passants et pour renchérir les uns sur les autres, appliquaient du noir délayé dans de l’huile sur la figure et même sur les habits des femmes…".

L’activité morutière a dominé l’activité du port granvillais du XVIIe au début du XXe siècle. Le carnaval coïncidait fréquemment avec le départ des marins pour une campagne de pêche de plusieurs mois. Il est fort probable que ce lien a donné une dimension particulière à cette fête rituelle dont l’origine est certainement bien antérieure.
C'est dans le dernier quart du XIXe siècle qu'il prend sa forme actuelle et qu’il acquiert une renommée dépassant le cadre local et régional, à la faveur de la naissance de l’activité balnéaire et du développement des voies de communication. Si cette renommée n’est pas sans doute pas étrangère à la perpétuation du rituel, elle ne l’a pourtant pas transformé en attraction de nature touristique. Il demeure avant tout une manifestation de l’identité de la communauté locale qui s’exprime notamment par une indépendance et une causticité envers les pouvoirs constitués.

- Publication

- Relais par les médias

- Actions de sensibilisation envers les jeunes

- Site Internet : Carnaval de Granville

Différentes actions ont concouru à la mise en valeur et à la promotion de l’évènement telles que l’édition en 2003 de l’ouvrage Granville, Mémoires de Carnaval, essai de synthèse historique due à trois carnavaliers, ou l’ouverture régulière des hangars au public souhaitant découvrir les techniques de
fabrication des chars.
L’idée d’une candidature émise en 2009 a été un facteur essentiel de la reconnaissance en tant que patrimoine culturel du carnaval, désormais unanimement appropriée comme élément de l’identité granvillaise. Les nombreux articles de presse et reportages audiovisuels relatant les réunions de préparation de la candidature et les dernières éditions du carnaval ont été autant d’occasion d’évoquer publiquement la question du sens et de la place du patrimoine culturel immatériel dans le monde contemporain.

La mobilisation technique et financière des acteurs locaux tant publics que privés assure de fait la reconnaissance d’un élément structurant de l’identité du territoire et de la communauté des habitants.
La très forte et ancienne fréquentation du public, en provenance de Normandie, des départements voisins et de la région parisienne, témoigne de l’appropriation de cet événement festif et rituel bien au delà des limites de la collectivité. Les médias locaux et régionaux, et dans une moindre mesure nationaux, en font une large couverture.
La démarche entreprise par la ville de Granville pour l’obtention du label "Pays et Ville d’Art et d’Histoire" qui prend en compte cet élément du patrimoine culturel immatériel au même titre que le patrimoine historique et monumental est d’ores et déjà un facteur de reconnaissance public.

Malgré son ancienneté et sa vivacité, ce n’est que récemment que la communauté a pris véritablement conscience du fait que le carnaval constitue un élément essentiel de son identité et de sa cohésion. La collecte de sa mémoire est une entreprise nouvelle à laquelle participe de nombreux Granvillais et carnavaliers.

L’unique production écrite est due à trois carnavaliers :

- BOUGEARD Jacques ; GOËLAU Jean-Louis ; SANTIER Jean-Marc, 2003. Granville, Mémoires de Carnaval, éd. Inédits et introuvables,  164 p.

En 2008-2009, Le Mucem, dans le cadre de son "Programme Carnaval" portant sur différents carnavals en France et à l’étranger, a réalisé une description ethnographique de celui de Granville et un reportage photographique (accessible en ligne sur la base PhoCem). Les résultats de ce programme seront présentés lors de l’exposition "Le monde à l’envers" programmée en 2014 et un catalogue éponyme édité. Un char de Granville collecté à la suite de cette enquête sera présenté dans l’exposition.

Si le carnaval a longtemps fait l’objet d’une organisation assez informelle, elle est depuis 2004 assurée par une association qui regroupe l’ensemble des carnavaliers. En son sein, sont annuellement élus la quinzaine de membres du Comité d’organisation du Carnaval. Cette nouvelle structuration permet d’une part un renouvellement régulier de l’équipe de coordination, d’autre part d’assurer l’indépendance du carnaval par rapport aux pouvoirs publics. Elle facilite l’évolution de la manifestation et son adaptation permanente aux évolutions de la société locale auxquelles sont très attachés les carnavaliers.

Une personnalité juridique propre facilite également la pérennisation de la manifestation. Ainsi le Comité d’organisation provisionne chaque année des fonds pour pallier à des difficultés temporaires d’organisation ou pour soutenir un groupe dépourvu des ressources nécessaires à la construction de son char. De son côté, la ville de Granville, autre membre de la communauté carnavalière, a approuvé en 2011 un dispositif permettant, en cas de défaillance du comité, d’assurer la continuité du carnaval. Le comité a mis en place divers dispositifs pour favoriser la transmission de la tradition notamment envers les jeunes.
En 2009, le Comité d’organisation du carnaval a proposé aux carnavaliers de solliciter l’inscription du carnaval sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel. Cette initiative a suscité parmi la communauté un regard nouveau sur cet élément de l’identité collective et a favorisé une action de constitution d’une mémoire collective de cette manifestation éphémère à laquelle s’associent de nombreux membres de la communauté. Dans le cadre d’une convention avec la ville, les musées municipaux et la médiathèque sont mobilisés pour accompagner cette démarche.

Dans le cadre de cette candidature, les principales mesures proposées sont :

Organisation du carnaval :

1) Maintenir les conditions financières et techniques d’organisation de cette manifestation qui rassemble chaque année près de 100 000 personnes. À ce titre la Ville de Granville poursuivra son important soutien financier au comité d’organisation – actuellement de l’ordre 40 000 € soit environ le quart du budget total – et continuera l’aide matérielle et logistique apportée par ses services techniques : modification du plan de circulation, pose de barrières, installation de podiums et de divers aménagements, nettoyage…

2) Conserver et renforcer le cadre juridique mis en place par les carnavaliers qui permet de renouveler régulièrement et démocratiquement les membres du comité d’organisation. Le carnaval n’ayant jamais été figé dans la forme, il s’agit de lui permettre de continuer à évoluer et à demeurer une expression de l’identité, nécessairement changeante, de la communauté des habitants.
L’indépendance du comité, émanation de la population locale, est un gage du maintien de l’esprit d’impertinence et de causticité propre à ce type de manifestation. La prise de possession de la ville par le roi du carnaval en est le symbole fort. Outre son indépendance par rapport aux pouvoirs locaux, le comité d’organisation veillera à ce que le respect des communautés ou des groupes soit, dans l’esprit de la convention, clairement intégré au règlement intérieur adoptés par les carnavaliers.

Conservation et mémoire :

3) Développer, en lien avec les musées et la médiathèque, la collecte d’éléments constitutifs d’une mémoire historique et contemporaine du carnaval, de nature à renforcer son appropriation par la population locale et à permettre une prise de conscience de sa nature évolutive. Les trois musées municipaux entretiennent, par vocation ou origine, un lien étroit avec le carnaval : Le musée du Vieux-Granville par sa vocation historique et ethnologique est un vecteur important de la mémoire et de l’identité locale, tandis que le musée d’art moderne Richard Anacréon et le Musée Christian Dior sont en rapport avec de grandes personnalités littéraires et artistiques qui ont entretenus des liens forts avec le carnaval.

Valorisation :

4) La ville poursuivra, en continuant à y associer la communauté carnavalière, ses démarches en vue de l’obtention du label "Ville et Pays d’Art et d’Histoire". Des carnavaliers participent aux groupes de travail créés par la municipalité en vue de l’obtention de ce label auprès de l’État. Ce projet, visant un enrichissement du tourisme culturel, permettra de développer sur le long terme des actions d’animation et de valorisation interagissant entre patrimoine matériel et immatériel tout en mettant en avant les spécificités de ce dernier. L’inscription sera ainsi le vecteur d’une prise de conscience de la diversité des traditions carnavalesques et des cultures populaires dans le monde et plus largement du patrimoine culturel immatériel.

5) Mettre en œuvre, en lien avec les acteurs culturels et touristiques locaux des outils de connaissance et de diffusion. Est envisagée la publication d’un nouvel ouvrage consacré au carnaval qui, tout en mettant en avant son rapport avec l’histoire maritime locale, offrira une perspective avec
d’autres rituels carnavaliers et favorisera la visibilité du patrimoine culturel immatériel. La réalisation d’un documentaire audiovisuel en vue d’une diffusion télévisuelle est aussi envisagée. D’autre part, l’action pédagogique sera renforcée auprès des publics d’âge scolaire avec la création de documents appropriés. De même la problématique du Carnaval sera intégrée dans les dispositifs de découverte touristique de la ville ; l’objectif étant de pouvoir évoquer toute l’année cet élément du patrimoine par essence de courte durée. À une échéance de 4 ou 5 ans, ces dispositifs seront renforcés par une exposition spécifiquement consacrée au carnaval (à Granville, dans les villes portuaires et ailleurs dans le monde). Celle-ci pourrait être itinérante.

6) Utiliser les outils et réseaux numériques à la fois pour accroître la lisibilité du carnaval en tant que patrimoine culturel immatériel, pour renforcer la cohésion de la communauté et des groupes participants et pour contribuer, sous un mode participatif, à la collecte des éléments participants de sa mémoire.

Rencontrer :

7) Développer des liens et créer des échanges culturels avec les autres carnavals, en France et à l’étranger.

Préserver le carnaval des conséquences involontaires produites par l’inscription :

8) Manifestation très populaire et suivie par un très large public, le risque majeur encouru par le carnaval est celui d’une marchandisation à des fins uniquement touristiques et commerciales. Cette question a été anticipée par le comité d’organisation qui en 2004 a rétabli la gratuité de la manifestation pour le public qui avait été maladroitement abandonnée durant quelques années. Par ailleurs, le fait que la communauté des carnavaliers se soit structurée en association dotée d’un règlement intérieur apporte une garantie à la préservation de l’esprit et de la forme de l’élément. Pour y veiller le comité d’organisation se dotera d’une commission thématique chargée de suivre et d’analyser les éventuels effets de la future inscription sur la liste représentative. Plus globalement, le comité d’organisation s’attachera à faire reconnaître auprès des autorités, les carnavals comme expression d’une véritable culture populaire.

Personne(s) rencontrée(s)

- M. David Letort (Président du Comité d’organisation du Carnaval de Granville) et les membres du comité d’organisation du Carnaval
- Municipalité de Granville

Localisation (région, département, municipalité)

Région de Basse-Normandie, Département de la Manche Ville de Granville

Adresse : 2, rue des artisans
Ville : Granville
Code postal : 50400

Téléphone : 06 18 65 46 75
Adresse de courriel : carnavalgranville@yahoo.fr
Site Web

Dates et lieu(x) de l’enquête : 2009 et 2012-13, Granville (50).
Date de la fiche d’inventaire : Mars 2013
Nom de l'enquêteur ou des enquêteurs : Nathalie Lemarchand et Pierre Schmit (Crécet) et Patrice Bekus (Mucem, 2009)
Nom du rédacteur de la fiche : Pierre Schmit, Crécet

N° d'inventaire Ministère Culture : 2013_67717_INV_PCI_FRANCE_00321
Identifiant ARK : ark:/67717/nvhdhrrvswvk29r

Comment contribuer à l'inventaire : la méthode : http://pcilab-new.huma-num.fr/contribuer
Accéder à la fiche sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carnaval_de_Granville

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